Severance de Dan Erickson
Un article de DOOP O’MALLEY1ère publication le 1er juin 2023 – MAJ le 16/08/23
VF/VO : SEVERANCE est une série en 9 épisodes disponible sur Apple TV +
Il existe des séries qui vous marquent. Des objets télévisuels qui, dès le premier épisode donnent l’impression d’assister à quelque chose de différent. Des fictions qui vous embarquent dans leurs univers, un monde nouveau qui vous correspond exactement. Des histoires qu’on aurait adoré écrire et qui, tel un Christian Bale extasié devant une image de Brian Slade dans le film VELVET GOLDMINE, vous donnent envie d’hurler aux personnes autour de vous : Regardez !!!!! C’est moi, c’est mon univers !
Je pense à TWIN PEAKS, THE LEFTOVERS, LIFE ON MARS (version anglaise) ou THE WIRE. Et peut-être quelques épisodes de LOST (au niveau de sa première et antépénultième saison). SEVERANCE est de cette trempe. De ces phénomènes qui mettent tous vos sens en éveil devant votre écran. L’antithèse de la série qui laisse votre cerveau de côté, ce poncif qu’on utilise souvent pour justifier un plaisir coupable. Laisser son cerveau de côté, c’est assez ironique d’ailleurs lorsque l’on pense aux thèmes abordés dans SEVERANCE. Parce que le concept de la série, c’est justement ça !
Et puis, une série dénonçant les méfaits du capitalisme et de la stratégie d’entreprise diffusée et produite par Apple TV, ce n’est pas sans ironie !
Vous qui entrez ici, abandonnez toute conscience
Le premier épisode s’ouvre sur l’image d’une jeune femme allongée de tout son long sur une longue table, un haut-parleur à côté d’elle. À son réveil, une voix lui demande qui elle est. Elle n’a pas de réponse à donner. La voix enchaîne avec une série de questions assez surprenantes, qui conduisent la jeune femme à une panique totale. Elle tambourine contre la porte : elle ne peut évidemment pas s’échapper. Une fois calmée, l’homme qui se cache derrière le microphone entre dans la pièce. Il s’agit de Mark S. Mark apprend à la jeune femme qu’elle s’appelle Helly H. et que c’est son premier jour de travail à LUMON.
Pour ce faire, Helly, tout comme Mark, a accepté une procédure bien spécifique : la severance (ou dissociation en français). La severance, c’est une petite puce qui est insérée dans votre cerveau et qui sépare irrémédiablement votre mémoire en deux parties distinctes : le moi du travail (surnommé innie) et celui de l’extérieur (outie). Les deux ne communiquant pas.
Pour résumer, lorsque Helly arrive dans l’entreprise, elle prend un ascenseur qui la conduit vers son espace de travail et dissocie son existence. Lorsque l’ascenseur arrive, Helly n’a plus aucun souvenir de sa vie privée, de qui elle est, elle est devenue une innie. En revanche, elle se souvient parfaitement de tout ce qui s’est passé la veille au travail. De la même manière, dès que Helly sort de l’ascenseur, elle redevient la Helly originelle (outie), la personne qu’elle était avant de rentrer et qui n’a aucun souvenir de sa journée, simplement d’être entrée dans l’ascenseur. De fait, pour Helly, Mark ou les autres employés innies dissociés, leur travail est perpétuel. Dès qu’ils franchissent la porte de l’ascenseur pour quitter leur travail, l’instant d’après, ils la franchissent pour entrer. Alors qu’une douzaine d’heures s’est écoulée mais dans la vie de leur personnalité originelle. Ce travail perpétuel, la porte de cet ascenseur, c’est un peu la bulle de la plage dans LE PRISONNIER, celle qui vous ramène à votre point de départ.
Helly fait la connaissance de son groupe de travail, sa division Elle est constituée uniquement de quatre personnes. Mark, son supérieur mais aussi Irving et Dylan. Tous les quatre occupent un immense espace constitué de bureaux en quinconce. Ils forment la division de raffinement des micro-données. Globalement, leur travail consiste à chercher des séquences incongrues de chiffres dans une série qui s’affiche sans discontinuer sur leur ordinateur pour les glisser dans des petites boîtes numériques au bas de leur écran. Et on n’en dira pas plus.
Car SEVERANCE, la série, est un Tetris géant où chaque scène, chaque information s’empile au fur et à mesure du temps afin de donner une compréhension un peu moins partielle d’épisode en épisode. Il y a bien évidemment une multitude d’indice dans chaque action, chaque comportement, chaque développement de l’histoire et je ne veux pas vous spoiler. Si vous êtes un extrémiste du spoil, arrêtez-vous-là. SEVERANCE est une série extraordinaire qu’il faut absolument regarder.
Pour les autres, je vais continuer cet article en ne dévoilant que des points très superficiels de la série, qui ne gâcheront ni votre plaisir ni les révélations de premier voire de second ordre.
Promis
Pour votre plaisir, je vous propose de découvrir quand-même le générique absolument génial de la série, et qui résume parfaitement l’ambiance que vous allez pouvoir trouver dans SEVERANCE.
Que la LUMON soit !
SEVERANCE est écrite et conçue par le scénariste Dan Erickson dont c’est l’une des toutes premières séries ! Nous avons donc un point de vue assez frais et un style d’écriture encore inconnu, même si l’incongruité de certaines scènes et dialogues peuvent faire penser à Charlie Kaufman, le scénariste de DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH ou encore de, tiens tiens, ETERNAL SUNSHINE OF A SPOTLESS MIND. Et qui fait mouche immédiatement.
