Wolverine par Chris Claremont et Frank Miller
1ere publication le 18/10/16- MAJ le 23/08/18
Par: JP NGUYEN
VO : Marvel
VF : Lug/Semic/Bethy/Panini
En 1982, Marvel Comics publia une histoire de Wolverine en 4 numéros de 22 pages chacun. C’était l’une des premières Limited Series produites par Marvel, avec le Hercule de Bob Layton et le Tournoi des Champions.
Avant cela, les personnages du mainstream vivaient leurs aventures au sein de leur série mensuelle. Les plus populaires, comme Batman ou Spider-Man, possédaient plusieurs séries régulières. Mais le format de la Limited Series était novateur. Il permettait de dérouler sur plusieurs numéros un récit auto-contenu, tout en tâtant le terrain pour une éventuelle série régulière. Et chez Marvel, donc, c’est Wolverine, super-star en devenir de l’époque, qui fut parmi les premiers à ouvrir le bal, avec Chris Claremont au scénario, Frank Miller au dessin et Joe Rubinstein à l’encrage.
Cet article possède un squelette en blabla-mantium et un pouvoir auto-divulgâcheur. Soyez prévenu, si vous poursuivez la lecture, vous ne couperez pas aux spoilers.
En France, c’est sous le nom de Serval (ben oui, Wolverine s’appelait comme ça, en VF, dans le temps), dans la collection « Un Récit Complet Marvel » (RCM), inaugurée pour l’occasion, que cette aventure du X-Man canadien fut publiée par les éditions LUG en 1984 (délais de traduction et d’adaptation obligent). Au passage, petite escroquerie de l’époque, ce qu’on nous présentait comme un Récit Complet était une version tronquée à 79 pages au lieu de 88, et sans les couvertures originales !
Quelques années plus tard (1987, je crois), Jean-Marc, un voisin du 6ème étage, me légua l’ensemble de sa collection de publications super-héros. Je me débarrassai promptement des « Jeunes T. » : l’univers DC ne m’accrochait pas trop. Mais je me plongeai avec délectation dans la centaine de Strange et Spécial Strange, obtenus pour pas un rond, et effectuai mes premiers pas vers la Marvel Zombification.
Dans cette montagne de trésors de papier, « Serval » fit longtemps figure de Saint Graal. Pensez-donc ! Ce livre mettait en scène mon personnage favori de l’équipe des Étranges X-Men, dont la confrontation avec le Club des Damnés par Claremont et Byrne m’avait laissé béat d’admiration envers cette brute courte sur pattes et franchement pas commode. Et le scénariste qui présidait à sa destinée dans les X-Men l’accompagnait encore dans cette série limitée. Quand aux dessins, c’était un certain Frank Miller, dont le Daredevil m’avait déjà tapé dans l’œil dans les pages de Strange. Tout cet adamantium en planches était alors pour moi de l’or en barres…
Au début de cette mini-série, Wolverine est à une période charnière de sa carrière de X-Man. A l’initiative du dessinateur de John Byrne, il a, depuis quelques temps, troqué son affreux costard jaune et bleu pour une tenue marron et ocre, des teintes moins criardes et reflétant davantage son animalité. Mais justement, ce côté sauvage lui pose problème dans le cadre des missions réalisées par les X-Men. En plein combat contre la Confrérie des Mauvais Mutants, Tornade, leader de l’équipe, se permettra même de le recadrer pour lui intimer de n’utiliser le pouvoir létal de ses griffes qu’en ultime recours, là où le glouton griffu aurait directement tranché dans le vif (ou le gras, vu que l’ennemi concerné était le Colosse).
Heureusement pour le jeune lecteur avide de violence graphique, Wolverine pouvait faire usage de ses griffes contre des robots ou contre les Broods, des ersatz d’Aliens dont la monstruosité et la puissance justifiaient amplement que Wolvie sorte ses griffes pour tuer. Mais Chris Claremont gardait cette tension toujours présente, à travers les réactions et les réflexions des coéquipiers de Logan, conscients de la dangerosité de leur camarade. Et pourtant, Wolverine lui-même semblait désireux de changer, de renoncer à la violence aveugle et à la bestialité.
