Hellblazer – Hard time par Brian Azzarello & Richard Corben
1ère publication le 24/06/15- Mise à jour le 27/12/17
AUTEUR : PRÉSENCE
VO : Vertigo
VF : Toth
Ce tome fait suite à au passage de Warren Ellis sur la série, dont il n’est pas indispensable d’avoir lu les épisodes pour comprendre cette histoire.
Il contient les épisodes 146 à 150, initialement parus en 2000, écrits par Brian Azzarello, dessinés et encrés par Richard Corben, avec une mise en couleurs de James Sinclair et des couvertures de Tim Bradstreet. Brian Azzarello continue d’écrire la série jusqu’à l’épisode 174.
Traylor, un grand black, très baraqué, vient de s’enfiler son compagnon de cellule (surnommé la Douceur). Il sort dans le couloir pour assister à l’arrivée d’un nouveau détenu, un blanc, blond, pas très costaud (John Constantine, condamné à 35 ans fermes). Il a le coup de foudre et il le prend sous son aile. Il lui offre un paquet de clopes (en disant qu’il le remboursera plus tard). Il l’affranchit sur les clans présents dans la prison : les blacks, les frères musulmans, les hispaniques, les aryens.
Très vite, John Constantine est sommé de rembourser son paquet de clopes, avec les intérêts. Bizarrement ce petit anglais blond ne semble pas impressionné par Traylor, sa carrure et ses muscles, ni même par ses copains.
Sacrilège ! Brian Azzarello (un américain) reprend la série d’Hellblazer, jusqu’alors écrite exclusivement par des anglais, de Jamie Delano à Warren Ellis, en passant par Garth Ennis et Paul Jenkins. En plus, il situe l’action dans une prison étatsunienne, avec des criminels endurcis issus d’une culture typiquement américaine. En plus, Richard Corben dessine John Constantine avec des bajoues, ou en tout cas des bonnes joues rondes, sans respect pour son allure sèche et hautaine.
On se calme ! Brian Azzarello est l’auteur d’une série noire (très noire) d’une densité littéraire à la hauteur de sa violence et de son sadisme : 100 Bullets. Richard Corben est une légende dans le monde de la bande dessinée américaine (et même mondiale), avec des récits sans concession comme Den: Neverwhere, ou des récits courts pour les magazines Eery et Creepy. Depuis ces épisodes, il connaît une deuxième carrière impressionnante, voir Edgar Allan Poe’s Spirits of the Dead ou Starr the Slayer: A Starr is born.
On inspire un grand coup, et on plonge dans le récit. Azzarello est en super forme. Il campe un univers carcéral qui reprend toutes les conventions du genre, pour une ambiance à couper au couteau. Loin d’être l’esclave de ces conventions, il les met au service de son récit. Le lecteur apprend incidemment que Constantine a été condamné à une peine pour un crime qu’il dit ne pas avoir commis (ouais, ils sont tous innocents, c’est ce qu’ils disent). Chaque faction ethnique est prête à castagner les autres, à la moindre incartade, au moindre prétexte foireux.
Azzarello entame son récit à fond les ballons, avec ce black qui utilise un blanc comme objet sexuel. On est dans un récit pour adulte, la scène n’est pas montrée de manière explicite. L’acte est évoqué de manière sous-entendue, dans un argot fleuri et très cru, dont Azzarello a le secret. C’est très savoureux, un amalgame harmonieux entre exagération stéréotypée, inventivité, et menace bien réelle. L’auteur inclut également une scène sous la douche, avec un savon à ramasser par terre, une fouille corporelle, un parrain qui fait régner sa loi dans l’ombre, des matons peu conciliants qui n’hésitent pas à frapper, ou à fermer l’œil pour ne rien voir, en fonction de leur intérêt.
Le scénariste met en scène John Constantine en en respectant les fondamentaux : un manipulateur né, à la répartie qui casse, capable d’utiliser le surnaturel pour arranger quelques coups. Azzarello ne le transforme pas en magicien de cabaret, il utilise le surnaturel avec parcimonie, en évitant de le montrer. Constantine est sarcastique et défiant à souhait, jouant avec malice et sournoiserie des comportements machos des prisonniers. C’est un régal de dialogues matois, vicieux et roublards, du début jusqu’à la fin.