Erickson nous donne à chaque instant, via des situations bizarres et des dialogues étranges l’impression que quelque chose ne colle pas. Et pourtant, tout le monde agit comme si c’était normal, ce qui rajoute à l’étrangeté de cet univers. On est déconcerté à chaque seconde, un peu comme on pouvait l’être lors de l’apparition d’un ours polaire sur une île du pacifique dans LOST. Mais les détails et les directions semblent, en tout cas je l’espère, beaucoup plus nettes. Erickson sait où il va et nous distille des actes parfois déconcertants mais qui prennent petit à petit sens. La scène d’introduction que je vous ai décrite plus haut et sa suite résument à elles seules la mécanique de la série. En effet, si la première personne qui apparaît à l’écran est Helly, la deuxième scène est un flashback qui nous raconte la même chose mais du point de vue de Mark, le véritable héros de l’histoire. De fait, on rassemble immédiatement les informations et les pièces. Et c’est très rassurant. Et réellement brillant !
Pourtant, le scénario de SEVERANCE a traîné plusieurs années dans les bureaux des producteurs. Il a fallu que Ben Stiller le remarque et réalise qu’il tenait une mine d’or entre les mains pour que SEVERANCE voie le jour.
Ben Stiller, c’est bien évidemment l’acteur de MARY À TOUT PRIX, ZOOLANDER ou encore TONNERRE SOUS LES TROPIQUES, qu’il a aussi réalisés. Mais SEVERANCE est loin d’être une parodie ou une farce. Stiller est beaucoup plus fin que ce que l’on peut penser. Sur SEVERANCE, les 6 épisodes qu’il réalise (sur les 9 que compte la série) sont tout simplement magistraux. Je pèse mes mots. Le réalisateur utilise un ton beaucoup plus tragique et épuré, à l’instar de LA VIE REVEE DE WALTER MITTY, film que je vous conseille vivement et dans lequel on retrouvait cette logique de dénonciation de l’entreprise avec, déjà, l’acteur Adam Scott.
Il joue sur les silences, les symétries. C’est un minimalisme décalé, une ambiance sombre mais lumineuse qui met à chaque seconde le spectateur mal à l’aise, dans la mesure où il est incapable de savoir quand et où se situe l’intrigue, de comprendre pourquoi les personnages agissent comme ils le font. Un simple détail suffit : nous sommes sensés être en 2020 et pourtant les ordinateurs ressemblent au vieil AMIGA de votre grand-père.
Le travail de composition de Stiller est phénoménal : il arrive à déconcerter en filmant un simple couloir blanc et éclairé, à donner une impression labyrinthique uniquement en jouant sur les lignes de fuite. Les éléments du décor soulignent très souvent la dissociation et sont omniprésents pour couper horizontalement ou verticalement l’écran. Il utilise à bon escient les couleurs : le bleu, le rouge, le vert. Chacune d’entre elles peut correspondre à un monde ou un état d’esprit différent : celui des outies, des innies ou bien les locations un peu plus neutres. Stiller joue sur les lumières : les éclairages crus et d’un blanc immaculé lorsque nous sommes chez LUMON et les ambiances beaucoup plus sombres dans le monde extérieur. Sans que cela ne se remarque trop. Tout est subtil dans SEVERANCE. La série recherche toujours le meilleur cadrage, la meilleure lumière, le meilleur angle pour mettre son spectateur en immersion. Et atteint parfois de véritables moments de grâce. Vous trouverez dans SEVERANCE deux scènes de danse éblouissantes de classe : une danse macabre qui frôle l’horreur pure et une danse de fête au bureau d’une intensité incroyable.
C’est d’ailleurs, je crois, ce qui m’a le plus impressionné dans la réalisation de la série : la puissance émotionnelle de certaines scènes, voire d’épisodes en entier. Dont le neuvième et dernier de la saison, qui n’est qu’un suspense dingue allant crescendo pendant 45 minutes pour un cliffhanger qui vous laissera pantois et sous le choc ! Quelques mots de la musique de Theodore Shapiro, un habitué des films de Stiller, qui fonctionne parfaitement et joue pleinement son rôle.
En dehors de sa réalisation, SEVERANCE se distingue aussi par sa direction d’acteur. Adam Scott (Mark S.) et Britt Lower (Helly) livrent une performance de haut niveau tout au long de la série et j’insisterai particulièrement sur ces moments de transition où, en un seul regard, ils arrivent à changer de personnalité dans une simple cage d’ascenseur. Tout en sobriété. Et que dire du casting secondaire ! Est-ce vraiment utile de préciser que John Turturro, Christopher Walken ou Patricia Arquette sont d’une justesse impressionnante ? Ils sont de plus parfaitement épaulés par Dichen Lachman (ALTERED CARBON, DOLLHOUSE), Zack Cherry (YOU) et un nouveau venu, Tramell Tillman, qui crève l’écran dans le rôle d’un agent chargé de la sécurité de LUMON.
Niveau intrigue, nous sommes dans la tranche supérieure de ce que l’on peut nous proposer à la télévision. Niveau réalisation aussi. Mais SEVERANCE distille aussi lors de ses épisodes de nombreuses thématiques, souvent assez profondes. Le premier et le plus évident est bien évidemment celui de l’aliénation au travail et des stratégies de rendement des entreprises.
