Kroma par Lorenzo De Felici
Un article de BRUCE LITVO : Image
VF : Delcourt
Quelques spoilers mineurs pourront venir assombrir votre lecture
Kroma est un récit complet écrit et dessiné par Lorenzo de Felici qui raconte en préface avoir eu l’idée de cette histoire il y a 15 ans lorsqu’il travaillait en tant que coloriste. De SIN CITY à PLEASANTVILLE en passant par LA LISTE DE SCHINDLER, il liste l’importance que revêt la couleur dans la narration.
Il s’agit de la première oeuvre complète de l’illustrateur d’OBLIVION SONG une série que Robert Kirkman scénarisait.
Dans cette dystopie, il ne reste sur terre que quelques milliers d’habitants.
La cause de cette hécatombe, des predateurs impitoyables ont traqué tous les êtres humains et le seul moyen de leur échapper a été de construire une citadelle où toute trace de couleurs a été éradiquée.
C’est ici que le lecteur fait connaissance de Zet, une jeune homme qui vit dans un village couvert de cendres, où tout doit évoluer en noir et blanc, où même les aliments sont couverts de poudres diverses pour en effacer les couleurs.
Une fois par an, un rituel est de chasser un bouc émissaire désigné comme ayant participé à cette hécatombe. Loin du monstre qu’il pensait voir, ce monstre a les traits d’une délicate jeune fille – Kroma- aux yeux vairons. Jet va alors mettre en doute tous ses acquis et s’attacher à Kroma avant que…
Disons-le, le pitch de KROMA est assez audacieux et promet beaucoup : explorer le rapport de l’humain aux couleurs et son impact sur nos émotions voire nos civilisations.
La génération Y aura été celle qui pour la première fois depuis un siècle aura dû être confinée pour éviter d’être éradiquée. KROMA s’inscrit dans le Zeitgeist (le personnage principal s’appelle d’ailleurs Zet!) de cette jeunesse enfermée par des ainés conservateurs et renvoie bien entendu au pitch déveleoppé il y a déjà une dizaine d’années de cela dans L’ATTAQUE DES TITANS.
De Felici écrit des pages assez passionnantes sur les stratégies mises en place pour vivre dans un monde en noir et blanc, où la moindre manifestation colorée entraine comme dans le très bon survival SANS UN BRUIT une mort immédiate. Mais le personnage n’est pas non plus sans rappeler San de PRINCESSE MONONOKE, une enfant sauvage qui se désintéresse progressivement des hommes qui se sont coupés de la nature et avec qui il va entrer en guerre avec Zet en lieu et place d’Ashitaka pour servir de trait d’union entre une société conservatrice qui survit sur des acquis arriérés et une nature qui ignore toute notion de compassion.
Pourtant le récit s’embourbe quelque peu dans sa dernière partie. Si les dessins de De Felici et ses couvertures ont une forte identité graphique, s’il sait mettre en scène de manière remarquable combats, poursuite, et attaques sous formes de couleurs, il s’avère être un conteur assez limité, bien plus qu’un Sean Murphy que son trait peut évoquer.
Il sait poser son décor, mettre en place la dramaturgie et les enjeux du récit mais très vite ses personnages font du surplace en attente d’un twist aussi décevant que convenu. Alors que le lecteur peut attendre de Kroma et de son éveil naturel une certaine grandeur, la voilà qui se comporte cimme un personnage sanguinaire à peine préféreable au patriarcat qu’elle combat (ses couleurs sont celles du drapeau LGBT).
Soit.
De Felici a le droit de donner à sa création la direction qu’il souhaite et libre à lui de doter ses personnages de travers moraux de son choix et Kroma peut prétendre avoir raison d’agir comme elle le fait. Il n’empêche que la fin de son personnage est terriblement diviseur et sans grande envergure.
C’est aussi surtout le sentiment De Felici a créé un concept peut-être trop vaste pour être exploré en seuleentent 4 chapitres, trop ambitieux pour le cantonner au traditionnel Nature Vs Culture.
Un joli coup d’essai, remarquablement illustré, plein de bonnes idées qui laisse présager du meilleur pour De Felici s’il travaille davantage ses gammes en tant que scénariste. On lui souhaite une jolie carrière. haute en couleurs.
La BO du jour
La couv est splendide
ta conclusion fait écho à ce que je pense souvent des comics indé prisonniers d’un format qui possède toujours un gout de trop peu… Entre synopsis pour futures séries TV et CV pour être embauchés par les big two, j’ai du mal à toruver des titres vraiment intéressants en ce moment.
Je crois que je me suis fait avoir pas la couv. J’ai acheté et … j’aime pas trop. Je galère un peu à la lecture !
