Le Crabe Aux Pinces d’Or, par Hergé
Par : TORNADO
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1ère publication 22/02/18- MAJ le 07/11/21
Cet article portera sur le neuvième album (si l’on tient compte également de Tintin Au Pays des Soviets) des aventures de Tintin : Le Crabe Aux Pinces d’Or. Pour mémoire, il s’agit de l’album où Tintin trouve une boite de crabe vide. Grâce à un petit bout de papier indiquant le mot « Karaboudjan » au dos d’un emballage similaire à celui de la boite, il parvient à faire le lien avec la mort d’un marin. Il part alors à la poursuite d’une bande de trafiquants d’opium, périple qui le mènera jusqu’au Maroc.
Cet article est le sixième d’une suite regroupant l’intégralité de la série, après : 1) Tintin Au Pays des Soviets 2) Tintin au Congo & Tintin en Amérique 3) Les Cigares du Pharaon & Le Lotus Bleu 4) L’Oreille Cassée & L’Île Noire 5) Le Sceptre d’Ottokar
Le Crabe Aux Pinces d’Or avait été publié une première fois sous la forme d’un long feuilleton en noir et blanc, entre 1940 et 1941, dans les pages du Soir Jeunesse, le supplément jeunesse du journal belge Le Soir (avant l’occupation allemande, Hergé publiait ses œuvres dans le Petit Vingtième), où il terminera d’ailleurs sa course sous forme de strip quotidien. Comme il le fera avec toutes les premières aventures de Tintin (à l’exception d’un Tintin Au Pays des Soviets qu’il trouvait trop mauvais), Hergé remaniera cette neuvième histoire au moment de sa sortie en album couleur chez son nouvel éditeur : Casterman.
Contrairement à certaines de ses créations qui seront entièrement refaites (Tintin au Congo, Tintin en Amérique, Les Cigares du Pharaon, L’Île Noire), d’autres seront simplement redécoupées et complétées de quelques décors, afin de passer à une pagination immuable de 62 pages. Le Crabe Aux Pinces d’Or sera, quant à lui, le premier à être publié dans sa version couleur en 1943 sans quasiment aucune transformation.
Sur bien des points, il s’agit d’un album de transition au regard de toute la série des aventures de Tintin. Bien évidemment, c’est l’étape qui célèbre l’arrivée du capitaine Haddock auprès du jeune reporter à houppette mais, également, l’album où Hergé maitrise définitivement son art du scénario et du découpage. Contrairement aux précédents, Le Crabe Aux Pinces d’Or était d’ailleurs si épuré qu’il était plus court que prévu et Hergé dû ajouter quatre illustrations pleine-page (issues des hors-textes publiés auparavant dans les journaux) afin d’arriver à la pagination voulue au moment du passage aux 62 planches.
On a lu beaucoup de choses malveillantes à propos d’Hergé qui, à cette époque, travaillait pour le journal Le Soir, dirigé par des collaborateurs de l’occupation allemande (nous reparlerons de cette période complexe dans un prochain article). Ce faisant, Hergé a été traité de nazi, de traitre et de beaucoup d’autres sobriquets injustes.
Évacuons d’emblée toute ambiguïté : Tout cela est faux et constitue au final un véritable ramassis d’inepties et d’accusations mensongères qui témoignent d’une totale ignorance de la réalité. Si les détracteurs de l’œuvre d’Hergé avaient pris la peine de lire les aventures de Tintin au lieu de les salir de leur bêtise, ils auraient bien vu que, dès les années 30 (notamment à partir du Lotus Bleu), l’auteur s’était tenu éloigné des tendances fascistes de son rédacteur en chef au journal le XX° Siècle (l’abbé Wallez), et qu’il commençait à balancer pas mal de critiques acerbes à l’encontre de certains gouvernements agressifs et notamment de la montée du fascisme en Europe. On a par exemple le principal antagoniste de L’Île Noire qui se nomme « Müller » mais, surtout, l’histoire du Sceptre d’Ottokar qui n’est rien d’autre que le récit d’un Anschluss raté, prouvant de manière nette et précise qu’ Hergé dénonçait, bien avant tout le monde, la montée des républiques totalitaires précédant le commencement de la seconde guerre mondiale !
