IF YOU’RE GOING TO LOS ANGELES : American songs (Rock Americana, les origines) – 1° partie : Crosby, Stills, Nash & Young
Une anthologie historique concoctée depuis la côte-ouest par : TORNADO
Techniquement, le terme d’AMERICANA est né dans les années 80 (en 1984), au sein des radios qui tenaient à effectuer une synthèse postmoderne en regroupant tous les courants musicaux strictement américains de l’histoire du rock et de la musique populaire.
L’idée était de capter une identité propre : Le rock américain est pétri de sous-genres qui en constituent la richesse : Le Rock’n roll, le Surf-rock, le Garage-rock, le Rockabilly, le Folk-rock, le Country-rock, le West-Coast sound, le Southern-rock (rock sudiste), le Blues-rock, la Country-soul, le Heartland, le Soft-rock, etc (sous-genres qui prennent eux-mêmes racine dans le rock, mais aussi le blues, le rythm’n blues, le jazz, la soul, la country et le Bluegrass).
Ce sont les origines de cette fusion, qui datent des années 60 et 70, que nous allons explorer ici.
Un peu d’histoire :
Au début des années 60, l’Amérique est encore sous le choc du Rock’n roll et celui-ci a fait des petits : le Rockabilly, le Surf-rock et le Rock garage. On tourne néanmoins en rond…
C’est en Angleterre que la révolution opère désormais, notamment avec les Beatles mais ça, tout le monde le sait. Ces derniers vont, en 1964, effectuer une tournée aux USA et en particulier en Californie. Le choc est terrible et on parle très vite de British Invasion tellement les groupes anglais impressionnent les musiciens américains. Une première période, extrêmement faste, littéralement dopée à toutes les drogues possibles, va engendrer le rock psychédélique, véritable histoire d’amour entre les USA et l’Angleterre, qui va culminer en 1967 avec le mythique Summer of Love et ses festivals historiques, laboratoire ultime (sonore et charnel !) dans lequel ces musiciens des deux continents vont révolutionner, de concert (c’est le cas de le dire), la musique populaire moderne.
Dès 1965, les deux premières formations qui entreprennent de se calquer sur leurs homologues britanniques en pratiquant le folk-rock sont tout d’abord les Byrds, réponse littérale de l’Amérique aux Beatles (plus authentique que les Monkees), puis le Buffalo Springfield, davantage ancré dans ses racines propres (avec Bob Dylan pile entre les deux). Car aux USA, il y a toujours -absolument toujours- un mouvement de retour aux sources. Ainsi, après la vague Flower Power incarnée par des artistes comme le Jefferson Airplane ou le Grateful Dead, les musiciens américains vont explorer leurs origines endémiques et se forger une identité vraiment distincte.
C’est là que ça devient intéressant : Historiquement, ce retour aux sources musicales de l’Amérique, qui s’installe depuis Los Angeles et son légendaire Troubadour (le club où il fallait débuter, à l’époque) marque une franche opposition au rock psychédélique, qu’il va rapidement supplanter. Il n’en est pas moins aventureux, mêlant les genres (cités plus haut) avec une très grande fraicheur. Cependant, deux courants vont occuper le devant de la scène : le folk-rock et le country rock, dont l’apanage consiste à trouver un équilibre parfait entre instrumentation acoustique et électrique.
Toutes les chansons que vous allez écouter ont été enregistrées en très peu de temps. Soit la quintessence d’un genre qui démarre grosso modo avec le premier album des Byrds en 1965, et qui décline au moment où les Eagles prennent goût à la FM, dix ans plus tard…
Une petite précision s’impose tout de même avant de continuer :
Nous allons faire ici honneur à une partie du rock qui n’est pas toujours appréciée par l’élite du genre.
