Weapon X Par Barry Windsor Smith
A bien des égards la plus grande histoire du griffu est embarrassante pour le canadien: voici quand même un récit où il est maltraité, où il dort nu dans la neige dans ses excréments et les viscères de ses victimes !
Lui qui fait toujours preuve de suffisance est débarrassé de ses gimmicks, de ses cigares, son costume jaune disco et des Xmen !
C’est véritablement la force du récit qui se joue à deux niveaux: il s’agit de donner au fameux anti-héros de Marvel des origines à la hauteur de sa réputation.
La plupart des héros ont acquis leurs pouvoirs dans la souffrance: Hulk,bien sûr,mais aussi Daredevil, Spidey ou les Fantastiques.
Pourtant Wolverine les bat à plate couture: Weapon X décrit une expérience inhumaine à la violence incroyablement actuelle pour une histoire sortie il y a trente ans.
Qu’est ce qui différencie Wolverine des autres héros? Il sort de cette histoire traumatisé,amnésique,brisé de corps et d’âme.
La dernière image de l’album est certainement la plus bouleversante: cet homme qui a abominablement souffert errant nu sous la neige après avoir connu l’enfer.
En poussant la métaphore un peu loin, le sort de Wolverine n’est pas sans rappeler la barbarie nazie: un homme déporté loin des siens,soumis à d’atroces expériences médicales, réduit à un état animal, luttant pour garder sa dignité dans un univers privé de compassion,de chaleur humaine. Et bien sûr sa fuite du complexe n’est pas sans rappeler le sort épouvantable qui attendait les rares échappés des camps de la mort: faim, froid, peur, paranoïa .
Mais le deuxième niveau est le mode de narration de BWS: il est possible de lire cette histoire sans rien connaitre de Wolverine et de l’apprécier ! Il est également possible de ne rien lire d’autre et d’ignorer doctement les autres récits consacrés au poilu réalisés par une kyrielle de tacherons, Daniel Way en tête !
Pourtant Weapon X ne transforme pas pour autant Wolverine en victime. Même en légitime défense, il commet à son tour des meurtres atroces qui le damnent à jamais. Voilà le vrai Logan: un type maudit qui sait que la rédemption que Charles Xavier lui offre est impossible. Un tigre qui accepte d’être apprivoisé pour ne plus mettre les autres en danger. Quasiment muet du début à la fin, Logan est littéralement mis à nu. Disséqué couche après couche de tous les aspects de son mythe, il n’a jamais été si grand !
Un album dont les puristes peuvent être fiers, une incursion courageuse d’un média souvent infantile dans l’âge adulte. Un point de repère indispensable pour se rappeler que Wolverine, le vrai est là et non pas dans les contrefaçons grossières des films lui étant consacré.
Pourtant Weapon X ne transforme pas pour autant Wolverine en victime. – J’aime beaucoup ton paragraphe qui met en lumière le fait que Barry Windsor Smith réussit à ne pas apporter de caution morale au fait que Logan tue ses geoliers. Logan est effectivement prisonnier de sa condition, une situation perdant-perdant. Soit il accepte de se laisser mettre en cage et il compromet sa personnalité ; soit il accepte son côté animal et il ne peut plus prétendre à faire partie de la société.
Une très belle critique à la hauteur d’un récit devenu quasi mythique au sens propre et figuré! Merci