Alors certes, Hergé a publié Le Crabe Aux Pinces d’Or dans un journal tenu par des collabos. Mais c’était pour lui le seul moyen de travailler et de nourrir sa famille. Rien de plus. Rien de moins. Nous pouvons également rappeler qu’au début de la guerre (en 1940 pour être précis), Hergé avait commencé à travailler sur un nouveau récit intitulé Au Pays de l’Or Noir. La fermeture du journal le XX° Siècle mit un terme (provisoire) à cette aventure et l’auteur dû se recentrer sur un autre projet. Cette période est dominée par une crise majeure et toute la Belgique subit les retombées de l’occupation allemande. Hergé commence par fuir cette situation et part avec sa famille se réfugier en Auvergne (un épisode dont peu de gens semble être au courant). Il est finalement de retour à Bruxelles en juillet 1940 et, en septembre, le journal Le Soir lui propose de mettre au point un supplément jeunesse comme il le faisait au temps du XX° Siècle. Si au départ Hergé bénéficie d’un format relativement confortable pour publier son nouveau récit (Le Crabe Aux Pinces d’Or, donc, qui occupe deux pages sur huit), il voit son espace de liberté se réduire jour après jour au point qu’en 1941, il ne dispose plus que d’une demi-feuille (pas terrible pour un collabo de première, non ?). Pire encore : en septembre, Le Soir Jeunesse disparait corps et bien et Hergé doit désormais se contenter d’un minuscule strip quotidien de 17cm sur 4. Tel était donc le fameux épisode qui voudra plus tard qu’Hergé, qui racontait là une histoire sans aucune once de relents de propagande, fut taxé de nazi notoire, antisémite et colonialiste (et nous y reviendrons encore dans l’article à venir sur L’Etoile Mystérieuse)…
Ce malentendu persistant étant à présent évacué, reconnaissons que cette situation aura au moins eu le mérite d’imposer à Hergé une cadence de travail et des contraintes telles qu’il aura été obligé de développer une méthode narrative redoutable afin de raconter les aventures de son héros avec la plus rigoureuse des célérités. Le Crabe Aux Pinces d’Or s’impose effectivement comme le premier récit des aventures de Tintin raconté avec une maestria totale qui le propulse immédiatement au rang des chefs d’œuvre de la bande-dessinée moderne en termes de mise en forme narrative. Ou l’art d’un auteur qui s’est toujours montré capable de transformer tous les problèmes en avantages afin de mener à bien ses projets et de s’imposer, au final, comme le maitre de sa discipline…
Hergé le dira plus tard : Avoir été obligé de raconter l’histoire du Crabe Aux Pinces d’Or sous la forme de strips quotidiens constitués de trois, quatre ou cinq vignettes, l’aura poussé à s’interroger sur le découpage de son récit qui devait, non pas ménager le suspense et la tension à la fin de chaque page, mais bel et bien à la fin de chaque ligne, voire de chaque vignette. Tel est le génie d’un auteur qui, en ce temps là, était entrain d’inventer un medium quasiment à lui tout seul, du moins sous cette forme de récit au long-cours.
L’album contient d’ailleurs un dessin dont Hergé disait qu’il était son préféré : On y voit des soldats touaregs s’arrêter de tirer et prendre la fuite au moment où le capitaine Haddock se déchaîne en leur balançant une tonne d’injures. En une seule image, Hergé parvient à créer une sorte de découpage narratif interne puisque, de gauche à droite, on pourrait presque voir le même personnage arrêter son tir, hésiter, prendre peur, se retourner et fuir à toutes jambes ! Bien que la vignette soit plus épurée, on pourrait la comparer à certains tableaux de maître pour ce qui est de la composition narrative.
