SUPER 8 par JJ Abrams
AUTEUR : TORNADO
1ère publication le 20/12/15- MAJ le 30/06/19
Le pitch : 1979, dans l’Ohio. Le tout jeune Joe Courtney, treize ans à peine, vient de perdre sa mère, décédée lors d’un accident tragique. Cet événement n’arrange en rien les relations tendues que le garçon entretient avec son père, le shérif-adjoint de la ville.
Parallèlement, la jolie Alice Dainard vit une relation tout aussi tourmentée avec son père alcoolique. Ce dernier est d’ailleurs responsable, malgré lui, de la mort de la mère de Joe…
Une nuit, une bande de jeunes adolescents, dont font partie Joe et Alice, fugue afin de tourner un petit film d’horreur grâce à une caméra « Super 8 ». Mais alors qu’ils filment une scène depuis le quai de la gare de leur petite bourgade, un train arrive et déraille sous leurs yeux. Très vite, il apparaît que ce déraillement n’est pas naturel et que le train cache quelque chose de mystérieux…
Dans les jours qui suivent, l’armée arrive sur les lieux et l’attitude étrange des militaires ne fait qu’accentuer le trouble. Surtout que, dans le même temps, une mystérieuse présence commence à rôder dans la région au moment même où certains habitants disparaissent dans des conditions inexpliquées…
Super 8 fait partie de ces films que je n’ai pas du tout aimés la première fois que je les ai vus. C’est ce qui arrive parfois lorsque l’on s’attend à autre chose… Pour autant, j’aime Super 8 davantage à chaque fois que je le revois. Car chaque étape m’aide à mieux comprendre son concept.
Il faut dire que le projet de J.J. Abrams est d’une cohérence sans faille mais qu’il mérite d’être décrypté afin d’en apprécier toute la profondeur ! Il faut donc revenir en arrière :
A l’âge de quatorze ans, J.J. Abrams, qui tourne des courts-métrages en « Super 8 » comme le faisait son idole Steven Spielberg, se voit engagé par la productrice Kathleen Kennedy afin de restaurer les premiers films en 8 mm du réalisateur des Dents de la Mer ! La boucle est bouclée pour un jeune cinéaste qui rêve désormais de devenir l’héritier du plus grand réalisateur de son temps !
Dès lors, Super 8 le film s’impose à la fois comme une hommage au « maître » et une déclaration d’amour à tout un pan du cinéma hollywoodien et son époque : la fin des années 70 et la première moitié des années 80, soit la grande époque de Steven Spielberg, dans laquelle il réalisa ses films cultes (Rencontre du 3° Type, E.T. l’extra-terrestre, la saga Indiana Jones) et produisit d’autres longs-métrages aujourd’hui révérés par toute une génération, tels Les Goonies, Poltergeist ou Gremlins.
Empruntant ses thèmes narratifs autant à Rencontres du Troisième Type qu’aux Goonies ou encore à Stand by Me ou Explorers (deux autres films cultes des années 80 mettant en scène une bande d’adolescents), Super 8 marque également son héritage de manière conceptuelle sachant que, si sa scène d’anthologie demeure celle du déraillement du train (outrageusement spectaculaire !), elle rappelle que le père spirituel Steven Spielberg réalisa son premier film en 8mm en faisant dérailler un train électrique ! Et comme si tout cela n’était pas suffisant, Abrams va même jusqu’à reprendre certaines thématiques récurrentes de son idole, telles la famille disloquée et les défaillances du père !
C’est dire si Super 8 le film devient riche et passionnant dès lors que l’on commence à en percevoir toute la richesse conceptuelle !
Et pour enfoncer le clou, le film est produit par Steven Spielberg lui-même au sein de la société de production Amblin Entertainment (créée par Spielberg en 1981), dont le célèbre logo animé montre E.T. entrain de voler sur son vélo…
Pour ne rien gâcher, le film de J.J. Abrams possède bien des qualités de formes et de fond. Il est superbement écrit, réalisé et interprété, avec une mention spéciale pour la toute jeune Elle Fanning, qui crève l’écran.