La dictature du rendement
Quel patron d’entreprise peu scrupuleux ne rêverait pas d’avoir des employés modèles, dont le travail ne serait pas impacté par leur vie personnelle ? Des employés qui ne pourraient pas se voir en dehors et discuter entre eux ! Tout dans SEVERANCE pointe du doigt la logique implacable des grandes entreprises, avides d’un rendement maximisé. En poussant à l’extrême ce concept, la dénonciation n’en est que plus forte. Les différents services de LUMON non seulement ne communiquent pas, mais tout est mis en oeuvre pour qu’ils aient peur l’un de l’autre. Non seulement la communication externe est impossible, mais les relations internes sont indésirables. Bongo ! Vous avez devant vous de parfaits petits robots.
L’exploitation des employés peut se faire sans aucun problème puisque les outies n’ont aucun souvenir de ce qu’ils ont subi durant la journée. Ils ne savent même pas quel travail ils assurent ! Et ce travail, parlons-en : une tâche répétitive et qui n’a pour le moment aucun sens. Les innies sont totalement infantilisés, totalement déshumanisés. De par la dissociation, ils sont sans arrêt en train de travailler, sur des tâches qui ne font pas sens. Dès qu’ils quittent l’entreprise, ils y re-rentrent, ce qui fait penser à la fameuse bulle du PRISONNIER. Ils ne savent pas s’ils ont des enfants, ils ne voient pas leur reflet dans le miroir et vivent sous surveillance permanente. Comme ils ne dorment jamais ni ne se reposent, pas étonnant que la moindre récompense prenne la forme d’un repas sucré, voire de moments de danse ou d’ateliers bien être. Plaisirs simples dont ils ne se rappellent même pas. L’omerta totale sur ce qui se passe au sein de la LUMON permet à ses dirigeants de faire ce qu’ils veulent, comme ils le veulent. Imaginons qu’un innie se plaigne de ses conditions de travail et désire démissionner. Qui sera au courant ? Il ne pourra en parler à personne, ni même à son autre moi qui n’a aucune connaissance des faits qui se produisent à l’intérieur de la compagnie. C’est le moyen ultime pour que tout ce qui se passe dans l’entreprise reste en son sein. Surtout le pire. Comme par exemple des salles de redressement lorsqu’un employé se livre à quelque chose d’interdit, comme par exemple glisser un mot dans sa poche pour converser avec son autre moi. C’est la verticalité et l’organisation scientifique du travail à son paroxysme. La LUMON est souvent comparée à l’enfer. La première chose que demande Helly (nom anglais de l’enfer à une lettre près) c’est de savoir si elle est morte.
D’un autre côté, l’existence de la dissociation permet aussi de relever l’égoïsme humain de notre époque. En acceptant de n’avoir aucun souvenir de votre journée de travail, vous évitez soigneusement de souffrir de ce dernier. Chacun des 4 employés du département de raffinage des macro-données possède ses propres raisons de vouloir la severance, cela est bien expliqué dans la série. Mark pense avec cette dissociation pouvoir avancer et oublier la mort tragique de son épouse lors d’un accident de voiture. Quant à Helly et Irving, c’est encore une autre histoire. Ce serait du gagnant/gagnant implacable. Si toutefois LUMON était une entreprise correcte.
L’évangile de Kier
La LUMON est partout. Nous seulement elle contrôle la partie dédoublée de votre personnalité, mais c’est aussi elle qui, à l’extérieur, vous loge, vous nourrit ! Son bâtiment vous écrase par son architecture. Car la LUMON vit dans le culte de son fondateur, Kier Eagan, qui a imposé une philosophie que les employés doivent non seulement connaître, mais réciter à longueur de journée. Son ouvrage de référence trône comme une véritable bible dans chaque pièce de la compagnie. Des tableaux représentant certains passages du livre sont plaqués sur tous les murs. La récompense ultime lorsque vous avez dépassé vos objectifs ? Visiter le salon où se trouvent les statues de tous les dirigeants de la compagnie, créée au milieu des années 1800, à travers le temps (tous des descendants de Kier) et finir par entrer dans une réplique exacte de la maison du père fondateur.
La représentation des statues ne fait aucun doute : Kier Eagan c’est Pol Pot, Staline, Mussolini ou Hitler. C’est le guide suprême. Ses paroles, ses écrits sont tout simplement sacrés. Eagan inspire une dévotion fanatique pour la plupart des personnels de LUMEN (je parle des dirigeants et non pas des innies). Harmony Cobel (Patricia Arquette), la responsable de l’étage où se trouvent les différents services dissociés, prie régulièrement Kier. Aucun doute là-dessus, SEVERANCE profite de son concept de départ pour dénoncer les dérives sectaires et le culte de la personnalité. LUMON c’est la lumière, celle que le père fondateur diffuse à ses employés par ses paroles. SEVERANCE c’est la naïveté de l’humanité par rapport aux discours, aux assertions péremptoires et définitives. Pour preuve, lorsqu’un autre livre écrit par un gourou new age est introduit par hasard ans les locaux de la LUMON, il change radicalement le mode de pensée de ceux qui le lisent… et le croient !
Le « jeu » du toi
Pour terminer, SEVERANCE propose aussi une réflexion sur l’existence. Qui suis-je véritablement ? C’est une question importante, plusieurs fois répétée dans la série. Est-ce que les innies sympa ou infects ont la même personnalité à l’extérieur ? Est-ce que deux personnes qui se connaissent intimement peuvent se reconnaître, voire s’apprécier au sein de la LUMON ? L’amour ou l’amitié transcendent-ils la dissociation ? Il arrive à Irving de s’endormir au travail. Dès que cela lui arrive, il est pris de visions. Est-ce une réminiscence de son autre vie, qui réussirait à franchir les limitations de la severance via son inconscient ? De la même manière, il arrive parfois que certains outies aient quelques schémas internes à LUMON qui reviennent à la surface.
