Arrowsmith par Busiek et Pacheco
Un article de : TORNADO
1ère publication le 30/06/14 – MAJ le 08/11/23
VO : Images Comics
VF : Editions USA- Delcourt
Arrowsmith est une mini-série de six épisodes (ainsi qu’un prologue) créée par le scénariste Kurt Busiek en 2003.
C’est une sorte d’uchronie relatant la première Guerre mondiale à travers un monde dans lequel évoluent toutes les créatures des contes et légendes nordiques, des dragons aux trolls, en passant par les magiciens, les vampires et les loups-garous !
C’est l’histoire d’un jeune homme venu du fin fond du Connecticut, rêvant de gloire et d’aventures, qui s’engage dans l’armée de l’air (façon magicien, avec dragons volants…) et qui arrive dans le conflit le cœur rempli de courage et de noblesse, pour finalement se heurter aux horreurs bien réelles de la guerre.
C’est une histoire d’amitié et d’amour, racontée dans le tourbillon des grands récits romanesques.
C’est enfin une parabole sur la folie des hommes. Ou tout le talent d’un scénariste qui sait prendre un décor merveilleux et d’un dessinateur qui sait réaliser de belles images pour nous raconter la plus horrible des histoires : la nôtre.
La lecture de l’ensemble est un bonheur du début à la fin. Arrowsmith possède tout autant le souffle des grandes fresques hollywoodiennes, la magie d’un Walt Disney et la poésie à la fois merveilleuse et pessimiste d’un film de Terry Gilliam.
La technique narrative choisie pour nous conter cette histoire est d’un raffinement inouï, qui nous fait partager les sentiments du héros de l’histoire à travers les lettres qu’il écrit à ceux qu’il aime.
A maintes reprises, l’univers de Kurt Busiek nous renvoie au cinéma de Frank Capra, où les destinées s’entrecroisent pour mettre en valeur l’aventure humaine de l’homme social. Je m’étais déjà fait cette réflexion à la lecture d’Astro City, et Arrowsmith enfonce définitivement le parallèle dans mon esprit.
Le lecteur est immergé autant dans les scènes d’actions que dans les moments intimes, voire domestiques que traversent les personnages. La guerre selon Kurt Busiek commence comme un enchantement, une ode patriotique digne des grandes propagandes.
Puis, subtilement, brusquement, tombe dans l’horreur la plus extrême. A sa manière de conteur « comme dans les contes de fées », le scénariste ne nous épargne pas davantage que les fresques guerrières les plus dures vues au cinéma ces dernières années (Il faut sauver le soldat Ryan, La Ligne Rouge).
Voilà une œuvre majeure sur le thème tant et tant ressassé des horreurs de la guerre et de la folie de l’homme, vulgarisé par le prisme du comicbook, façon merveilleux. Assurément ce que j’ai lu de meilleur de la part de cet auteur, auquel j’ai toujours reproché un manque de tension narrative.
Mais cette réussite ne serait pas aussi exceptionnelle sans les talents combinés du dessinateur Carlos Pacheco, de son encreur Jésus Merino, et du coloriste Alex Sinclair.
Le premier livre des planches magnifiques, des pleines pages d’anthologie et des doubles pages fourmillant de détails allant du bâtiment architectural majestueux, aux accessoires anachroniques les plus divers, aux foules de créatures héritées des contes et légendes, qui parviennent à cohabiter dans la cohérence la plus harmonieuse.
Ses personnages sont beaux et vibrants d’humanité, son trait est gracieux et précis comme une peinture de Raphael. Désormais, son travail sur cette mini-série sera un des premiers que je citerai lorsque l’on me demandera de me remémorer les plus belles créations graphiques que j’aurais pu lire dans un comicbook.
L’encrage de Jésus Merino est également d’une rare perfection. Il sublime littéralement le trait de Pacheco et apporte un surplus de grâce à des contours déjà très harmonieux. Son sens du plein et du délié fait des merveilles là où il y avait suffisamment de détails pour que l’on ne sache pas par où commencer !
Le travail d’Alex Sainclair est également parfait, qui réussit à donner au récit la lumière et la couleur des plus beaux contes de fées, sans pour autant amoindrir l’horreur des combats ni la mélancolie qui gagne peu à peu les personnages.
Tornado, j’avais oublié de te dire, cet article-là aussi m’avait décidé à acheter le bouquin et je n’ai pas été déçu !
J’ai bien aimé l’inventivité dans le mélange magie/grande guerre. Un récit non manichéen et Pacheco était au top. Seul bémol, on aurait aimé prolonger le récit au moins jusqu’à la fin de la guerre voire après…
Voilà qui fait plaisir à lire de bon matin !
Comme JP (mais avec beaucoup plus de retard à l’allumage), ton article m’a incité à lire cette histoire. J’ai éprouvé ce que tu as décris : un amalgame réussi entre différents genres, pour finir par montrer la réalité de la guerre de façon décillée.
J’appelle le monde entier à lire cette perle absolue du monde des comics.
Un one shot à ce point encensé par Tornado et qu’on trouve à 15€ ? Allez…d’accord. Je l’ajoute à ma liste.
