Bill Baroud par Manu Larcenet
Un article de JP NGUYEN
VF : Fluide Glacial
Première publication le 10/06/15- MAJ le 24/03/24
Bill Baroud. Une allitération qui en évoque d’autres. Barbouze balourd. Bourrin branquignol. Mais, surtout, BD bidonnante d’un Manu Larcenet alors débutant !
C’est en 1998, lors de sa publication dans les pages du magazine Fluide Glacial que j’ai rencontré cet agent secret improbable, « qui a sauvé le monde plus souvent qu’à son tour », dans des épisodes courts (autour de 6 pages). La série a depuis été rééditée dans quatre albums cartonnés ainsi que dans une intégrale en plus petit format.
Les aventures de Bill Baroud sont des récits parodiques d’espionnage, un peu dans l’esprit des films OSS 117 de Michel Hazanavicius, joués par Jean Dujardin. Mais la BD est encore plus délirante et plus irrévérencieuse, dans la mesure où Bill Baroud, super-agent affublé d’un physique courtaud et peu avantageux, assez maladroit et gaffeur, remporte souvent des victoires à la Pyrrhus au terme de missions pleines de dérision et d’absurdité.
Les histoires s’ouvrent toujours par la présentation de la mission, avec divers subterfuges employés par le FBI pour faire appel à son meilleur agent. La voix off de Bill Baroud est truculente et Larcenet est très habile pour tourner en dérision ce gros dur à qui-on-ne-la-fait pas, en juxtaposant des textes ultra-clichés débordant de virilité et d’assurance avec des scènes inattendues et ridicules. Assez souvent, les annonces de mission viennent interrompre les rapports à l’horizontal que Baroud entretient avec une de ses nombreuses conquêtes.
D’autres fois, Larcenet use de moyens plus rocambolesques comme lorsque Bill est retiré dans un monastère tibétain et commande une pizza sur laquelle il trouve un appel à l’aide du gouvernement.
La série ne se prend clairement pas au sérieux et, outre le décalage entre la voix intérieure du héros et ses péripéties, les histoires incorporent des ingrédients de fantastique ou de SF ainsi que de nombreuses références à la culture populaire.
Ainsi, dans « Opération Elvis« , Bill Baroud est renvoyé dans le temps pour sauver le King de son addiction boulimique mais la mission est sabotée par Frank Sinatra et Claude François… Dans « Hulahup requiem« , le grand méchant de l’histoire se révèle être… le dernier des Barbapapas ! et dans « Cambodge Virus », Baroud doit démanteler un trafic de riz porteur du virus marxiste, organisé par… l’oncle Ben (oui, celui qui ne colle jamais…).
Dans une approche similaire à la série des Simpson, chaque histoire est indépendante et le statuquo est restauré à chaque début d’épisode : même lorsque Bill termine dans le couloir de la mort pour avoir tué deux présidents des Etats-Unis ou que les USA sont devenus une nation communiste, la mission suivante recommence comme si de rien n’était.
Même le dernier épisode de la série, qui voit passer le champion du monde libre passer de vie à trépas, ouvre la porte à un reboot en nous montrant sur sa tombe un rejeton qui est son portrait craché.
Alors que les aventures de Bill Baroud s’étalent sur trois tomes, le quatrième est consacré à sa jeunesse. Cette « préquelle » permet à Larcenet d’explorer des thèmes plus légers liés à l’enfance, en racontant des histoires sur le petit William Baroudski qui vit avec sa grand-mère à Walnut Grove et raconte à qui veut l’entendre (surtout à Malcom, son ami noir et sa copine Kelly) qu’il deviendra agent du FBI.
Ces chroniques douces-amères d’un petit godelureau futur super-espion sont assez sympathiques bien que moins drôles que les missions du Baroud adulte. L’ultime épisode ponctue la série sur une note assez tragique puisque Bill et sa grand-mère doivent quitter Walnut Grove, expropriés par une grande compagnie céréalière. L’ironie est bien sûre de mise : une victime du grand capital qui en deviendra le fervent défenseur mais derrière cette pirouette scénaristique, on sent la critique sociale qui deviendra plus notable encore dans d’autres œuvres de Larcenet.