C’est une étape-clef de cette métamorphose que la mini-série Wolverine de 1982 se proposait de raconter. Pour autant, le récit peut tout à fait se comprendre sans la connaissance de tout ce contexte éditorial, ce qui était à peu près mon cas lors de ma première lecture. Chris Claremont envoya Logan au Japon, pour des retrouvailles avec Mariko Yashida, une nippone de la haute société, qu’il avait rencontrée dans le numéro 118 de la série X-Men, en 1979, et recroisée depuis lors de ses visites aux Etats-Unis, nouant peu à peu une relation sentimentale.
Mais la jolie Mariko coupe brusquement les ponts ce qui amène Logan au Japon, pour découvrir la raison de la fin abrupte de leur idylle. A Tokyo, il retrouve un allié, Asano Kimura, un policier d’élite avec lequel il aurait travaillé dans le passé. Asano inaugure la longue liste d’ancien flic/barbouze/mercenaire que Wolverine aura pu croiser dans sa longue existence. Notre héros apprend alors le mariage de sa belle avec un autre homme, une union arrangée par son père, Shingen, un seigneur de la pègre japonaise longtemps présumé mort et récemment réapparu.
Empoisonné et humilié par Shingen dans un duel au sabre de bois qui tourne à la sévère correction, Logan, forcé de sortir ses griffes, se retrouve quand même battu et désavoué par Mariko. Il est ensuite recueilli par Yukio, une ronin redoutable, elle-même poursuivie par les ninjas de la Main. S’ensuivent beaucoup de combats, une trahison, la perte d’un vieil ami et la résolution de Wolverine de dompter son animalité pour reconquérir sa bienaimée et neutraliser son mafieux de père.
Oscillant entre le film noir et le chanbara (film de sabre), la mini-série Wolverine bénéficiait d’une ambiance exotique quoiqu’un peu cliché. Le gaijin Logan y accomplissait sa quête de samouraï guidé par le giri (sens du devoir moral) et, traversant les scènes de théâtre Kabuki et les jardins zen, taillait en pièces des armées de yakuzas et ninjas anonymes en évitant leurs shurikens pointus et leurs katanas acérés, tout en veillant à ne pas se faire écraser par le shinkansen.
Malgré toute l’affection que je porte à ce récit, qui fut une de mes premières lectures marveliennes marquantes, je dois pointer ses quelques défauts. La narration est par endroit assez agaçante et répétitive, notamment à chaque début de chapitre. Des pavés de texte jalonnent les planchent et nous plongent dans la tête d’un Logan assez radoteur, qui nous serine à chaque début de numéro qu’il possède un squelette et des griffes d’adamantium ainsi qu’un pouvoir guérisseur, et pérore sur le fait qu’il est « le meilleur dans ce qu’il fait, même si ce n’est pas très joli… ». C’est sans doute la conséquence des directives éditoriales de l’époque, car Jim Shooter, Editor-in-chief, souhaitait que tous les comics Marvel restent accessibles, fut-ce au prix de laborieux résumés et de fastidieuses redites.
Du côté des méchants, la menace de Shingen, un Yakuza virtuose du sabre mais qui ne reste qu’un simple humain, apparaît clairement comme montée en épingle pour un héros s’étant coltiné aux Sentinelles, à Magnéto ou au Phénix Noir. Le fait que Shingen revienne de nulle part et se constitue un empire criminel en très peu de temps est assez peu plausible. Dans le quatrième chapitre, Logan démantèlera d’ailleurs son organisation encore plus rapidement, ce qui est là aussi peu crédible.
