Frank Castle / Nick Cavella : Match retour

Punisher MAX : Up is down and black is white par Garth Ennis et Leandro Fernandez.

Big Castle is watching you !

Big Castle is watching you ! ©Marvel comics

AUTEUR : JP NGUYEN

Le quatrième arc (épisodes 19 à 24) de Punisher MAX  marque un tournant dans la série : pour la première fois, Ennis remet en scène plusieurs personnages rencontrés précédemment : Rawlins et les généraux de Mother Russia , les ex-agents O’Brien et Roth, et, surtout, le mafioso Nick Cavella, rencontrés dans  In the beginning .

Au premier abord, l’intrigue peut paraître simpliste : Cavella veut sa revanche et provoque le Punisher en profanant les tombes de la femme et des enfants de Frank Castle.

Pour le lecteur, il fait alors peu de doute que les jours de Nicky sont comptés.

Tout au plus se demande-t-on comment Castle s’y prendra et quelles menaces il devra écarter tout au long des six numéros qui composent l’arc.

Mais à partir du pitch classique du « méchant qui revient et qui n’est pas content » Garth Ennis réussit à livrer un récit captivant.

En plus des personnages cités plus haut, Ennis nous sort du chapeau Theresa, la petite sœur de Pittsy, l’affreux acolyte de Cavella que le Punisher avait eu toutes les peines du monde à liquider dans le premier arc.

Le bras armé de Cavella, au look improbable et saisissant, servira aussi de ressort comique tout au long du récit.

Sa présence, ainsi que d’autres touches d’humour (les dialogues entre Roth et O’Brien, la remarque faite par le Punisher à un gangster sur le maniement du pistolet…) constituent autant de respirations, d’instants légers dans une histoire très sombre et très, très violente.

Nicky-Theresa : les deux font la paire

Nicky-Theresa : les deux font la paire ©Marvel comics

Les dessins sont assurés par Leandro Fernandez, qui avait déjà officié sur  Kitchen Irish , mais l’encrage précis et détaillé de Scott Hanna leur donne une autre dimension. Les décors, les personnages, les véhicules, les armes à feu : Fernandez dessine tout sans mégotter sur les détails, avec un découpage et des cadrages rendant la lecture très fluide.

La colorisation de Dan Brown, usant de teintes plutôt saturées, de textures et de contrastes entre couleurs froides ou chaudes, rajoute une ambiance particulière. L’ensemble graphique d’un très bon niveau contribue grandement à l’immersion dans l’histoire.

Sur les six chapitres, le deuxième est consacré entièrement à Nick Cavella, qui négocie sa désignation en tant que Parrain en échange de l’élimination du Punisher. Au travers de flashbacks, on en apprend plus sur son passé, son ascension et la raison de son exil à Boston (où les capos survivants du massacre de In the Beginning  étaient allés le chercher pour l’appeler à l’aide).

On fait donc plus ample connaissance avec ce personnage déviant à l’enfance assez traumatisante. On ne le prend pas pour autant en pitié mais cela lui donne de l’épaisseur.
Par la suite, l’intrigue reprend son cours pour filer, inéluctablement, vers la confrontation entre Nicky et le Punisher.

Pour prendre une méga-cuite, buvez un verre à chaque fois que vous lirez « fuck » ou un de ses dérivés dans un bouquin de Ennis…

Pour prendre une méga-cuite, buvez un verre à chaque fois que vous lirez « fuck » ou un de ses dérivés dans un bouquin d’Ennis…©Marvel comics

Ce dernier, justement, ne perd pas son temps et enchaîne les expéditions punitives dans les repaires de mafieux, en laissant à chaque fois un seul survivant pour formuler sa requête aux autorités New Yorkaises : sa famille doit être ré-enterrée dignement dans les plus brefs délais.

Entre-temps, Rawlins s’avère être une vieille connaissance de Cavella et il vient lui proposer une alliance contre le Punisher. De façon inattendue, Ennis établit une relation d’anciens amants entre ces deux affreux, où le dominé serait plutôt Cavella.

