Preacher par Garth Ennis et Steve Dillon
Première publication le 02/02/15- Mise à jour le 30/05/16.
VO : Vertigo
VF : Le téméraire, Panini, Urban
Cet article est un focus sur l’intégralité de la série Preacher, version comics. Il s’agit d’une rediffusion d’un vieil article exhumé à l’occasion de la diffusion du premier épisode de la série TV sur AMC dont je ne sais si je dois m’y aventurer…
Attention Spoilers divins et autres….
Impossible de ne pas profiter de la réédition de Preacher pour revenir sur un phénomène du Comic- Book qui traumatisa toute une génération de lecteurs.
Je me rappelle parfaitement de ma première lecture de Preacher. D’emblée je détestais Jesse Custer. Moi qui étais encore chez mes Xmen, je débarquais chez un type qui était violent, parfois cruel, tuait ses ennemis ou les humiliait impitoyablement (que ceux qui ont déjà tenté comme ce pauvre Hoover de compter 3 millions de grains de sable d’une traite sur une plage lèvent la main….). Jesse Custer buvait, baisait, fumait, se droguait et jurait comme un charretier.
Je m’apprêtais à balancer le bouquin dans la même poubelle que Transmetropilitan de Warren Ellis, lorsque j’embrayais sur l’arc Until The End of the World. Tout à coup, l’enfance de Jesse Custer enfant martyr, me le rendait enfin attachant, les sarcasmes et l’ultra violence de Garth Ennis laissaient progressivement place à une certaine sensibilité voire à de la mélancolie.
Et je tombais enfin inconditionnellement amoureux de cette série, l’une des rares à mon sens, à décupler le plaisir de relecture de ses fans. Preacher, je ne m’en lasserais jamais. Jamais ! Rien qu’en survolant les Scans, je me rends compte que CHAQUE page de la série reste un moment d’anthologie.
Mais au lieu de nous bassiner avec tes souvenirs Bruce Lit, tu peux nous dire c’est quoi Preacher ? (le pt’it con qui vient de m’interrompre comptera lui aussi les grains de sable de sa plage ndlr) . La saga de Jesse Custer (homonyme d’une ordure complice du génocide amérindien- mais aussi initiales de Jesus Christ) peut s’apparenter à du grand n’importe quoi. Custer est un prêtre ayant perdu la foi a hérité d’un pouvoir divin : celui de la voix. Il lui suffit de prononcer un mot pour se faire obéir immédiatement de son interlocuteur. Custer est en fait l’hôte d’une entité bâtarde Genesis mi ange, mi démon. Custer apprend que Dieu a abandonné son royaume et trahi sa création. Le révérend entreprend alors l’entreprise la plus folle de l’histoire des Comics : traquer Dieu pour l’obliger à confesser ses crimes devant l’humanité ! Et Dieu face à un tel enragé prend peur et va tout faire pour éliminer notre héros !
Rien que d’imaginer ce mélange de Johnny Depp /James Dean comme homme d’église demande d’emblée une certaine indulgence du lecteur. Tout comme cette chasse à Dieu accompagné d’un vampire, d’un homme à tête de fion, du fantôme de John Wayne et d’un cow boy indestructible. Vous l’aurez compris, adapter Preacher au grand ou au petit écran, c’est une entreprise casse gueule tellement les limites du too much sont repoussées.
Durant cette quête, Custer va croiser sur son chemin des tueurs en série, des pervers sexuels, un eunuque russe, un gars qui se masturbe dans de la viande et surtout Starr, le plus grand de tous les vilains aussi effrayant que grotesque ! Et l’inventaire est loin d’être complet ! Il y a aussi des nazis, une cyclope, des bouseux sortis de Délivrance et des Anges ! Mais très vite, le lecteur perçoit que cette quête divine, Garth Ennis s’en fout complètement ! Alors qu’il aurait pu écrire un Comics de Super Héros où Custer confronte ses pouvoirs face à des hordes d’anges et de démons, Ennis mystifie son lecteur ! Non mon pote ! Tu n’es pas chez Marvel ici !
Parce que Ennis HAIT les super héros et leur infantilisme de boy scout. Jesse doit se servir de son pouvoir 10 fois à tout casser en 60 épisodes. Éduqué à la dure, notre héros n’a pas besoin de pouvoirs pour s’imposer et se faire respecter. La plupart du temps d’ailleurs ses amis lui font remarquer qu’il aurait pu utiliser The Word plutôt que ses poings !