Mais l’orientation plus terre-à-terre et urbaine du récit est sans doute liée à la présence de Frank Miller en tant que dessinateur et coscénariste. Ayant exporté les ninjas à New York pour les faire affronter Daredevil, il tenait une occasion rêvée de dessiner ces assassins orientaux dans leur contrée d’origine. Et pour le coup, Shingen, leader mafieux manipulateur, n’est pas sans rappeler un certain Kingpin (qui se serait mis au régime).
C’est dans un Japon de carte postale que Miller fait évoluer tout ce petit monde, avec des décors à tendance expressionniste, à base de néons tokyoïtes ou de temples shinto. Si, la plupart du temps, cela suffit pour bien poser le cadre de l’action, Miller sombre parfois dans un minimalisme moyennement convaincant, comme lorsque Logan combat Shingen pour la première fois, dans une pièce aux cloisons de papier sommairement évoqués par du quadrillage. Autre écueil dans le dessin : sur certaines cases, les proportions des personnages sont bâclées, et Wolverine apparaît alors plus grand qu’il n’est supposé l’être. De même, certains visages sont assez laids ou inconstants, comme pour le personnage de la tueuse Yukio.
Miller est plus inspiré pour le visage de Logan, qu’il modèle sur celui de Clint Eastwood, alors encore dans sa période Dirty Harry . Cette référence implicite à un autre gros dur de fiction conforte Wolverine dans son statut de héros dangereux. La référence sera sporadiquement reprise par d’autres dessinateurs, comme Mark Texeira dans le run de Larry Hama. Dessiné avec un faux air de Clint, Wolvie sera plus tard incarné au cinéma par Hugh Jackman qui ressemble pas mal à… Eastwood ! A l’origine, John Byrne, premier à révéler le visage sous le masque de Serval, s’était lui inspiré d’un autre visage : celui de Paul D’Amato, acteur ayant incarné un hockeyeur dans le film Slap Shot (La Castagne en VF).
En outre, Frank Miller se rattrape largement au niveau de sa narration, fluide, limpide et immersive, alternant les cases verticales ou horizontales, selon les besoins de la scène. Le découpage, plutôt cinématographique, sait aussi faire respirer les planches, pour des cases plus petites zoomant sur des détails et accentuant leur impact (les griffes sorties dans la dernière confrontation avec Yukio, la bouche de Logan lorsqu’il provoque Shingen en duel…). Même si le sang coule (sauf dans la première VF, j’y reviendrais), Miller trouve toujours l’équilibre entre violence montrée ou suggérée.
L’utilisation de cases étirées sur la largeur de la page pour des duels constituant le point culminant de l’intrigue sera repris avec bonheur par d’autres artistes. Paul Smith dessinera ainsi le combat de Logan contre le Silver Samurai (Uncanny X-Men 173) et Barry Windsor Smith usera d’un traitement similaire pour le duel Wolverine-Deathstrike dans le one-shot « Wounded Wolf » (Uncanny X-Men 205). Des séquences si prenantes que Chris Claremont, auteur prolixe, se montrera économe de mots pour laisser les images parler.
On le voit, en seulement quatre épisodes, Miller aura laissé une empreinte durable sur le carcajou canadien. Mais pour le jeune JP, l’attrait de ce comicbook n’était pas uniquement graphique. Les auteurs y soumettaient le héros à un choix crucial : s’accepter tel qu’il était, et rester une créature féroce et incontrôlable ; ou chercher à changer pour se discipliner et contrôler sa rage. Demeurer une bête ou devenir un homme. La jeunesse étant une période toujours un peu problématique pour canaliser sa fougue, le message de l’œuvre, en particulier à la fin du troisième chapitre, résonna longtemps dans l’esprit de ce lecteur, encouragé à suivre un chemin moins facile mais plus gratifiant. Et en définitive, c’est ce souvenir de lecture marquant qui me fait décerner 4 étoiles à cette histoire, malgré ses défauts.