Autre problème de taille : la dissociation ne crée-t-elle pas finalement la vie ? En effet, chaque innie est une personne à part entière, dont les actes ne reposent pas sur le passé de leur moi extérieur. Ce qui peut poser un problème lorsque, par exemple, un employé quitte la compagnie. Comme il ne reviendra jamais au travail, son alter ego innie meurt ! Sauf que cette personnalité a vécu, a travaillé, a établi des contacts avec d’autres personnes. Dans quelle mesure peut-on alors nier son existence ?
SEVERANCE est une série qui coche toutes les cases. Elle offre tout d’abord une réalisation soignée, de acteurs d’exception et un esthétisme travaillé dans ses moindres détails. C’est aussi l’une des séries les plus mystérieuses de ces dernières années. Et les fans de théories à la LOST ou à la HEROES pourront s’en donner à cœur joie. De plus, elle aborde des thèmes assez pointus, sur l’existence, le travail, la vie humaine. Le mélange aurait pu être indigeste. Il est tout simplement parfait.
Après tant de louanges, on pourrait se demander quand-même si SEVERANCE ne possèderait pas quand-même quelques défauts. J’en vois deux. Tout d’abord le rythme très lent, que personnellement j’adore mais qui pourra en rebuter certains, qui ne franchiront pas le cap du premier épisode.
Le second défaut : la suite n’est prévue que pour 2024, ce qui est vraiment frustrant dans la mesure où SEVERANCE nous offre l’un des cliffhangers les plus forts de ces dernières années. En toute honnêteté, j’aimerais que cette deuxième saison soit aussi la dernière. Histoire de boucler la boucle et de ne pas prolonger une intrigue au-delà de ses limites.
Pour conclure, les thèmes abordés par SEVERANCE me touchent énormément. Je suis un compulsif du travail. Je n’arrive jamais à décrocher. Et cela influence fortement ma vie privée et m’épuise régulièrement. Une forme de dissociation, beaucoup moins radicale que dans la série devient non pas nécessaire mais quasiment obligatoire.
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La BO du jour : vous voulez de la vraie dissociation ?
Vu il y a environ un an de ça. Bonne série, très étrange, avec des passages ou on rit jaune à de l’humour noir bizarre et dont les themes sont en effet intéressants, et effrayants.
J’avais été déçu cela dit que ça ne se termine pas à la fin de la saison. C’est le genre de concept qui n’a pas besoin de 12 saisons donc ça me plait moyen que ça dure. S’ils prévoient d’en faire 3 ou 4 saisons je ne serai sans doute plus de la partie.
Merci pour cette découverte et cette review 🙂
Je trouve un petit parfum de Black Mirror à l’idée générale (plus particulièrement une partie de l’épisode White Christmas), avec une parenté lointaine avec la série Dollhouse
J’ai envie de voir ça, l’idée de dissociation complète travail/vie personnelle m’intrigue et m’intéresse (mes collègues me reprochent gentiment de ne pas me déconnecter du mail pro lorsque je suis chez moi)
Oui il y a un peu de cet épisode là de Black Mirror (qui est exceptionnel je trouve).
Black Mirror, je n’ai jamais dépassé le premier épisode de la saison 1, avec le cochon. Trop pour moi !
C’est très variable, Black Mirror. Comme chaque épisode est indépendant, y a du mauvais au très bon. Je devrais faire un article sur un choix subjectif d’épisodes.
La meilleure déconnection de mon travail, c’est bien évidement ce blog.
Sinon une analyse brillante aussi bien sur les influences que ce qui sera appelé à devenir culte dans cette série. L’alienation au travail traitée par le biais du fantastique est autrement plus parlant qu’un JT où la misère s’ajoute à la misère.
Ceci étant, j’ai regardé le 1er épisode de SEVERANCE et me suis profondément ennuyé car oui, le rythme est très, très lent pour ne pas dire lénifiant. Et les décors cliniques, les personnages réduits à l’état de pantins (je sais, c’est fait exprès) m’on confortablement paralysé au point que je n’arrive pas à vouloir poursuivre. Ce papier me fera sans doute changer d’avis mais pas sûr : je fais partie de ceux qui se sont emmerdés avec THE WIRE…
Ca vaut peut-être le coup de t’accrocher un peu. Mais effectivement, le rythme est un sacré problème. Mais rien que pour les scènes de danse…
Bravo Doop, je salue ta citation de VELVET GOLDMINE, j’avais oublié que c’était Christian Bale qui jouait ce rôle… Quoiqu’il en soit, je n’ai jamais eu ce genre de réaction face à une série mais je peux comprendre. J’ai commencé à regarder Life On Mars, je suis moins enthousiaste que toi (et je n’arrive pas à le voir en VO en plus). Jamais regardé LOST.
En tout cas ce SEVERANCE est clairement une très bonne série pour le moment sur cette première saison. Meilleure série de la décennie c’est un poil s’avancer tout de même mais en tout cas, et en SF de surcroît, c’est de la bonne. Cela dit, je ne sais pas si tu as lu mon article sur COUNTERPART, qui est aussi de la bonne SF mais moins visible, et surtout j’y trouve le générique plus réussi que celui-ci. Il ne m’a vraiment pas emballé…
Je dirais également qu’au delà du capitalisme, c’est le concept même de travail qui est remis en question (après tout le stakhanovisme n’a rien à voir avec le capitalisme).
Complètement d’accord pour tes comparaisons d’écriture. Je dois toujours voir LA VIE REVEE DE WALTER MITTY.
« Le travail de composition de Stiller est phénoménal » : merci pour ce paragraphe, tu peux ajouter une photo plutôt classe de manière générale.
