Kiss me Satan par Victor Gischler et Juan Ferreyra
BRUCE LIT
VO : Dark Horse
VF : Faut pas rêver….
Kiss me Satan est une mini série en 5 épisodes scénarisée par Victor Gischler et dessinée par Juan Ferreyra. Ce dernier est connu pour avoir illustré la série Rex Mundi dont la publication n’a jamais été achevée en France chez Milady (hein Tornado ?). Toutes les couvertures sont signée par Dave Johnson.
Il s’agit d’un récit auto-contenu avec une fin ouverte pour une suite des aventures de Barnabus Black dont il n’est pas question à l’ordre du jour.
Bruce Lit n’a pas encore vendu son âme au diable : cette review est garantie sans spoilers !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Victor Gischler n’aura pas marqué les esprits plus que ça lors de ses passages sur le Punisher ou sur les Xmen où il achevait de faire de Jubilee une vampire psychopathe.
Avec ce Kiss me Satan, il parfait sa rédemption d’aimable faiseur comme il y’en a des milliers dans l’univers du comic book à celle d’auteur dont on brûle de suivre la carrière.
Et de rédemption, il en sera question tout au long de cette histoire. Barnaby Black est un démon condamné à vivre sur terre et effectuer des missions pour Dieu en repentance de sa trahison durant La Chute. Invulnérable à la magie grâce à une mystérieuse amulette, Barnaby reçoit ses ordres de son agent de liaison Jules (!) son ange gardien à cigare, dans l’espoir de reconquérir son auréole.
C’est ainsi que Barnaby va débarquer à la Nouvelle Orléans, qui, comme chacun le sait est la capitale des Loups-Garous. Il va devoir protéger quatre sorcières dont les têtes ont été mises à prix par le caïd lycanthrope du coin. Avec un pitch aussi mince, Giscler et Ferreyra entraînent leurs lecteurs dans 5 épisodes terriblement addictifs, violents et drôles. Dès la première page, Gischler vous chope par les roubignoles et ne desserre jamais son étau. On commence avec Barnaby qui s’enfuit d’un café poursuivi par une horde de démons qui ne lui pardonnent pas d’avoir trahi le grand Satan.
Ce n’est que l’apéro, car au cours de ces pages survoltées, Barnaby va affronter des loups garous, des vampires, un cowboy qui réanime les morts et des sorciers. Il aura aussi le temps d’arracher un oeil, d’ avoir une relation sexuelle elle et de dévoiler sa véritable apparence dans un twist aussi jouissif qu’inattendu.
La dernière fois qu’on a lu un truc aussi tordu, absurde, grinçant c’était quand ? Preacher ? Bien entendu Gischler ne dispose pas d’autant d’espace qu’Ennis pour développer ses personnages qui restent tous très sommaires et se limitent à une caractérisation. Mais ce n’est pas gênant puisque c’est le propre du Grindhouse où l’action l’emporte sur les personnages ou, tout du moins, les définit.
Qu’on aille pas croire que Kiss Me Satan soit un divertissement débile ! En fait, si ! Mais non ! Ce n’est sûrement pas un comic book qui va changer votre perception de la vie, des choses et des gens. Pour ça, on a Gaiman ou Moore. Mais il n’est pas donné à tous de savoir divertir sans se ficher de la gueule du monde, sans viser l’adaptation cinématographique (les habitués de la maison sauront de qui on parle ici…), de pondre une histoire qui détourne tous les clichés d’horreur pour mieux se les approprier.
Affrontement dans les cimetières, zombies, lycanthrope, sorcières, démons et mafia: savoir condenser ça en moins de 150 pages pour en faire un récit complet et maîtrisé n’est pas à la portée du premier venu. Le lecteur déboule dans Kiss Me Satan comme s’il connaissait les personnages et leurs motivations depuis des lustres.
Tout est fait pour susciter le plaisir de lecture sans racolage sur la voie publique : un dessin à l’encrage très appuyé, un minimum de cases dans les gaufriers, des cadrages originaux et stylisées, un lettrage énorme mais surtout une réelle maîtrise de l’art ludique. Tout au long de son histoire Gischler fait une habile melting pot du cinéma Grindhouse, mais aussi du jeu video et des comics de Frank Miller époque Sin City et d’Azzarello pour 100 Bullets.
Tout est lié : la calvitie de Barnaby et ses aventures musclées, pétaradantes et érotiques avec des filles dangereuses évoque bien sûr Dwight le héros récurent de la série dont la malchance n’a d’égal que sa volonté de bien faire. On pense aussi bien sûr à Milo Garrett et ses pulsions suicidaires, sa galanterie mêlée de violence qui lorgnait déjà sur les personnages de Miller. Barnaby cache sa véritable apparence sous une enveloppe humaine ; Milo sous des bandelettes. Un démon et une momie ! Et le trait d’union entre Miller et Azzarello : Dave Johnson qui illustre les aventures de Barnaby.
Quant au jeu vidéo, avec son nez crochu, sa calvitie et et son bouc triangulaire, on jurerait voir en Barnaby une incarnation du fameux Kratos spécialiste ès destruction massive de créatures fantastiques. Les références continuent avec le Cow-Boy Victor qui rappelle le grand vilain de la série Metal Gear : Revolver Ocelot. Enfin, le combat final sur fond vert et bullet time évoque à la foix Matrix que Max Payne.