Je l’ai mentionné plus haut, la première édition française en RCM comporte 9 pages en moins. Certaines scènes de combat ont donc été redécoupées et écourtées, comme le premier duel Logan-Shingen, qui est passée de 5 à 3 pages. Mais la censure a également fait son œuvre avec du sang effacé dans certaines cases. Je déconseille donc fortement de lire cette édition, même si le fait qu’elle constitue le RCM N°1 lui donne parfois de la valeur auprès de certains collectionneurs… Je ne connais pas toutes les autres éditions VF mais l’édition Bethy intitulée « Je suis Wolverine !», avec un contenu éditorial intéressant en introduction et la traduction de la préface signée Claremont, me parait hautement recommandable, malgré quelques problèmes d’impression sur certaines pages, au trait un peu trop gras et contrasté.
Même si cette mini-série fut produite pour des raisons commerciales, afin de surfer sur la popularité du X-Man vedette de l’époque, il faut saluer la pertinence de la démarche des auteurs, qui livrèrent un récit majeur dans l’histoire du mutant griffu, faisant évoluer le fauve à l’agressivité à fleur de peau vers le samouraï davantage maître de lui-même. Une histoire qui méritait d’être racontée et qui le fut brillamment, grâce aux talents conjugués de Chris Claremont et Frank Miller. Et, pour un temps, « rien ne serait plus jamais comme avant », vu que leur récit s’achevait sur l’annonce… du mariage de Logan et Mariko ! Mais comme qui dirait, ceci est une autre histoire…
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La BO du jour :
Il fut un temps où en Hexagone on appelait Wolverine : Serval. A cette époque, Lug le mettait en scène dans son premier récit complet en mettant en avant Frank Miller (dessins) et en zappant Chris Claremont (scénario). Jean-Pascal Nguyen refait un tour au Japon avec Logan-San, Mariko et Yukio 30 ans après. Opération Serval chez Bruce Lit.
C’est au pays du soleil levant que le petit canadien a connu sa première grande aventure en dehors du giron des X-Men :
D’après ce que laisse supposer une case de Sin City, Miller n’a jamais été particulièrement fan du griffu (JRjr lui avait également proposé de bosser sur le personnage), et j’ai l’impression que c’est surtout grâce à la perspective de l’exotisme nippon que Claremont a réussi à le convaincre. Après tout Miller était dans sa période Ronin/La Main/Elektra.
Sinon j’aime beaucoup cette mini-série, mais je lui préfère largement sa suite, orchestrée de main de maître par Claremont et Paul Smith dans les pages d’Uncanny X-Men, et qui reste mon histoire favorite du titre.
Wolvie Big in japan?
Hey ! Grâce à toi JP, Semic apparaît dans les hashtags ! Un nouvel Hashtag est toujours un événement en soi qu’il convient de saluer.
Sinon, globalement je suis d’accord avec toi. Il ne s’agit pas du meilleur travail de FM: Yukio est tout simplement moche à regarder, cette avalanche de Ninjas m’est toujours aussi insupportable et le Wolverine de Miller a une gueule bizarre….Lui qui a d’habitude un nez crochu, arbore ici un magnifique nez grec qui ne lui va pas du tout, sans doute pour ressembler d’avantage à Clint Eastwood.
Enfin, comme toi la relecture de cette histoire m’est souvent pénible. Wolverine qui se vante en permanence d’être le meilleur, c’est pénible. Et le comble de l’absurde reste ce duel déséquilibré présenté comme vachement dangereux alors que dans les faits il s’agit du combat d’un vieillard contre un mutant invincible capable de guérir de ses blessures….Pour le suspense, on repassera même si l’enjeu reste symbolique j’entends bien.
Je crois que historiquement, il s’agit de la première histoire où Wolvie officialise son Healing Factor qui lui sera bine utile dans la saga suivante, celle des Brood.
@Pierre N : oui, la séquence avec Weasel ridiculise notre griffu dans le premier Sin City.