Tout l’enjeu du récit réside donc dans la catharsis que constitue ce séjour en prison pour John Constantine. Il n’est pas question de ceux qui l’ont fait tomber, il n’est pas question des détails du piège dans lequel il est tombé. Alors que Constantine se retrouve en cellule disciplinaire (au mitard), le lecteur découvre son véritable état d’esprit, et ce qui se joue réellement pour lui. Azzarello délivre un final grandiose, cynique à souhait, terrifiant dans sa noirceur, dans l’expression de la pulsion de mort de Constantine (encore plus que dans le sort réservé à ceux qui l’ont malmené).
On est aussi venu pour Richard Corben ! Lorsqu’il feuillète pour la première fois ce tome, le lecteur est un peu déçu. Pour commencer, la mise en couleurs est très sage, très éloignée du flamboiement baroque des mises en couleurs à l’aérographe que Corben réalisait au bon vieux temps (celui de Den). Ensuite, même un fan enamouré de cet artiste doit reconnaître qu’il n’y a pas bézef de décors. Régulièrement, il y a une planche avec uniquement des personnages en train d’interagir, avec un arrière-plan vide, habillé d’une couleur uniforme. Et puis, ce n’est vraiment pas la tête de Constantine. La plupart des visages arborent une expression exagérée, en décalage avec les approches plus naturalistes des épisodes précédents.
Pourtant dès la première page, le lecteur est dans l’ambiance, jusqu’au cou même. Alors même que le lecteur comprend pourquoi La Douceur grimace ainsi, il souffre avec lui (alors même que les dessins ne montrent rien de l’acte sexuel). En page 2, Traylor est en train de pisser dans les chiottes, alors que La Douceur attend que la douleur passe. Le comportement de Traylor est aussi répugnant que celui de La Douceur. Le premier ne ressent aucune empathie pour le second, et en met à côté. La Douceur est résigné et ressent plus de dégout pour lui-même que d’animosité envers son tourmenteur. Corben met en scène cette séquence sans voyeurisme, mais avec un impact émotionnel implacable (sans parler de la pisse qui coule à côté).
Le dénuement des arrière-plans finit par faire sens : il transcrit le dénuement des cellules, de ce milieu carcéral. En fait, le lecteur se rend compte que l’artiste dessine régulièrement des accessoires variés (couverts à la cantine, grillages, barreaux, ameublement, etc.), et que l’impression de dénuement est générée sciemment. Au bout de quelques pages, il s’habitue également à ces visages aux expressions exagérées, veulerie ou sourire crétin. À nouveau ce parti pris graphique rend bien compte de l’état d’esprit des taulards mis en scène, où la nuance constitue une marque de faiblesse.
De séquence en séquence, le lecteur apprécie l’intelligence graphique de la mise en scène et de la composition des pages. Lorsque Traylor réclame ses paquets de clope à Constantine, il croise les mains derrière la nuque, pour faire saillir ses pectoraux. Impossible de ne pas sourire en voyant que Constantine imite le geste de son créancier, alors qu’il n’a rien en poche, des muscles très quelconques, et qu’il bluffe. D’ailleurs avec la fumée de clope, le lecteur retrouve tout le savoir-faire de cet artiste pour lui donner une texture à nul autre pareil.
Corben compose une page hallucinante de sous-entendu pour la scène sous la douche, alors que Constantine nu comme un ver se tourne vers les 4 grands blacks, pour demander qui va ramasser la savonnette. Le dialogue est minimaliste, les images composent une narration graphique elliptique magnifique d’intelligence, de second degré, de cynisme, sans rien perdre en tension narrative.
