Les Costumes de Batman
AUTEUR : PRÉSENCE
Première publication le 14 septembre 2014. Mise à jour le 14 décembre 2014.
1. Préambule
Cet article ne s’attache pas à une histoire de Batman en particulier, mais aux changements de son costume. Batman est un personnage créé il y a 75 ans et qui a connu de nombreuses évolutions, toujours sous le contrôle vigilant de DC Comics qui détient les droits de propriété intellectuelle du personnage.
Il ne s’agit pas d’effectuer un recensement exhaustif de tous les costumes portés par Bruce Wayne, ni même des principaux artistes qui l’ont dessiné. Quand bien même il serait possible de procéder à un tel inventaire, il serait trop long pour être lisible, et caduque à peine terminé. Il s’agit donc bien d’une vision partielle et subjective. Les costumes de Batman au cinéma mériteraient un article à eux tous seuls, pour regarder comment le réalisateur réussit à faire croire au personnage, à concevoir un costume qui soit plausible sur un être de chair et de sang. Il serait également possible d’élargir le commentaire aux costumes de Batman dans les différentes séries de dessins animés, dans les séries de jouets successives, et même l’interdépendance entre les jouets et les films, sans parler des versions futuristes de type « Batman beyond ».
Les dessinateurs ? ils lui sont tous passés dessus et pas des moindres : Neal Adams, Jim Aparo, Brian Bolland, Dick Giordano, Carmine Infantino, Kelley Jones, David Mazzucchelli, Dave McKean, Frank Miller, Sheldon Moldoff, Jerry Robinson, Marshall Rogers, Tim Sale, et tant d’autres.
2. Les origines
Batman est apparu pour la première en mai 1939, dans « Detective comics » 27. Depuis ce personnage est passé entre les mains de nombreux artistes, et il a bénéficié d’un renouvellement de garde-robe régulier. À tout seigneur, tout honneur : Bob Kane (avec Bill Finger).
Dès sa première apparition les éléments du costume sont clairement définis : une cagoule avec des oreilles apparentes qui laisse le bas du visage à découvert, un juste-au-corps gris avec une chauve-souris stylisée noire, des bottes et des gants gris-noir, une ceinture jaune et un slip noir par-dessus des collants gris (et même un pistolet).
3. 1964
Les responsables éditoriaux de DC demandent à Carmine Infantino de peaufiner et fixer l’apparence de Batman et les détails de son costume.
Les années passant, le costume s’affine discrètement, la base restant très proche de l’original. La couleur grise devient plus claire, les bottes et les gants passent au bleu gris, avec des excroissances pointues, pour devenir franchement bleu. La cagoule est rendue solidaire de la cape. Le slip bleu est conservé, ainsi que la ceinture jaune.
L’évolution la plus significative concerne l’emblème de la chauve-souris qui prend une forme plus symbolique, et qui apparaît maintenant sur un fond jaune. Enfin les ailes de la cape sont un simple tissu, sans armature, avec une longueur qui va en s’allongeant.
4. Tout est possible.
Il faut attendre les années 1980 pour que les responsables éditoriaux acceptent des variations plus importantes. La marque Batman devient tellement rentable qu’il est opportun de la décliner tant et plus en produits aussi variés que possible. À partir de là, toutes les déclinaisons les plus improbables sont autorisées.
Dans les années 1980, la mode est aux Elseworlds, c’est-à-dire des versions d’un personnage évoluant sur une terre alternative. Ce genre de récit permet de justifier des altérations drastiques apportées aux héros.
5. Des variations mineures
A bien y regarder, les différents artistes travaillant sur le personnage arrivent malgré tout à introduire quelques changements dans le costume de référence. Toutefois ces changements ont tendance à ne pas résister à l’épreuve du temps. Par exemple ils peuvent jouer avec le symbole de la chauve-souris sur sa poitrine. Les 2 apparences les plus connues sont celle sur fond jaune, ou la noire sur fond gris
En y regardant de plus près, il est là encore possible de dresser un tableau compilant toutes les formes les plus diverses (sans compter celles utilisées pour les séries de dessins animés, ou les films).
Plusieurs dessinateurs ont choisi de dessiner des sourcils sur le masque pour le rendre plus expressif. Cette variante revient régulièrement, et disparaît tout aussi souvent.