Sinon, à la même époque, Larcenet a aussi produit Les super-héros injustement méconnus et La loi des séries, où l’on retrouve le même humour un peu potache et des références qui parleront plutôt aux lecteurs ayant connu les années 80.
Sans être un monument de la BD, Bill Baroud est une série très drôle, bourrée de clins d’œil et de références, avec un héros maladroit et attachant plongé dans des missions joyeusement loufoques, pour une lecture détente dont on aurait tort de se priver. Pour exploser (de rire), BB, c’est d’la bombe…
Du titre gainsbourgien à la conclusion punchline NTM, un article enlevé et exhaustif
sur la carrière de l’improbable Bill Baroud.
Ce Bill a quand même un faux air de WC Fields qu’aurait trop frotté ses esgourdes en poussant en mélée…
Super article, et je ne vois pas quoi ajouter au commentaire concis mais pertinent de Lone. Chapeau JP !
Ah si : j’adore cette série. Tu me donnes envie de la relire.
Je crois que j’ai TOUT lu de Larcenet, mais je réalise à te lire que je n’ai presque aucun souvenir de ce titre, faudra que je me penche à nouveau dessus
Concernant la série DD, ce qui est con, c’est que Marvel va chercher à aligner le comics sur la série (ils commencent par le costard, en plus…) D’un autre côté, avec la fin du run de DD Waid qui est totalement parti en live, je ne vois plus trop ce qu’ils peuvent faire à part un reboot.
Je n’espère plus grand chose sur la série régulière de DD, je guette d’éventuelles mini-séries (et non, pas du tonneau de End of Days…)
Pour en revenir à Bill Baroud, c’est du pur fun mais quand même « intelligent ». Comment dire… c’est plus fin que Eric et Ramzy, dirons nous ! (mais est-ce vraiment difficile ?)
@Lone Sloane : j’ai fait court pour cet article mais je pense avoir couvert le sujet. Et puis, les plaisanteries les plus courtes… (sont les moins longues…)
@Phil : je suis surpris qu’en tant que fan de Fluide, ces histoires ne t’aient pas plus marqué (dans les mags que j’avais eu en main, c’était quasiment la BD la plus drôle du lot… mais faut dire je suis pas trop porté sur les trucs sexe…)
Que les BB ne me soient pas resté en tête est loin d’être un gage de médiocrité/ Déjà c’est « vieux » et en + j’ai tendance à avoir une mémoire de poissons rouge sur les histoires en franco belge (un psy m’aiderait à comprendre pourquoi)
Très bon article je connaissais pas ! C’est sympa de se coucher moins con quand même ! J’ai néanmoins une préférence pour Blast car bien sombre ! J’aime beaucoup ce que fait Larcenet depuis quelques temps son trait plus fin, précis mais qui d’une case à une autre change de style tout en étant en accord avec l’ensemble…et ses histoires prennent aux tripes. Un formidable artiste français !
Que les BB ne me soient pas resté en tête est loin d’être un gage de médiocrité/ Déjà c’est « vieux » et en + j’ai tendance à avoir une mémoire de poissons rouge sur les histoires en franco belge (un psy m’aiderait à comprendre pourquoi)
Merci pour cet article qui améliore ma culture. Je suis assez épaté de découvrir qu’il s’agit d’une oeuvre de jeunesse de Manu Larcenet, car les extraits présentés dans l’article montre un humour déjà bien efficace, un mélange de dérision et d’absurdité qui fonctionne, chose loin d’être évidente.
Excellent article. Cela me redonne l’envie de lire du Bill Baroud. La première fois que je suis tombé sur cet BD et que j’ai vue Barbapapa comme « méchant » j’ai eu du mal a m’en remettre ^^
oh, que de souvenirs ! ça me donne envie de me replonger dedans