Sur le site CBR, ils fixent la premièe manifestation du pouvoir auto-guérissant au numéro 116 de X-Men en 1978 quand Wolverine se fait mordre par un dinosaure en terre sauvage et qu’il informe Ororo qu’il guérit vite. Mais effectivement, le terme de Healing Factor n’est pas employé.
http://www.cbr.com/when-we-first-met-32/
Oui je me rappelle t’avoir fait un petit quizz là dessus sur amazon…
Que de souvenirs ! J’ai également découvert cette histoire avec ce premier récit complet Marvel dont j’ignorais qu’il avait été ainsi retouché.
En l’ayant relu il y a quelques années, j’avais trouvé que Josef Rubinstein n’était peut-être pas l’encreur le plus approprié pour Frank Miller. L’idée d’incarner l’hésitation de Wolverine entre 2 modes vie par 2 femmes fonctionne très bien, simple, sans être trop basique. Par contre, le volume de texte donne l’impression d’un retour en arrière pour Frank Miller, par rapport à ce qu’il avait fait sur Daredevil. L’emploi d’une horde de ninjas sans identité et inefficaces constitue un raccourci facile comme les hordes de soldats nazis incarnant le mal, sans aucune identité. J’ai bien aimé le relire, mais en y repensant l’association entre la prévenance de Claremont et l’efficacité de Miller n’a pas complètement fonctionné.
J’ignorais que cette mini avait été censurée. Je l’ai dans sa version Bethy, je n’ai jamais lu la version Lug. Bon…cela dit, sans Lug, Marvel n’aurait jamais pu s’imposer comme ça en France. J’avais vu un reportage « les comics dans l’hexagone » qui parlait entre autres des publications Lug soumises à la censure qui auraient même pu cesser d’exister à cause de je ne sais plus quel ministre de l’époque. Du coup ils devaient enlever les onomatopées « paf » « crac », etc. (je l’ai constaté sur les épisodes de la mort de Gwen dans lesquels des cases entières ont été enlevées quand Spidey éclate la tronche du bouffon vert par vengeance, et qui est même devenue une scène sans aucune onomatopée)
Donc ne soyons pas trop durs avec Lug^^ Mais oui, mieux vaut acheter la version Bethy.
Pour ma part, j’aime beaucoup cette mini série et je ne sais pas à qui il faut lancer des fleurs. Miller n’est certainement pas étranger à cette narration plus agréable que celle de la série régulière X-men. Mais qu’en est-il de Claremont ? N’avait-il pas lui aussi plus de temps pour dérouler son histoire sur 4 épisodes ? On sait que les bulles de pensées et autres gros blablas sont souvent là pour prendre des raccourcis dans des histoires limitées à un certain nombre de pages.
Comme PierreN, j’aime bien la suite aussi avec le mariage raté de Wolvie et son combat contre le silver samourai. Mais je ne la préfère pas. Pour moi les 2 sont bonnes.
Pour ce qui est du reproche que tu fais à l’aspect plus terre-à-terre, je suis moyennement d’accord. Certes Wolvie a déjà combattu des sentinelles, mais si ce genre de choses devait empêcher ensuite le perso de vivre des aventures moins over the top, ce serait dommage. Certes ça ne paraît pas très cohérent dans l’ensemble de la continuité du personnage. Mais pour le coup je vais me ranger à la vision de Tornado : la continuité ne devrait pas être retenue comme un critère invalidant une histoire. Surtout quand ça touche juste une question de niveau de puissance des méchants. Quand ça remet en question la nature profonde du personnage, ça peut m’agacer, mais pour ce genre de détails…non.
Tu t’es donc engagé dans un processus de zombification ???
C’était un processus de Marvel-Zombification, nuance !