En 1975, le journaliste Nick Kent, étendard vivant d’un rock qui prône l’état d’esprit avant la musique, qui considère que la chair et le son ne font qu’un et que, pour faire du rock, il faut le vivre dangereusement, débarque à Los Angeles pour voir de près cet endroit mythique qui, tel un aimant, attire depuis plus d’une décennie les Beatles, les Stones et autres Led Zep’ venus y trouver le wild time. Il en repart déçu (après avoir frôlé une overdose dans une baraque du Laurel Canyon…), trouvant le west-coast sound ennuyeux et mou comme de la musique d’ascenseur. De là va débuter une certaine détestation, de la part d’une presse rock élitiste, pour tout un pan du rock qui n’aurait pas le bon état d’esprit. Sous l’impulsion de Kent, c’est d’abord le glam rock qui sera célébré, puis ensuite le punk, lesquels seront sensés enterrer le « folk’n roll »…
L’idée première de l’article est d’insister sur le fait que l’esprit Roots, léché et Laid-back du folk-rock, ainsi que ses épanchements mélancoliques et intimistes, font entièrement partie de l’histoire du rock, au même titre que le reste.
Pas rock’n roll les mecs du Troubadour ? C’est une blague ?
Depuis les hauteurs de Laurel Canyon, quartier de L.A. où se rassemble la quasi-totalité de la scène folk et underground californienne (laissant à San Francisco le monopole du psychédélisme), certains des plus mémorables hauts faits de l’histoire du rock vont s’y dérouler. Emmenées par David Crosby, ce sont toutes les stars qui se retrouvent chez Mamma Cass Elliot pour se baigner nues avec leurs groupies, quasiment aussi célèbres que leurs idoles. C’est Gram Parsons qui invite Keith Richards à prendre du peyotl dans le désert au Joshua Tree. C’est Jim Morrison qui squatte une villa de la rue Rothdess Trail qui lui inspire LOVE STREET. Et si L.A. est devenue la Constantinople de tous les excès, c’est bien parce que nos inventeurs du folk rock y ont profondément semé les graines…
La première partie de notre rétrospective sera dominée par quatre bonhommes à l’étendard West-Coast : David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash et Neil Young (et leurs émules).
Une seconde partie, complémentaire, se concentrera sur d’autres artistes emblématiques.
Le supergroupe CSN&Y (Crosby Stills Nash & Young) sera instantanément comparé aux Beatles en termes d’importance dans le monde du rock, mais n’enregistrera qu’un album studio en 1970 (1). Car hélas, les relations entre nos quatre bonhommes sont exécrables (pour des questions d’égo). L’équipe connaitra cependant un nombre incalculable d’itérations, chacun participant aux albums des autres, avec de multiples tentatives de reformation, principalement le temps d’un album et d’une tournée (2). Tels des frères ennemis, ils ne vont jamais vraiment réussir à se passer les uns des autres, tout en ne réussissant jamais à se supporter le temps d’un album à quatre…
Pendant plus d’une décennie, Crosby, Stills, Nash et Young vont illuminer le paysage folk-rock de l’Amérique et contribuer à forger le son que la liste ci-dessous se propose d’illustrer.
Attention : Cet article n’est pas un TOP 10. Il s’inspire de la formule, mais il s’agit avant tout d’explorer l’histoire du folk-rock américain.
Allez hop ! c’est parti :
Préambule : Crosby, Stills, Nash & Young : CARRY ON (LIVE) (1971)
Il y a des fois des mecs qui vous promettent du roots, et qui commencent par balancer du rock. Mais comme je ne suis pas comme ça, c’est exactement ce que je vais faire… En commençant par de la guitare électrique qui envoie du bois parce qu’au moins deux de nos gars (Stills et Young) sont de sacrés bucherons.
L’idée est de montrer, d’emblée, que l’AMERICANA roots n’est pas qu’une affaire de musiciens mous du genou.
La grande spécialité de Stephen Stills et Neil Young, lorsqu’ils étaient ensemble, était le duel de guitare.