Pour être tout à fait franc, lorsque j’ai commencé à lire la série Punisher MAX, c’était pour moi un « défouloir », aux vertus cathartiques : ne nous triturons pas les méninges et regardons Frank Castle dessouder du malfrat.

Dans ce volume, toutefois, la détermination du Punisher semble vaciller. Lors d’une scène onirique, on le voit las, fatigué des tueries et interpellé par les fantômes de sa famille qui lui disent « Nous sommes toujours morts. »

Bienvenue dans les rêves de Frank Castle.

Bienvenue dans les rêves de Frank Castle. ©Marvel comics

A la fin du troisième chapitre, le Punisher évoque un autre rêve : il aurait réussi à exterminer tous les salauds de la Terre, et tournerait son arme vers une assistance ébahie d’innocents. Ce rêve s’arrête au moment où il tire le premier coup de feu.

Après avoir obtenu de la municipalité l’assurance du ré-enterrement des siens, Castle part bille en tête exécuter Cavella, conscient qu’il fonce dans un piège mais ne parvenant pas à maîtriser sa pulsion meurtrière (ou est-ce une pulsion suicidaire ?).

A deux doigts de commettre une erreur fatale, Frank va être sauvé par O’Brien puis devoir affronter Theresa, se frotter à Rawlins avant de régler son compte à Nick Cavella.

Frank prépare sa sortie du samedi soir.

Frank prépare sa sortie du samedi soir. ©Marvel comics

Tout est bien qui finit bien ? Non, pas vraiment. Ce n’est pas trop l’esprit de la série. Dans « Up is down… », Garth Ennis revient sur l’absurdité de la guerre au crime que livre le Punisher. Il aura beau dégommer les gansgsters à tour de bras, ça ne lui ramènera jamais sa famille.

L’exécution de Cavella est d’ailleurs menée sans tambour ni trompette. Pas de morceau de bravoure, pas de grande déclaration, juste une approche plus « personnelle » de Frankie en choisissant de tirer à un endroit où l’agonie sera plus douloureuse.

Et paradoxalement, dans un énième récit où Frank Castle exécute des quantités industrielles de mafiosi, Garth Ennis parvient à humaniser le personnage. En nous montrant ses doutes, ses cauchemars, son aspect faillible lorsqu’il se jette dans le piège de Cavella ou encore en lui faisant partager un moment sous la couette avec O’Brien.

Tendresse à la O'Brien !

Tendresse à la O’Brien ! ©Marvel comics

C’est dans une conversation avec cette dernière que Frank donne sa vision du monde, qui donne son titre à l’arc. « Up is down and black is white ». Le monde ne tourne pas rond. Rien n’a de sens. Alors le soldat Castle doit lui en donner un.

On réalise aussi que Garth Ennis met en place une méta-intrigue s’étendant sur toute la série MAX. Rawlins, qui s’avère être en pire que Cavella, reviendra dans « Man of Stone », tout comme O’Brien.

La rencontre de Castle et Rawlins dans « Up is down… » aura des conséquences jusque dans le dernier tome de la série. Ennis aura quand même le bon goût de ne pas tirer sur la corde et de ne pas ramener trop souvent les mêmes adversaires (pour un ennemi du Punisher version MAX, le cumul des mandats dans le temps est assez difficile).

J’apprécie beaucoup le run Punisher MAX par Garth Ennis, et ce tome est l’un des meilleurs de la série mais je ne lui attribuerai pourtant que quatre étoiles.
Tout d’abord parce que, comme quasiment toute la série, il est très noir et très violent et qu’il ne peut pas plaire à tout le monde.

Ensuite parce qu’il ne peut s’apprécier pleinement qu’en lisant l’ensemble de la série, du fait de la présence de personnages introduits dans des tomes précédents ou dont le destin ne sera noué que dans les tomes suivants.

