Joe l’aventure intérieure par Grant Morrison et Sean Murphy
Première publication le 28/05/14- Mise à jour le 29/08/16
AUTEUR : CYRILLE M
VO : Vertigo
VF : Urban
Joe: L’aventure intérieure est un one shot en huit épisodes réunis dans un seul volume par Urban. Le titre original est Joe the Barbarian.
Adolescent, diabétique, orphelin de père et en pleine galère financière, l’avenir ne s’annonce pas radieux pour Joe, même s’il dessine avec ferveur. Il lui faut en plus survivre au lycée, où des petites frappes le privent de ses sucreries en ce jour morose par lequel commence Joe The Barbarian.
L’hypoglicémie le fera basculer dans un monde étrange où son rat domestique a un rôle prépondérant de guerrier et où des prophéties doivent se concrétiser. Et tout ça entre le grenier et la cave de sa maison, plongée dans le noir à cause d’un orage, en quête d’un soda salvateur.
Martin Wrinckler, un écrivain (et médecin) que je n’ai jamais lu a pris en main la traduction de Joe The Barbarian. Mais pourquoi ne pas laisser Joe le Barbare ? Excepté cela, Urban comics a encore édité un très beau livre. La série en intégralité, qui reprend les couvertures originales des huit épisodes et quelques bonus intéressants : ils éclairent la minutie avec laquelle les dessins ont été pensés et réfléchis.
Car la première force de ce Joe réside dans le dessin de Sean Murphy. Un peu anguleux, très sombre, il rayonne pourtant à chaque double planche, à chaque case d’ambiance pluvieuse. Il génère presque une odeur, caractéristique à chaque lieu visité. Loin des albums habituels qui décrivent une action et se concentrent sur le déroulement d’une histoire, le dessin nous invite à pénétrer un univers presque tangible, aidé par ses nombreuses références aux comics et aux jouets réels.
Ce monde, nous le connaissons presque tous. Même si vous n’avez jamais vécu dans une petite maison de banlieue, ni eu une chambre pleine de jouets, vous avez tous eu votre imagination pour vous évader. Il y a peut-être longtemps, mais elle a existé, aussi sûrement que l’air que vous respirez. Joe l’aventure intérieure est en passe de devenir une de mes bds favorites. Je la trimbale tout le temps en ce moment, tout comme je le faisais avec ; »>Asterios Polyp il y a quelques années.
Enfant et jeune adolescent, je fantasmais sur le livre ultime, celui qui ne me quitterait jamais, qui était doté de pouvoirs magiques, dont je pourrai me servir pour toutes les situations, un livre dont je serai le héros. Je me voyais magicien nomade sans doute. Maintenant, je sais que c’est Douglas Adams qui avait trouvé le guide ultime dans Le Guide du voyageur galactique, et qui ressemblait déjà à une tablette, connectée au réseau sans discontinuer.
Le travail de Morrison et Murphy me rappelle cette période, où l’on cherche à se protéger autant qu’on rêve de faits d’armes glorieux.
Comme dans les Goonies ou The Explorers de Joe Dante, donner un sens à l’enfance, à la rendre inoubliable pour une cause juste. Joe, ce jeune adolescent fragile, y parviendra au bout de huit épisodes trépidants, remplis de rencontres inoubliables. Même si la première lecture m’avait inondé d’informations souvent cryptiques, la seconde a remis les choses en place.
La quête du grenier jusqu’à la cave constitue la grande aventure rêvée, dévoilant le vrai nom qui sommeille en nous, notre raison d’être, notre capacité à vaincre le destin. Pour Joe, ce voyage sur deux étages prendra la forme d’une carte médiévale, mixant Batman, des sous-marins pour nains, des rats géants, des ailes volantes en bois et bien d’autres artefacts tirés de tout l’imaginaire connu.
Encore une fois, Grant Morrison prend une direction complètement différente de ses travaux habituels et écrit une histoire très personnelle, retrouvant l’esprit de l’enfant, un peu comme Goscinny avec Le Petit Nicolas ou Boulet avec ses Notes.