Jesse, c’est un type à qui on ne la fait pas: enterré vivant dans son enfance par sa grand mère sadique, témoin de la mort de son père enfant, Custer est une vraie rock star qui ne respecte rien, ni personne et ne se laisse pas intimider lorsque Dieu vient lui parler !
Custer est un fier américain : aussi beauf que touchant, rempli de préjugés notamment envers les français et prêt à donner une seconde chance aux freaks qu’il rencontre, impitoyable et sensible. C’est surtout un homme d’honneur habité par sa mission qui va le conduire à braver mille morts
Ennis n’est pas intéressé par la dimension religieuse de son récit. Ou si peu.En cherchant bien, on y trouve ici et là quelques réminiscences du Sandman, autre star de Vertigo : des Dieux qui fuient leur responsabilité, une parodie de Death, ici représentée en gothique obèse et des créatures fantastiques qui vont contre leur nature : Le Corinthien et Cassidy ont une certaine parenté physique. Cassidy tente d’être un bon vampire tandis que le Corinthien est un cauchemar qui souhaite exister dans le monde réel.
Mais Ennis est d’avantage attiré par le réalisme que le fantastique raffiné de Neil Gaiman. Car malgré toute sa violence et le trash de ses situations, Preacher est une perle d’écriture, un Western crépusculaire qui, au fil des personnages plus exubérants les uns que les autres, raconte une certaine histoire de l’Amérique. Celle des Freaks, des laissés pour compte, des marginaux, des cons, du conformisme et du Vietnam. Et brosse des portraits fascinants. Inoubliables. Imparables.
Arseface est un gamin dont on ne saura jamais le vrai nom. Dans un récit sombre, Ennis raconte l’histoire d’un pauvre gosse qui se fait traiter de pédé par son père parce qu’il a les cheveux longs. Le jour où il apprend la mort de Kurt Cobain, il se tire une balle dans la tête. Et se loupe. Plutôt que d’en faire une victime, Ennis se fout de sa gueule (ou ce qu’il en reste) pendant 60 épisodes. Il le tourne en ridicule en apprenti Bruce Wayne jurant vengeance sur la tombe de son père en bavant, et en prononçant des mots auquel personne ne comprend rien.
Paradoxalement, en humiliant son adolescent dont il condamne la tentative de suicide sans ambages, Ennis parvient à redonner à Arseface une dignité voire une certaine noblesse. Plutôt que de le prendre avec des pincettes et de glorifier son handicap, Ennis le traite comme un type normal aussi naif que stupide. Il est le seul personnage qui échappe à la fin tragique de la saga en rencontrant un amour peu banal….
Cassidy, le vampire Irlandais occupe un second rôle prédominant. Présenté en début de série, comme le Wanker (le branleur) de la troupe, il est l’archétype du pote drôle qui aime un peu borderline. Ennis nous trompe une première fois en mettant en scène un Vampire pacifique qui répugne à boire du sang humain. Dans un hors série d’une qualité époustouflante, Ennis peint le portrait de Proinsias Cassidy comme un type plutôt censé. Loin du gothisme morbide et romantique façon Anne Rice, Cassidy est un type qui aime la vie, mange de l’ail et apprécie le silence des églises. Impitoyablement torturé par Herr Starr durant Proud Americans, Cassidy est méprisé par Dieu en personne qui le traite d’animal. Le degré d’empathie du lecteur est alors au maximum pour ce bouffon sympathique.
Pourtant à partir de l’arc Dixie Road, Ennis décide de casser le schéma du trio de copains inséparables et fait de Cassidy une menace de plus en plus pesante. Ce qui commence comme une sympathique bluette de triangle amoureux se termine en véritable cauchemar pour Tulip après la mort présumée de Jesse. Alors que clairement, Cassidy ne ressent pour Tulip qu’une attirance sexuelle, le choix de Tulip de coucher avec un être qui la répugne n’est pas si déconcertant. Cette femme au prénom de fleur se fâne loin de Jesse Custer. Coucher avec son meilleur ami n’est clairement qu’ une tentative désespérée pour elle de surmonter le deuil de son amant en côtoyant son meilleur ami.
De fil en aiguille, le lecteur comprend que le vrai héros de la série est Cassidy, un immortel irresponsable qui joue avec les vies qu’il détruit sans disposer du temps devant lui pour acquérir sagesse et sérénité. Cassidy a tout connu : l’héroïne, la prostitution et a été auteur de violences impardonnables envers les femmes. Parmi les innombrables parenthèses que l’Irlandais ouvre, la violence conjugale occupe une place de choix.