Malgré cela, je pense que cet arc peut constituer un bon moyen de tester l’intérêt d’un lecteur pour la série, car il donne un bon aperçu de ce que propose le Punisher MAX. De plus, les lecteurs séduits par le style de Leandro Fernandez pourront le retrouver dans The Slavers  et  Man of Stone .

Si la violence graphique et la noirceur de l’intrigue sont assez prononcées, elles sont contrebalancées par un humour bien dosé et surtout, elles sont au service d’une histoire bien construite et de personnages plus complexes qu’il n’y parait au premier abord.

6 comments

  • Bruce lit  

    4 étoiles ! Tu notes dur ! Mais bon, à bas la censure !
    J’ai toujours aimé le personnage d’O Brien et toujours aimé la séquence scannée ici où on la voit avec ces petites converses…
    Moi c’est un arc que j’adore où Ennis nous enmène dans une direction à la fois attendue et surprenante. Et rien qu’en revoyant les images, je me sens de nouveau dedans après l’avoir lu il y a des années !
    Merci pour ce « beau » voyage.

  • Présence  

    Bonjour JP N’Guyen,

    Comme Bruce pour le tome 3, ces images me ramènent des souvenirs, en particulier l’inénarrable Théresa.

    Comme toi, j’ai commencé la série pour y trouver un défouloir cathartique. Il m’aura fallu un peu de temps pour prendre conscience de l’existence de la méta-intrigue. Une fois détectée, elle augmente le plaisir de lecture, avec l’incroyable bouclage effectué par « Valey Forge, Valley Forge », sur le prétexte qui a permis aux États-Unis de déclarer la guerre au Vietnam.

    J’avais également été fortement impressionné par le monologue de Castle expliquant sa vision qui donne le titre, un constat aussi cynique que terrifiant.

    Il ne peut s’apprécier pleinement qu’en lisant l’ensemble de la série. – C’est l’une des facultés d’Ennis qui m’impressionne : réussir à concevoir un récit sur 60 épisodes (et même un peu plus avec « Born » et « Barracuda MAX »), avec des histoires presqu’autonomes (massacrer le criminel) et une progression narrative de tome en tome qui en dit toujours un petit peu plus sur Frank Castle.

  • Tornado  

    Ah oui ! Le deuxième volet du diptyque entammé avec « In the Begining », et la fantastique « Theresa », la Nicky Santoro au féminin !!!

    « Garth Ennis revient sur l’absurdité de la guerre au crime que livre le Punisher. Il aura beau dégommer les gansgsters à tour de bras, ça ne lui ramènera jamais sa famille. » Soit exactement le même thème que le célèbre « Un justicier dans la ville »…

  • Bastien  

    Bonjour,
    Suite à la sortie du dernier de ce tome en format deluxe chez Panini, j’ai enfin pu lire cet arc.
    J’ai beaucoup aimé cette lecture.
    La violence est très graphique mais (comme indiqué par JP NGUYEN), les blagues permettent de brève respirations, qui sont en nécessaires. La scène montrant la boite de nuit après le passage du Punisher est vraiment dégoutante.
    La colorisation installe ici une vrai ambiance qui va au delà du dessin. Au début je l’ai trouvée un peu étrange (comme si par endroit on avait débordé en coloriant), puis une fois habitué elle contribue énormément à encrer ce récit dans l’univers mafieux New Yorkais.
    Malgré cela j’ai trouvé cet arc un peu moins bon que les trois précédents.
    Merci en tout cas pour la critique.
    Bonne journée

    • JP Nguyen  

      Oh, un retour sur un vieil article ! Ca fait plaisir, merci !
      Tu nous diras ce que tu as pensé de The Slavers, aussi (les Négriers en VF, je crois) ?

      • Bastien  

        Je fais mes retours au rythme des rééditions Panini (ce qui peut prendre du temps).
        Pas de souci pour les négriers, dès que je l’ai lu, je fais un retour.

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