Alan Moore et Frank Miller m’avaient aidé a passé le cap du jeune adulte, sans retour possible en arrière. Morrison m’a rappelé combien l’âme de l’enfant que j’étais m’est vitale et qu’elle ne doit jamais être abandonnée.
Bienvenue Cyrille !
Voilà un aspect humain de Morrison que je n’ai que trop peu lu ! Je pourrai peut être me laisser tenter si je le trouve en occaz’ !
Passionnant. J’ai hâte de découvrir cet univers. Ce commentaire m’a donné envie de braquer une librairie pour trouver un exemplaire… Merci ! et bienvenue sur le site.
@ Matt : Je me dédouane de toute violence des lecteurs de ce site !
Je vois que l’équipe du blog s’agrandit, mais avec une qualité au rendez-vous à chaque fois, merci pour l’article !
Je suis étonné que tu n’aies pas mis également L’Histoire Sans Fin dans les œuvres que rappellent Joe The Barbarian, on est dans un cadre et des thématiques très similaires : le jeune orphelin malmené par les autres enfants, le monde magique dans lequel il s’évade qui interagit avec ses états d’âme…
Si Morrison maîtrise le récit de bout en bout et nous montre une facette de sa personnalité que l’on ne connaissait pas, la vraie claque vient pour moi des dessins de Sean Murphy qui magnifie l’histoire avec son trait fourmillant de détail. Je ne veux pas minimiser l’impact que peut avoir la plume de Morrison sur le lecteur via les émotions qu’il essaie de faire passer, mais la trame en elle-même reste assez convenue… ce qui n’est toutefois pas un vrai reproche de ma part, tant elle est agréable à suivre. Joe The Barbarian occupe pour moi chez Morrison la même place qu’a 1985 dans la bibliographie de Mark Millar, tenant à la fois de l’hommage aux livres et films familiaux de grande qualité des années 80 et de bouffée d’oxygène au milieu de leurs productions plus sérieuses (métaphysico-« vas-y que j’ai parfois trop tendance à me complaire dans l’abstrait » pour l’un, « pipi-caca hype » pour l’autre, du moins pour l’époqu eoù 1985 est sorti).
Un des seuls livre qui reste en permanence sur ma table de chevet, et que je n’ai toujours pas lu de peur de le lire dans de mauvaises conditions !
Bienvenue à toi Cyrille !
Comme j’étais un peu surbooké ces derniers jours, j’ai préféré privilégier les articles qui traitent de comics que j’ai déjà lu !
Bonjour et merci à tous pour cet accueil ! J’espère remettre des articles sur Morrison qui montre son supplément d’âme malgré ses bds cryptées. Content de vous avoir donné envie, mais attention, trop de lecteurs (d’après ce que j’ai pu glaner sur la toile) se sont arrêtés à la première lecture. Et Présence le dira mieux que moi, les correspondances graphiques entre les univers sont possibles à trouver en étant très attentif.
@ Marti Je n’ai pas fait de référence à l’Histoire sans fin car je ne l’ai jamais vu ! Mais je te crois sur parole. Je te rejoins complètement sur 1985 de Millar (que j’ai essayé de conseiller à Bruce récemment) et le parallèle est bien vu (je fais moi-même référence à des films d’ados des années 80). Clairement le dessin de Murphy est une claque, cela m’a fait le même effet que lorsque j’ai lu Le chien dans la vallée de Chambara de Hugues Micol, qui est de toute beauté. J’espère réussir à écrire une chronique sur son Punk Rock Jesus, mais Tornado en a fait déjà une presque définitive et superbement analysée.
@Cyrille M – Bienvenue. Bravo pour ce commentaire qui m’a presque donné envie de rouvrir cette BD qui pourtant ne m’avait pas convaincu.
J’ai commencé à explorer le site de Du9 qui est vraiment très bien, avec une approche sur la BD que je suis incapable d’avoir. Merci beaucoup de m’avoir conseillé ce site il y a quelques temps.