Ma mémoire me joue peut-être des tours, mais j’a l’impression que la planche avec le géant des glaces et les soldats provient en réalité de la mini-série Ultimate Thor d’Hickman.
http://hypalphacomics.forumactif.com/t2779-ultimate-comics-thor-3-of-4
Donc, Tornado, même si je suis moins enthousiaste que ton article, je ne regrette pas mon achat : ça se lit tout seul ! Je trouve parfois le dessin un peu bâclé (sur quelques très rares cases), mais les couleurs sont splendides et les compositions impressionnantes. C’est très iconique sans être racoleur. Mais ce qui me plaît le plus, c’est l’originalité de l’histoire, qui raconte si bien la première guerre mondiale. Il n’y a pas de vraie originalité quant au déroulement, j’ai dû voir quelques rebondissements dans des films de guerre, mais le monde imaginaire ici décrit m’a enchanté. Le principe de raconter par lettres me rappelle l’article d’Alex sur les bulles de pensées : il s’agit d’un moyen détourné de nous faire partager les réflexions de Arrowsmith tout en incluant les autres personnages. C’est un beau travail d’écriture. Et tu as raison, le grand format apporte un plus. Merci donc pour la découverte !
Et là le dessin ne te dérange pas ? 😉
J’y comprends rien moi à tes standards^^
Je n’ai pas de standards !! 😀
Le dessin ne me dérange pas parce que très dynamique. Par moments je le trouve un peu loupé mais il ne m’a pas dérangé dans ma lecture.
Sur le grand format que l’on a eu en France, Jesus Mérino que j’ai rencontré a été impressionné. Il a tenu mon édition pendant un long moment trouvant que cela rendait hommage à la qualité de leur travail à tous.
La première mini, celle critiquée ici, qui a désormais le nom de ARROWSMITH : SO SMART IN THEIR FINE UNIFORMS (pour la différencier de la seconde mini ARROWSMITH : BEHIND ENEMY LINES publié en 2022)
Elle a été ré édité en VO dans une très belle édition. Dans les crédits (américain) quel plaisir de voir que notre ami Thierry Mornet est cité et remercié car on lui doit les dialogues en Français dans l’édition VO.
À quand la publication de la seconde mini en VF, d’ailleurs ? (et j’attnds toujours la suite de THE AUTUMNLANDS aussi).
Deux arcs seulement pour THE AUTUMNLANDS actuellement. Kurt Busiek a signalé qu’il travaillerait à la suite avec son ami Benjamin Dewey.
Pour la suite de Arrowsmith soyons confiant pour 2023 (j’y crois mais shut …).
« Enchanteur », c’est le mot !
J’avais trouvé le dessin exceptionnel. Mais là, maintenant, je ne me souviens pas s’il y avait des défauts.
Et c’est effectivement un très beau travail d’écriture. C’est le travail de Busiek qui m’a clairement éveillé sur cet auteur (dont j’avais lu des choses médiocres chez Marvel). Sa nouvelle création, « The Autumnlands », est un bijou. Le peu que j’ai lu d’Astro-city m’a fait très forte impression et j’ai déjà écrit ici le bien que je pense de son Conan.
Ah mais j’avais lu Marvels ! J’avais bien aimé, surtout grâce au dessin de Alex Ross. Mais ça remonte, il faudrait que je les relise. Et donc que je me les achète… Cela fait également longtemps que je suis intrigué par Astro City, puisque Présence en fait une pub dithyrambique.
Je viens enfin d’assouvir ma curiosité et de lire les 2 tomes de Camelot Falls (une histoire de Superman écrite par Busiek, également dessinée par Parcheco) et c’était excellent.
Ah oui, « Camelot Falls ». Il me semble que c’est ce qu’il avait fait de mieux sur Superman. Mais ça commence à dater dans mon souvenir ! J’en avais écrit le commentaire à ma zone.
Oh une mini-série, voilà quelque chose qui m’intéresse.
Les planches sont belles et le thème est très novateur, je vais voir merci!
J’ai jeté un oeil sur la nouvelle édition. Elle est pas mal du tout et reprend tous les épisodes de celle que j’avais trouvée en grand format, mais en plus petit format… Reste à savoir si la suite vaut le coup et quand elle va sortir en VF.
» Reste à savoir si la suite vaut le coup et quand elle va sortir en VF. » Stay tuned 🙂
J’ai enfin feuilleté cette nouvelle édition. C’est une très belle adaptation fidèle du recueil américain, qui avait été retravaillé par Busiek et Pacheco.
La traduction a été refaite (Merci à Thierry Mornet qui a prêté son concours aux textes en Français), format et nouvelle colorisation respectés. Le flip book (Arrowsmith #0) est également présent car il ne se trouvait que dans la version intégrale (histoire en un seul tome) des EDITION USA (ceux qui avait ARROWSMITH en deux tomes ne l’avaient pas). Et surtout il y a un très long et gros cahier rédactionnel pour mieux comprendre d’où viennent les première idées et creuser un peu plus l’univers de cette uchronie avec des dessins inédits de Carlos Pacheco. Un complément essentiel pour ceux qui possèdent les éditions USA.
Il y a également la carte qui est publiée au dos de la front page cover cartonné. Un très bel objet, que je recommande bien évidemment. Je signale que je ne touche aucun royalties dessus 🙂
La suite, ARROWSMITH : BEHIND ENEMY LINES pour début 2024, toujours chez Delcourt.