L’exemple qui me vient immédiatement à l’esprit date de la période néo-classique du XVII° siècle, à savoir le tableau de Nicolas Poussin qui illustre l’épisode biblique de la Manne dans lequel Moïse, en pleine exode du peuple juif, prie le Seigneur de sauver son peuple de la famine. Un tableau magistralement construit où l’on voit trois groupes de personnages, ceux de gauche mourant de faim, ceux du milieu (Moïse et Aaron en tête) priant le Seigneur, et ceux de droite recevant la Manne. Soit tout un épisode concentré en une seule image fixe !
Hergé aura ainsi réussi, à force de contraintes en tout genre, à dépasser les limites apparentes de son medium afin de le porter à son excellence. Et c’est sur ce point qu’il ne faut pas rater le train en marche : Malgré une apparente simplicité un peu fruste, la puissance créative d’Hergé, à une époque où la bande-dessinée est un art encore balbutiant, est époustouflante, si tant est que l’on sache remettre les choses dans leur contexte.
Comme évoqué plus haut, Le Crabe Aux Pinces d’Or marque l’arrivée dans l’œuvre d’Hergé du Capitaine Haddock. C’est, avec le recul, l’élément le plus important généré par cette neuvième aventure si l’on considère qu’elle constitue une étape charnière dans l’évolution de la série. Et pour cause ! Car le célèbre capitaine s’impose ni plus ni moins comme l’un des personnages les plus marquants de toute la création romanesque ! Alors que Tintin demeurait jusqu’ici une figure assez lisse (dans tous les sens du terme), le voilà soudain flanqué d’un compagnon doté d’une personnalité véritablement hors du commun. Rien ne laissait présager, néanmoins, qu’Haddock devienne une figure récurrente à ce stade de la série.
La rencontre entre les deux protagonistes se fait d’ailleurs de manière contre productive puisque, lorsque Tintin fait la connaissance du capitaine à la page 20 du Crabe Aux Pinces d’Or, le marin n’est purement et simplement qu’un ivrogne pathétique, une véritable loque humaine ne causant que des catastrophes. Pourtant, lorsque Tintin parvient à s’évader du cargo Karaboudjan commandé en réalité par Allan Thompson, le second du capitaine (que l’on avait déjà rencontré dans Les Cigares du Pharaon), il emmène le vieil alcoolique avec lui. Tout se passe un peu comme si, inconsciemment, Tintin avait d’emblée perçu la valeur humaine de son futur ami, quand bien même elle était encore cachée, à ce stade, sous plusieurs couches de décrépitude…
Tintin ne s’y est pourtant pas trompé : le capitaine Haddock demeurera dès lors son ami le plus fidèle, prompt, littéralement, à l’accompagner au bout du monde à la moindre occasion. On a dit beaucoup de choses sur ce vieux loup de mer : Figure paternelle pour un Tintin jusqu’ici apparemment orphelin, émanation humaine d’un Milou trop désincarné pour offrir au héros un comparse digne de ce nom, tout a été imaginé afin de justifier l’apparition d’un personnage venu soudain écraser tous les autres de son épaisseur de caractère. A l’arrivée, Haddock vient en fait s’additionner à une série de personnages déjà entrevus dans certains albums (Les Dupondt, Bianca Castafiore, le señor Oliveira Da Figueira), qui vont peu à peu constituer une sorte de famille de papier et, au final, une véritable famille recomposée.
Haddock est néanmoins le personnage le plus abouti, le plus profond et, à tout le moins, le plus irrémédiablement humain de cette famille fictionnelle. Bourré de défauts et d’aspérités, le capitaine dissimule sous son épaisse carcasse peu commode un cœur d’or et un courage d’acier trempé. Pourtant, il demeure pétri de faiblesses et semble traverser la vie avec autant de béquilles. Bien qu’il soit parvenu, au terme du Crabe Aux Pinces d’Or, à se défaire de son alcoolisme dans sa phase la plus grave, on le voit boire, fumer la pipe, jurer et s’emporter à la moindre occasion, soit tout ce à quoi Tintin est en général capable de résister. A bien y réfléchir, on songe que Milou était lui aussi assez friand de boissons alcoolisées et qu’il était peut-être, effectivement, une ébauche du futur capitaine alors que ce dernier n’existait pas encore !
