Première publication le 24/08/14- Mise à jour le 24/08/20
Hulk vs La Chose par Bruce Jones et Jae Lee
Un article de BRUCE LITVO : Marvel
VF : Panini
Hulk vs La Chose est une mini série en quatre épisodes parue en 2004 et réeditée chez Panini en 2013. C’est un récit complet auto contenu et il n’est pas nécessaire d’avoir une connaissance de la continuité des personnages pour en apprécier la saveur.
Allez, Marvelophiles ! vous vous l’êtes fait combien de fois ce match imaginaire entre Hulk et la Chose ? Bien qu’aucune statistique, ni histoire des Fantastiques ne donnent Ben Grimm gagnant, il semblerait que ce duel soit aussi redondant que celui opposant le même Hulk à Wolverine.
Cette mini série est à la fois jouissive et roublarde. Bruce Jones écrit un récit léger et surprenant où il ne pleut pas des mandales pendant 100 pages. Voici une histoire à la Garth Ennis qui refuse la démonstration gratuite des super pouvoirs des personnages. Aucun super vilain ne vient interrompre les deux monstres. Pas de Team Up après que les deux héros se soient allègrement castagnés.
La Chose a le cafard. Il a donné rdv à Bruce Banner dans le désert pour prendre un verre avec lui. A peine le scientifique arrivé, Ben Grimm lui balance une tarte pour qu’il se transforme ; c’est à Hulk qu’il souhaite s’adresser ! Les deux personnages revisitent alors leurs bagarres passées.
Comme le lecteur, Hulk ( ici doté de suffisamment d’intelligence pour aligner deux mots ) est sûr de son fait : Grimm n’ a jamais eu le dessus. Entrecoupée d’arguments musclés (quand l’un deux tape du poing sur la table, c’est le bar qui s’écroule), la conversation finit par tourner à l’avantage du Fantastique qui finit par démontrer que les souvenirs de Hulk sont faux et qu’il l’ a bien écrasé dès leur première rencontre.
Loin du récit bourrin et viril auquel on pouvait s’attendre, Jones offre au lecteur une autre histoire; celle de deux monstres résignés que la monstruosité a rendu complices. Tout ceci est plus subtil que cela en a l’air. Nos deux brutes ont suffisamment intégré leur condition irréversible pour s’auto-apitoyer. Ben Grimm derrière son humour laisse transparaître une profonde mélancolie et une colère refoulée. La même que celle qui transforme Bruce Banner en monstre vert.
Hulk est plus secret, moins bavard, plus inquiétant. Alors que Grimm met les mots sur ce qui le torture, Hulk garde un calme inquiétant, imposé pour que ceci ne vire pas au drame.
Il y a bien un twist final pour injecter un peu d’action dans cette conversation de comptoir. Mais l’essentiel tourne autour de l’orgueil blessé de Ben Grimm qui n’a pas supporté d’être humilié sur son apparence par Doom au cours d’un combat.
Dommage que Jones ne soit pas plus ambitieux dans ses arguments. Car au final, question difformité notre Victor Von Doom n’ a rien à envier aux deux autres et il aurait été atsiceux de l’ associer aux ruminations de nos deux amis.
Si le scénario est suffisamment bien troussé pour ne jamais s’ennuyer, d’humour au second degré et d’émotion contenue, il s’enferme assez vite dans un schéma limité ultra décompressé sur quatre épisodes. A tel point qu’un chapitre en moins n’aurait pas nuit à l’entreprise. C’est très répétitif : la Chose est interrompu dans son récit par un Hulk turbulent, une vanne, un civil, un coup de poing pour ensuite le reprendre tant bien que mal. Et le lecteur de réaliser que l’histoire de Ben Grimm passe après le plaisir de voir ces deux titans assis sur deux tabourets pour supporter leurs poids.
Les planches de Jae Lee sauvent l’entreprise d’un certain ennui. S’il garde en tête que les deux gars sont des montagnes de muscles, il refuse l’hypertrophie stéroidés des super héros. Hulk et la Chose sont approchés comme deux monstres, deux humains ayant muté au delà de la normale. Ils ne sont plus humains mais gardent ce zeste d’humanité qui leur rappelle leur origine.