Corben se révèle tout aussi expressif dans le maniement du langage corporel. Le face-à-face dans la cour entre Constantine et le frère musulman est un grand moment de mise en scène, les postures de l’un et l’autre indiquant clairement qui mène la discussion, qui a le dessus, et qui a 2 coups d’avance (et Azzarello manie les sous-entendus religieux avec une rare habileté).
Il apparaît d’ailleurs rapidement que la connivence entre le scénariste et le dessinateur joue à plein, qu’ils sont parfaitement en phase. À nouveau, le lecteur retient sa respiration dans le deuxième épisode, alors que le parrain explique comment Constantine l’a baladé pendant une partie de poker à haut risque. La tension monte de page en page, alors que Constantine joue avec le feu en poussant le parrain vers une défaite éclatante et humiliante. Les 2 créateurs cueillent le lecteur comme une fleur avec la chute de cette séquence, grâce à une mise en scène au cordeau.
La dernière page de l’épisode 149 est une petite merveille : une vingtaine de détenus se disputent l’honneur d’offrir une clope à Constantine et de lui allumer, dans un dessin pleine page. Il s’agit à nouveau de la culmination d’une séquence à la mise en scène impeccable, sèche et rapide.
Certes, tout n’est pas parfait (mais la perfection n’est pas de ce monde). On peut reprocher à Azzarello un usage un peu expéditif et stéréotypé des spectres qui hantent John Constantine, et on peut reprocher à Corben le visage qu’il donne à Constantine. Mais ces 2 créateurs racontent une vraie histoire de John Constantine, en respectant toutes les conventions de la série, avec une sécheresse narrative exceptionnelle (c’est-à-dire un récit sans gras, sans superflu, sans truc inutile), pour un impact émotionnel maximal. C’est impressionnant de constater que cette histoire se lit assez vite, et que pourtant elle contient autant de choses. Du grand art !
Brian Azzarello et Richard Corben ont également réalisé ensemble une histoire de Hulk intitulée Banner, et une histoire de Luke Cage sobrement intitulée Cage.
Alors là, je suis partagé… L’article de Présence met en évidence plein de qualités dans cette BD et l’absence de continuité me permettrait de lire cet arc malgré ma connaissance limitée du personnage (j’ai lu 2 TPB de la série).
MAIS…
je ne fais pas partie des fans de Richard Corben. Présence a bien su montrer ses qualités dans la mise en scène, les cadrages, la narration (la planche muette montrée en exemple très efficace…) mais, pour moi, Corben c’est aussi et surtout un graphisme moche, des personnages difformes et une atmosphère générale bien cra-cra (certes, cela convient bien au contexte carcéral, en l’occurence).
Je crois que mon salut pourrait venir de la médiathèque (lire du Corben, why not, le voir squatter mes étagères, je préfère éviter…).
Pour des raisons de déontologie, je suis obligé de faire mon coming-out : j’adore Richard Corben, depuis que je l’ai découvert adolescent.
Les personnages moches et difformes sont (à mes yeux) un parti pris esthétique fait exprès. Corben dessine ce qu’il voit, ou en tout cas ce qu’il projette en fonction du scénario. En phase avec Azzarello, il projette des personnalités d’individus dont le système de valeurs est basé sur la loi du plus fort. C’est leur culture. En conséquence de quoi ils ont des gros muscles, et une empathie inexistante. L’horreur de leur système de valeurs est rendu apparent dans leur physionomie.
En te lisant, je me dis que c’est aussi pour ça que Corben n’a pas voulu attribuer une forme de beauté romantique à John Constantine.
Je vais m’attiré les foudre du Bruceredacteur mais je n’aime pas Gainsbourg et j’adore Constantine.
L’article de Presence me donne envie de replonger dans du Hellblazer !
Pour avoir lu le reste des épisodes écrits par Azzarello, ils étaient aussi droit au but qu’intenses. Chaudement recommandé.
Rorschach, sors de cette tête 🙂
Je ne suis pas un familier d’Hellblazer, mais la conjonction des 2 artistes en Présence…(et tu as un talent certain pour mettre en valeur leur collaboration comme leurs qualités propres) et la prison comme décor principal, tout cela réuni donne l’envie de s’y coller.