Heureusement, c’est réversible…
Bien joué JP, bel article
Nous sommes nombreux à associer cette mini à notre enfance; Ce fut l’une de mes premières revues Lug (gagnée au collège lors d’un concours de dessin!!) J’ai beaucoup beaucoup aimé ce travail, rien que pour Miller qui me fascinait déjà sur DD. Mais le changement d’encreur me déstabilisait un peu
Malgré ça quelque chose me gênait, ado, dans cette mini, sans trop pouvoir dire quoi. Jusqu’à ce que je réalise deux choses : en premier lieu les Ninjas qui me gonflaient sur DD m’horripilaient ici et je réalisais que Miller apportait tout ce que je n’appréciais pas trop sur DD. Et Claremont jouait du cliché (que tu évoques : « je suis le meilleur blablabla ») et du coup je vis qu’en fait, contrairement à ce que Claremont dit dans sa préface il n’y eu pas un tout qui a dépassé la somme des individualités qu’il formait avec Miller, il y avait au contraire la réunion de 2 « faiblesses » qui formait un tout INFERIEUR aux deux créateurs pris séparément!; Cela dit ça reste agréable, bien raconté, sans oublier l’effet madeleine de Proust…
Ok ok, je m’incline devant les arguments à charge, exceptés ceux qui ont attrait à la continuité, sachant que pour moi ce serait plutôt cette histoire qui invalide les précédentes, étant donné qu’elle leur est supérieure. En ce qui me concerne en tout cas.
A une époque, c’était ma marotte : L’association entre Miller & Claremont est une révélation pour ce dernier. Il sera meilleur par la suite (ça commence avec la mini « Magik », dans laquelle il reprend la narration pulsionnelle de Miller en évacuant les bulles de pensées et les cellules de texte, pour privilégier la voix off en s’appliquant sur le bon dosage du texte et des dialogues). Du coup, effectivement, le passage qui fait suite à « Je suis Wolverine », avec le mariage de Logan et Mariko est un arc très réussi de la série régulière Uncanny X-men, où Claremont profite de manière très nette de sa collaboration avec Miller.
Il y a donc très nettement un avant et un après Miller dans les X-men ET dans la carrière de Chris Claremont. Je n’en démords pas.
Cette première mini dédiée à Wolverine, outre ses faiblesses relevées par JP, est quand même une bouffée d’air frais au rayon découpage et mise en forme, et elle trône, de ce point de vue, à des années lumières au dessus du tout venant des productions mainstream de l’époque. N’en déplaisent aux fans de Ditko et autres Streranko, qui ne possédaient pas cette classe aérée et pulsionnelle, pleine de maturité que Miller a apporté au monde des comics.
Tornado marque un point. Enfin…je n’emploierais pas le mot « invalider ». Mais juste qu’on s’en fout de certains détails. Je ne suis pas du genre à renier la continuité car j’y vois aussi une richesse. Mais uniquement une richesse dans le développement des personnages qui prennent de l’épaisseur en fonction des épreuves qu’ils traversent, et donc de l’évolution de leur nature profonde. Mais qu’importe si tel auteur a oublié que tel héros a déjà affronté tel ennemi obscur par le passé. Ou qu’il ait fait des exploits abusés dans les mains d’un auteur peu inspiré.
Imaginons un instant qu’un auteur ait produit une BD dans laquelle Wolverine éclate la tronche à 2000 sentinelles à lui tout seul…est-ce que ce gros délire improbable serait un critère à retenir pour juger de la cohérence future des histoires qui le rendraient moins fort ?
Sans prétendre que le passé n’existe pas car il y a aussi de bonnes choses dans la continuité, il faut rester malléable sur certains points. Et retenir l’essentiel. Par exemple que Wolverine a affronté plein de dangers et que sa vie est parsemé de combats, histoire de lui donner un passé torturé. Mais oublier qu’un jour il a cassé la gueule à Galactus dans une histoire pourrie.
J’ajouterai que Wolverine n’est pas Galactus non plus.
Son healing factor était quelque chose de nouveau et il était bien moins performant que ce qu’ils en ont fait maintenant. Donc je ne le vois pas comme un mutant invincible ici.