Je suis assez d’accord avec ton analyse et l’avancée de l’égoïsme, mais c’est justement un peu le problème que j’ai ressenti : ces gens ont sciemment choisi de se couper en deux. Ce qui est tout de même une mauvaise idée dès le départ non ? Alors OK on peut voir pourquoi, mais dans ce cas, rechercher les raisons de son travail ou chercher à découvrir qui on est soi-même n’a pas vraiment de sens. Bref, c’est assez brillant mais je trouve que le concept a quelques failles (même si en effet, scénaristiquement, c’est classique mais efficace dans les éléments déclencheurs : on entre dans la série et Lumon par une nouvelle personne, un étranger nous contacte, etc…).
Très bonne analyse aussi sur les livres de gourous. Ca c’était une idée excellente. Mais de même, un truc me gêne : une fois devenus salariés de Lumon, les personnes semblent avoir perdu toute pensée critique, alors qu’on voit bien que non avec le personnage de Helly, dès le départ et à la fin également. C’est un peu flou et rejoint l’histoire de l’identité dont tu parles ensuite : pourquoi serions-nous différents une fois dissociés ? Là où c’est intéressant c’est ce que tu pointes lorsque quelqu’un démissionne.
Je n’ai pas trouvé le rythme lent (c’est pire dans THE WIRE) mais comme toi ce serait super que la seconde saison soit la dernière. Merci Doop en tout cas, très bon article encore une fois.
La BO : évidemment, classique que je kiffe (la BO que j’ai sans doute la plus écoutée)
The wire n’est pas lent.
The Wire prend le temps qu’il faut.
C’est pas du tout la même chose.
THE WIRE c’est la vrai vie. La série à emporter sur une plage déserte si vous ne deviez en emporter qu’une (et pas LOST par exemple).
THE WIRE est THE SERIE (avec FNL :))
Ah mais vous prêchez un convaincu mais bon je peux comprendre Bruce
The Wire, c’est une des séries qui m’a fait le plus chialer de ma vie !
J’ai été sensible à l’intelligence de THE WIRE mais c’est un problème personnel : j’aime la vitesse, je déteste la lenteur en tout, en musique, au travail, sur les trottoirs et dans les séries.
Oh tu as vu des films japonais lents que tu m’as dit avoir apprécié pourtant.
Et tu aimes Lynch. Et Kubrick.
y’a des contradictions dans ton discours^^
Hey Matt 🙂
Pas tant que ça S’il y a de la tension, de la violence et du suspense oui bien sûr.
J’avoue que 2001, ce n’est pas ma tasse de thé quand j’adore Barry Lyndon.
Plus le temps passe et plus je me dis que la lenteur est un des plus grands luxe de notre époque qui confond action avec agitation et rapidité avec frénésie.
La lenteur, c’est quelque chose qu’il faut constamment combattre pour y avoir droit. Et elle fait un bien fou.
Un de mes plaisirs chaque matin, c’est de me lever plus tôt pour pouvoir prendre un train plus lent pour aller au boulot.
Mais pour revenir à The wire, de nouveau, je ne trouve pas que la série soit lente.
Je dirais même que c’est le contraire. Quand on voit la quantité d’informations qu’elle véhicule, de personnages qu’elle met en scène, de thèmes qu’elle traite, quand on voit la densité de la narration et l’ambition du propos, je ne vois pas très bien comment on peut aller plus vite tout en restant compréhensible.
Comme je l’ai dit plus haut, The wire est une série qui prend le temps qu’il faut.
Ou alors, il faudrait convenir que The wire est une série lente mais sans lenteurs.
Je suis d’accord avec zen. Avec certains contenus qui passent leur temps à agiter des clés qui font bling-bling devant tes yeux pour capter ton attention comme si tu étais hyperactif, j’accueille à bras ouverts la lenteur.
Dans l’ère de Tiktok qui abrutit les gens avec des clips de 20 secondes qui détruisent leur capacité d’attention, il nous faut de la lenteur.
Bien sûr ça dépend de notre état d’esprit. Je peux avoir envie d’un truc rapide, mais souvent j’apprécie la lenteur des vieux films ou de séries comem ça, ça me ressource.
Alors LIFE ON MARS (english version), franchement Cyrille, c’est le top du top ça. IMPOSSIBLE que tu y sois insensible !!!
Si si je te jure pour le moment j’ai vu 4 ou 5 épisodes, c’est sympa mais vraiment pas un truc exceptionnel non plus en ce qui me concerne. Mais bon je finirai.
toi t’as pas vu la fin de la saison 1. Et les épisodes glauques
Bonjour Doop.
J’ai justement cliqué dessue hier soir pour la pré-lancer (mon mode de fonctionnement, pas d’autre explication).
Tout cela pour dire que je reviens d’ici quelques jours (semaines ?) pour te dire ce que j’en ai pensé, évitant toute influence et tout divulgâchage avec ton article (qui a l’air savoureux).
En tout cas c’est cool de voir un retour sur une série, qui plus est d’actualité (c’est à dire pas ancienne.). Comment cela je vise ceux qui sont restés enfermer au village, poursuivis par un rodeur !!!!!!
Je me contente de l’excellente BO pour l’instant (d’un très bon film que j’ai bien envie de revoir d’ailleurs même si ce n’est pas mon Lynch préféré).
Tu me diras. Mais je pense que cela a tous les éléments pour te plaire !
Des nouvelles séries ? J’ai l’été pour ça !
beaucoup de mal à aller au bout du premier épisode. En fait je n’arrive pas à « voir » l’expression du concept de la dissociation.