Nul ne peut savoir si Hergé destinait le capitaine Haddock à occuper une place si importante dans la suite de la série (il apparait d’ailleurs sur la couverture de douze albums sur quinze à partir du Crabe Aux Pinces d’Or). Notre auteur fera pourtant le nécessaire afin que le vieux loup de mer subisse l’épreuve de force et prouve sa valeur en lui imposant d’emblée une cure de désintoxication sévère en matière d’alcool. Effectivement, afin de survivre à leur évasion, Tintin et lui devront traverser le désert marocain immédiatement surnommé par le capitaine « le Pays de la Soif » ! Une manière toute symbolique d’imposer au personnage un défi à sa mesure afin de tester sa valeur et de lui permettre d’entamer au plus vite sa quête de rédemption… et de mériter sa place définitive dans la série.
Evidemment, notre bon capitaine n’aurait jamais connu une telle gloire et une telle place de choix au panthéon des grandes figures de la bande-dessinée (et de la création littéraire tout court) si son auteur ne l’avait pas doté d’un petit quelque chose en plus.
Ce fut le cas avec cette propension à asséner des injures complètement incongrues qui, de Moule à gaufre à Bachi-Bouzouk, en passant par des expressions comme Tonnerre de Brest et Mille Sabords, allaient rapidement propulser le personnage au rang de légende ! Pour ma part, j’ai une appétence particulière pour quelques rares injures et, de loin, mes préférées sont sans doute les plus surréalistes, comme autocrate, iconoclaste, logarithme, jocrisse, phlébotome, mégacycle, anacoluthe, technocrate, pignouf, vivisectionniste, catachrèse, soulographe, ophicléide, topinambour, protozoaire, ravachol, macrocéphale, cercopithèque, rhizopode, amphitryon, mégalomane, sinapisme, écornifleur, oryctérope, hydrocarbure, nyctalope, zapotèque, fatma de Prisunic, cyclotron, ou encore le délicieux et raffiné va-nu-pieds et enfin l’inattendu -et visionnaire- végétarien !
Telle est donc l’importance particulière que détient cet album, qui méritait un article à lui seul tant sa place dans la série et dans l’histoire de la bande-dessinée est essentielle. Le Crabe Aux Pinces d’Or est d’ailleurs l’album des Aventures de Tintin qui aura connu le plus d’adaptations à la télévision et au cinéma. Il y eut tout d’abord un long métrage avec des poupées de chiffons réalisé en 1947, un dessin-animé de la série Belvision (intitulée Les Aventures de Tintin d’après Hergé) en 1961, un autre dessin animé issu de la série télévisée de 1991, et enfin le film d’animation magistral de Steven Spielberg réalisé en 2011, qui mélangeait des éléments du Crabe Aux Pinces d’Or et du Secret de la Licorne.
Si l’on ajoute quelques séquences d’anthologie avec les Dupondt qui font encore les andouilles, les scènes de rêve surréalistes typiques de l’imagination d’Hergé et une poignée de citations littéraires (L’Escadron Blanc de Joseph Peyré, les romans d’Antoine de Saint-Exupéry qui utilisent les mêmes décors sahariens), plus quelques extraits de poèmes et d’opéras, on tient définitivement l’un des albums phares de la série et, est-il encore besoin de le répéter, l’un des chefs d’œuvre de l’histoire de la bande-dessinée, mille millions de mille sabords de tonnerre de Brest !
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Ça y est ! Tintin rencontre enfin le capitaine Haddock ! Mais ce n’est qu’un élément parmi de nombreux autres qui font du « Crabe Aux Pinces d’Or » l’un des meilleurs albums de la série, et l’un des chefs d’œuvre de l’histoire de la bande-dessinée ! On vous refait tout l’historique du monument chez Bruce Lit.