Dans le dernier arc, le magnifique Alamo, la finalisation de la quête de Dieu prend moins de place que le règlement de comptes entre les deux amis. L’affrontement est terrible avec d’un côté, Jesse Custer, homme d’honneur incapable de mentir et de l’autre Cassidy qui supplie son ami prêtre de lui accorder son pardon. Encore une fois Ennis nous a bien eu ! Il met en scène une histoire d’amitié déçue qui surclasse les crimes d’un Dieu idiot.
Brutale en apparence, la série d’Ennis faisait ici montre d’un talent véritablement littéraire en réalité. De quoi parle Preacher ? De rédemption purement et simplement. D’ailleurs l’un des meilleur arc de la série s’appelle Salvation ! Mais cette rédemption n’est pas celle infantile véhiculée par les comics de Super Héros mais résulte d’un effort autant physique qu’intellectuel à constamment renaître des cendres de nos vies précédentes , de nos choix et nos erreurs!
Dans un monde où même Dieu a abandonné ses créatures, Jesse Custer choisit de rester debout et de demander des comptes. Jesse va perdre une oeil mais reste un homme lucide et clairvoyant. Cet amour dévorant que Dieu exige de lui, il n’en a cure. Il est un homme sans peur, n’ayant rien à perdre, donc rien à demander. Preacher évolue dans les abysses de l’humanité et côtoie l’équivalent de créatures préhistoriques qui se sont développées sans lumières, sans amour, sans âme. Et sans bienveillance d’un Dieu qui pervertit toute notion de Bien , de Mal et du sens à donner à la vie.
Pour Ennis, il ne s’agit pas de naître homme, il faut vouloir le devenir. La vraie grandeur d’âme de Jesse Custer se situe dans son sens des responsabilités et de l’honnêteté. En dépit de sa violence et de son caractère rustre, Jesse est un homme auquel le lecteur apprend à s’identifier en ce qu’il mène le combat de l’homme de tous les jours : ne jamais abandonner ! Exactement comme le Matt Murdock de Frank Miller dont on sait qu’il constitue l’un des rares super héros que Garth Ennis respecte. Preacher est une fable sur la virilité qui exalte les valeurs masculines sans en faire une apologie patriotique malsaine ou démagogique !
Au contraire, en décortiquant les principes de loyauté, d’honneur, de courage et d’amitié, Ennis rappelle aux hommes qui le lisent leurs devoirs à l’égard du monde que leur lâcheté et leur paresse ont amené à déserté pour des intérêts immédiats comme ce Dieu égocentrique que Custer cherche à abattre. Jesse est un homme capable de discerner chez l’autre la propension au bien. Impitoyable envers ses ennemis, il est celui qui laisse une chance de rédemption à des damnés comme le Saint des Tueurs ou Cassidy. Et même s’il devient borgne au cours de la série, il reste roi au milieu des aveugles du conformisme.
Et puis, il y a aussi les femmes. La force de la série est de mettre en scène un personnage féminin remarquable, Tulip, qui joue un contre-pouvoir efficace dès que le récit devient trop burné. Tulip n’est pas un modèle de féminisme : elle n’est pas plus jolie que ça, elle se bat comme un mec et fait preuve au combat de peu de scrupules humanistes. Pourtant, elle reste un modèle d’équilibre dans l’univers désaxé de Jesse Custer, celle capable de lui rappeler une fois le carnage terminé au numéro 66 que toutes ces conneries machos n’auront finalement pas servi à grand chose.
Tulip n’est jamais une demoiselle en détresse, une princesse effarouchée perdue dans un monde d’hommes. Au contraire, elle est une femme qui s’est adaptée à la brutalité d’un monde masculin dangereux tout en gardant ses attributs féminins : sensibilité, perspicacité et ténacité. La même chose pourrait s’appliquer à la mère de Jesse Custer, Jody, dont les retrouvailles constitue une des grands moments de la série. Ce sont ces deux femmes qui conduisent Jesse Custer vers sa rédemption : l’acceptation de sa fragilité.
Lorsqu’il s’avère que Jesse Cow-boy autoproclamé a menti à la femme qui l’aimait, celle-ci, révoltée à l’idée qu’une femme ne mérite pas qu’on lui fasse confiance, le quitte impitoyablement. Même si Ennis surjoue leur réconciliation façon Western à cheval vers le soleil couchant, l’émotion est là. Après avoir bravé mille morts et tué Dieu ( ! ) Jesse Custer pleure pour la première fois en 30 ans terrorisé à l’idée de perdre la femme qu’il aime. Cette masculinité réconcilié avec sa part féminine constitue la meilleure fin de Preacher.