CARRY ON version live, mise en boite dans l’album 4 WAY STREET (un recueil de concerts), est une longue montée en puissance de 15 mn. Le morceau culmine sur le fameux duel entre Stills et Young. Les deux frères ennemis commencent par se défier, jouent chacun leur tour puis tout d’un coup fusionnent, ne font plus qu’un et décollent ensemble pour un autre monde.
L’un des grands duels de guitare de l’histoire du rock, et 4 WAY STREET, disque de chevet de moult guitaristes en herbe. Culte.
Si vous avez ¼ d’heure, vous pouvez écouter ce morceau de bravoure ici.
1. The Byrds : TRIAD (1967)
Au milieu des années 60, David Crosby, californien pure-souche, crée les Byrds avec Roger McGuinn, Chris Hillman et Gene Clark. De leur côté Neil Young, canadien de naissance, et Stephen Stills, texan, fondent le Buffalo Springfield avec Richie Furay et Jim Messina. Et l’anglais Graham Nash rencontre le succès avec The Hollies (3). C’est avec la création des Byrds en 1965 que nait officiellement le folk rock américain. Ils reprennent le Mr TAMBOURINE MAN de Dylan en l’électrifiant, donnant ainsi des idées au barde, qui enregistre son mythique BRINGING IT ALL BACK HOME dans la foulée !
David Crosby se fait virer des Byrds en 1967, pour divergences artistiques (pour l’égo en fait, comme d’habitude). La rupture survient à l’occasion d’une chanson signée Crosby : TRIAD (un titre sulfureux sur un ménage à trois…). Notre moustachu en a assez que le groupe fasse des reprises et il veut imposer ses créations. Conflit…
Personnellement, la première période des Byrds n’est pas ma préférée et je lui préfère celle qui tourne le dos au psychédélisme et aux coupes au bol, après le départ de Crosby et de Gene Clark, avec l’arrivée de Clarence White (LOVER OF THE BAYOU est sans doute ma chanson favorite du groupe). Mais pour cette partie de l’article il paraissait plus cohérent de choisir un titre de Crosby. Ce sera donc TRIAD !
Le titre ayant été écarté par le groupe, TRIAD figure en bonus sur l’album THE NOTORIOUS BYRDS BROTHERS. Sur la pochette du disque, David Crosby a été remplacé par… un cheval !
2. Buffalo Springfield : HUNG UPSIDE DOWN (1967)
Quand ils fondent le groupe en 1966, Stephen Stills & Neil Young ont tout juste vingt ans. Deux années plus tard, pour leur dernier album au sein de cette première formation, leur style est à maturité. Et ce n’est que le début de leur histoire.
Pour choisir un titre je me suis arraché les cheveux : Contrairement aux Byrds, Buffalo Springfield n’enregistre que trois albums mais tout est bon, pour ne pas dire magnifique de bout en bout.
Le lead-vocal de Buffalo Springfield est au départ dévolu à Richie Furay, autre splendide voix de l’univers country rock, qui fondera ensuite le groupe Poco, puis le Souther-Hillman-Furay Band. Mais, le temps de quelques compositions personnelles, Neil Young et Stephen Stills s’emparent régulièrement du micro principal. Le reste du temps ils font ça en chœurs et annoncent les grands jours de CNS&Y.
On va écouter le redoutable HUNG UPSIDE DOWN. Sur ce morceau, Furay et Stills se partagent le chant et s’en accaparent l’intensité à tour de rôle. Mais nom de dieu que c’est frustrant de ne pas vous proposer encore six ou sept titres de cette formation séminale, qui rivalise avec Beatles et autres Stones tout en s’appuyant magistralement sur ses racines américaines. Ça se sent que je suis fan, non ?
La facilité aurait été de choisir FOR WHAT IT’S WORTH (célèbre protest song sur les échauffourées entre la police et les jeunes de L.A.). Mais tout le monde connait cette chanson (signée Stills). Si je vous la fais écouter vous allez me dire « Ah oui ! je l’ai entendue dans tel film ! ».
