Faith : Hollywood & Vine par Jody Houser et Francis Portela
Par BRUCE LIT
VO : Valiant
VF :Bliss (prochainement)
Faith : Hollywood & Vine est une mini série mettant en scène la super-héroïne Faith Herbert aka Zephyr rencontrée dans la série mère Harbinger.
Acclamée par la critique, cette mini série a immédiatement donné naissance au titre solo de la super-héroïne bien en chair. Jody Houser est au scénario et Francis Portela assure les illustrations. Chaque épisode comporte 2 pages de Marguerite Sauvage appelées les Fantasy Sequences.
Oh oui ! C’était inévitable ! Faith Herbert fait partie de ces personnages de BD qui, dès leur première apparition, attirent le regard pour voler (sic) la vedette au héros et devenir des icônes à part entière tels Vegeta, Tryphon Tournesol, Frank Castle ou Wolverine.
Notre héroïne nous rappelle cet héritage. Celui, où physiquement, c’est pas gagné pour le personnage : Wolverine et ses poils sur ses muscles de camionneur, Puck le nain de la Division Alpha ou encore Thaddeus le bossu de Photonik.
C’est la franche réussite du personnage de Faith, après des années de Millardises, autrement dit la représentation généralisée dans les comics d’adolescents obsédés par la célébrité, le fric, les réality show (de ses Xmen à ses Ultimates en passant par Civil War, tous sont accrocs à la gloire convoitée par Millar) notre amie réconcilie son lecteur avec l’esprit héroïque des Comics.
Entendons par là, celui d’un Peter Parker pur et désintéressé, où les super pouvoirs sont indissociables des valeurs que porte le personnage. Notre actualité terroriste le montre cruellement. Ce qui fait la différence entre eux et nous, ce sont bien la croyance en la liberté, la démocratie, le respect de la vie de l’autre et de ses opinions. Et il y avait bien des lustres qu’un super héros de ce type n’était plus apparu.
Certes Kickass et Invincible avaient tenté d’originales revisitation de l’esprit Parker. Mais Kirkman et Millar n’avaient pas pu résister longtemps avec plus ou moins de réussite à la surenchère de bidoche et d’ultra violence pour pousser le genre dans ses retranchements. Rien de mal à ça. Sauf que tout le monde fait aujourd’hui de l’anti-super héroïsme ! Et qu’on ne me parle pas de la nouvelle version tête à claque-je-n-arrête-pas-de-geindre de Spider Gwen aussi superficielle qu’insignifiante !
Faith, donc on l’attendait plus. Elle même apparaissait dans la série Harbinger, sortes de Xmen magnifiques où l’on se marrait pas beaucoup non plus et où,là aussi, l’ultra-violence avait droit de cité. Face au sérieux voire la dépression des personnages, Faith tranchait dans le vif : si elle ne fait pas le clown comme Bobby Drake, notre amie était dotée d’une joie de vivre irrésistible débordant de son corps enrobé.
Alors que Faith aurait tous les droits de se lamenter de son corps qui lui vaut moquerie et discrimination, Faith à défaut d’être très maline ou très puissante, est un chant d’amour à la gentillesse presque surnaturelle et à l’enthousiasme. Ce n’est pas pour rien que son surnom est celui d’un oiseau: le zéphyr.
Lorsque commence cette minisérie, Faith s’est installée à L.A après la dernière aventure des Renégats de Harbinger. Elle dissimule son identité derrière une perruque rousse, les lunettes de Clark Kent et un pseudo en hommage à Scott Summers : Summer Smith. Faith est une blogueuse qui travaille pour une boite geek. Faith, va enquêter sur la disparition de jeunes mutants qui vont l’amener à son lot de vilains, de bagarres et de cas de conscience.
On pouvait craindre le pire : la série n’est pas écrite par le papa de Zephyr, Joshua Dysart après tout. Mais dès la première page, on sent que l’on peut faire confiance à Jody Houser dont l’écriture enthousiaste et décomplexée rappelle celle de Joss Wheddon. La première séquence voit des enfants noirs pourchassés par une horde de silhouettes menaçantes. Un album qui commence en rendant hommage à l’ouverture de God Loves, Man Kills ne peut être totalement mauvais. Très vite, c’est évident, Hosuer sait parfaitement ce qu’il fait, connait ses codes super héroïques sur le bout des griffes qu’il applique avec une tendresse et une fraîcheur équivalentes à celles de son personnage.