Parmi les essais de représentation, il en est un plus original qui ne semble pas coller aux valeurs véhiculées par le personnage. Si les lecteurs sont prêts à accepter que les ennemis ou les péripéties occasionnent des déchirures au costume de Batman, le personnage perd tout son charisme s’il fait des plis disgracieux, ou s’il est fripé.
6. De plus en plus réaliste
Il faut attendre les années 2000 pour qu’un dessinateur impose une vision plus pragmatique du costume à base d’éléments plus fonctionnels.
De manière surprenante pendant les années 1980 et 1990, les auteurs n’éprouvent pas le besoin de rendre le costume plus crédible ou plus réaliste. C’est Jim Lee qui va imposer l’idée que l’évolution du personnage passe par une vision graphique plus plausible de ses tenues, à commencer par ses bottes, avec des semelles crantées. Il accentuera encore cette orientation à l’occasion de la remise à zéro de l’univers partagé DC en 2011 (opération New 52), avec un particulier le passage d’un costume en tissu, à un costume renforcé de plaques.
Cette représentation plus pragmatique sera poussée encore un peu plus loin par David Finch dans la série « Dark Knight », avec la représentation d’un Batman brutal et fonceur, que certains lecteurs qualifient d’über-Batman. Dans le cadre de projets très spéciaux, les dessinateurs accentueront encore le degré de réalisme, tels Lee Bermejo (à gauche) ou Gary Frank (à droite), avec des éléments vestimentaires piochés dans des catalogues de sport ou d’armement.
7. D’autres visions : du n’importe quoi aux interprétations
Pourtant au fil des années, de nombreux artistes ont imaginé d’autres représentations de Batman, toutes aussi mémorables, mais parfois étranges. Le scénariste peut réussir à justifier d’un costume complètement délirant, déconnecté de toute efficacité, ou toute plausibilité. Cela se conçoit sans peine dans le cadre des récits les plus loufoques des années 1950 (le Batman arc-en-ciel), mais il faut la conviction d’un Grant Morrison pour l’imposer de nos jours (Zur-en-arrh).
Toujours dans l’interprétation, l’artiste peut entraîner le personnage vers l’expressionisme plutôt que le photoréalisme. De ces différentes visions, il en est une qui privilégie Batman en tant que personnage de l’ombre : il est une ombre dans la nuit dont il est difficile de discerner les contours, ou de contempler son costume dans le détail.
8. Gothique
Dans le même ordre d’idée, certains artistes réussissent à sortir Batman du carcan de la représentation purement figurative, en conférant une valeur de symbole à certains des éléments du costume. Généralement ces dessinateurs jouent surtout sur 2 attributs : la longueur des oreilles et la longueur de la cape.
Batman et son costume passent alors dans le domaine de l’expressionisme, en développant une approche subjective. Dans les 2 exemples ci-dessous (Bernie Whrigtson et Simon Bisley), Batman est plus menaçant, plus massif, plus viril. La longueur des oreilles et de la cape insistent sur sa dimension mythologique et totémique (la chauve-souris). Il ne s’agit plus d’un personnage réelle, mais presque d’une force de la nature.
Incontestablement, l’artiste le plus convaincant dans ce registre est Kelley Jones. Il interprète Batman pour en faire une force de la nature, et le tirer vers le roman gothique (lieux enténébrés, personnages maudits, lourds secrets et phénomènes contre-nature). Les oreilles d’une taille irréaliste, la cape longue d’une dizaine de mètres et à géométrie variable, la masse musculaire fluctuante et hors de proportion (des cuisses plus grosses que le torse).
Kelley Jones s’arroge l’utilisation de la licence artistique pour interpréter le personnage, dans un univers visuel saisissant, d’une grande cohérence. Il n’hésite pas à recréer Gotham avec des rues étroites et pavées rappelant le Londres victorien. Il imagine des technologies rétrofuturistes qui rehaussent cette ambiance aussi unique que savoureuse.
9. Une version iconique ?
Après toutes ces interprétations, le lecteur peut sonder son esprit et s’interroger sur la rémanence d’une version plus marquante que les autres. De part sa durée, la version de 1964 remaniée par Neal Adams est celle qui vient le plus facilement à l’esprit. Elle peut aussi bien être dessinée de manière nostalgique avec un côté bon enfant (première image de John Byrne), ou de manière plus dramatique (version de Neal Adams), ou encore dans un pose iconique et imposante (Mike Zeck). Il est frappant de constater que c’est cette version que Frank Miller a retenu pour Dark knight returns.