Et Neil Young dans tout ça ? Le canadien joue également un rôle énorme au sein du groupe et compose certains de ses titres emblématiques. Bon j’ai une idée, il existe un medley de FOR WHAT IT’S WORTH et du survolté MR SOUL, il est là.
3. Crosby, Stills & Nash : HELPLESSLY HOPING (1969)
A la fin des années 60, nos quatre -très jeunes- gars connaissent des dissensions au sein de leur groupe respectif. En quête d’une plus grande harmonie, ils vont finir par fonder le supergroupe Crosby, Stills, Nash & Young. DEJA VU, leur seul album studio à quatre, parait en 1970.
Avant que Neil Young les rejoigne, ils n’étaient que trois sur l’album éponyme CROSBY, STILLS & NASH (1969). Ensuite la formation ne va cesser de jouer sur cette variabilité : en duo, en trio ou en quatuor, selon les disputes.
Dès le départ, la formule est au point et les harmonies vocales sont extraordinaires. Au niveau créatif, chacun apporte sa contribution et les chefs d’œuvre pleuvent.
HELPLESSLY HOPING concentre à elle-seule le génie de cette formule : Mélodie, harmonie, arrangements. Une polyphonie vocale et des compositions en état de grâce. En deux ans, CROSBY, STILLS & NASH et DEJA VU vont intégrer le cercle des meilleurs albums rock de tous les temps… et y rester.
Tous les superlatifs sont bons quand il s’agit d’évoquer DÉJÀ VU, l’album à quatre. On y trouve notamment la chanson WOODSTOCK. Créée par Joni Mitchell, la version de CSN&Y est la plus connue. On l’entend dans le générique d’ouverture du film de Mike Wadleigh dédié au fameux festival. C’est là.
4. Neil Young : SOUTHERN MAN (1970)
Immédiatement après leur séparation de CNS&Y, nos quatre gars vont, chacun de leur côté, enregistrer l’un de leurs chefs d’œuvre solo.
Le premier à avoir tenté l’aventure, c’est Neil Young. Entre 1969 et 1979, tout en zigzagant entre les diverses itérations de CSN&Y, le canadien va enregistrer ses albums emblématiques, notamment HARVEST (1972), grand standard de l’histoire du rock qui incarne à lui-seul tout le genre musical dont nous ne faisons que parler, ici.
Le « Loner » a beau avoir laissé une discographie énorme, j’ai beau adorer moult chansons de son magnifique répertoire (OLD MAN, DOWN BY THE RIVER, LIKE A HURRICANE, CORTEZ THE KILLER, ON THE BEACH), pour moi, c’est l’évidence : SOUTHERN MAN est la perle parmi les perles. Frissons garantis sur le lead vocal déchirant.
Cette merveille est issue de l’album AFTER THE GOLD RUSH (*), dans lequel on trouve également le sublime DON’T LET IT BRING YOU DOWN.
(* Mais il existe également une version live démente d’un quart d’heure dans 4 WAY STREET de CSN&Y !)
5. Stephen Stills : CHURCH (PART OF SOMEONE) (1970)
Si les gars de CSN&Y ont été comparés aux Beatles, ce n’est pas gratuit : Chacun à leur manière, ce sont d’exceptionnels songwriters et des multi-instrumentistes complets. Du point de vue vocal, ils sont indépassables (Stephen Stills possède probablement l’un des plus beaux organes vocaux de l’histoire du rock américain). Le hic, c’est qu’ils vont tous plus ou moins sombrer dans la drogue (les opiacés et les alcaloïdes, qui succèdent à l’herbe et au LSD, vont commencer à faire leur ravage au lendemain de l’ère Woodstock), ruinant ainsi leurs espoirs de grandeur et de succès planétaire au terme des années 70 (seul Neil Young aura réussi, en se tenant écarté des substances psychotropes, à mener jusqu’au bout une véritable carrière solo).
