No hero par Warren Ellis & Juan Jose Ryp
1ère publication le 07/01/15- Maj le 28/07/18
AUTEUR : PRÉSENCE
Ce tome regroupe les 8 épisodes parus en 2008/2009. Il comprend une histoire complète et indépendante.
Cette dernière s’inscrit dans une trilogie thématique sur les superhéros : (1) Black Summer, (2) No Hero et (3) Supergod. Le scenario est de Warren Ellis, et les illustrations de Juan Jose Ryp.
Parue chez Avatar aux Etats- Unis, Milady Graphics l’a publié en français.
Le 06 juin 1966, les Levellers (un groupe de 6 superhéros) fait sa première apparition aux États-Unis. Ils s’interposent dans une guerre des gangs et aident les pompiers à évacuer des victimes lors de l’incendie d’un immeuble. Carrick Masterson intervient en leur nom à la télévision pour expliquer que leur objectif est de libérer la population de la peur qui pèse sur elle.
Le 07 juillet 1977, Masterson intervient de nouveau pour réaffirmer le rôle de son groupe dans l’ordre des choses et annoncer leur nouveau nom : Front Line. 11 juin 2011, Doctor Shift (l’un des Front Line) répond à l’appel de 2 policiers qui ont retrouvé Judex (un autre Front Line) dépecé dans le sous-sol d’une maison. Les 2 superhéros trouvent la mort dan cette intervention.
Masterson décide de recruter Josh Carver (jeune homme straight edge, végétarien et souhaitant désespérément être recruté). Après avoir testé ses capacités, il l’emmène au manoir de Front Line où ils sont accueillis par Jack Marsh, responsable de la logistique.
Après Black Summer, Warren Ellis repart donc d’une situation où il existe une poignée de superhéros créés de manière scientifique. Il ne semble pas y avoir de supercriminels, l’équipe est victime d’attaques mortelles et un nouveau membre passe l’épreuve de la transformation.
L’introduction d’un novice dans l’équipe permet à Ellis de faire découvrir cette étonnante équipe (presqu’une institution à ce stade) au lecteur en même temps. Dès le début, chaque personnage est représenté comme un être adulte, avec un comportement et des motivations d’adulte. Le niveau de violence graphique est très élevé : la vue du corps dépecé de Judex est assez éprouvante, car Juan Jose Ryp dessine tous les détails avec application.
La première intervention de Josh Carver sur des criminels de rue se solde également par une boucherie éprouvante très graphique. Il y a donc là 2 auteurs qui ont choisi de placer leur récit dans un registre adulte et ultra-violent. Ce dernier point est assez logique puisque le concept de superhéros repose sur le principe de disposer de pouvoirs physiques ou surnaturels qui permettent d’imposer sa volonté de force aux autres.
Warren Ellis s’est surpassé avec ce récit. Il ne se contente pas d’une histoire linéaire avec gros combats brutaux (même s’il y en a plusieurs mémorables). Il ne se contente pas non plus de rajouter une explication pseudo-scientifique à base d’anticipation imaginative pour expliquer l’existence des superhéros. Les éléments supplémentaires qui marquent le lecteur sont la construction du récit, et la personnalité des protagonistes.
Ce récit est très dense : chaque élément est significatif et a son importance. Au fur et à mesure des pages, Josh Carver va de découverte en découverte et le lecteur avec lui. Il ne s’agit pas seulement de découvrir qui sont les Front Line et Carrick Masterson. Chaque chapitre réserve plusieurs surprises dont les prémices sont montrées explicitement au lecteur dans les scènes précédentes.
Ellis a bâti un thriller doté d’une mécanique impressionnante et imparable. En feuilletant cette bande dessinée une deuxième fois, j’ai été impressionné par la rigueur du suspense et le tour de force accompli par Ellis qui donne tous les éléments au lecteur au fur et à mesure, sans rien cacher.
Dès le départ, Ellis rappelle que le concept de superhéros repose sur une grosse brute plus forte que les autres, qui applique sa propre forme de justice, sans respecter la loi. Il y a là un commentaire social devenu assez commun dans les récits de superhéros postmodernes. Mais Ellis ne s’arrête pas là, il répond également à la question qu’il pose dans le titre : jusqu’où iriez-vous pour être un superhéros ? Rien n’est gratuit et le prix à payer par Josh Carver doit être vu pour être cru.