Une série dénonçant les méfaits du capitalisme et de la stratégie d’entreprise diffusée et produite par Apple TV, ce n’est pas sans ironie : une ironie que j’apprécie pleinement et la capacité de l’industrie du divertissement à tout transformer en divertissement, même les critiques formulées contre elle.
Hé bien, quelle analyse ! La réalisation et la composition de Ben Stiller, et ses jeux sur le minimalisme, les lumières et la direction des acteurs qui aboutissent à une puissance émotionnelle peu commune.
Quels thèmes ! La dictature du rendement et l’intensification du travail. Cette approche barbare de retirer le sens même du travail !
La LUMON vous loge, vous nourrit : ça rappelle ces entreprises familiales qui étaient propriétaires de cités ouvrières.
L culte de son fondateur qui a imposé une philosophie que les employés doivent non seulement connaître, son ouvrage de référence : voilà qui évoque chez moi L. Ron Hubbard et la scientologie, ou au moins la dianétique.
Un employé quitte la compagnie :cette personnalité a vécu, a travaillé, a établi des contacts avec d’autres personnes. Dans quelle mesure peut-on alors nier son existence ? – N’est-ce pas aussi le cas quand on change de cadre de travail, d’entourage de collègues ? Les réflexions sur le travail me fascinent tout autant. Merci pour cette plongée dans la double identité vie professionnelle / vie personnelle.
Je n’ai pas accès à cette série et je ne souhaite pas employer de moyens détournés pour la voir.
Ton article est très enthousiaste et j’aime les questions existentielles. Toutefois, j’ai déjà un avis sans doute trop arrêté sur la question posée par la série : non, la déconnexion et la dissociation, ça ne marche pas. On peut mettre différents costume, on reste seul pour les porter. Il n’y a pas un moi véritable et un autre modèle d’exposition, on est ce que l’on fait.
J’ai souvent été rétif par rapport aux trucs trop hyppés et, cette série, évidemment, en est.
Plusieurs arguments de l’article, très vivifiants, pourraient me motiver (oui, Ben Stiller est un artiste, et puis tous ces partis-pris artistiques qui ont l’air de trancher, ça a l’air de le faire !). D’autres, pas du tout (je déteste le naturalisme, donc, à partir de là, toute ambiance clinique est dé-fi-ni-ti-ve-ment rédhibitoire pour moi (je déteste BIENBENUE À GATTACA alors que, objectivement, c’est un très bon film (je déteste PREMIER CONTACT de Villeneuve aussi pour les mêmes raisons (je déteste le cinéma des frères Dardenne (putain les boulets ces mecs) (mais vraiment, ces films, je les déteste viscéralement)))))…
Je pense que je verrais ça un jour, sans doute. L’article est très accrocheur. Mais en fait de tout ça j’en ai rien à foutre… J’aime la nature, l’amour, l’exotisme. Cette série en est l’antithèse, non ? 🙂
Bon, ben voilà quoi : comme souvent, j’aime beaucoup l’article, mais il ne tombe pas au bon moment je crois. J’ai envie de tout, sauf de m’enferner dans ce genre de sujet en fait ! 😀
(je déconne hein… Aussi bien dans 6 mois je matte la série… Mais, franchement, il va me falloir faire un effort, non pas sur le sujet (passionnant), mais encore une fois sur le parti-pris clinique, que je n’aime pas par nature.)
J’ai toujours du mal à saisir ce que tu qualifies de naturalisme.
Pour moi le naturalisme c’est filmer un truc sans rien modifier, genre tu prends ta caméra et tu filmes desgens qui discutent, sans mise en scène originale, sans musique, sans décors modifiés.
L’aspect clinique froid est en soi une modification. Comme dans 2001 de Kubrick, ou dans THX1138.
Et dans cette série, si le monde en dehors de l’entreprise est à la rigueur « normal », tout est chelou dans l’entreprise. Des couloirs interminables, des open space avec 3 personnes, des lieux déserts, il y a même un passage trèèèès bizarre assez lynchien quand le perso principal est supposé rencontrer le grand patron (du moins je crois que c’est le grand patron. j’ai un doute là dessus)
T’es dans une dystopie à la Brazil avec un monde du travail complètement chelou et même parfois un peu burlesque (des pauses danse de 30 secondes organisées pour détendre le personnel, faites sans conviction, comme des robots) Il y a de l’humour noir, c’est très satirique.
Assez d’accord.
J’ai bien aimé la série mais compte tenu du rythme lent (que j’ai bien aimé) et du sujet, je pensais que ça se finirait à la fin des 9 épisodes. Le plus gros reproche pour moi et de vouloir faire durer le concept qui aurait très bien marché en une saison.
Si au final le rythme lent se révèle comme un artifice pour étirer la série en plusieurs saisons, ça va moins me plaire.
ça va vraiment se jouer sur la saison 2. S’il y a une saison 3, je laisserai tomber.
Le problème du mot « naturalisme » au cinéma, c’est que plein de gens utilisent le mot à leur sauce et que finalement plus personne ne sait ce que ça veut dire.
Moi, j’en reste à ce qu’en dit le critique de cinéma François Bégaudeau qui propose de bazarder le terme.