Ah ?
J’ai trouvé ça assez fluide et agréablement raconté.
Oui la VO était très agréable à lire. Connaissant DELCOURT je n’ose parier sur une mauvaise traduction.
Bonjour,
Je suis intrigué par la manière dont l’artiste/auteur gère les couleurs dans cette histoire.
Le format en 4 chapitre ne me dérange pas : je préfère une histoire trop courte qu’une série inachevée, et Image est un peu le chantre des titres qui ambitionnent d’être le prochain Walking Dead mais qui s’interrompent au bout de 10 numéros
C’est assez difficile de gauger chez Image.
ça devrait dépendre de l’histoire à raconter, certaines aurait besoin de plus de place et d’autres disparaissent pour des raisons stupides.
La palme de la déception. Pour moi c’est Morning Glory…j’ai adoré le début et le scénariste a accepté douze projets Marvel, et j’ai perdu de vue le truc.
Il y a eu une série sympa intitulé TEMPS MORT en VF, je ne sais pas si ça a eu une fin ce truc…
MORNING GLORY c’était Nick Spencer, c’est ça ?
Spencer en effet. Pas de fin. Il a laissé cela en plan. C’est comme BATTLECHASERS (qui a repris) un des plus gros serpent de mer de chez Image.
Nick Spencer : BEDLAM : Série absolument grandiose, géniale, immense, une tous les dix ans maximum comme ça. Abandonnée après deux tomes…
🙁
Bcp de prétendants et si peu d’élus…
Les comics souffrent de leur succès parce qu’il y en a tellement qui sortent, à présent, que je n’arrive plus à suivre et, même parce que ça ne fait plus très envie, tout ce barnum…
Tu écris ici que les dessins ont une forte identité graphique. Ça ne se voit pas sur les scans. Ça fait pro, mais générique.
J’ai l’impression qu’on a passé un cap. La machine est désormais ronflante et ne surprend plus. Plus que jamais, des gars comme Ennis ou Remender sortent du lot et, punaise, on voit bien de plus en plus qu’ils vont nous manquer le jour où ils vont raccrocher leur manteau…
Le blog reste précieux pour ça : Nous tenir au courant par ses articles en profondeur.
La BO : Classique. Là aussi le temps a fait son affaire : Ça sonne madonnien à mort. Toute une époque de variétoche sympa (la seule époque où je trouve que la variété est plus intéressante que le reste !!!).
Des gars qui sortent du lot, par définition, il y en a toujours peu.
Ca a toujours été le cas et ça le sera toujours.
Les productions génériques sans saveur constitueront toujours la majorité de ce qui sort. C’est pas nouveau, ça ne changera pas. Mais quand Ennis ou Remender auront raccroché leur manteau, d’autres scénaristes talentueux auront pris la relève.
Ca sera peut-être pas aussi bien, ou bien, qui sait, ça sera peut-être même mieux. Ca sera en tout cas différent.
Il ne tiendra qu’à notre curiosité et à nos envies de découvertes de nous pousser à aller à leur rencontre, s’il nous reste la volonté et l’énergie pour cela.
Aujourd’hui, des scénaristes comme James Tynion IV, Si Spurrier et quelques autres proposent régulièrement des choses très intéressantes. Et Tom King plane très loin au-dessus de la mêlée.
« Toute une époque de variétoche sympa (la seule époque où je trouve que la variété est plus intéressante que le reste !!!). »
Mwouahaha. 😉
Je ne suis pas fan de Tom King mais, oui c’est son nom qui revient le plus souvent.
Des personnalités artistiques aussi originales, brillantes et iconoclastes que des Alan Moore, Warren Ellis et Garh Ennis ? J’ai franchement des doutes. Avant eux y en avait pas (Byrne ? Claremont ? Stan Lee ? Englehart ? et même Gerber ? But seriously ???). Après eux ? Franchement ? Les Ram V et Tom King ? Ils sont au même niveau ? C’est une blague ???
Des Picasso et des Michelange il n’y en a pas eu à chaque génération. Non, non, et encore non.
Alan Moore, il est hors concours. Des Alan Moore, il y en a un par siècle.
Derrière lui, il y a eu une grosse génération de scénaristes britanniques qui ont bien bousculé les petites habitudes du comics ricain. Ennis et Ellis en font évidemment partie mais avant eux il y avait eu Milligan, Morrison, Gaiman et quelques autres.
Les planètes se sont alignées pour leur donner des conditions favorables à l’affirmation de leur talent (dont bien évidemment la création du label Vertigo).
La donne a changé aujourd’hui. On ne retrouvera plus ce bouillonnement.