Concernant le traitement de l’univers carcéral, la tonalité de ton article me dit que l’influence de la série Oz
de Tom Fontana est palpable dans le scénario de Brian Azzarello.
Le générique pour donner une couleur musical différent à l’article (même si Gainsbourg et Vidocq c’est classieux…) https://www.youtube.com/watch?v=x8GQVeCM9ZA
L’analogie avec la situation de Rorschach s’est imposée au fur et à mesure de l’écriture de l’article.
J’avais eu la flemme de vérifier avant : tu as raison. Oz a duré de 1997 à 2003 (alors que Hard times date de 2000), il y a de fortes chances pour qu’Azzarello y ait puisé une partie de son inspiration.
Je n’aurais jamais pensé à ce rapprochement, et pourtant j’aurais maintenant du mal à me le sortir de l’esprit. A y réfléchir, je trouve que l’image de Gainsbourg colle bien plus au personnage de John Constantine que celle de son modèle original (Sting).
La chanson du forçat (que je ne connaissais pas) est sympathique, avec son riff folk (un peu répétitif à mon goût), et ses paroles simples mais perspicaces (elles me rappellent le diction anglais : you don’t know what you’ve got ’till it’s gone)
C’est le générique de Vidocq, la série télé des années 70 avec Claude Brasseur dans le rôle titre. Lofofora l’ont brillamment reprise sur leur album Double (c’est le nom hein).
@ Présence : le riff de Gainsbourg m’ a longtemps fait penser à une chanson de Noir Désir. Je ne sais plus laquelle. Désormais, je laisserai la BO du jour dans les commentaires pour ceux n’ayant pas FB. Peut être aussi le teaser. A voir
J’aime beaucoup les films de prison en général. Je n’ai pas eu le coup de foudre pour John Constantine pendant le run d’Ennis. Si Xabaris me prête ça, je lirai cela avec attention car j’apprécie Richard Corben. En échange, j’initierai notre junior à Serge Gainsbourg….
LA douceur : je reconnais là l’ironie d’Azzarello. Impossible de me retirer ce surnom de la tête….. Une très bonne histoire de 100 Bullets se passait aussi en prison.
@ Lone : Oz ! Je ne l’ai jamais vu, je n’en ai entendu que du bien mais également beaucoup d’écœurement // la violence. J’avais bien aimé la première saison de Prison Break avant que cela ne tourne au grand guignol.
La Douceur – C’est la traduction française utilisée dans l’édition Toth, car… une fois n’est pas coutume j’ai lu cette histoire en VF (épuisée en VO). J’ai trouvé que le traducteur s’était admirablement bien sorti de la traduction des dialogues tout en ellipses d’Azzarello. Il n’y a qu’un phylactère dont je n’ai pas compris le sens. La qualité de la traduction de Jean-Marc Lainé est telle que je n’ai pas regretté de ne pas avoir pu le lire en VO. Un travail aussi excellent que remarquable pour avoir su transcrire l’effet des dialogues compliqués de l’auteur.
Ce week-end, j’ai failli craquer pour le Hellblazer par Ennis réédité par Urban, et puis non, j’ai pris Enigma chez Urban et Le petit livre de la bande dessinée par Bourhis et Terreur Graphique. Mais il va falloir que je me le prenne tant cela m’intrigue.
Présence, ton article donne furieusement envie, mais je ne suis pas certain qu’il ne manque pas un « pas » en introduction : doit-on absolument avoir lu les épisodes précédents ? Ton commentaire laisse penser qu’il n’en est rien…
Je ne connaissais pas ces épisodes, mais Corben, évidemment que ça donne envie ! Et j’aime bien les histoires de prison je pense (exemple : Q.H.I. de Morvan et Buchet est un des meilleurs épisodes de la série Sillage. C’est moins adulte mais tout autant implacable).
Encore bravo pour la somme d’informations que tu diffuses et pour la découverte.