Encore une fois l’approche détaillée et réaliste de Juan Jose Ryp transcrit toute l’horreur de sa situation. D’une manière générale les illustrations dépassent la simple mise en image du récit, pour apporter elles aussi de nombreuses informations supplémentaires sous forme visuelle. Non seulement Ryp se complaît dans une orgie de détails exigeant une attention soutenue lors de la lecture ; mais aussi il apporte une grande réflexion à l’agencement de ces éléments, à leur logique.
Pour une fois, Ellis évite la tentation de donner une leçon de politique un peu expédiée, il contourne cet obstacle de manière habile en intégrant les conséquences basiques de l’existence d’une équipe de superhéros dans notre monde de tous les jours. Il effectue la distinction entre son impact médiatique (le sauvetage d’individus en danger immédiat) et la partie immergée de l’iceberg (je vous laisse la découvrir).
Ce qui rend la lecture encore plus divertissante, c’est que ces thèmes sont portés par des protagonistes avec une vraie personnalité. Ellis se focalise sur un petit nombre de personnages (tous les membres de Front Line n’ont pas le droit à leur moment) et le lecteur découvre petit à petit qui ils sont. Il le découvre au travers de leurs actes, de leurs prises de position et des dialogues.
Ellis ayant établi dès le début que les personnages se conduisent comme des adultes, le lecteur comprend que chaque réplique est motivée par une intention plus ou moins explicite. Au final l’histoire est autant portée par l’existence de superhéros que par la personnalité et la psychologie de chacun.
Comme toujours, Warren Ellis sait faire respirer sa narration en incluant des pages dédiées à l’action et plus légères en dialogues. Le lecteur avance alors plus vite car le rythme de lecture est plus rapide. S’il est possible d’être agacé par la minutie obsessionnelle de Juan Jose Ryp, il n’est par contre pas possible de lui reprocher d’être dépourvu de personnalité, ou d’implication Il se donne à fond pour toutes les cases, toutes les mises en page.
L’aménagement de la piaule de Josh Carver fournit toutes les informations nécessaires au lecteur pour se rendre compte de sa détermination à atteindre son but (être repéré pour intégrer Front Line). La première intervention de Carver lors de sa patrouille dégénère en affrontement ultra violent avec giclées de sang. Là encore, la volonté de Ryp d’être descriptif, de rentrer dans les détails, de montrer l’impact réel des coups, la destruction liée à la force cinétique ne permet pas au lecteur de simplement se complaire devant cette violence cathartique.
Dans sa démesure, la description l’oblige également à prendre conscience du traumatisme que constituent ces actes d’une violence extrême. Ellis a trouvé un dessinateur à la (dé)mesure des scènes qu’il a imaginées.
« No hero » est avant tout un thriller dense et très violent, reposant sur un scénario très structuré où rien n’est laissé au hasard. La mise en images est à la hauteur de cette violence et elle porte autant le récit que les dialogues. En plus Warren Ellis répond à la question relative au coût pour bénéficier de superpouvoir d’une manière lumineuse et évidente.
Cette histoire dispose d’autant plus de force qu’elle ne constitue pas une parodie ou un (méta)commentaire sur les superhéros. Elle se suffit à elle-même sans que le lecteur ne doive disposer d’une bibliothèque de références. Par contre, Warren Ellis en profite pour mettre en scène un point de vue bien noir sur plusieurs aspects de la nature humaine et de notre société, sans jamais pontifier. Par exemple la critique de notre société d’omni-communication est en filigrane de la stratégie de contrôle des dommages de Carrick Masterson. À ce titre « No hero » figure également parmi les meilleurs romans noirs.
Bonjour,
Merci pour cet article qui me donne très envie de lire cette série.
J’ai « Black Summer » dans ma piles des livres à lire depuis environ 1 an mais les dessins me rebute tellement que dès qu’il arrive en haut de la pile je le remet en bas.
Je pense que je vais commencer par lire Black Summer dès que j’ai terminé mes lectures en cours.
Bonne journée
Superbe commentaire encore une fois très érudit et réfléchi. Il est vrai qu’à la relecture, j’avais trouvé ce No Hero encore meilleur que Black Summer, sûrement également car je l’ai pris comme un roman noir et non une bd de super-héros. Je suis absolument d’accord avec tout, notamment la concision du récit, qui dit beaucoup en peu de planches.