La BO
Non mais sinon sérieusement les gars, je ne demande qu’à vous comprendre au sujet de la musique mais ça me semble compliqué pour moi.
Je peux reconnaître sans problème qu’un Alan Moore raconte mieux qu’un Stan Lee, que tel peintre a davantage révolutionné l’art qu’un autre, parce que même si je n’aime pas, je suis capable de voir ce qu’une mise en scène un découpage, un style évoque quelque chose.
En musique, je ne comprends juste…pas. Pour moi la musique est un art auditif. Si on exclut les spectacles de danse, ce n’est que depuis le XXeme siècle qu’on associe la musique à un look, une manière d’être. Et pour moi c’est du marketing, ça ne m’a jamais intéressé. J’écoute la musique, c’est tout. Tout ce qui gravite autour, je m’en fous. Et si on me dit que je devrais m’y intéresser, je ne peux pas tomber d’accord. Si on me parle de clip alors pour moi ça devient du cinéma, comme un court métrage. Ce n’est plus uniquement de la musique.
Et quand j’écoute de la musique, je suis juste incapable de comprendre comment reconnaître un génie. Si le son me casse les oreilles, ben c’est juste déplaisant, je ne vois pas comment je serais censé reconnaître le talent dedans. Je peux à la limite reconnaître l’originalité ou les pionniers, mais ce n’est pas ce que vous associez au talent (avec raison). Alors vous faîtes comment au juste pour reconnaître un génie musical ?
Comme je vous l’ai souvent dit, je n’aime pas trop parler musique en général justement parce que j’ai souvent l’impression qu’on me prend de haut en m’affirmant qui est censé être un génie et que j’y connais rien (alors attention, ne le faîtes pas, hein !). Sauf que je ne comprends pas; je ne vois même pas comment vous pouvez être objectifs sur de la musique. Moi je ne peux pas. Je suis donc réellement curieux de savoir si vous reconnaissez des génies dans un style qui vous déplaît.
Des génies musicaux que je n’aime pas, il y en a des tas, comme Bob Dylan, par exemple. Je comprends bien ce qui fait l’apanage de son oeuvre : il est un poète et un véritable écrivain, là où son style de musique, rock et folk, ne connait majoritairement que des auteurs qui savent écrire des chansons (sonorité de la musique + sonorité du texte), mais dont l’écriture au sens stricte est très faible en général (la plupart des titres rock, c’est « oh ma chérie tu m’rends fou, ouh ouh baby ! ». Je caricature à peine. J’ai lu ces derniers jours la traduction de « My Sharona », un de mes titres rock préférés, et c’est exactement ça ! 😀
J’ai longtemps préféré (un cliché) les Stones aux Beatles. Aujourd’hui il n’y a pas photo : Pour moi les Beatles sont très nettement au dessus et ils ne souffrent aucune comparaison avec aucun de leurs contemporains : La somme de tubes qu’ils sortent en seulement 8 années, la créativité sans limite à travers laquelle ils parviennent à se réinventer à chaque album, l’inventivité extraordinaire de leurs mélodies, la liberté tout aussi incroyable de leurs arrangements, toutes ces trouvailles qui laissent systématiquement les autres artistes à des lieus en arrière, cet art de « sonner » comme personne à chaque chanson. Tout cette somme artistique et créative, en si peu de temps et si peu d’albums, et en même temps en tellement de chansons, à une époque où il fallait tout inventer, c’est proprement hallucinant. Des génies purs et authentiques. Les véritables Michelange, Raphael, Léonard et Donatello du Rock (référence à la renaissance italienne et non aux tortues ninjas ! 🙂 ).
Tu sembles fan des Beatles, donc là j’imagine que c’est plus facile de se rendre compte de leur talent. Moi j’ai vraiment du mal quand je n’apprécie pas une musique à y trouver quelque chose de bien.