Ben Grimm garde cet aspect simiesque mais se rapproche de la forme d’origine que Jack Kirby lui avait attribué. Une version moderne du golem où le Fantastique semble recouvert de boue durcie plutôt que la carapace de brique orange sous laquelle il est fréquemment représenté. Quant à Hulk, sa musculature pourrait être celle d’un champion d’haltérophilie.
Jae Lee livre des dessins vibrant d’humanité de deux monstres exclus de toute normalité à la puissance corporelle indéniable mais à la sensibilité à fleur de peau. Il se lâche complètement sur les couvertures que l’on croirait sorties de chez Vertigo. Hulk défonce littéralement la mâchoire de Ben, Hulk est éborgné par notre Chose aux yeux bleus.
Ce qui devait donner lieu à un énième combat burné entre deux super humains est finalement une conversation virile dans un bar qui se dégrade à chaque étape de l’histoire.
Tout en livrant un récit au second degré, Jones, malgré des situations extrêmement répétitives parvient à intéresser son lecteur en prenant la mesure de la dimension dramatique de ces deux monstres. Si le Fan-base y perd en terme d’affrontement titanesque, voici une histoire qui s’inscrit complètement dans la ligne éditoriale audacieuse et mature du Marvel du début des années 2000.
@Bruce – Je remarque également que tu t’es particulièrement appliqué pour détailler ton avis sur les dessins. J’ai bien apprécié ton regard sur les images de Jae Lee.
Jae Lee. J’y arrive pas. Le récent ‘Ozymendias’ tout juste. Mais cette rencontre entre Hulk / La Chose par quelqu’un qui, en quelque sorte, se refuse à représenter graphiquement le mouvement…
J’ai été publié pour un comic strip (scénario et dessins) dans le beau journal de Spirou. Une rubrique spéciale genre « Nos lecteurs ont du talent ». En 1975 ou 1976. Peut-être avant. Je pense que j’étais pas loin d’avoir arrêté de lire Strange, à l’époque. Ce n’était pas des dessins de super-héros, donc. Mais j’ai aussi dessiné des histoires de super-héros. « Tapman » (capuchon de Batman, armure d’Iron Man période G. Tuska), « Grine Lanterne » (son casque était une… lanterne), Le Hibou (« villain » tout pourri abonné aux tannées, reconverti en sauveur de monde) etc. Ces histoires n’ont jamais eu que deux lecteurs à part moi. Ces lecteurs étaient les autres scénaristes et dessinateurs du Stupid Comics Group. Un vrai atelier façon « Golden Age ». On faisait du comique gros nez, du parodique, du western, de la SF, Il n’y a que le côté « romance » qu’on n’abordait pas, rapport à ce qu’on n’y connaissait rien.
Cette mini-série est totalement indépendante du run de Bruce Jones sur Hulk, ou il y a des allusions ?
Totalement indépendante.
Je ne connaissais pas ce titre, probablement sorti à une époque ou j’avait un peu lâché les comics (si, ça peut arriver, et c’est même très sain, lorsque le nombre de bouses devient intenable).
L’idée de cette conversation de comptoir est intrigante, et les dessins de Jae Lee ne gâchent rien à l’affaire, si je met la main dessus, je me laisserai tenter, bien que tout le monde sache que Ben Grimm n’a jamais eu l’ombre d’une chance… Hulk Smash !!!
Allez, je joue les nostalgiques et me fend d’un commentaire…
Un oldie but goodie comme je les aime : le charme et la fantasie des vieux pugilats Marvelliens des années 80 et qui fut le Hulk et La CHose de Berni Wrightson, autant dire que cette mini série çi-présentée ne réinvente pas l’eau chaude. Ceci étant dit Bruce Jones et un auteur compétent qui az fait ses preuves et le dessin de Jae Lee (trop rare, Jae Lee) me plait assez, alors merci Bruce poiur cet article détaillé.
A la tienne!