Une chose est sure : après 75 ans d’existence, Batman a encore de beaux jours devant, et certainement une garde-robe extensible à l’envi, dont la seule limite est l’imagination des artistes.
Superbe article. J’aime beaucoup ce personnage que j’ai découvert dans les DA. Il est frappant de voir que la psychologie de Barman évolue avec le graphisme. Au point qu’un temps d’adaptation est parfois nécessaire pour se ré approprier le personnage. En tout cas, bravo pour cet article très érudit.
En arrivant à la fin de l’article, j’avais envie qu’il continue !
Moi j’adore Batou. Il trône dans le top 5 de mes super-slips préférés, avec Spidey, Supes, DD et Pupu (ouais, z’avez vu comme je les appelle tous par leur surnom !). Il incarne toute une ambiance gothique et rétro que j’adore, comme un film de la Hammer. Et Présence a d’ailleurs bien fait remarquer l’apport des auteurs qui ont réussi à en extirper la substantifique moelle…
Présence, tu disais être incapable de faire un article comme celui que j’ai fait pour Gaston – je ne le pense pas – mais je serai bien incapable de sortir un dossier aussi érudit et synthétique que celui-ci ! Un excellent article très intéressant, car comme Tornado, j’adore Batman. Il est vrai que le Batman réaliste arrive tard mais Miller donne déjà des pistes lorsqu’il combat Superman en armure. Quant à la phrase avec Morrison, elle est très juste.
Il faut que je m’offre le Batman de Paul Pope, c’est un auteur que j’apprécie mais je n’ai lu de lui que son 100%. Enfin, il faut que je me trouve le Moebius. Pendant plus de 15 ans, le Iron Man de Moebius m’a suivi dans mes diverses chambres et appartement, jusqu’à ce que ma fille de deux ans le déchire :'(
Tu n’as donc pas lu 100% ? Je crois qu’avant tout, ce sont les dessins de Pope qui m’attirent. Mais il a plus de consistance que Zezelj par exemple, autre virtuose…
Bel article (as usual), Présence!
Cependant, le sujet est tellement vaste, qu’on pourrait encore parler de tas de choses :
– l’évolution de la « utility belt » (avec des poches ou des « compartiments/capsules »… et la place pour le « Bat-shark repellant »)
– le rôle des « ailerons » sur les gants
– le costume armure de Jean-Paul Valley (qui définit en creux ce que doit être un costume de Batman)
– le costume « all black » (ou presque) faisant suite à Knightfall
– la pertinence (ou non) de ne plus mettre le slip au dessus du pantalon…
Non, plutôt qu’un article sur Iron Man, il faut une suite à cette article.
Bring us a sequel !
J’avais un doute et j’ai vérifié vite fait : l’anti requin est bien apparu dans les comics, en 1958, dans Batman 117 avant le film avec West (1966) :
http://goodcomics.comicbookresources.com/2012/03/06/comic-book-legends-revealed-does-batman-carry-shark-repellent/
D’ailleurs, le goût immodéré de Batounet pour les Bat-gadgets est connu de tous…
Par exemple, pour Noël, Aquaman lui offre
…
un Bat-hareng!
…
Bon, je saur…
Magnifique chronique Presence! Très complète. Comme Tornado j’avais envie que ça continue!
Du Batman je pourrais en dévorer a tous les repas!
@Bruce effectivement le débat sur on aime ou pas le personnage est tréééééés long eheheh…
Merci pour ton article présence, j’ai véritablement adoré l’historique du personnage à travers l’évolution de son costume, et y inclure les elseworlds est un plus (de travail pour toi, de plaisir pour nous)
Cet article m’a fait penser à un one shot de Planetary ou via une perturbation dans le Multivers, l’équipe se retrouvé confrontée à plusieurs versions de Batman se succédant, dont celle de la série des 60’s qui vaut l’achat de ce comics à lui seul.
Une rétrospective plus complète des costumes de Batman dans les comics, en vidéo :
http://www.youtube.com/watch?v=10yAerkDf4o#t=117