Oui, Faith Herbert évolue sous une identité secrète. Mais sa rondeur et sa perruque ne trompent pas grand monde. Lorsque la vie de ses amis est en danger, elle oublie le folklore du changement de costume pour voler à leurs secours. Lorsque son identité est dévoilée , Houser déploie des trésors d’humour et d’inventivité pour que l’aventure garde de son piquant. Confrontée à des choix de vie et de mort, fan de comics Marvel, elle surmonte son épreuve en adoptant les valeurs de ses héros pacifiques : trouver une solution lui permettant de ruser et de triompher de ses ennemis sans les massacrer. Houser écrit dans le dernier épisode une très belle déclaration d’amour à ces valeurs humanistes qui ont bercé l’enfance et l’imaginaire de notre héroïne. Une idée chère à Steve Seagle et Paul Dini qui dans leurs oeuvres prouvaient que nos super héros imaginaires pouvaient avoir une influence sur nos comportements face à une situation de crise.
Faith est admirablement bien dessinée. A aucun moment Portela ne triche sur la corpulence de notre héroïne : aucune ambiguïté, Faith est grosse, elle a un triple menton et des hanches volumineuses. Et pourtant, le lecteur est capable de s’affranchir par la grâce de son langage corporel à l’apesanteur, de partager avec elle le bonheur de voler comme un oiseau, de se sentir plus léger porté par l’euphorie du personnage et survolté après avoir aidé les plus faibles. L’énergie d’un JrJr sans la raideur est perceptible.
Quant aux séquences oniriques de Marguerite Sauvage (cocorico !), c’est un véritable régal ! Bien plus qu’un fill-in, ces séquences n’interrompent rien et viennent au contraire compléter l’histoire en nous connectant à l’esprit fantasque de Faith. Baignée de culture populaire, Faith se représente souvent une scène qui va aller à l’encontre de son fantasme. Son esprit est un joyeux bordel de Soap Opéra, d’amour fétichiste et de représentation dramatisée avec humour. Lorsqu’elle décide de quitter ses amis et de voyager solo loin de Harbinger elle prend une pose avec Ray ban toute droit sorti du DD de Nocenti et du Spider-Man de la saga du clone.
Que ce soit chez Sauvage ou Portela, le lecteur finit par apprivoiser les rondeurs de Faith en souhaitant qu’elle ne les perde jamais tant elles font partie de l’identité intrinsèque du personnage. Un personnage qui via son énergie tourbillonnante et son imagination rappelant celle de (l’anorexique) Ally Mc Beal finit par séduire son public et nous réconcilier avec le genre super héroïque : oui, il est encore possible de raconter des histoires charmantes du bien contre le mal sans être niais, ni avoir des super-crevures finies cyniques et désenchantées.
Faith raconte la réconciliation d’un genre autant que celle d’une femme avec son corps hors des canons de beauté. Du postmodernisme qui a digéré le passé en s’irriguant des codes des ados d’aujourd’hui : Tweeter, Facebook et tout le bazar. Un grand écart délicat qui réconciliera jeunes et moins jeunes Comics Addicts. Faith, bienvenue dans la famille ! T’es canon !
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La BO du jour : Faith !
https://www.youtube.com/watch?v=lu3VTngm1F0
« Certes Kickass et Invincible avaient tenté d’originales revisitation de l’esprit Parker »
La dernière Miss Marvel en date (la jeune musulmane), peut également être inclue dans cette catégorie je trouve (« Parker-like »).
Salut Pierre,
Je déteste cette Kamelia Marvel. En fait dans la première version de mon article j’en disais tout le mal que j’en pense avant de l’édulcorer.
J’ai lu le tome 1 il y a deux au sortir du comic con. J’ai trouvé ce personnage chouinarde, insupportable et sans aucun intérêt. Je trouvais que l’aspect musulman du personnage était sous traité, un alibi pour MArvel pour vendre du papier.
Cependant, je n’ai pas lu les autres tomes et, en réfléchissant, 5 épisodes c’est trop tôt pour se faire une opinion. J’ai donc supprimé ma phrase pour parler de personnages que je connais mieux.
Dans une de mes lectures traitant de la manière de conduire notre existence pour diminuer le mal-être, vivre avec les autres ou développer notre capacité à l’altruisme (un livre teinté de spiritualité bouddhiste), j’avais lu une remarque qui m’avait fait penser à ce que tu dis dans l’article Bruce. Cette remarque c’était simplement qu’il était regrettable de nos jours que dans les mentalités les bons sentiments, la compassion, l’amour d’autrui soient souvent associés à de la niaiserie irréaliste.