Mais d’autres scénaristes émergeront.
Et pour ma part, je considère déjà un Tom King comme un très grand scénariste, à la voix forte, puissante et singulière.
En même temps, Titi, si leurs bouquins dorment sur tes étagères, tu peux pas savoir 😉
Haha, depuis tout ce temps mes étagères ont diminué de moitié. Il y a notamment le superslip qui a été expurgé…
J’étais fan absolu de la Madonna des années 80, mais il y a une énorme différence : Cindy Lauper est une chanteuse, pas la Ciccone
Que ce soit pour Madonna ou Lauper, j’aime beaucoup cette pop chaleureuse et très bien produite. Sur les albums, c’est moins ça.
Mais cette chanson est le Live to tell de Cyndie Lauper, celle où elle prouve qu’elle peut chanter des choses profondes et authentiques.
En fait ce que j’ai compris en côtoyant des gens de l’édition, c’est que -toutes proportions gardées- lancer une série, la vendre et la faire vivre est devenue avec la crise de l’édition aussi onéreux que de produire un film. Beaucoup de candidats, très peu d’élus.
Remender est déjà un vieux, Ennis, un ancêtre.
Les nouvelles stars s’appellent désormais Ram V, Tynion IV, Tom King ou Taylor.
« Les nouvelles stars s’appellent désormais Ram V, Tynion IV, Tom King ou Taylor. »…
Voilà, pour moi aucun nom ne m’attire vraiment.
Taylor fait du très bon boulot sur le super héros. mais bon à part ramener des animaux familiers, je ne vois pas trop quel apport il a concrètement. il tient mieux la caractérisation que ses collègues.
Le peu que j’ai lu des autres me donnent quand même l’impression que leur plus grande ambition dans la vie serait de vendre un pitch à Netflix…
Le seule que je ne connais pas et donc je ne vais pas dire quoi que ce soit c’est RAM V qui est très bon pârait-il.
Tom King, à part des séries sur la crise de la quarantaine, il fait quoi?
Je vais même dire qu’ne définitive, ce ne sont même pas des gens que je n’aime pas…Bendis, Lemire, ils m’énervaient mais parce qu’ils avaient un style, une voix reconnaissable et une patte « bd »,
Matt Kindt, à chaque fois que je le lis, je trouve ça, facile, travaillé et bien fait pour un résultat agréable
Je garde un excellent souvenir de lecture de Oblivion SOng.
De Felici a le droit de donner à sa création la direction qu’il souhaite : Monsieur est trop bon. 🙂
Les planches que tu as choisies sont superbes.
Bonsoir.
En accord avec ton article Bruce. La lecture en feuilleton, mensuellement fut très agréable.
On sent en effet une cassure au niveau du scénario vers la fin du 3ème numéro et une fin finalement étrange vis à vis de l’ambition. A noter un twist surprenant, au premier numéro.
Mais pour un premier scénario c’est quand même d’un bon niveau. En plus le récit est auto contenue. Il appellera à une suite ou non 🙂
Graphiquement j’ai beaucoup aimé. Le jeu sur la couleur est superbe.
J’aime bien ta référence à PLEASANTVILLE, film que j’aime beaucoup, proposant au delà d’une belle histoire d’amour, une réflexion intéressante sur le bonheur et la ségrégation.
Bonne référence comme cette BO qui m’enchante car j’ai toujours eu un petit faible pour la production de Cyndie Lauper, notamment son TRUE COLORS ou bien l’album HAT FULL OS STARS.
Bonne pioche, Boss.
Je me sens moins seul à avoir observé cette rupture de rythme, ouf !
Très bon article qui va à l’essentiel. En effet le pich rappelle Sans un bruit (très bon) mais aussi BIRD BOX (très bof) et sans doute d’autres films ou bds récentes (je pense à MECANIQUE CELESTE par exemple), une idée dans l’air du temps peut-être. Tu me rappelles que je dois revoir MONONOKE, que je n’ai toujours pas vu PLEASANTVILLE ni L’ATTAQUE DES TITANS.
J’ai feuilleté l’album, c’est sympa mais pas non plus assez fort graphiquement, je ne suis pas convaincu ni attiré.
La BO : objectivement c’et un bon titre qui plus est bien choisi ici mais qui m’a toujours gonflé.
Tu as largement de quoi faire en réserve…
Présentation très courte pour un comics qui en a aussi l’air.
Je suis friand de ce genre de prestation artistique lorsqu’un artiste s’exécute à la double tâches de l’écriture et du dessin.
Tu as pris des références mangas de points qui ne peuvent susciter que mon intérêt.
Merci pour le partage