Le premier album de Stephen Stills est parfait. Il ne fera jamais mieux (en solo). LOVE THE ONE YOU’RE WITH est un tube et le magnifique CHURCH, qui transpire le gospel, démontre que le compositeur est un touche à tout virtuose.
Tandis que Crosby & Nash assurent les chœurs, Jimi Hendrix et Eric Clapton en personne offrent à l’album leur contribution, le premier sur l’endiablé OLD TIMES GOOD TIMES et le second sur le bluesy GO BACK HOME. Et tandis qu’une pléthore de stars participe aux chœurs (Cass Eliott, Rita Coolidge, John Sebastian), Booker T. Jones assure les parties d’orgue, et Ringo Star la batterie (sur deux titres). L’album est dédié à Hendrix, qui décède peu après l’enregistrement (c’était son dernier).
6. Graham Nash : BETTER DAYS (1971)
Le premier album de Graham Nash, c’est le magnifique SONGS FOR THE BEGINNERS, qui contient le tube CHICAGO, grand standard du genre Americana.
De mon côté j’ai choisi l’ébouriffant BETTER DAYS. Est-ce parce que Nash est anglais et qu’il a quitté l’Albion qu’il tient tellement à rendre hommage à Paul McCartney dans cette chanson ? Ecoutez bien : Vous l’auriez entendue dans un album des Wings que vous auriez juré qu’elle était l’une de leurs masterpieces !
Il y a du beau monde dans l’album. Mais évidemment, outre Jerry Garcia (Grateful Dead) et plein d’autres pointures, il y a David Crosby et Neil Young !
7. David Crosby : COWBOY MOVIE (1971)
Difficile de mesurer l’importance d’un tel artiste dans le monde du rock, mais elle est considérable. Il suffit de relever les diverses personnalités qui ont fait appel à lui entant que producteur, arrangeur vocal ou même en tant que musicien et c’est rapidement le tournis : De Bob Dylan à David Gilmour, en passant par les principaux représentants de la scène folk, le moustachu est immensément respecté et admiré partout.
De son côté, il n’a guère brillé en solo en n’enregistrant, durant toute la décennie 70’s qu’un seul et unique album (*). Mais un chef d’œuvre : IF I COULD ONLY REMEMBER MY NAME (bon, il y a Grateful Dead, Jefferson Airplane, Joni Mitchell et des musiciens de Santana dedans, mais aussi Neil Young et Graham Nash…). Une série de neuf titres qui représente bien la spécificité de son créateur : Une aisance dans l’interprétation mais, par derrière, une volonté constante dans l’expérimentation et la recherche d’une musicalité très personnelle. Entre folk, jazz, psychédélisme et underground.
J’ai choisi le titre COWBOY MOVIE. C’est le plus long de la galette, celui où le Croz laisse s’exprimer ses copains du Grateful Dead. Je n’ai jamais été un grand fan du Dead, mais DARK STAR est un des titres « énormes » de l’histoire du rock et on en retrouve des réminiscences ici même.
(*) Après des décennies d’errements en tout genre, notre indestructible morse (80 piges à l’heure où j’écris ces lignes), est revenu tel le phénix et a enregistré quatre excellents albums coup sur coup (entre 2104 et 2018). Inattendu, miraculeux et inespéré pour les fans !
8. Manassas : THE LOVE GANGSTER (1972)
Le premier album solo de Stephen Stills, dont on parle plus haut, était une merveille. Mais le vrai chef d’œuvre du texan est l’éponyme MANASSAS, du nom du groupe formé avec son pote Chris Hillman (ex Byrds mais aussi ex Flying Burrito, qui ramène avec lui deux confrères de cette formation country-rock) et son band de tournée (dont Dallas Taylor, batteur de CSN&Y).