La première partie est plutôt magistrale, avec cette tragédie familiale bouleversante qui va imposer le « style Abrams » en devenir, où ce sont les personnages et leurs atermoiements qui définissent l’intrigue, et non l’inverse.
La personnalité de chaque protagoniste est ainsi suffisamment dessinée, suffisamment crédible et immédiatement attachante pour que ce soit précisément sur la profondeur et la véracité de chaque individu que le scénario puisse développer sa structure, car Abrams met manifestement un point d’honneur à se souvenir que ce sont nos choix et nos actions qui définissent les événements à venir…
Le réalisateur et son équipe poussent d’ailleurs la subtilité à son potentiel maximal en évitant les scènes larmoyantes et en ne diffusant leur émotion que de manière très légère, par petites touches délicates.
A l’arrivée, l’émotion l’emporte néanmoins sur le spectacle et, tel un film de Spielberg (je me répète, hein ?), on ressort avec le souvenir d’avoir passé un moment avec de vrais personnes, et d’avoir éprouvé une véritable communion avec ces dernières.
L’extraordinaire Elle Fanning nous joue les zombies !
Par ailleurs, le suspense est maitrisé de bout en bout et l’humour, diffus, trouve une note irrésistible lorsque, lors du générique final, le court métrage tourné en « Super 8 » par nos jeunes héros est diffusé en intégralité. Soit un petit film de zombies intitulé « Le Cas », grand moment de nanar qui nous renvoie directement à l’âge consacré. Les héritiers du Maître Spielberg sont décidément de grands enfants…
Pour autant, le film n’oublie pas de nous conter une histoire de science-fiction et sacrifie son originalité sur l’autel du récit rétro, comme au temps où l’Amérique craignait la menace venue d’outre-espace !
D’aucun a raillé ce volet science-fictionnel en se gaussant de cet extraterrestre à la fois connoté et froidement animé en image de synthèse. Soit un résultat un peu paradoxal, à mi-chemin du passé et du présent.
Ce serait oublier que cet élément est posé à la fois pour son aspect référentiel, mais en même temps pour illustrer un concept et non pour être une finalité en soi. Super 8 le film n’est donc pas un film de monstre, ni un blockbuster avec de grosses bébêtes comme Starship Troopers. C’est un hommage à une époque et à une certaine forme de cinéma, doublé d’une déclaration d’amour à un cinéaste en particulier. Ce n’est pas un divertissement pyrotechnique pour les férus d’effets spéciaux. C’est un film conceptuel, dont le volet science-fictionnel est un vecteur, et non une fin.
Avec ce film d’auteur extrêmement personnel, J.J. Abrams marque ainsi clairement son héritage et définit ses ambitions.
Depuis ses séries TV racoleuses (jamais réussi à terminer la première saison de Lost, moi…), tremplin obligatoire afin de parvenir au firmament du 7° art, le parcours du cinéaste est désormais limpide : Après la réalisation de Mission Impossible 3 et la production de Cloverfield, deux essais cinématographiques obligatoires, après la création de Super 8, projet séminal définissant intrinsèquement une philosophie artistique et un héritage prononcé, Abrams relance les deux plus grandes franchises science-fictionnelles de l’histoire du cinéma, soit Star Trek et Star Wars ! Une note d’intention hallucinante pour un éternel enfant rêvant de trôner sur Hollywood dans une forme de cinéma spectaculaire et familial connoté.
Ici, lecteurs ou contributeurs du blog, nous le savons bien. Tout cela, c’est de la culture populaire. Elle a fait de nous des geeks et on ne demande qu’une seule chose : Continuez Mr Abrams !!!
Le maître Spielberg demeure probablement le plus grand cinéaste de sa génération et, en tout cas à mon sens, le grand génie artistique de notre temps.