Tu ne trouves pas que le dessin de Ryp s’approche beaucoup de celui de Geoff Darrow, tout en étant moins réussi ? Darrow a un don de la légèreté et du mouvement que Ryp ne maîtrise pas selon moi.
Bon, je vais faire mon chiant. C’est vrai que cette semaine Ellis m’emmerde un peu. Cela n’a rien à voir avec la qualité de vos articles, mais je ne le supporte pas. Lorsqu’il fait du bourrin , comme Black Summer, il m’ennuie. Lorsqu’il produit du cérébral comme No Hero ou Super God, je m’endors….
Voilà, il y a un moment où un lecteur peut être capable de dire je n’aime pas cet artiste. Malgré la dizaine de bouquin lus d’Ellis, très peu de choses m’ont plues venant de lui et c’était pour Marvel !
Je n’aime pas son écriture, son univers, sa thématique et encore moins sa vision du personnage masculin.
Ce No Hero, Xabaris me l’a prêté il y a un mois. J’en ai lu la moitié et j’ai laissé tombé. C’est rare quand ça m’arrive, je vais souvent au bout, mais j’ai eu tout de suite marre du trash, de cette ultra violence, de ses personnages masculins portés par le dégoût d’eux même. Ellis a sûrement une histoire intéressante à raconter, mais c’est son style qui me repousse. C’est exactement comme un type qui raconterait une histoire drôle : en fonction de qui la raconte, on s’emmerde ou on rigole…
Moi Ellis m’emmerde…. En librairie je suis encore capable de feuilleter un album de Morrison qui me rebute aussi mais dont certaines histoires me touchent. Ellis jamais….
Mais il faut dire que ni les monstres, ni la scifi, ni les thrilles scientifiques ne m’attirent, donc comme Tornado l’a écrit justement, Ellis écrit en gros tout ce qui me déplait….
Et puis la charte graphique d’Avatar plein de gerbe, de tripes, de carne et de sang ne m’attire pas non plus…..
Voilà, Schtroumpf grognon s’en va….
Vous rendez-vous compte que moi, le fan absolu de Warren (qui contrairement à Bruce est fou-dingue de son style d’écriture), je n’ai toujours pas lu cette trilogie Avatar ? C’est à cause des avis divergents je pense, car les détracteurs de cette trilogie sont à peu-près aussi nombreux que ses admirateurs.
Toutefois, en relisant l’article de Présence, je pense franchement que tout ce qui me plait est réuni dans cette oeuvre. Y compris le dessin de Ryp, que je trouve formidable.
La violence graphique (non gratuite) : J’adore ça. (lecture intense garantie). Certains adorent les films d’horreur, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas malsain comme type dans la vie ! Au contraire, la lecture est un exutoire !
La BD de super-héros transposée dans un univers de polar adulte : J’adore ça.
Le style de Ryp : J’adore.
Le style de Warren Ellis : J’adore…
Alors fonce sur No Hero. Personnellement, la violence me gêne, mais si elle sert l’histoire, je la supporte. C’est ce qui m’a gêné dans Crossed, je la trouve gratuite.
Bonjour,
Je reviens sur cet article car suite à cet article j’ai lu Black Summer puis ce No Hero et enfin Super God.
J’avoue qu’il m’a fallu arriver à la moitié de Black Summer pour me faire au dessin de Juan Jose Ryp.
Aujourd’hui je peux dire que j’apprécie son style. Il m’avait fallu un temps d’adaptation pour Frank Quitely (qui est tout de même bien meilleur).
Au final j’ai beaucoup aimé les deux premiers tomes de cette trilogie. C’est over the top et ultra violent mais j’aime cette lecture adulte et glauque des super héros. Certaines scènes sont d’une violence extrême, le dernier numéro de No hero en est une illustration parfaite de mauvais gout qui me met mal à l’aise mais qui en même temps sert totalement le propos de l’auteur.
Du coup je peux aujourd’hui dire que c’est une bonne lecture, par contre en tant que lecteur de polar cela s’apparente plus à du Ellroy qu’à du Lehane, donc âmes sensibles s’abstenir.