You’re welcome, Présence. Je pense que tu vas pouvoir me conseiller car je n’ai pas été très assidu de Du9 ces derniers temps. Un conseil : évite les commentaires de Jessie Bi. Ou alors, explique-les moi ! 🙂
De plus, je suis un peu perdu pour les bds : je ne suis plus trop les sorties plus ou moins indés que j’affectionnais, et je ne m’intéresse quasiment plus qu’aux comics, mais j’ai un manque de culture phénoménale dans ce domaine. Je suis en train de dévorer les Grant Morrison présente Batman et Sandman… J’ai également un Luba (tome 3 en VF) qui ne devrait pas tarder. Et j’ai du retard, une pile qui m’attend (comme Tornado avec ce Joe).
Tornado, fonce, tu ne seras pas déçu. Prend bien ton temps pour le savourer.
Et merci pour le compliment et l’accueil !
Je te remercie à nouveau chaudement pour m’avoir fait découvrir Du9, car c’est par ce site que j’ai découvert l’une mes lectures les plus vivantes de l’été : Comment Betty vint au monde de L.-L. de Mars. Suite à un autre de leurs articles cette année, j’avais également découvert Watertown de Jean-Claude Götting.
Je ne connais pas ces auteurs, du coup je suis allé faire un tour sur Du9. Jessie Bi a l’air d’avoir enfin trouvé l’équilibre entre ses envolées lyriques et un texte non abscons, puisque c’est l’auteur de la critique sur Götting. Ca a l’air très bien tout ça, merci à toi pour me tenir au courant !
Urban avait d’ailleurs eu une bonne idée de sortir Off Road et Punk Rock Jesus au même moment, on a pu se faire ainsi une idée de l’évolution de son style graphique comme de sa plume.
« Les rediffs de l’été: British Invasion ! »
Souvenirs…Pour sa première review pour Bruce Lit, Cyrille M nous causait de » Joe, l’aventure intérieure » par Grant Morrison et Sean Murphy. Un must have selon lui.
La BO du jour: embarquement immédiat pour un voyage fantastique ! https://www.youtube.com/watch?v=3tD6FayGPyw
Oh ! Mais c’est trop court enfin !
Ahem…pardon. Un joli article mais on regrette en effet que tu ne parles pas davantage des aventures vécues par les personnages imaginaires. A moins que ce soit moi qui accorde trop d’importance à ces chimères. Mais c’est le souci que j’avais en lisant cette BD. Bon…c’est une jolie histoire, ça je ne le nierai pas. Mais j’ai hélas trouvé que ça manquait de chaleur, d’implication émotionnelle. Et on a envie de s’attacher à certains personnages mais on sait qu’aucun n’existe. Et Morisson le sait aussi donc il ne s’efforce pas à nous les rendre attachants. Ces personnages ne sont que des concepts visant à illustrer l’imagination de Joe et pas des personnages passionnants. Mais du coup ben…c’est un peu froid tout ça. Peut être que Morisson voulait éviter l’effet « la quête de l’oiseau du temps » avec Pélisse car c’eut pu être triste (je parle en vieux françOÎs) de les rendre attachants puisqu’ils étaient voués à disparaitre, n’étant pas réels, mais pour moi il manque quelque chose à cette histoire.
Merci Matt ! C’est vrai que c’est trop court, je l’écrirais aujourd’hui il y aurait sans doute plus de texte.
Il est souvent reproché à Morrison son manque d’empathie, la froideur de ses personnages, pourtant je sens un vrai amour de ses personnages. Comme je le dis dans l’article, la seconde lecture est presque nécessaire pour s’investir totalement.
@Cyrille : oui, nous avons tous progressé depuis. C’est le charme de ces rediffusions que de mesurer le chemin parcouru.
@Matt : du coup Cyrille a sorti son grand oeuvre cette année !