AAAHHH Un immense merci pour ce formidable article Présence !!!!!!! Je suis fan de Constantine, j’aime plutôt bien Azzarello et j’adore Corben !!!! Ce récit est tellement différent de ce que l’on a pu lire et voir sur Hellblazer, un tel changement fait du bien aussi court soit-il ! La tronche que fait Corben de Constantine est hallucinante on le reconnait pas ! Pleine de vice et un chouilla taré ! Tous les persos ont de sales gueules dû à l’environnement et Constantine n’y échappe pas ! Quelle expressivité Corben arrive à donner à ces persos c’est fou ! Certes ce qui l’a fait dans les creepy et eerie est monumentale mais dans le contexte d’un hellblazer ça reste une belle claque ! Et puis…le héros en taule c’est toujours sympa je trouve….
Merci pour le gentil compliment, j’en rougis. Je ne m’en étais pas fait la remarque, mais il est vrai qu’Azzarello n’a pas eu besoin d’histoire de chauffe sur Hellblazer (en comparaison avec d’autres, y compris Ennis à mes yeux) ; dès la première il a frappé très fort, en conservant sa propre voix.
Pfiou j’ai vraiment du mal avec Corben. A chaque fois qu’on me vante ses talents, je me dis que je passe à côté de quelque chose. Mais quand je feuillette en librairie…non, je n’y arrive pas. Je trouve ça laid, son graphisme me dérange. Sans doute que ça peut avoir un impact selon le genre d’histoire raconté (horreur par exemple, histoire de rajouter un côté malsain dans le graphisme) mais même comme ça, je suis assez allergique à son style.
Je n’imagine même pas ce que donnerait l’association de Ennis (un scénariste qui me met mal à l’aise) avec le graphisme de Corben que je trouve malsain.
C’est dommage, ça peut être une histoire sympa.
Richard Corben représente la réalité de manière exagérée, avec une forme de vulgarité assumée ; ça ne peut pas plaire à tout le monde. J’y vois une forme de morbidité sous-jacente, dans ces excès de chair. Je trouve que ses dessins vont bien avec le côté emphatique du hard rock, dans tous ses excès bravaches et m’as-tu-vu. D’ailleurs la pochette réalisée par Corben pour « Bat out of Hell » de Meat Loaf lui va comme un gant.
Incroyable ! Notre Présence a lu un comics en VF ! Champagne !!! 😀
Le croirez-vous, cet album (et les deux suivants) dorment sur mes étagères…
Urban Comics réédite le Hellblazer d’Ennis (trois tomes) et celui de Warren Ellis (un seul tome suffit pour ce dernier, annoncé pour septembre). Je pense qu’il y a des chances qu’ils enchainent sur Azzarello car ils ont misé sur lui pour 100 Bullets et ils semblent être fidèles à leurs auteurs. Ce serait une bonne nouvelle car le quatrième tome de Hellblazer par Azarello est encore inédit en VF, l’éditeur Toth ayant fait faillite après le tome 3…
Merci à Présence pour cet excellent article, qui met superbement en évidence les qualités de mise en forme (narratives) de Corben, qui sont incroyables, alors que je trouve moi aussi les dessins moches (donc je trouve cela paradoxalement bien et pas bien à la fois, mais plus bien que pas bien…).
Je n’en suis pas fier (de la lecture en VF), mais il y a de fortes chances pour que je lise les épisodes de Warren Ellis qui me manqunte dans l’édition d’Urban. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras, et je suis prêt à me résigner à la VF, plutôt que de courir le risque de ne jamais les lire.
Ton intuition a été la bonne. J’ai beaucoup apprécié la première partie de ce récit. Je suis toujours en extase devant le surnom » La douceur » et la traduction de M. Lainé est effectivement exemplaire.
John Constantine est effectivement un héros Ennisien dans toute sa splendeur. Cynique, je m’en foutiste, manipulateur. Toute la première partie est assez haletante.