Le temps nous dira d’ailleurs si, avec J.J. Abrams, la relève est assurée. Probablement pas mais, avec de tels projets, on aurait tort de lui mettre des bâtons dans les roues !
Mais que cache donc ce train ?
Journée J.J. Abrams !
Tornado continue de nous dire tout le bien qu’il pense de JJ Abrams en passant en revue son « Super 8 », ou avant d’enfiler les chaussures de George Lucas, il enfilait (sic) les bottes de Spielberg.
Et bien entendu, pour ceux qui ont loupé la review de Star Wars 7, elle est toujours à l’affiche ici.
La BO du jour: pendant que JJ Abrams tourne en super 8 , Jarvis Cocker rêve de tourner ses fantasmes en cinémascope : https://www.youtube.com/watch?v=JXbLyi5wgeg
Intéressant.
Super 8 m’avait endormi, j’avais trouvé ça plat et peut être trop copie calque de Spielberg justement.
Abrams me fait penser à Samuel Jackson: un type hypra doué que j’aimerais voir faire autre chose que des adaptations/ remake.
Ceci dit, ma critique n’est sûrement pas totalement fondée puisque Kubrick, jusqu’à son dernier film n’a fait qu’adapter des oeuvres littéraires. D’ailleurs les copains, en 2016, il faudra s’atteler sérieusement à chroniquer du Kubrick !
Pour en revenir à Abrams, tes réflexions sur l’Oedipe de ce réal’ semblent de plus en plus fondées au fur et à mesure que s’étoffe sa filmographie. Sydney est confrontée à son père dans Alias tout comme les héros de Lost, le Capitaine Kirk doit s’en montrer digne dans Star Trek, et il prend la place dans les chaussures de Spielberg et Lucas ! Bien vu la Tornade 😉
Peter Jackson, outre le fait qu’il me semble avoir un talent visuel plus caractéristique que celui de JJ Abrams, a réalisé à ses débuts des films originaux. Laissant de côté la pochades gore (mais marrrante) Bad taste, Créatures célestes et, surtout Fantômes contre fantômes sont deux films fantastiques originaux et qui supportent plusieurs visions. Là où je te rejoins, c’est que ce temps est malheureusement pour nous révolu, est que le nouveau projet du kiwi est l’adaptation du Temple du soleil d’Hergé. Bon après, j’irai quand même le voir avec les gamins, comme la guerre des étoiles, quoi…
Pas vu ce film. Le pitch ne m’intéresse pas plus que ça… Mais un soir en VoD, why not…
Pour JJ Abrams et Œdipe, c’est parce qu’il a trop écouté les Bee Gees et leur chanson : « Œdipe is your love »…
Oh la vache JP ! Mais tu nous sors un chef d’oeuvre carambar !!!!
Im not Worthy !!!
C’est dire si Super 8 le film devient riche et passionnant dès lors que l’on commence à en percevoir toute la richesse conceptuelle. – Cela semble vouloir indiquer qu’un spectateur lambda ne peut que trouver ce film bof-bof. Seul un spectateur disposant de la culture cinéphilique que tu détailles peut capter l’intention de l’auteur. D’une certaine manière, cela condamne presque l’oeuvre à un succès modéré.
En fait, le film a bénéficié d’une grosse campagne de pub (Abrams maitrise la chose) basée sur la nostalgie 80’s à la Spielberg. Il a donc relativement bien connu le succès. En revanche, beaucoup de spectateurs sont passés à côté du sujet et ont été déçus par le résultat.
Je ne l’ai pas vu en entier et effectivement il ne m’a pas enthousiasmé mais tout comme les films de Spielberg, il démontre un vrai talent de faiseur de A bras. Ton analyse est très intéressante mais cela ne suffit pas pour en faire un film réussi. On pense beaucoup à ET et aux autres films que tu cites, mais il n’arrive pas à nous faire aimer les personnages. A part lors du générique de fin où le film en super 8 est bien drôle.