Il oppose ici cette virilité moderne à celle archaïque de Herr Starr qui ne voit les femmes comme un utilitaire sexuel ou celle du Saint des Tueurs exclusivement centrée sur la vengeance brutale au mépris de sa propre humanité ( une analogie entre ce personnage et Frank Castle, le Punisher a été développée ici). Starr a force de renier les femmes devient un phallus humain toujours en érection, excité par son propre pouvoir, sans jamais jouir de l’autre…. Pourtant malgré tous ses défauts Herr Starr arrive à attirer l’amour de Featherstone, qui, comme Eric Finch de V for Vendetta, est une femme respectable qui s’est retrouvée dans le mauvais camp. Comme Custer, Starr est borgne mais, lui ne voit que ses intérêts égoïstes malgré une intelligence en tout point supérieure à celle de Jesse.
Derrière ses outrances, Preacher est une fable humaniste vibrante volant au secours de la maltraitance des femmes, des enfants battus et incestés, des animaux maltraités, des noirs pourchassés par le KKK et les héros oubliés du Vietnam. Beaucoup se sentirent trahis par la fin heureuse de la série. Elle n’a pourtant rien d’opportuniste. Jesse, Tulip et Cassidy onnt tous perdu la vie au cours du récit. Cette vie qu’ils retrouvent, c’est leur deuxième chance, une renaissance où ils décident de mettre à profit leur volonté de ne pas refaire les mêmes erreurs. Rien de leurs vies précédentes n’est oublié. Et Cassidy est mort pour ses amis malgré une grosse bourde scénaristique d’Ennis (comment a t’il fait pour laisser un mot dans la poche de Tulip qui l’a quitté ?).
En dépit de la violence du récit, le message de Garth Ennis est plein de vie et d’optimisme. Pourquoi nos moments de bonheurs devraient ils être liés à Dieu et pas à nous mêmes ? Dieu est mort ? Fuck it ! L’homme n’a pas besoin de lui pour être heureux ! Il s’agit juste d’en avoir conscience, de croire en nous même et de notre potentiel à être juste ! Rappelons nous la promesse de Jesse faîte à son père :You got to be one of the good guys, cause there’s way too many of the bad.
Wow! Tu nous fais plaisir là, Bruce. Lire cette chronique habitée, enthousiaste et consistante comme un steak saignant de bon matin, ca me file la patate pour la journée. You’re the son of the preacher, man.
Bravo Bruce, belle chronique !
En effet, Preacher est l’histoire d’une amitié trahie, celle de Cassidy le violent, brillant de passer pour ton pote au tout début mais capable de te planter dans le dos au moment opprtun.
C’est l’histoire d’un enfant massacré dans son enfance qui devient un monstre (Starr), d’un autre enfant maltraité qui devien un héro (Custer), d’une famme violentée par le pote de son mec mais qui s’en sort quand même.
C’est l’histoire d’une belle brochette de détraqués sexuels : pathétique (Bridges, le flic sado-maso), cruel (Quincannon), cruel et pathétique en même temps (T.C et ses poules), vraiment odieux (DeSade le pédophile).
C’est l’histoire de Dieu, qui a force de jouer au bon Dieu doit rendre des comptes a sacréation et ne peut comprendre l’attitude de Custer.
C’est l’histoire de bon nombre de familles dysfonctionnelles : la grand-mère intransigeante et obsessionnelle, le frère ainé/oncle brutal, le cousin perver, la figure paternelle décéde mais pourtant omnipresente en Jesse Custer.
C’est une histoire d’amour qui se finit bien malgré des tribulations qui auraient pu briser ce couple trois fois.
C’est aussi l’histoire d’un des ados les plus bizarres de l’histoire des comics (Arseface) mais qui lui aussi trouve chaussure à son pied avec la soeur du copain d’enfance de Jesse.
C’est un des comic-books les plus jouissifs de l’histoire des comics : brutal, sanglant, humoristique, caustique, intelligent, adroit, brutal et sanglant comme un bon Tarantino. Tout cela en même temps.
Et un bonheur a redécouvrir en seconde lecture des année après sa découverte grâce au label Vertigo.
M’enfin ! Il est beaucoup trop court cet article, j’aurais pu en lire le double, pour le plaisir de découvrir ton regard lucide, pénétrant et enamouré sur cette série.