Je reproduis ici ce qu’il en dit dans une interview donnée pour critikat :
« Je pense que, pour la clarté des esprits, ce mot, il faudrait le bazarder. Il y a dans l’histoire de l’art plusieurs passifs autour de cette notion. Premier passif : le passif zolien. Avec Zola, nous n’avons pas affaire à un réaliste, mais à quelqu’un qui développe une conception du réel reposant sur deux concepts (il le dit d’ailleurs très clairement avant d’écrire les Rougon-Macquart) : l’atavisme et les déterminations sociales. Il exprime son souhait d’écrire des livres illustrant cette thèse ; la thèse pré-existe, c’est cela qu’on appelle « naturalisme ». C’est donc exactement ce que dit Daney : les naturalistes, au sens zolien, désigneraient des gens qui, avant même de regarder le réel, ont une idée à son propos et essaient de la plaquer sur lui, pour démontrer un certain nombre de considérations sur les lois le présidant. Deuxième passif : c’est complètement autre chose, et même l’inverse ; dans « naturalisme », il y a « naturel ». C’est à partir de cette conception que l’on dit, par exemple, que Pialat est naturaliste, car il chercherait quelque chose de l’ordre du naturel. Il s’agit en soi d’un mot extrêmement compliqué – qu’est-ce que cela désigne au juste, le « naturel » ? On est dans deux généalogies contradictoires. Zola est antinaturaliste au sens où le serait Pialat, et Pialat est antinaturaliste au sens où le serait Zola. Quand on va sur ce terrain, l’hygiène intellectuelle voudrait que l’on se passe de ce mot. Ensuite, effectivement, ma « base », que je n’ai pas inventée, est que le cinéma n’est jamais aussi fort que lorsqu’il est cinématographe, c’est-à-dire qu’il constitue un outil d’enregistrement. »
Et il ajoute :
« Le présupposé de base, hors cinéma, serait celui-ci : la vie a du génie. Cela vaut à mon avis pour tous les arts : je pense effectivement qu’un artiste est celui qui sait prélever le génie de la vie. Ce qui n’implique pas que le cinéma se réduise à une simple captation : il arrive que, pour parvenir à cette fin là – honorer la vie –, on doive faire preuve d’une grande inventivité formelle. C’est toute l’histoire de l’art : se donner des formes adéquates à la saisie de la vie. »
Bon, je voulais mettre le lien vers l’ensemble de l’entretien (parce que je n’aime pas citer sans donner de lien) mais apparemment, ça implique une modération du message donc je vais m’en passer.
Si vous voulez lire l’entretien dans son entier, vous pouvez taper begaudeau et critikat dnas google et vous tombez directement dessus
@Zen arcade :
Si je me réfère à la réflexion de Tornado sur les frères Dardenne, j’en déduis que pour lui la naturalisme c’est filmer au naturel. Sans artifice.
Mais ça ne colle pas du tout à une ambiance clinique froide dans des décors stériles immenses et déserts, inquiétants, avec des gens privés d’émotion, qui n’existent quasiment pas au naturel à part dans des dystopies de fiction.
Donc je ne sais pas ce que notre collegue Tornado entend par là^^
Sans doute qu’il n’aime pas les 2 en fait. Mais par contre les 2 ne peuvent pas être décritent de la même façon.
« Si je me réfère à la réflexion de Tornado sur les frères Dardenne, j’en déduis que pour lui la naturalisme c’est filmer au naturel. Sans artifice. »
Sauf que les Dardenne, c’est pas du tout ça.
Chez les Dardenne, il y a des choix esthétiques forts, que l’on apprécie ou pas certes, mais des choix esthétiques qui ne relèvent pas du tout d’une espèce de « filmage au naturel ».
Le parti-pris radical de Rosetta, par exemple, ça n’a rien à voir avec du filmage au naturel. Pour reprendre les termes de Bégaudeau, dans Rosetta, les frères Dardenne recherchent la forme adéquate pour saisir de la vie. Et comme souvent chez eux, ils le font autour de la mise en forme d’un questionnement moral qui se pose au personnage.
Rosetta s’articule ainsi sur quelque chose qui n’a pas grand chose à voir avec le naturalisme mais autour d’une question morale qui est « jusqu’où suis-je capable d’aller pour avoir un boulot? ». Question qui trouve sa représentation parfaite dans la scène où le gars risque de se noyer et où Rosetta hésite un instant à le secourir (mon souvenir est lointain mais ça doit être à peu près ça). Tout comme La promesse s’articulait autour du choix moral du fils pris dans un conflit de loyautés. C’est pas du cinéma naturaliste, ça. Ni dans le sens Zola (ça, c’est plutôt la veine Ken Loach), ni dans le sens du « naturel ». C’est du cinéma « moral » (et pas moraliste).
Ouais bon je connais pas le ciné des Dardenne, ça m’intéresse pas les sujets sociaux de ce genre de films.
Et si on va par là, rien n’est naturel au cinéma, ne serait-ce qu’à cause de l’éclairage, des ellipses temporelles. Mais je pense que la naturalisme est associé dans la tête de beaucoup comme quelque chose de peu altéré sur la FORME par rapport à la réalité.
Et je ne trouve pas que les atmosphères froides et lentes à la 2001 ou Severance fassent naturelles du tout.
« Et si on va par là, rien n’est naturel au cinéma, ne serait-ce qu’à cause de l’éclairage, des ellipses temporelles. Mais je pense que la naturalisme est associé dans la tête de beaucoup comme quelque chose de peu altéré sur la FORME par rapport à la réalité. »
Et c’est bien pour des questions de forme que je citais Rosetta.
Quand on parle de naturalisme en citant les Dardenne, on oublie la forme pour se concentrer sur le sujet. Comme s’il suffisait de faire du « cinéma social » pour être naturaliste, sans questionner la manière dont c’est fait.
C’est un discours souvent porté par des gens qui parlent des Dardenne sans avoir vu leurs films.