@Jyrille :
Connaissant un tout petit peu tes goûts, je te mets au défi de ne pas l’aimer davantage à la seconde vision (en le regardant avec ton fils par exemple) ! 😉
Tu as peut-être raison sur ce point… Je garde ça en mémoire !
Je fais partie de ceux qui ont beaucoup aimé ce film, et ce alors que je ne l’ai vue qu’une fois.
Peut-être est-ce parce que c’est un film que j’ai vu au ciné, toujours est-il que j’en garde beaucoup de souvenirs, contrairement à la plupart des blockbusters que je peux voir.
Par contre, je crois me rappeler avoir ressenti une frustration. Comme le dit Cyrille, les personnages ne sont pas aussi attachants qu’on aurait voulu qu’ils le soient, comme pour ET ou les Goonies.
C’est vraiment avec le recul qu’on se rend compte que c’est une belle oeuvre. Pas un chef d’oeuvre, mais une belle oeuvre.
PS : j’ai regardé LIFE hier soir. Hum. J’ai détesté, même si c’est très bien fait… Je préfère les gentils extraterrestres…
Je recommande une fois encore à tous de re-voir SUPER 8. Le film gagne de la profondeur à chaque vision et je dirais que l’attachement aux personnages va également croissant.
Je ne connais pas LIFE. Je découvre l’existence de ce film avec ton post ^^
Punaise, je me dis que depuis que j’ai arrêté de lire (et d’acheter) la presse ciné, je deviens de plus en plus inculte. Il serait peut-être temps que je m’y remette… (bon, ils les vendent un bras leurs magazines, faut dire…)
Mais faut suivre les sorties ciné sur le net sinon. C’est gratuit !
Je connais LIFE, mais je ne l’ai pas vu.
C’est très inspiré d’ALIEN apparemment. ça peut être sympa.
Mais Kaori aime les trucs positifs, et pas l’horreur ou les vilains monstres^^
Oui c’est ça, sauf que j’ai préféré ALIEN.
Ca c’est la manie de mon homme de prendre des films sans lire les résumés mais uniquement en suivant les suggestions de son allo ciné. Il aime les surprises. Pas moi !
J’ai failli partir au milieu du film, quand j’ai vu la tournure que ça prenait… Surtout que ça se voyait gros comme une maison. J’étais là à dire « Nan mais personne ne voit que c’est une mauvaise idée ??? Ils ont pas vu Alien ou quoi ??? »
Mais comme c’est un film quand même réussi, j’ai regardé jusqu’au bout… Matt, ça pourrait bien te plaire…
Tornado, SUPER-8 passe ce soir, je pense que je vais le reregarder à cette occasion.
Tu peux aller voir Premier contact de Denis Villeneuve si tu préfères les aliens pacifistes^^
Vu, et bien aimé 🙂 (même si très tordu il me semble et pas super gai…)
J’ai beaucoup aimé la sensation de regarder un truc de ma jeunesse : j’aime bien les clichés (mon côté feignant) et aussi probablement parce que le côté « imitation littérale » est complètement assumé, et sert d’ailleurs carrément de justification au film, à la fois exercice de style, hommage et tout le reste (à la différence du laborieux/putassier traitement de la série Stranger Things, insupportable…).
La trame relationnelle des personnages fonctionne très bien, le casting des gosses aussi -sinon le brushing impossible du héros, mais ça c’est une spécificité Hollywoodienne incontournable !- et Elle Fanning est effectivement excellente. En bonus, la scène du déraillement du train est un magnifique cadeau au spectateur qui, déçu par le pitch S.F., réduit au simple prétexte, en a quand même pour son argent, du coup.
Mais vraiment dommage, cette moche taupe géante numérique : Abrahams a complètement oublié que, pour faire vraiment peur, il faut faire soit esthétique, soit ne pas montrer. C’est pourtant aussi une leçon de Spielberg, qui l’a appris grâce à son Jaws, film populaire à sensations fortes qui a surtout fonctionné parce que, défaillances mécaniques à répétitions, on ne voit pas la bébête…