@ Présence : En fait je n’avais pas de plan prédéterminé, juste une commande de Tornado ( rires). Mais je suis d’accord, il y a tellement à dire….Et dans la même semaine, j’ai écrit l’article pour From Hell, ce qui explique que je n’ai peut être pas été jusqu’au bout de mes ambitions.
@Nicolas : Car Preacher, c’est aussi une certaine histoire de l’Amérique racontée par ses déviants, des parenthèses engagées sur les conflits au Vietnam et en Irlande, le refuse de se prendre au sérieux sur des sujets de société terrifiants et surtout un scénario, quoiqu’en pense Ennis, qui doit beaucoup aux Super Héros : une quête impossible, des super pouvoirs, des méta humains, des résurrections etc.
Donc oui, il y aurait matière pour d’autres articles, genre le Preacher du mois ! Spécial Saint des tueurs, Herr Starr, etc. Naturellement si quelqu’un veut s’y coller…. Et je n’ai même pas parlé de Steve Dillon qui était mon idole de l’époque avant que sieur Tornado me démontre mon hérésie….
Ça fait du bien de se replonger dans « Preacher » !!!
Le Blog de Bruce Lit ne pouvait pas continuer sans un article sur cette série, d’autant qu’on en parle sans arrêt !
Il s’agit de l’une des premières séries que j’ai lues lorsque j’ai recommencé à lire des comics (c’était en 2009). Ça a été la claque, une claque fantastique ! Car il y a tout ce que j’aime dans cette série, et en plus c’est magnifiquement écrit !
« Jusqu’à la fin du monde » est peut-être le chef d’oeuvre d’Ennis ! Le sommet de la saga, beau à pleurer. J’ai rarement ressenti une telle attraction en lisant quelque chose.
Bravo Bruce, pour avoir relevé le défi ! Je ne saurais dire quel est le passage que j’ai préféré dans ton article, car il y a plusieurs belles envolées (il faut que je le relise à tête reposée).
Quant à Steve Dillon, je ne me sens plus le courage de le descendre et d’expliquer pourquoi je trouve que c’est un tâcheron. Je l’ai trop fait. J’en suis las ! Je crois que la fois où j’ai définitivement enterré le bonhomme (en ce qui me concerne), ça a été lorsque j’ai écrit mon commentaire à propos du Punisher de Jason Aaron (ET Dillon !) . C’est là :
http://www.amazon.fr/Punisher-Max-5-Sans-abri/product-reviews/2809426465/ref=sr_1_5_cm_cr_acr_txt?ie=UTF8&showViewpoints=1
Éternel débat, même si avec le temps je me range à ton opinion, vieil ami !
Mais pour faire court je dirais ceci : Dillon, même limité possède un art : celui de faire rire, de trouver la moue d’un idiot, de mettre en scène les dialogues d’Ennis de manière ludique. Souvent j’adore ses profils.
Et quand même, les séquences Starr, je ne vois personne d’autres que lui pour les dessiner.
Fin du débat ( en ce qui me concerne).
La première fois que j’ai feuilleté du Preacher, c’était en VF, Editions Le Téméraire. J’ai survolé et reposé direct car les dessins étaient moches et montraient des trucs moches.
Des années plus tard, j’ai emprunté les tomes 1 et 2 à la médiathèque et ça m’a suffisamment intéressé pour que je les prenne en VO et j’ai descendu la série en quelques mois.
Je l’ai relue une ou deux fois mais ça fait un moment que je n’y suis pas retourné. Avec mes filles encore toute jeunettes, j’évite de laisser traîner ce genre de BD. C’est quand même une BD qui exige qu’on « entre dedans ». Il faut développer une certaine connivence avec l’auteur, les persos et les conventions de la série pour passer outre les dessins somme toute quelconques et juste fonctionnels de Dillon (qui brille par défaut, lorsque surgissent les McCrea et autres Ezquerra dans les fill-ins), pour aller au-delà du gore, des scènes chocs et des seconds rôles grand-guignolesques. Et c’est seulement au prix de ces « efforts » qu’on peut apprécier ce qui fait tout le sel de la série : l’humanité de ces personnages.