Puis vient ce que je ressens comme la limite de ce personnage : tout ça pour quoi ? Montrer que John est plus malin que les autres ? Ok , et ?….. La fin du récit est aussi sanglante que confuse, tout ça pour ça ? Et La Douceur alors ? Le récit passe de sa voix à celle de Constantine, sans que l’on comprenne le pourquoi du comment de cette transition, ni savoir ce qu’il devient (même s’il n’y a aucun doute là dessus).
J’ai ressenti également la même chose à la lecture du Joker d’Azzarello : c’est sympa, bien fait, toujours un peu écrit de la même manière ( c’est ce que je reproche aussi à Brubaker ) mais la fin est toujours un peu fade. Comme celle de 100 Bullets d’ailleurs.
Je ne regrette pas d’avoir lu ça cependant et je t’en remercie. L’art de Corben reste fascinant à mes yeux, malgré les cas de nanisme aigus des personnages.
Et merci à Xabaris qui m’a prêté cet objet.
Tout ça pour ça – Il ne s’agit que de la première partie d’un récit sur plusieurs recueils, une introduction dans une histoire plus longue. Cette introduction atteint plusieurs objectifs : poser la dynamique de l’histoire au long cours (Constantine accusé d’un meurtre), mettre en scène sa pulsion de mort, constituer un chapitre pas trop long pour que Richard Corben puisse s’y investir sur son intégralité.
Bien, je me suis acheté le premier tome de Hellblazer par Azzarello (bravo Tornado tu as eu le nez creux !) publié chez Urban, qui commence avec cette histoire, et je rejoins un peu Bruce. J’aime le dessin de Corben, et l’ambiance est incroyable, palpable, mais il y a un peu trop de non-dits et le changement de narrateur m’a aussi un peu gêné. On est loin de la magie prépondérante de Ennis, qui en mettait toujours un peu, à part dans quelques épisodes. Là, on la ressent, on la devine. Tu as raison, Gainsbourg a plus le physique de Constantine que Sting. Au final je n’ai pas eu l’impression de lire Hellblazer (après tout je ne connais que celui de Ennis), mais une vraie histoire de prison.
Petite parenthèse : je suis tombé sur la série Arrow (ils en sont quoi, à la quatrième saison ?) et le personnage de Constantine y fait plus que de la figuration ! C’est assez étonnant, car la série oscille sans vraiment trouver d’équilibre entre la série pour ados (pleine de personnes tous et toutes beaux) et des histoires assez sombres, avec des scènes d’action un peu ridicules.
Les épisodes suivants sont dessinés par Frusin, et il a un style plus sec et moins virtuose mais assez proche de celui de Risso dans 100 bullets. Constantine a souvent le même rictus carnassier, un peu comme sur la couverture de Joker (que j’ai trouvé totalement quelconque pour ma part), je trouve ça un peu trop. Par contre les ambiances sont poisseuses et bien plus proches du polar que tout ce qu’avait fait Ennis sur cette série. C’est vraiment bon et prenant. Je ne sais pas où Azarello veut aller, mais le personnage est tout de même différent et bien plus désabusé, moins humaniste qu’avant. Désormais, j’ai un regret, celui de ne pas avoir pris le Hellblazer de Ellis. Il faut que je répare ça très rapidement.
Pas eu l’impression de lire Hellblazer – En tant que vieux lecteur, j’ai découvert John Constantine avec le premier épisode de sa série mensuelle en 1993n écrite par Jamie Delano et dessinée par John Ridgway. Pour moi, ça a longtemps été la seule vraie version de John Constantine. Je n’ai découvert ses premières apparitions que des années après, dans Swamp Thing d’Alan Moore.
Ça n’a longtemps été que la seule vraie version pour moi, parce que l’écriture de Jamie Delano était intense et très personnelle. Il avait mis énormément de lui dans ses histoires. C’est la raison pour laquelle j’ai longtemps été très réticent à lire des histoires de ce personnage écrites par quelqu’un d’autre. Avec le recul, et ayant maintenant lu les trois quarts des 300 épisodes, les histoires de John Constantine que je préfère sont celle dans lesquelles le scénariste s’empare du personnage et le fait sien. Garth Ennis a fini par me convaincre même s’il lui a fallu un peu de temps pour trouver sa voix (il était encore un jeune scénariste d’une vingtaine d’années comme l’a fait remarquer Tornado). Brian Azzarello n’a pas eu besoin de tour de chauffe pour tout de suite faire sien le personnage.