Ce double album est un manifeste et le blondin en est l’auteur complet. A l’intérieur, blues, rock, folk, country et musique latino se bousculent dans un ensemble à la fois hétérogène et cohérent.
Bill Wyman était tellement fan de cette formation qu’il ne ratait aucune session et a même insisté pour jouer sur l’un des titres de l’album (THE LOVE GANGSTER), hésitant un moment à rejoindre le groupe ! C’est l’époque où les Rolling Stones sont sous l’influence du country-rock. Si vous aimez STICKY FINGERS et même EXILES ON MAIN STREET (enregistré peu après lors de l’exil des Stones dans notre hexagone), sachez qu’ils paient leur tribut à Gram Parsons, Little Feat et Manassas.
Un très grand album, d’une richesse vertigineuse, qui condense à lui-seul tout l’esprit du genre Americana.
Très difficile de choisir un seul titre parmi les 21 de cette double-galette. Alors je vais être racoleur et vous balancer… THE LOVE GANGSTER !
On peut voir le groupe en live ici.
9. The Stills-Young Band : FONTAINEBLEAU (1976)
1976 était sensée être l’année des retrouvailles (en studio) pour CSN&Y. Mais très vite les vieilles querelles reprennent et coupent la poire en deux : un album de David Crosby & Graham Nash d’un côté (WHISTLING DOWN THE WIRE), et un album du Stills-Young Band de l’autre (LONG MAY YOU RUN) !
A sa sortie, LONG MAY YOU RUN déçoit la critique. Stills impose ses musiciens à Young qui, espérant de son côté imposer les siens (le Crazy Horse), se fait damer le pion… Le résultat est un peu bancal car le cœur n’y est pas toujours mais, attention : un album décevant de la part de tels phénomènes ne signifie pas qu’il soit exempt de pépites…
10. Crosby & Nash : HOMEWARD THROUGH THE HAZE (1975)
Ces deux-là sont les seuls qui semblent vivre une entente sans nuages.
Du coup, pendant les années 70, ils enregistrent ensemble trois albums : GRAHAM NASH, DAVID CROSBY en 1972, WIND ON THE WATER en 1975 et WHISTLING DOWN THE WIRE en 1976. De l’orfèvrerie mélancolique parfaite pour les fans. Du Roots Rock tranquille. C’est vrai que sans Stills & Young, deux chicaneurs à l’égo surdimensionné (essayez de trouver une star plus belliqueuse et agressive que Môssieur Stills, vous m’en direz des nouvelles. Si vous ne me croyez pas demandez à Véronique Sanson ce qu’elle en pense…), Crosby & Nash sont enfin tranquilles !
On va écouter une ballade crosbyenne typique. Roots… Tranquille… (solo gilmourien inclu)…
Les émules
Eagles : DESPERADO (1973)
Tout le monde connait HOTEL CALIFORNIA, hit légendaire, à la fois chef d’œuvre et pierre angulaire du soft-rock « à démolir ».
Certes, dès leur troisième album (ON THE BORDER), on voyait bien que les Eagles cherchaient à édulcorer leur style afin de conquérir le plus large public possible. Leur second opus, le magnifique DESPERADO, avait été un échec commercial et ça, le groupe s’était entendu pour que ça n’arrive pas. Ils voulaient être les stars que la majorité des grands noms du country rock (Gene Clark, Gram Parsons, Richie Furay) n’avaient pas réussi à devenir.
Ils allaient y parvenir en alignant trois disques (ONE OF THESE NIGHTS (1975), HOTEL CALIFORNIA (1976), THE LONG RUN (1979)) qui leur vaudra l’ire des rockers puristes, et les Eagles vont être trainés dans la boue par les punks qui en avaient fait leur cible à égalité avec Pink Floyd et quelques autres.