Nicolas a mentionné Tarantino, et c’est vrai que certains épisodes ou scènes dégagent un feeling similaire. Les « apparitions » de John Wayne, par exemple, rappellent celles d’Elvis dans « True Romance ». Mais pour un lecteur un peu cartésien, ces moments-là peuvent sembler un peu trop WTF…
En résumé, je « comprends » tout à fait l’attachement que Bruce peut avoir pour Preacher et j’apprécie aussi beaucoup cette série mais je ne la recommanderais pas à tout le monde…
@JP : Oui, Preacher n’est pas recommandable ( sur la forme, parce que sur le fond, j’espère avoir démontré la moralité de son entreprise) et c’est bien pour ça que je l’aime. J’ai lu sur le FB de Steve Dillon ( à qui j’ai envoyé l’article) qu’AMC, la chaine de Breaking Bad tournait le pilote de la série ( http://www.ew.com/article/2014/12/03/preacher-tv-series-gets-amc-pilot-order?hootPostID=0abf255a8a15785ff67ecaf0be589fbf).
Et bien, je vais faire mon chiant, mais Preacher, pour moi , c’est plus important que Watchmen ! Et je ne supporte pas cette idée que cette série se démocratise et fasse l’objet de conversation de gens en mal de trash. Parce que Preacher c’est autre chose. C’est de l’iconoclasme punk, c’est de l’irrévérence étudié, irrésistible qui ne peut pas être nivelé par le bas façon Californication qui a fini par tourner Pipe ( pipi), caca ( sodomie).
Oui Preacher est vulgaire mais tout cela n’avait que du sens que dans le contexte de l’époque. Aujourd’hui, le bras plein de…chocolat de Jésus de Sade est à la portée du premier Millar venu….Je maintiens que Preacher est une série brillante, une condamnation sans appel de l’aliénation et de la défaite de la pensée de la moitié du globe.
Et je n’aime pas non plus les comparaisons avec Tarantino, qui, aussi fun soit ses films ne propose à mes yeux que du divertissement sans réel message de fond ( bon , je n’ai pas vu le dernier )….Ennis pour moi, je le situerai d’avantage vers John Waters, les Monthy Python ou….Sergio Leone qui avaient le rire graveleux….Le duel Cassidy / Jesse, c’est du Léone et pas du Tarrantino ! Ennis l’a pour moi dépassé depuis longtemps Tarrantino ! Je le situerai d’avantage du côté des Peckinpah ou Samuel Fuller !
Ah le débat des adaptations ! A l’époque où cela m’importait encore un peu, j’étais agacé que certaines personnes ne connaissent Daredevil que via le film de 2003. Ce ne sera jamais « mon » Daredevil…
Mais après tout, l’adaptation se rajoute, se juxtapose à l’oeuvre originale, elle ne la détruit pas, elle ne l’invalide pas…
Simplement, je crois qu’il faudrait arriver à tordre le cou à cette idée que l’adaptation série ou télé soit une consécration. Je l’ai déjà dit, le ciné ou la télé apporte certaines possibilités par rapport à la BD mais en perdent certaines autres…
Franchement, pour certaines BD que j’affectionne particulièrement, ça me fait toujours chier quand j’entends des trucs du genre « Et puis t’as vu, ils vont en faire un film ! »
Après tout, on ne dit pas des Misérables : « ah ouais, il était quand même bien ce bouquin, il méritait qu’on en fasse un film ! »
Côté Tarantino, il n’y a peut-être pas de grands messages dans ses films, mais il y en a plein de petits… Dans Kill Bill, par exemple… Et puis il choisit quand même drôlement bien ses BO… Mais je m’égare…
On est d’accord JP ! Il existe de très bonnes adaptations après tout, la carrière de Kubrick est FAITE d’adaptations. Mais, c’es plutôt la démarche d’adapter tout ce qui est publié qui m’agace… Comme si l’écran légitimait le médium original…
Tarantino : Je n’ai rien contre lui, j’ai adoré ses Kill Bill, mais à l’image de ses BO, c’est un excellent compileur, DJ d’images, mais je n’ai jamais rien vu de lui avec un réel contenu. Il parait que Jackie Brown sort du lot…
Oui, curieusement présence, c’est l’épisode que j’aime le moins, tout simplement parce qu’il fait durer de manière interminable les retrouvailles avec Tulip ! Mais oui, c’est un épisode important. Preacher, c’est aussi l’histoire du Texas vu par un Irlandais !!
Présence, as-tu une idée de l’identité du dernier auto-soppeur, celui qui parle avec une voix bizarre.
J’ai jamais compris.