Dernière remarque Supergod qui fait parti de cette trilogie thématique, est tout de même un voir deux tons en dessous des deux premiers chapitres.
Voilà merci pour cet article qui m’a encouragé a revenir sur cet album.
Bonne journée
Black Summer devait passer au crible du Bullshit detector le 7 janvier 2015. Les attentats ont fait que je l’ai déprogrammé. Il finira par réapparaître un jour. Stay Tuned.
Et personne a mentionné que Ryp il a débuté dans la BD érotique ?^^
Je n’ai pas tenté ces œuvres de Ellis. Curieusement je préfère le style de Ryp en noir et blanc plutôt que colorisé, même si techniquement les couleurs rendent le tout plus lisible. Mais Ryp fait les ombres en hachures sur les corps de ses persos, chose inutile quand on a un coloriste (du coup ça ressemble à des poils parfois quand le reste est en couleur). ça rend mieux en N&B selon moi.
ça c’est chouette :
http://2.bp.blogspot.com/_MsAlYewfMUI/TD7bUn-_EDI/AAAAAAAACCA/RBMqI0iX9e0/s1600/The+Goon_JUAN+JOSE+RYP+the+blog.jpg
Je trouve même ça amusant à tout déchiffrer.
Tu devrais tenter Geoff Darrow, Mattie.
Merci pour la découverte de ce dessin de The Goon (créé par Eric Powell) que je ne connaissais pas. Il y a effectivement une forme de jeu à déchiffrer le dessin.
Je vois ce que tu veux dire pour les petites hachures. Au début il s’amusait aussi avec des petits points, à la fois pour les textures et pour les ombres portées. Pour reprendre le point de comparaison de Jyrille, je trouve qu’il y a une même composante ludique dans les dessins de Geoff Darrow, et qu’en plus il sait mieux hiérarchiser les différents plans de la composition, pour la rendre plus lisible, même en noir & blanc. Du coup, je préfère quand Juan José Ryp bénéficie d’un coloriste, parce ce ses dessins y gagnent en compréhension.
Depuis cette histoire, il a réalisé une histoire de Wolverine d’une violence inouïe, avec un scénario de Charlie Huston (Le meilleur dans sa partie), et quelques pages de ci de là dans des comics de Valiant, avec un degré de détails moins poussé.
Si tu veux avoir une idée des histoires de The Goon :
http://www.brucetringale.com/tragique-et-ineluctable/
Mais tu ne trouves pas que les petits points et les hachures font « moche » quand il y a de la couleur ? On dirait des poils des fois^^ Pour moi ça devrait être remplacé par une couleur lorsqu’il y a un coloriste.
Geoff Darrow c’est pas mal, oui. Mais les persos ont tous des sales gueules quand même. Et il n’y a pas autant de relief que chez Ryp. Après oui, c’est plus lisible et plus fluide dans le mouvement. Mais je ne dirais pas que je préfère par rapport à Ryp. Ils ont tous les 2 leurs qualités et défauts je trouve.
ça semble sympa the Goon, je vais aller lire ton article. Je n’ai jamais voulu me lancer dedans parce qu’il me semble que c’est encore une série longue. A moins que ce soit de courtes histoires ? Je vais voir ça.
Alors.
Je suis un fan immense de Warren Ellis… mais j’exècre complètement No Hero, qui m’a paru complètement creux, facile, d’une provocation crasse et méchante (surtout sur sa fin) et qui, surtout, n’a pas l’intelligence de creuser son excellent concept (les super-héros comme rock-stars qui s’institutionnalisent au fil des décennies, et on ne va jamais plus loin que ces quelques mots).
Boah. J’ai détesté.
Mais je devrais peut-être relire, finalement…
Oui, je me souviens très bien de l’impression que tu évoques. Le début donne exactement la sensation que tu décris : celle du retour d’un groupe de rock, avec l’un de leur membre ayant quitté le groupe et aigri par ce qu’ils ont accompli par la suite sans lui. Mais, à mes yeux et pour ma sensibilité, le propos de Warren Ellis ne réside en fait pas dans cette analogie.