La Magie – Certes, John Constantine est un magicien de l’occulte, mais les scénaristes évitent de le transformer en Docteur Strange ou en Docteur Fate. Le surnaturel n’est pas l’attrait principal des histoires, juste un révélateur des turpitudes de la condition humaine.
Je continue à racheter l’intégrale en cours de publication en VO. Je retrouverai avec grand plaisir les dessins de Marco Frusin que j’avais trouvé très sadiques.
Les trois quarts des 300 épisodes ! C’est gigantesque, bravo. De mon côté, je n’ai toujours pas lu les Swamp Thing de Alan Moore, ce qui est un peu honteux… Comme je te le disais, je ne connais Constantine en bd que via Ennis et désormais Azzarello. En te lisant, je crois qu’en fait tu as raison : le personnage a le mérite d’avoir plusieurs facettes, il convient donc parfaitement à des adaptations ou des appropriations d’auteurs de caractère comme tu le soulignes. Frusin sadique, c’est exactement ça. Merci pour ton éclairage toujours intéressant et ouvert.
Avec grand plaisir. Mais c’est plutôt Sabrina qu’il faut remercier ! Tu sais bien que Constantine est son chéri.
Un petit détail : comme Présence le signale, le nom « La Douceur » a été donné par le traducteur français. Il faisait clairement allusion au nom de l’acolyte de Chéri-Bibi, la série de romans de Gaston Leroux (adaptée au cinéma et à la télé), dont le héros est un forçat évadé.
Merci pour la précision. J’avais vu quelques épisodes de Chéri-Bibi à la télé, mais je n’en garde pas un grand souvenir, et je n’ai jamais lu les romans. Cette référence m’avait totalement échappé. Je n’ai pas encore relu ces épisodes en VO, mais je reste très impressionné par la qualité de la traduction de JM Lainé. Pour avoir lu 100 Bullets en VO, je me souviens à quel point l’écriture d’Azzarello est elliptique tout en sous-entendu et en argot.
Je n’ai qu’un brumeux souvenir de la série Chéri-Bibi si ce n’est la voix de Dominique Paturel.
Ayant très envie de revoir du Corben, je viens de me relire The Punisher La Fin et ces épisodes de Hellblazer. Dans l’édition d’Urban, le traducteur n’a pas repris le surnom de la Douceur pour le premier narrateur, il n’a pas de nom. Et ce n’est pas Nikolavitch qui a traduit.
J’ai relu ton article Présence, et tu as bien condensé toutes les facettes de ces épisodes, que je trouve vraiment excellents malgré quelques défauts déjà relevés. Mais quel plaisir ces planches de Corben, il faut que je me trouve des éditions VF de ses épisodes de Eery and Creepy et celle de ses histoires de Poe !
Contrairement à toi, je suis bien content de lire ça en VF car de ce que je vois dans les scans, l’argot de Azzarello (tout comme celui qu’il développe dans 100 bullets) me frustrerait trop en VO, je n’ai pas assez de connaissances pour lire cet argot sans buter dessus ; je ne comprendrai pas tout du premier coup.
Toujours en VF, tu peux trouver assez facilement d’autres récits récents illustrés par Richard Corben : (1) Rat God, (2) Ragemoor, édités par Delirium, (3) Luke Cage (scénario de Brian Azzarello) édité par Panini, et une histoire complète d’Hellboy dans le recueil (4) Hellboy au Mexique, édité par Delcourt.
C’est vrai que l’argot d’Azzarello est un défi à la lecture, je me souviens encore d’avoir peiné sur les premiers épisodes de 100 bullets.
J’ai un Corben dans un Hellboy en effet, le seul tome que je possède, le 8 chez Delcourt. Merci pour les infos en tout cas !