Il s’agit d’Elvis Presley qui a simulé sa mort
Tiens, je viens ď avoir un retour du refoulé ; pourquoi ai je ressenti ľ urgence ď écrire cet article dont je repoussais toujours les échéances depuis plusieurs mois ? Je pense que c est ma maniére d exorciser les attentats Charlie ; Preacher, c est un peu le Charlie Hebdo du Comics ! Un machin irreverencieux qui crache sur les extremismes religieux et derange beaucoup de monde.
Je reste convaincu qu Ennis n est pas un anti religion forcené mais plutot un dénonciateur des extremismes.
C’est intéressant ce que tu dis là…
Purée ça se termine quand la réédition de Preacher ? Encore cinq tomes, pas avant un an au moins ! (pleure)
Et du coup, je continue de développer mon idée : je n’ai pas besoin d’une version TV de Preacher pour le dénaturer. Tout comme Charlie Hebdo qui tout à coup se retrouve avec des millions d’abonnés qui ont attendu le carnage pour s’intéresser à l’irrévérence.
C’est une réaction totalement passionnelle et égoïste ( et totalement inutile, d’ailleurs puisque cela n’empêchera rien). J’ai beaucoup aimé le film Dredd alors que le comics m’a laissé froid !
Bonjour,
Alors voila une lecture qu’il va falloir que je me refasse.
J’ai commencé cette série à ma médiathèque et avançant trop rapidement j’ai attendu plus d’un mois sans réussir à récupérer le tome 3, du coup j’avoue avoir abandonné.
J’ai trouvé le premier acte très moyen mais le deuxième arc était beaucoup plus intéressant.
Mon gros problème avec ces albums, c’est que je déteste Dillon.
Je trouve que ses dessins sont grossiers, vulgaire.
Autant j’ai réussi à me faire à un Darick Robertson, et même à un Juan José Ryp autant les dessins de Dillon arrivent à me faire sortir du récit.
Je penses tout de même succomber à l’achat de cette série vu les bonnes critiques que vous en faites.
Je reviendrai faire un commentaire plus abouti que les dessins de Dillon à ce moment là. (Désolé pour le bashing facile mais Dillon pour moi c’est comme Bendis pour Monsieur Lit).
Bonne journée et merci pour cet article qui me donne envie de redonner une chance à cette série.
Monsieur Lit vous salue bien et a volontairement fait l’impasse sur les dessins de Monsieur Dillon. Pour toute adhésion au club Steve Dillon dessine comme un pied, prière de souscrire auprès de monsieur Tornado, président d’honneur de l’association.
Je viens de dévorer le second tome paru chez Urban. Bon, j’ai fait l’impasse sur le courrier des lecteurs présent entre chaque épisode, mais boudiou ce que ça m’a plu ! C’est bien loin de ce que j’imaginais en voyant les couvertures de Glenn Fabry à l’époque. C’est excellent. Quels dialogues !
Preacher : une des rares séries où j’aimerais perdre la mémoire pour la relire de nouveau ! Content que cela t’ait plu.
« Derrière ses outrances, Preacher est une fable humaniste vibrante volant au secours de la maltraitance des femmes, des enfants battus et incestés, des animaux maltraités, des noirs pourchassés par le KKK et les héros oubliés du Vietnam. »
Eh ben ! Je n’ai jamais perçu ça chez Ennis. Bon ok je n’ai pas lu Preacher. Mais d’autres trucs. Et au risque d’être le seul à critiquer le bonhomme, cet auteur me déprime.
Ses « outrances » justement, que l’on retrouve dans toutes ses œuvres, font que j’ai vraiment du mal à accrocher. Je ne remets pas en question son talent d’écriture mais je n’arrive pas à être pris dans un de ses récits. C’est trop. Ce mec porte un regard affreusement cynique et pessimiste sur le monde, et ne met en scène que des ordures qu’il est très difficile d’apprécier, même lorsqu’il explique qu’ils en ont chié dans leur vie etc. Est-ce que ça explique leur comportement ? Oui. Est-ce une excuse ? Non. Mais Ennis ne cherche pas à leur donner une excuse en fait. Il met juste en scène des types détestables. Complexes peut être, comme le sont les gens dans la vie. Mais merde quoi, c’est déprimant, fatigant, désespérant. Ce type me casse le moral. Et l’ennui, c’est que je ne cherche pas à avoir le moral dans les chaussettes quand je lis une BD.