@Lionel: Morrison incapable d’écrire convenablement pour un être humain. Mais, où ai je bien pu lire ça auparavant ? J’aimerai tenter l’expérience par pure curiosité intellectuelle, voir comment le mégalochauve écrit un enfant et surtout pour les dessins de Murphy dont j’avais adoré le Punk Rock Jesus.
Bruce, merci pour le titre de Bowie, il est très bien trouvé et je l’aime bien. Merci d’avoir remis ma grande oeuvre en lien, je ne pense vraiment pas en refaire une aussi longue !
Mais je comprends aussi que tu n’as toujours pas lu cette bd…
J’ai trouvé de très beaux fonds d’écran de Murphy qui dessine du Batman, tu me mets donc l’eau à la bouche, Lionel !
En ce qui concerne ce Joe, c’est léger comme ces films des années 80 auxquels je fais référence, mais avec un fond un peu plus élaboré je trouve.
Merci ! Je n’ai pas lu tout American Vampire ni même le spin-off mais j’aime bien cette série. J’ai le Tokyo Ghost en noir et blanc et finalement je me demande si cette série ne serait pas meilleure en couleur.
Oh là là, American Vampire….
C’est plaisant à lire, mais quand même très surestimé je trouve….
Bruce pour le coup, comme le dit Lionel et autant que je peux en juger par ce que j’ai lu ici sur les manies désagréables de Morrison, c’est assez différent de ses travaux habituels. ça ne veut pas dire que tu vas aimer vu que moi j’ai trouvé ça un peu trop froid, mais ça peut se tenter.
Enfin moi je dis ça…je suis mal placé pour comprendre ta position puisque je n’ai pas assez lu de choses de Morrison pour savoir dans quel camp je me trouve (les fans ou les détracteurs) Je suis neutre.
Tout ce que je sais, c’est que j’ai bien aimé ses New X-men. Sans les considérer comme un chef d’œuvre non plus. Je n’ai pas été vraiment gêné par ses tics d’écriture. Il y a des défauts mais comme je me fous pas mal de la bonne réputation de la série, je ne ressens pas l’envie de l’enfoncer outre mesure. Il n’y a rien de pire que les jugements faits en fonction de ceux des autres. C’est comme celui qui met 5/5 comme notation et qui dit « c’est pour remonter la note bien basse, même si ça ne mérite pas 5/5 »
Bah ne mets pas 5/5 alors ! Roo…
Comme si c’était la moyenne finale de la note qui comptait.
C’était un chouette premier papier, et le choix du titre (en hommage à Richard Matheson?) est un contrepoint savoureux au contenu hallucinogène du comics (et au cimmérien de Howard, parangon de la barbarie s’il en est) Je trouve cela ambitieux d’imaginer l’état de manque d’un enfant diabétique et de le transformer en odyssée fantasmagorique vers le graal de sa canette salvatrice, et le résultat mérite plusieurs lectures(notamment pour succomber à la loi de Murphy :-))
Est-ce que tu as lu Le rapport Brodeck? Larcenet n’en finit pas de m’impressionner
Merci Lone ! Oui le titre est une référence au livre et au film, je trouve qu’il colle bien au thème de cette épopée. J’ai attaqué le second tome du Rapport de Brodeck mais je ne l’ai pas encore terminé. Pour tout le reste je ne peux que t’approuver.
C’était un chouette premier article, Cyrille.
Il faudrait que je relise ce bouquin. Je garde le souvenir de chouettes dessins mais d’une intrigue peinant à me captiver.
Merci JP ! Si tu la relis, dis-moi si tu l’as plus apprécié ou non 😉
J’aime Sean Murphy pour son style innovant, proche de celui de Chris Bachalo, son découpage, son sens de la mise en scène. Je ne rate jamais un de ses comics.
Une belel lesson de vie, ce comics, comment faire face à une maladie en developpant son imaginaire.
Mince, une histoire Morrison approuvée par Nicolas !!! Comme pour le parti socialiste, la ligne est brouillée là !
Bruce :
Je parle du dessin de Sean Murphy. Pas du scenario embrouillé et confus de Grant Morrison qui ne connait d’évicence rien au diabète.