Bon oui en effet je peux reconnaître la qualité des textes. Mais bon…c’est une qualité musicale ou littéraire ? Certains n’écrivent même pas leurs chansons eux-mêmes d’ailleurs.
Enfin pour moi la musique est à part. Sans doute que j’ai tort mais ce n’est pas du tout de la mauvaise foi, je ne parviens pas à analyser ça objectivement. Éventuellement bien sûr si on compare du Beethoven et du André Rieu, je vais voir qui est le meilleur^^ mais bon…entre un Ray Charles et les Beatles, si en plus on mélange les styles de musique, je suis paumé…
@Matt : je te remercie pour ta bonne foi. C’est agaçant pour moi non pas de débattre mais de ne pas de se sentir compris alors qu’il me semble avoir pris des images parlantes pour illustrer mes propos. J’en utilise une dernière. La technique je m’en fous. J’ai même horreur de ça.
Des génies du rock que je n’aime pas ? Led Zep’ : trop frimeurs, trop machos, je déteste la voix de Plant. Hendrix : il est formidable, mais je n’aime pas sa grosse voix (lui aussi la détestait) et son son gras. Zappa un compositeur prolifique mais trop bavard et démonstratif pour moi.
Prenons une image : tu es dans une ville qui s’appelle rock. En la visitant tu as un grand cimetière des victimes de ce mode de vie. Tu as ses rues qui correspondent à toutes ses tendances. Et puis tu as ses monuments de plus ou moins bon gout : un mausolée Fats Domino, une église T-Rex et puis tout à coup survient la cathédrale Beatles. Tous coexistent mais tous n’a pas la même importance du fait de leur histoire, influence, vente de disque etc. Ce qui ne veut pas dire que je n’aime pas visiter une petite chapelle Nick Drake, Syd Barrett ou Johnny Thunders, grands losers devant l’éternel.
Voilà, j’espère avoir été clair cette fois ci en espérant que ma comparaison soit transposable au monde de la BD. Le rock, c’est très sérieux pour moi Matt. A bien des égards, c’est ma vie.
Je ne vais pas me lancer dans une diatribe sur le rock car j’en aurai aussi pour des plombes… Disons, Matt, que ce que tu ne vois pas (en dehors de la technique musicale), c’est que la musique, bien avant l’art pictural, l’art cinématographique et tous les autres je pense, est la seule capable de fédérer une quantité énorme de personnes. Elle a un pouvoir révolutionnaire et social très peu développés ailleurs.
Le jazz, le punk, le rap, le reggae, le rock sont toutes des musiques de révolte à la base. Quand Bruce parle de look, de fringues, de modes, c’est parce que la musique a enclenché ces changements. Et ces changements sont révolutionnaires au niveau de la société. Ils impactent tout le monde, même les entreprises, la façon de travailler, la façon de penser, le commerce, tout. Meilleur exemple récent : la digitalisation de la musique, la disparition des disquaires et des CDs, la réapparition des vinyles (et donc un peu des disquaires), l’accès au streaming, la création de ces plateformes. Tout le monde écoute de la musique. Tout le monde ne lit pas de bds.
@Bruce et Jyrille : Ce que je comprends pas, c’est que vous me parlez de popularité, de capacité à fédérer, de ventes de disques. Et pour moi ce n’est pas forcément une question de talent tout ça.
La musique classique ne fédère personne. Est-ce que ça veut dire que ce ne sont pas des génies ? Essayez de sortir du rock et d’étendre la réflexion à la musique depuis toujours pour comprendre ce que…je ne comprends pas. Regardez ceux qui ne fédèrent pas, qui n’engendrent pas de modes mais qui sont quand même vus comme des génies. Votre raisonnement ne marche pas avec eux. Il doit donc y avoir autre chose pour reconnaître le talent que de constater leur impact sur les modes. Tornado, un peu d’aide ? Tu t’en fous aussi des look toi il me semble^^
Je peux en effet parfaitement reconnaître leur importance historique, ça pas de problème, comme pour Hergé. Mais Hergé je peux aussi voir ce qu’il a apporté avec les exemples techniques (découpage, mode de narration) énumérés par Tornado. Et donc même si je n’aimais pas Hergé je pourrais dire « ah ouais ok, c’est vrai qu’on ne voyait pas ça avant » En musique ? Ben en musique je peux effectivement me rendre compte qu’un truc est nouveau mais je ne vois pas comment je pourrais le considérer comme un progrès si je trouve que ça case les oreilles. Je ne perçois pas la parcours de la musique comme des évolutions mais des variations qui s’adressent à différents publics. Donc pourquoi telle variation serait meilleure universellement ? Je ne vois pas.