ça ne veut pas dire que je rejette les récits profonds mettant en scène des personnages réalistes et torturés…mais chez Ennis on dirait que TOUT est noir, que tout le monde est tordu, violent, cynique. A un tel point que je ne pense pas que ce soit si réaliste que ça qu’il y ait autant de pourris ensemble au même endroit dans la même histoire. Et quand il y a un mec plus positif, il semble qu’il soit souvent ridiculisé comme si c’était un gros con naïf. Et quand tu parles du mec qui a tenté de se suicider et dont il va se moquer tout le long, ça me donne la sensation que ce mec n’a aucune pitié et ne pardonne pas les souffrances mais condamne ce qu’il considère comme de la lâcheté. ça donne l’impression que c’est un type impitoyable, une sorte de sergent instructeur des marines incapable de compassion.
Alors peut être que je ne lis pas assez entre les lignes, et qu’il condamne justement certaines choses en les montrant sans qu’il y ait une jolie morale écrite dans des encadrés de texte de manière évidente, mais il n’empêche que c’est violent et déprimant.
Ce type déteste les super héros ? Pas étonnant, il ne semble plus avoir un seul soupçon de son âme d’enfant. Un juste milieu ça peut être sympa non ? On peut faire des récits matures sans sombrer dans l’horreur (il y en a même chez les super héros d’ailleurs)
Enfin voilà. Je précise que mon commentaire est le reflet de ce que j’ai perçu chez cet auteur à travers certains récits mais que je n’ai pas lu Preacher. Donc je ne reproche rien techniquement à ce comics, j’en suis incapable. Mais j’explique surtout pourquoi Ennis…ben…me fout la trouille presque. Et je suis étonné d’être le seul à être rebuté par cet auteur que tout le monde encense. Est-ce qu’il y a un souci chez moi ? Ai-je loupé un truc que tout le monde est capable de voir chez lui ?
Moualah ! Mat, chez Bruce Lit, Ennis est intouchable ! Tu vas te faire mal voir !!! 😀
Blague à part, on va dire qu’il en faut pour tous les goûts. Et qu’il est certain qu’un auteur aussi abrupt que Garth Ennis ne peut délibérément pas faire l’unanimité.
C’est donc tout à fait normal, et sain que tu ne t’y retrouves pas. La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas grave, car il te reste 99% des autres comics à lire ! 😀
Pour revenir à ce que tu disais, je ne pense pas qu’Ennis cherche à faire du réalisme. C’est un auteur qui a réussi à avoir les coudées franches grâce à son talent de conteur et à sa niaque. Et du coup il en profite pour dire ce qu’il veut. Parfois, je ne suis pas d’accord avec lui et d’autres fois je trouve ses propos trop légers (réponse dans l’article de demain…). Mais je suis tombé amoureux de son travail (sur Preacher d’ailleurs). Et le fait est que ce coup de foudre est pérenne. Je suis sensible à ce qu’il raconte et à la manière dont il le fait. Et, comme tu l’évoques en dernier lieu, je pense avoir réussi à lire entre les lignes.
Ennis, c’est le désespoir des hommes qui se réveillent avec la gueule de bois au lendemain des 30 glorieuses et de l’ère des lumières. C’est le punk qui n’est pas content du tout, et qui nous venge des cons. Des nuls, des profiteurs. C’est un défouloir géant pour ceux qui voient le monde dans sa triste réalité…
En fait son humour (toujours noir) ne me touche pas non plus. J’ai lu « the pro » que j’ai revendu ensuite. Était-ce mauvais ? Non. Était-ce drôle ? Non plus. Enfin pas pour moi.
Pareil pour The Boys. C’est censé être marrant à plein de moments, et ça m’a juste dégouté ou rendu triste qu’il n’y ait autant de persos détestables et cons.
Des fois son humour me fait un peu l’effet de parodies porno nulles de personnages de notre enfance tirés de dessins animés dépourvus de tout caractère sexuel à la base (qui a envie de voir baiser les persos de scoubi doo ?) Quelque part, ce n’est ni drôle (encore une fois je parle pour moi bien sûr, l’humour étant très subjectif) et en plus ça vient salir ce qu’il reste de ton âme d’enfant (qu’il est, je pense, important de conserver un peu.)
Ennis c’est un peu le mec qui vient te foutre le nez dans la merde en te disant « regarde comme il est à chier ce monde en fait ! » Et pour moi, les médias nous le rappellent assez. Quand je lis, je préfère m’évader vers autre chose. Je n’ai pas envie de lire 12 tomes d’un truc qui va me montrer ça.
ça va au delà du regard critique qui dénonce des problèmes (car je sais apprécier ça dans mes lectures), ça s’enlise dans les démonstrations trash alors qu’on a vite compris le propos.
Avis personnel bien sûr.