On aurait tort de faire de Kiss Me Satan une série toute en name dropping. Car elle a ses qualités intrinsèques : une science du rythme qui jamais ne faiblit, une alternance entre grosse baston et moments plus intimes servis par des dialogues brillants et caustiques, une intrigue convenue de vengeance, de clan, de pouvoir mixée à des scènes toujours plus surprenantes. D’autres auraient soufflé le chaud et le froid, Gischler, lui, n’écrit que des braises !
On termine cette lecture de Kiss Me Satan fourbu mais heureux : avec Grindhouse justement de Alex de Campi, Dark Horse fait décidément du sur mesure en ce moment avec des séries sorties de nulle part, qui font mouche à chaque fois. Des mouches qu’on ne voudrait pas voir tournoyer au dessus de Barnaby Black tant cette série mériterait une suite !
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I Need a Sideshow 4/5
Après avoir transformé Jubilee en vampire dans des X-Men de triste mémoire, on n’attendait plus grand chose de Victor Gischler. Pourtant avec ce « Kiss Me Satan », il signe un album jubilatoire où des loups garous se bastonnent façon « God of War » dans une ambiance Grindhouse. Coup de coeur de Bruce Lit.
La BO du jour : des grands méchants loups partout !
Hé bien, ça fait plaisir à lire de découvrir à quel point tu t’es éclaté dans cette lecture.
J’étais un peu moins convaincu par que toi par la verve de Gischler, mais j’avais également bien aimé cette lecture parce que les auteurs s’amusent à réaliser un récit appartenant au genre horreur, s’adressant à des adultes pas dupes, avec un composante second degré bien présente tout en restant discrète, pour une aventure bien violente, sans être décérébrée, rapide sans être privée de suspense.
Moi j’aime les plaisirs inattendus, les lectures qui sortent du bois sans avoir peur du loup.
« Dès la première page, Gischler vous chope par les roubignoles et ne desserre jamais son étau »
Je sais pas pourquoi, mais perso ce n’est pas un super argument de vente pour moi ça^^
Sinon tout cela à l’air sympa.
Je me demande pourquoi tu rechignes toujours à lire le Ghost Rider de Aaron. Juste parce qu’il y a des mecs avec une moto ? On est loin de la lecture de niche adressée aux motards pourtant. Et dans le genre grindhouse auto-contenu décalé plein d’humour et de liberté de ton, ça se pose là quand même.
« Des mouches qu’on ne voudrait pas voir tournoyer au dessus de Barnaby Black tant cette série mériterait une suite ! »
Voilà une bien belle formule !
Merci.
@Artemus: you’re welcome amigo !
@Matt : bon je vais faire un effort d’autant plus que Présence m’en a passé un exemplaire. Mais, il est vrai que je déteste de près ou de loin tout ce qui a rapport avec des héros à moto. Que penses tu de la ressemblance avec Kratos ?
Mais on s’en fout qu’il ait une moto. Si l’histoire prenait place dans un gang de motards je comprendrais que leur « culture », leur mode, leur comportement te gonflent. Mais bon là tu mettrais une bagnole à la place ça changerait que dalle à l’histoire. C’est purement esthétique le truc. On n’évolue pas dans une société de motards.
Kratos ? Ben j’sais pas. Visuellement, oui il y a un peu de Kratos, c’est vrai. Mais après, vu que Kratos est un gros con détestable dans les jeux, à part dans le premier et les spin-off où il a encore une once d’humanité notamment en présence de sa fille aux Enfers, j’sais pas si ce genre de héros m’attirerait.
Ça a l’air super !
totalement le genre qui me plaît quand c’est bien foutu. Et je suis sûr que j’arriverai à y trouver un rapport entre le fond et la forme ! 😀
La dernière image de l’article donne un exemple de découpage sympa. Mais ça ne m’intéresse pas suffisamment pour chercher à le lire (c’est terrible, en ce moment, j’ai une de ces flemmes…)
Le dernier truc que j’ai lu, c’est un roman d’Ellory, suite à l’article sur Chicagoland… (oui, je sais que ce n’est pas du Grindhouse, mais c’est pour dire au Boss que je ne dédaigne pas tous ses conseils de lecture…)
@JP: tu as fini Les Anonymes ?
@Tornado: encore eut-il fallu que tu hablasses l’ingles….
@Matt: à la différence de Kratos, Barnaby est plutôt sympathique.
@Tornado: c’était toi qui était fan de Rex Mundi je crois. Tu as reconnu le style du dessinateur ?
@Bruce : j’ai fini les Anonymes. J’ai trouvé que… « c’était bieng. »
J’ai davantage été marqué par certains passages (les derniers instants d’un perso, les pensées d’un jogger…) que par l’intrigue globale.
Aargh! Pas de VF ?
Salut Seb’
Et bien, qui ne tente rien, n’a rien. L’article a été envoyé à Olivier Jalabert de chez Glénat Comics. Sait-on jamais….
Ca a l’air marrant, mais le dessin fait un peu trop amateur pour moi, par certains côtés. Et puis je ne suis pas certain que ce simple divertissement m’intéresse, comme toi, cela me rappelle pas mal d’autres choses : BPRD, le jeu de rôle In Nomine Satanis / Magna Veritas, The Goon… Donc pourquoi pas, mais si on me la prête.
Quant à la BO je ne connaissais pas du tout mais c’est bien fun !
Quelle était bien cette mini série. Ton article m’a donné envie de me la ressortir, surtout pour Juan Ferreyra (j’espère que vous avez lu son COLDER d’ailleurs).