Objectivement, chacun de leurs albums est une perle. Des compositions magnifiques, des arrangements d’une précision effarante, des polyphonies vocales somptueuses, un groove chaleureux imparable. Du talent à revendre et un travail d’orfèvre jusque dans le moindre atome musical. Mais en même temps, c’est un fait : Le tout est édulcoré au maximum. C’est une démarche musicale qui n’est pas vraiment rock’n roll et, bientôt, ils tracent une voie qui marque la fin du country rock et le règne du soft rock (Fleetwood Mac, The Carpenters) qui occupera les charts dans la seconde partie des années 70.
Le chanteur emblématique des Eagles, c’est le batteur ! Don Henley possède l’une des voix les plus chaudes de son temps mais, lorsque tout le groupe s’y met, on devine qu’il cherche à reprendre la formule vocale qui a si bien marché avec CSN&Y.
J’ai choisi une ballade typique d’Henley. Punks s’abstenir…
America : A HORSE WITH NO NAME (1972)
C’est un peu la même chose en ce qui concerne America (un trio d’américains formé à Londres !). Tout commence bien avec quelques magnifiques albums folk rock et ensuite c’est le basculement, à partir de l’album HEARTS, dans le soft sirupeux, dont ils vont peu à peu former l’étendard.
Lorsque le groupe débarque avec son premier opus homonyme et qu’il reprend la formule de CSN&Y (et surtout celle de Neil Young) en la simplifiant, et qu’ils se hissent à la première place des charts américains, c’est toute l’élite country rock qui les prend en grippe d’entrée ! L’histoire du rock est souvent injuste !
Ici on va faire simple et choisir leur tube emblématique, A HORSE WITH NO NAME. Mais il y a bien d’autres perles dans leur répertoire, comme TIN MAN, SAND MAN, LONELY PEOPLE ou RAINBOW SONG.
Pour terminer, un petit repère discographique (on reste dans une discographie studio sélective -uniquement les années 70) :
CSN :
- 1969 : CROSBY, STILLS & NASH
- 1977 : CSN
CSN&Y :
- 1970 : DEJA VU
Crosby & Nash
- 1972 : GRAHAM NASH, DAVID CROSBY
- 1975 : WIND ON THE WATER
- 1976 : WHISTLING DOWN THE WIRE
The Stills-Young band :
- 1976 : LONG MAY YOU RUN
Manassas :
- 1972 : MANASSAS
- 1973 : DOWN THE ROAD
The Byrds (période Crosby) :
- 1965 : MR TAMBOURINE MAN
- 1965 : TURN ! TURN ! TURN !
- 1966 : FIFTH DIMENSION
- 1967 : YOUNGER THAN YSTERDAY
- 1968 : THE NOTORIOUS BYRDS BROTHERS
Buffalo Springfield :
- 1967 : BUFFALO SPRINGFIELD
- 1967 : BUFFALO SPRINGFIELD AGAIN
- 1968 : LAST TIME AROUND
David Crosby :
- 1971 : IF I COULD ONLY REMEMBER MY NAME
Stephen Stills :
- 1970 : STEPHEN STILLS
- 1971 : STEPHEN STILLS 2
- 1975 : STILLS
- 1976 : ILLEGAL STILLS
- 1978 : THOROUGHFARE GAP
Graham Nash :
- 1971 : SONGS FOR THE BEGINNERS
- 1973 : WILD TALES
Neil Young :
- 1968 : NEIL YOUNG
- 1969 : EVERYBODY KNOWS THIS IS NOWHERE
- 1970 : AFTER THE GOLD RUSH
- 1972 : HARVEST
- 1974 : ON THE BEACH
- 1975 : TONIGHT THE NIGHT
- 1975 : ZUMA
- 1977 : AMERICAN STARS ‘N BAR
- 1978 : COMES A TIME
- 1979 : RUST NEVER SLEEPS
- 1980 : HAWKS AND DOVES
- 2020 : HOMEGROWN : Cet album inédit devait initialement sortir en 1975. Le loner, effondré par une rupture amoureuse (laquelle constitue le squelette de l’album), avait décidé de ne pas le publier. 45 ans plus tard, la chose est exhumée !