Si ça peut te rassurer Bruce, moi ça m’agace aussi qu’on vienne me dire que les groupes que je n’aime pas sont universellement meilleurs que ceux que j’aime^^ Justement parce que je pige pas pourquoi et qu’avec d’autres interlocuteurs que vous, j’aurais l’impression qu’on me prend de haut comme un gros ignare en musique.
Par exemple tenez au cinéma on ne songe pas à revenir à du théâtre filmé avec une caméra posée immobile devant une scène pendant 2h. En BD on ne songe pas à revenir à une ou deux images par page avec des dialogues écrits sous forme de texte de roman en dessous. Il y a une évolution des modes de narration.
En musique, on peut très bien songer revenir au jazz, au classique, à la musique folklorique de divers pays. Il n’y a pas tant d’évolution que ça, tout genre musical peut encore parler aux gens. Il peut y avoir des nouveautés mais qui ne viennent par remplacer ou mettre au rencard les anciens genres. Alors oui le classique est beaucoup moins populaire mais ça n’en diminue pas la qualité. Il y a quand même des génies de musique classique. Même s’ils n’ont jamais changé les modes (enfin je crois…c’est vieux)
Houla, Matt, je ne te suis plus ! Je ne pense pas que personne ait dit ici que les génies méconnus n’existaient pas. Ni que les précurseurs étaient moins importants. J’essayais de t’expliquer en quoi la musique qui fédère peut être révolutionnaire et qu’en tant que telle, elle a un fort pouvoir à partir du moment où un gars devient populaire ou est reconnu comme très talentueux. En ce moment, je réécoute tout Nirvana, et je me souviens à quel point Kurt Cobain a transformé le monde à ce moment là. Et pourtant, il n’y avait strictement rien de nouveau chez eux. Tout vient des Pixies et même (comme je l’ai lu dans un article anglophone paru avant-hier) de Hüsker Dü et de Bob Mould, sans parler de leur look, de leurs envies de reprises, de faire jouer le batteur des Melvins etc…
Donc il n’y a pas de volonté de notre part de rabaisser qui que ce soit.
Pour ce qui est de la technique musicale, je ne peux pas t’aider, c’est trop subjectif, c’est un ressenti, c’est un travail conséquent que je ne connais pas, que je n’ai jamais réalisé ou étudié mais que je peux percevoir, de loin, ou au travers des quelques musiciens que je connais, des interviews que j’ai pu lire, des reportages que j’ai pu voir. Pour te donner une idée, si tu ne l’as pas vu, regarde Whiplash, c’est un très bon film pile dans le sujet.
Ah ! Whiplash ! un des meilleurs films de ces 10 dernières années !
Je ne prétendais pas que vous rabaissiez, mais je ne comprends pas vos critères pour reconnaître des génies dans la musique si vous ne les associez pas forcément aux plus connus qui révolutionnent toute la société (car c’est un peu les arguments que Bruce utilise) J’sais pas comment vous faîtes, c’est tout.
Mais je jetterai un œil a Whiplash, ok. J’en ai entendu du bien.