Et moi j’ai pensé à ces histoires de héros désabusés et cette tendance à ne plus vouloir paraître niais en racontant juste des histoires de gens sui se viennent en aide.
Donc j’approuve ta remarque. Même s’il y a aussi de la place pour des héros désabusés par souci de réalisme triste, il faut des persos comme Parker pour raconter de belles histoires aussi.
D’après les quelques épisodes de Harbinger que j’ai lus, c’est sûr que Faith est un beau personnage très positif. Cette mini m’intéresse mais… merde, ça voudrait dire qu’il faudrait que je craque pour l’intégrale Harbinger avant !
Pinaillator (le beau-frère de Relektor) : Zephyr, c’est pas d’abord et avant tout le nom d’un vent ? Désolé si je me trompe, ne m’envoyez pas des noms d’oiseaux 😉
Hé ben ! Quelle déclaration d’amour ! Tout comme Bruce : crainte de voir le personnage écrit par un autre auteur que Joshua Dysart, larges sourires devant les séquences rêvées, sourires à répétition devant les conventions des comics de superhéros digérées et utilisées avec intelligence (avec un bel hommage à la famille Summers), vent de fraîcheur à pouvoir retrouver des idées positives sans moqueries.
Jody Houser réussit à éviter la condescendance et la naïveté vis-à-vis de son personnage, en montrant sa capacité à réfléchir aux situations dans lesquelles elle se trouve, aussi bien professionnelles (l’inanité de son boulot dans la presse people en ligne) que superhéros (les remerciements parfois indus dont elle bénéficie).
Ah oui moi aussi je préfère les personnages positifs maintenant. L’âge… Cela dit, le libraire m’a confirmé que Harbinger et Faith (qui arrive plus tard) sont très bien. Damned.
Question à Présence ou Tornado ou qui que ce soit qui vote encore sur Amazon : c’est l’un de vous qui a soudainement mis des votes positifs à mes dernières chroniques (tirées du blog) ? Un grand merci ! C’est assez bizarre 😀
Bel article, concis mais précis.
En règle générale, je préfère les histoires sombres, voire « dark », car elles m’emportent davantage. Mais bien évidemment, si c’est bien écrit, les histoires positives avec des héros positifs peuvent être chouettes aussi (exemple type : certaines oeuvres de Miyasaki comme Kiki). Néanmoins, je pense que la réussite positive est extrêmement difficile et qu’il n’est pas donné à tout le monde de raconter ce genre d’histoire sans être niais. Justement.
Mais peut être aussi qu’on juge trop durement les histoires positives justement parce qu’avec notre monde plein de connards, ça s’est inséré dans nos mentalités que la gentillesse et l’altruisme était « ringard ».
Je me questionne juste hein. Ce n’est pas une critique à l’encontre de tes goûts.
En lisant l’article de Bruce, je me suis posé exactement la même question que toi Matt. Est-ce que montrer qu’on est gentil est devenu un signe extérieur de faiblesse ou de naïveté, une invitation à se faire marcher sur les pieds ? Ça me fait tout drôle de formaliser cette interrogation.
Disons que si on devient nous-mêmes cyniques et désabusés, on va trouver tout ce qui est gentil et altruisme niais. Alors qu’il y a des gens qui tentent d’en faire leur mode de vie sans se laisser gangréner par une société qui n’encourage pas ça du tout.
Pour tenter de le faire au jour le jour, je crois au contraire qu’il faut éviter toute négativité, autant que faire se peut : de toute façon, elle revient très vite, c’est dans notre nature, nous avons besoin de râler, de s’énerver, de déprimer. Mais essayer d’être positif, avenant, amusant est un effort qui en vaut la peine. Les gens se sentent mieux et nous-mêmes nous sentons mieux à prendre les choses de manière positive, combative, ou avec légèreté. Plus le temps passe et plus les choses presque insignifiantes me semblent être les plus importantes, alors que les choses considérées comme importantes sont en fait des freins qui n’ont finalement pas beaucoup de valeur. Et donc peu d’importance.
insignifiantes et importantes pour qui ?
Tu parles de valeurs de société qu’on nous décrit comme les plus importantes et les distractions inutiles ? Si oui, je suis d’accord. On nous bourre le crâne de valeurs capitalistes égoïstes et de désirs d’être en compétition avec les autres, tout le temps.
En effet Matt, mais pas seulement. Le travail, l’argent, le respect comme règle et non comme valeur qui doit être gagnée, les traditions jamais remises en cause, la propriété… je pense que tout doit être remis en perspective. Je supporte de moins en moins les frontières, quelles qu’elles soient.