No Hero est un bon thriller, avec une tension qui augmente d’épisode en épisode, et une description plus logique de l’utilisation de superpouvoirs sur des humains normaux (= une boucherie). Puis le lecteur finit par découvrir que le récit est en fait celui de Josh Carver, et de ce qu’il a dû payer pour intégrer l’équipe de Front Line. En outre, je en me suis pas senti floué par ce qui pourrait être pris pour un changement de direction (de super-groupe de rock à une autre histoire) parce que Warren Ellis joue franc jeu dès le départ en montrant dès le début au lecteur les éléments de l’histoire principale.
Ce qui aurait pu me plaire dans NO Hero, c’est tout ce que Ellis ne développe pas dans son obsession de faire des Romans graphiques courts…
le parallèle média-célébrité télé réalité star system est ce qu’il ya de mieux, sinon tout est déjà dans ses willdstorm en plus intelligent et charismatique (sérieux qui s’attache un tant soit peu à ces persos là?) puis le propos se noie dans l’hémoglobine la plus craspec…à croire qu’il a voulu battre un record…
Reste par contre cette métamorphose véritablement cauchemardesque à cheval entre Cronenberg et le Loup garou de Londres ou rien ne nous est épargné….
Roman graphique court – Tout est relatif, si 1 image vaut 1.000 mots, 6 épisodes font déjà un roman copieux. 🙂
Le parallèle média-célébrité télé-réalité star système a déjà été bien exploré ou exploité par Mark Millar, et déjà avant par Rob Liefed. Je ne suis pas sûr qu’Ellis aurait trouvé des choses nouvelles à dire sur le sujet.
De mon côté, j’ai bien apprécié ce polar dans lequel il n’y a pas de héros au cœur vaillant, à l’altruisme patent, où chaque personnage est habité par ses obsessions et son histoire personnelle. Arrivé à la fin de la lecture, on se rend effectivement compte que l’objet principal du récit est l’évolution de Josh Carver, ce qui n’était pas une évidence a priori, même si tous les indices sont présents dès le départ.
Tu m’as convaincu, je vais relire ça !
Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je ne sais plus si je dois me réjouir d’avoir semé le doute dans ton esprit, ou si je dois craindre une éventuelle déception lors de la relecture. 🙂
Je me souviens d’un épisode des FF par John Byrne où le quatuor affrontait des Skrulls déguisés en Vengeurs. Les conséquences sur les superstructures de la ville étaient cataclysmiques. J’avais beaucoup apprécié cette façon de montrer au lecteur qu’un combat entre métahumains, ça provoque de la casse. Seulement, pour des raisons évidentes, il n’était pas question de montrer le génocide que ces rencontres peuvent impliquer. Un gratte-ciel qui s’écroule en pleine journée, ça fait des victimes, quoi qu’en en dise. Du coup, et même si j’ai bien conscience que AVATAR PRESS fait souvent montre d’une certaine complaisance dans la violence et le sexe (ce qui en soit ne me dérange pas), les flots d’hémoglobine qui nous submergent sur certaines planches de NO HERO me paraissent réalistes. Une blessure infligée par un métahumain fait des dégâts, c’est un fait. En tant qu’adulte, on peut donc raisonnablement accepter que les interventions des FRONT LINE finissent en bain de sang. « L’approche détaillée et réaliste de Juan Jose Ryp transcrit toute l’horreur de sa situation ». En ce sens, le choix de ce dessinateur est parfaitement justifié. De même que l’apparente orgie de détails peut être vue comme un argument en faveur d’une ou plusieurs relectures. Quand on s’intéresse à la bibliographie de Warren Ellis, on s’aperçoit que l’implémentation de l’Homme par la science a rarement des effets positifs. Ses écrits ne manquent pas de cyborgs créés par l’armée et/ou le gouvernement qui finissent par se transformer en machines nietzschéennes et donc incontrôlables. À ce titre, NO HERO assume son caractère de comic book adulte. Contrairement à des éditeurs mainstream, le scénariste a ici l’occasion de marquer toute l’horreur consécutive à ces expérimentations. Les errements d’un Dr. Frankenstein ne sont pas loin. Les Front Line ont beau être des héros, ils interrogent notre société sur le prix à payer pour être protégés. GRANDIOSE.
Merci d’avoir développé en quoi ces boucheries font sens, et en quoi Juan José Ryp transcrit bien l’intention de Warren Ellis, leur emphase du gore étant cohérente l’une avec l’autre.