Purée, y en du débat passionné ! 😀
Tout le monde a raison, d’accord ? 🙂
Pour moi Hergé restera le plus grand, parce qu’il a porté l’art de la BD à un niveau inédit. Il a créé une icône universelle dans un medium qui n’en connaissait guère avant lui. Il a fait « oeuvre » en insufflant à ses récits des thèmes et des notions qui n’avaient jusqu’ici pas été traitées, comme le rapport avec l’Histoire en dénonçant les régimes totalitaires ; comme l’introspection en transformant le parcours de ses personnages en thérapie pour sa propre évolution intérieure, etc. A l’arrivée, Tintin est tout autant une série d’aventure qu’un témoignage poignant de sont temps et du vécu de son auteur. C’est inédit et ça ne souffre aucune comparaison avec la concurrence.
Techniquement, si Hergé n’a pas inventé la BD, il s’est imposé rapidement comme un maitre, et donc comme l’un des premiers auteurs d’un art « encore balbutiant ».
MEA CULPA, Mea maxima culpa!
Je suis désolé d’avoir entamé mon premier post par un truc du genre « Hergé est le premier… » ce qui est évidemment faux, c’était une formule que je savais inexacte et un peu « provocatrice » mais pas à ce point là…
Hergé a une place au panthéon du 9e art, mais pas forcément celle du gars qui a tout vu, tout fait…
la comparaison avec les Beatles me parle tout à fait… leur importance est historique, que l’on soit fan ou non. Premiers? catalyseurs? recordmen? Peu importe, les faits sont là. il suffit de voir un documentaire tout à fait factuel pour réaliser de l’impact sans précédent de leur carrière et sans véritable successeurs non plus…
pour ce qui est de l’idolâtrie, j’a i longtemps caressé le rêve de faire de dessinateur de BD mon metier. a une periode de ma vie j’avais l’impression de « penser »BD et j’avais cette sensation de pouvoir comprendre la BD un peu comme ces personnages de « cyber-pathe » dans les manga.
lors de mes tentatives pour progresser, j’étudiais presque chaque case que je lisais et je dois avouer que trois auteurs m’ont incroyablement bluffé pour la manière qu’ils avaient de mettre en scène, mettre en lumière, composer leur pages etc ce sont Rumiko Takahashi, Frank Miller et Hergé. Stan Sakai est également un magicien, le gars qui te fait croire que c’est facile, tellement c’est naturel et invisible. Parmi eux, Hergé a une position historique et il a aidé à populariser pas mal de choses au niveau du format, du type d’habitude de lecture en album etc…
non son apport est fondateur.
Mais c’est pas grave, ça lance des débats mais personne ne s’énerve.
Avec moi, n’importe quel mot de travers peut lancer un débat, tu le sauras^^ J’en suis pas forcément fier, j’suis juste conscient d’être un peu maniaque et j’aime bien discuter.
… Je ne me mêlerai pas aux échanges concernant les illustrations musicales : mes références ont tellement irrationnelles, je ne ferai que jeter de l’huile sur le feu !
sinon : époustouflifié par les références culturelles et historiques en écho à cet album précis, si charnière et iconique dans la carrière de Hergé : je suis bien d’accord que c’est une révolution dans l’art de raconter en images, pour l’époque ; et, encore aujourd’hui, toujours une réussite exceptionnelle quant au rythme (aux rythmes !) qui dynamise(nt) chaque planche. Le rappel des pressions subies au moment de la réalisation de celles-ci prouve encore une fois -hélas !- qu’on n’apprend que dans la douleur : les plus grands accomplissements de l’Humanité sont tous le fruit de la souffrance -comme la séparation de l’église et de l’état, par exemple…
Grand moment de lecture, donc, plein de tension et d’enjeux, d’humour et d’émotions ; et découverte attendrie des « origines » d’un des premiers grands amours (n’ayons pas peur des mots !) de mon enfance : Haddock. J’en ai adoré des tas, de ces personnages écorchés vifs, plus vrais que nature, qui partent au quart de tour chaque fois que leur grande sensibilité est froissée ; mais il est, de loin, celui qui m’a le plus ému ; et encore aujourd’hui. Ce doit être à cause de lui, aussi, que j’ai toujours eu un faible romantique pour les picoleurs…
Merci pour le boulot de passionné !