Bon, ton article m’a convaincu tellement tu invoques les valeurs qui me semblent importantes. Et tes parallèles avec Ally McBeal ou Wolverine sont très parlants. Je crois que je vais craquer aussi pour Faith !
Quant à la BO, j’adore. Il faudrait que je réécoute tout l’album.
Hello,
Étant old school, ayant grandi avec ce fameux charme d’antan sur la condition super héroïque, je ne peux qu’abonder en ton sens.
Superman, dont je suis grand fan, est un parfait exemple. Ses actions désintéressées envers l’humanité le fait passer pour un tocard aujourd’hui. Pour intéresser les gens aujourd’hui, il faut le rendre mauvais. Ça dénature complètement le personnage mais c’est normal ! Quelle tristesse !
POur ma part je crois beaucoup en la bienveillance. C’est sous cet auspice qu’ont commencées nos correspondances sur amazon avec Tornado et Présence. Et ce, quelques soient les violences de mes attaques sur untel et untel. Le meilleur de l’article était toujours pointé.
Cette règle était aussi celle des Ateliers d’écriture qu j’ai suivi 3 ans avant la création du blog. C’est d’ailleurs indissociable. Tenter de ne pas juger l’autre est un exercice intéressant qui améliore notre rapport à la vie et aux autres. Pour avoir pratiqué le strict inverse à l’adolescence, je vois désormais à quel point ceci contribuait à construire son propre mur. L’ironie et le cynisme sont désormais monnaie courante (il suffit de regarder n’importe quelle page Facbook pour cela) et dénote d’un certain désespoir.
Sur Amazon, parfois, j’étais désarçonné : la violence d’attaques d’internautes hargneux contrastait avec l’humour et le respect de Présence et Tornado. C’est là que j’ai compris que écrire est forcément un acte dangereux pour soi et les autres. Que chaque mot compte. Et que la dimension agressive doit être assumée.
Mais au final, la bienveillance me rend la vie plus facile. Et je suis un gros paresseux. J’aime la facilité.
Dernièrement au travail j’ai dû être confronté à un homme incarcéré pour des faits envers enfants…J’ai séparé ma psyché de ce que je pensais de ce crime de mon acte professionnel à poser : voir l’homme derrière le criminel.
C’est bien un exercice très compliqué de décrire sans juger. Bizarre que cela me fasse penser à douze hommes en colère et son humanisme vibrant…
Les super héroïnes au physique « atypique » n’étant pas si courantes que cela (je pense à Karma qui fut obèse un temps, avant de retrouver sa taille de guêpe en un seul épisode ! Weight watcher peut se rhabiller) il faut donc souligner le courage de la démarche.
Je redoute cependant un brin de ne pouvoir me pencher sur cette série avant d’avoir lu la série principale, mais en tous cas je la mets sur ma liste !
Hey, moi qui suis fan de comics dark et qui n’arrive plus à lire du old school trop naïf, Superman fait toujours partie de mes super-héros préférés, au même titre que Spiderman. Tout ça pour dire que ce n’est pas le principe qui est important (les gentils, les méchants, tout ça…), mais bel et bien la manière dont c’est raconté.
A travers vos commentaires, je suis de plus en plus tenté de lire du Valiant. Est on obligé de lire Harbinger pour apprécier Faith?
Hello Lionel,
Sauf si tu as passé la semaine sur d’autres blogs que Bruce Lit et/ou sur la lune, tu sauras que la lecture de Harbinger est fortement conseillée ;).
Pour apprécier Faith, tu peux commencer par cette mini série. Il y a des résumés des principaux events de Harbinger dedans. Mais tu perds bcp de l’essence du personnage en zappant la série Harbinger et notamment la voix de son créateur Joshua Dysart.
J’aurai adoré être sur la lune, mais non. Merci pour ta réponse. J’ai regardé dernièrement les ouvrages de Bliss. De véritables encyclopédies à des prix rappelant la production d’Urban. Mais le porte-monnaie n’est pas extensible. A voir néanmoins.
Je viens de finir cette mini-série, et contrairement à la suite de Harbinger, je pense que je vais continuer à l’acheter tellement tout m’a enthousiasmé ! En relisant ton article, je suis absolument d’accord avec tout. J’ai adoré les dessins (surtout ceux de Marguerite Sauvage) et même si j’ai trouvé que cela se finissait un peu trop rapidement, tu as raison : cela m’a réconcilié avec les supers-slips. Un petit coup de coeur pour moi tellement Faith est lumineuse et ses aventures rafraîchissantes.