Comme je le disais plus haut, La promesse, c’est l’histoire d’un conflit de loyautés. Ca prend certes pour décor la réalité des marchands de sommeil et de l’exploitation des immigrés clandestins mais le coeur du film, c’est un conflit de loyautés autour d’une relation père – fils.
On voit ça dans des tas de films de plein de genres, des films de mafia par exemple. La promesse, c’est pas très différent. Les Dardenne, c’est Scorsese à Seraing. 🙂
Après, si on prend pour exemple un film comme Tori et Lokita, ça marche moins bien. Mais c’est parce que le film est raté et que les Dardenne y abandonnent la complexité morale de leurs grands films pour un film de dénonciation très convenu.
« Et je ne trouve pas que les atmosphères froides et lentes à la 2001 ou Severance fassent naturelles du tout. »
Oui, je ne comprends pas trop le rattachement au naturalisme de choses comme Gattaca, Arrival de Villeneuve,… que fait Tornado.
On y trouve une volonté de rendre crédible ce qui est porté à l’écran dans un contexte où la suspension d’incrédulité est importante mais je n’appellerais pas ça du naturalisme.
Quelle série brillante ! Il y a ceux qui ont accroché dès la première minute et qui savourent chaque plan -j’en fais partie – et ceux comme mon épouse qui ont failli s’endormir mille fois mais qui ont grave kiffé les deux derniers épisodes.
… Je me suis fait la saison entière, hier (j’ai la crève, donc du temps libre).
Bon, c’est vrai que c’est archi-léché, esthétiquement parlant ; surtout les premiers épisodes, qui insistent lourdement sur le dépouillement des décors -franchement démesurés- des locaux de cette entreprise mystérieuse ; ainsi que les alentours où évoluent les personnages : les contrastes brutaux, visuellement induits par ces rues noires bordées de neige immaculée, contribuent à donner l’impression qu’on ne sort vraiment jamais complètement d’une sorte de rêve éveillé -ou cauchemar, dans le cas présent.
Le casting est pas mal du tout -Patricia Arquette est caricaturale, mais c’est son rôle (et l’élément le plus désagréable quant au visionnage de la série, pour moi : l’actrice me déplait souverainement, on dirait Miss Ratchett (en vraie !).
Sinon, je trouve l’argument purement S.F. très limite, niveau crédibilité : qui irait s’imposer un truc pareil ?! À moins d’être pour le moins naïf et dépourvu de toute empathie (niveau Mister Bean), personne n’accepterait d’abandonner sa personne au bon vouloir de son employeur sans, au moins, une rémunération surréaliste en compensation ; hors il semble bien que ces gens-là mènent, pour la plupart, une existence tout ce qu’il y a d’ordinaire, au niveau du train de vie. Mais comme il s’agit surtout d’un prétexte, je ne considère pas que ce soit un handicap scénaristique très important quant à l’appréciation de la série.
Maintenant, en ce qui concerne le déroulement -lent, il est vrai, mais pas insupportablement lent- des évènements, on est surtout focalisé sur le désarroi du personnage de Helly. Bon, là aussi, la crédibilité du pitch est mise à mal : gérer ad-vitam, æternam ce genre de désordre (!) d’ordre purement personnel pendant les heures de boulot ne peut être compensé d’aucune façon auprès de la direction, et constitue nécessairement une perte sèche injustifiable, si tant est que le profit (au travers de la rentabilité de ses employés) soit le but premier recherché par cette entreprise. On peut se permettre d’en douter, au fil du récit. Mais bien entendu, l’identité civile de Helly justifie évidemment sa présence « forcée » au sein de l’organisation.
En compensation au quotidien déprimant de ces employés si particuliers, on a droit néanmoins à de savoureux seconds rôles ; le beau-frère écrivain étant à lui tout seul un summum d’originalité -et le principal élément comique au milieu de cet univers de froideur Nordique.
Les moments où l’histoire se concentre sur les « mystères » se rapportant au pourquoi du comment de cette « avancée » technologique -décidément opaques, sinon dans les visées financières et, par voie de conséquence, despotiques de son créateur- deviennent rapidement le centre d’intérêt des intervenants, ce qui semble logique mais, un peu regrettablement, cette approche scénaristique nous plonge alors dans des intrigues vues et revues maintes fois, où des témoins surgis de nulle part n’en révèlent jamais assez avant de disparaitre (le meilleur ami, la « technicienne » à la batte de Base-Ball…), où un élément spécifique vient bouleverser la mécanique jusqu’alors parfaitement huilée, offrant une échappatoire aux héros (l’intervention, un peu inexplicable, avec témoins (!) au domicile de Dylan), ou encore -élément ô combien cliché et, ici, franchement téléphoné- le retour inopiné d’un personnage sensé être mort.
Mais il n’empêche que ça fonctionne bien, jusqu’à la fin, « cliffangueresque » à souhaits : on sent bien l’appel à une suite, forcément pleine de surenchère. Bon, il semblerait qu’elle arrive, d’après Glougleu… J’imagine bien quelques pistes à la « Matrix », pour justifier certaines situations ; mais en tant qu’amateur de S.F. « pure », le côté « rebondissements » -obligations de production, n’en doutons pas- ne m’intéresse que très peu, voire pas du tout. Il y a tellement de pistes humaines à explorer, via cette idée assez nouvelle (psychologiques, sociétales, physiologiques, éthiques, Etc…), que regarder la machine à divertir les survoler, au profit de « l’action », va forcément me frustrer.
En tous les cas, merci pour la découverte : sans ton article si enthousiaste, je ne suis pas sûr que j’aurais même eu l’idée de chercher ; et c’était un visionnage beaucoup moins anxiogène que ce à quoi je m’attendais -malgré Patricia ! 🙂