(1) Comme on le voit ci-dessus, CSN&Y c’est, durant les 70’s, deux albums studio à trois et un seul à quatre. Il y aura d’autres albums dans les années 80 et 90, mais il s‘agit de réunions dictées par des impératifs commerciaux, qui ne rivaliseront jamais avec le passé glorieux des années 70.
(2) Dès le milieu des 70’s, les quatre gars tentent de se reformer pour se remettre à flot. On peut en déduire que face au succès étourdissant des Eagles, qui leur devaient absolument tout, ils l’aient eu mauvaise en estimant que la couronne devait leur revenir. Hélas, ils n’auront jamais le très commercial flair perçant des aigles, le leur étant obstrué par les poudres blanches.
(3) Nous n’avons guère parlé des Hollies, le groupe dans lequel Graham Nash a débuté car, à l’inverse des Byrds et de Buffalo Springfield, il s’agit d’un groupe anglais.
Bonus – Midlake : ROSCOE (2006)
On termine avec des contemporains. J’aurais pu choisir Turin Brakes mais je les avais déjà mis dans mon TOP 10 : Rock Lyrique et mélancolique ! Et en plus ce sont des angliches !
Midlake, groupe texan apparu en 2001, a tâté de l’Americana jusqu’au départ de son frontman et leader Tim Smith. Le groupe a, par la suite, effectué un virage à 180 degré en publiant un album au style radicalement différent (quoiqu’excellent en tout point) !
Ici, Midlake nous ramène aux meilleures heures de la West-Coast avec un titre magnifique dont la rusticité de la rythmique n’a d’égale que la beauté universelle du refrain. Irrésistible !
Album : THE TRIALS OF VAN OCCUPANThER.
Autre titre conseillé : YOUNG BRIDE.
Crosby, c’est très floydien. Pas étonnant que Gilmour l’ait appellé pour ses concerts.
Tu savais que c’était Neil Young que Waters avait appelé pour chanter Confortably Numb à Berlin ?
Celui-ci ayant refusé, on s’est coltiné Van Morrison pour la pire version de cette chanson jamais réalisée.
Non je ne savais pas. Toutes les versions de toutes les chansons de Berlin sont les pires, je trouve…
Une autre version professionnelle et catastrophique de Confortably Numb par Miley Cirus :
https://www.youtube.com/watch?v=JNOWcoImDQQ
Ca fait quelques jours que j’écoute en boucle Le maudit, le magnifique premier album américain de Véronique Sanson après son escapade avec Stephen Stills, enregistré avec les musiciens de Manassas.
Alors, je me dis, et si j’écoutais Manassas pour voir à quoi ça ressemble ?
Mais avant, passage chez Bruce Lit. Ben oui, je me dis que Tornado a certainement écrit sur le groupe et ça m’intéresse de le lire. Résultat, me voilà ici. 🙂 Une vraie Tornado-groupie. 🙂
Après écoute, je partage l’avis de Tornado, ce double album album est excellent, très varié et abouti dans tous les genres qu’il aborde, c’est une vraie réussite. Une découverte que je réécouterai certainement.
Pas certain que ça va me réconcilier avec toute cette musique west-coast qui n’a jamais vraiment été ma tasse de thé mais je reviendrai régulièrement ici pour piocher des idées d’albums à écouter.
Merci beaucoup Zen !
Oui, MANASSAS est un immense album qui peut plaire à beaucoup grâce à son hétérogénéité et sa richesse de titres à la fois variés et inspirés.
Comme tu le pressens, pas sûr que tu aimes grand chose d’autre de la liste (il y a également la 2ème partie de l’article avec d’autres artistes ici : brucetringale.com/macadam-cowboys-girls-rock-americana-les-origines-2-partie/) mais c’est super gentil d’être passé !