Et Shingen a le droit d’être super fort, même vieux. On est dans un comics^^ Comme les vieux maîtres chinois de Kung Fu.
Rendre son healing factor trop puissant a contribué à rendre le perso chiant. Il y a zéro tension dramatique si le mec peut guérir de tout super vite. Je ne dis pas qu’il fallait le tuer parce qu’avec Marvel…ça aurait voulu dire qu’il aurait ressuscité 30 fois. Mais ça ne me choque pas qu’il s’affaiblisse en se prenant plein de coups et finisse par être épuisé et vaincu.
Oui c’est vrai que la vitesse de sa guérison est assez exagéré, notamment dans Civil War face à Nitro, alors que dans les épisodes de Romita Jr et Silvestri, le personnage morflait vraiment.
Pour moi, ce qui a rendu le personnage moins attrayant, c’est surtout le fait d’avoir dévoilé son passé mystérieux, avec une tendance qui s’est accentuée au moment de la sortie de Weapon X et du départ de Claremont.
La vitesse de guérison de Wolvie-
J’associe le grand n’importe quoi concernant ce pouvoir avec deux éléments au début des années 2000. Même sous Jim Lee dans les 90’s on reste modéré : Lorsque Logan tombe du haut d’un immeuble, il faut que Maverick lui injecte une hormone pour le réanimer. Lorsqu’il perd sa main dans Aoa, elle ne repousse pas. Sous Claremont il morfle grave face à Mystique, avant le seuil du péril, pendant Mutant Massacre,.
Il faut attendre la levée du Comics code, pour que tous les gamins devenus scénaristes se rappellent du T-800 dans T2. La levée de la censure oblige, les combats sont plus violents, too much. Millar en fera des tonnes en donnant à Magneto le pouvoir de jongler avec une centaine de sentinelles au dessus de la maison blanche. A l’époque, il faut choquer le Bourgeois en imaginant son nom sur grand écran….Morrison extermine 12 millions de mutants en une demi heure dès son premier arc…..Wolverine se reconstitue face à soleil…c’est clairement n’importe quoi…..
Tout pareil, sauf pour le massacre des 12 millions du mutants par Morrison^^ Un truc qui t’arrive dessus telle une météorite, tu veux faire quoi ? Et pour le coup Magnéto, blessé et à moitié paralysé dans Eve of Destruction, n’a pas le pouvoir absurde de jongler avec la sentinelle géante.
….et on remet ça avec Xorn à NY….
Bon, il faut que je relise mon procès de Grant Morrison…
C’est un versus que vous faîtes avec Tornado ? ça promet de lancer des débats.
En finissant d’écrire l’article, je me suis retrouvé à finalement coller une meilleure note que celle je comptais initialement donner.
En particulier, malgré la moins bonne complémentarité entre Miller et l’encreur ou le scénariste, j’ai redécouvert certaines planches et constaté que le découpage était ultra-efficace.
Concernant l’inégalité supposée du duel Shingen/Logan, c’est un des péchés mignons de Claremont : balancer un nouveau méchant très fort, sorti de nulle part (je pense à Nemrod, aux Reavers voire plus tard aux Néos ou à Vargas…)
Dans Mutant Massacre, la seconde apparition de Sabretooth le montre capable de rétamer Rogue en un coup de poing ! Peu de temps après, Malice est à deux doigts de bouffer tout cru l’équipe entière ! Les vétérans Crimson Commando, Tower et Super Sabre sortaient du chapeau et se montraient plus redoutables que la Freedom Force etc. Alors, on me dira, fuck la continuité, mais quand même, quand c’est le même scénariste qui est aux manettes, on est en droit d’attendre une certaine cohérence. Sinon, à quoi bon prêter attention à l’histoire en cours, puisque dans deux épisodes le gros méchant apparemment imbattable se fera sécher sans problème ?
C’est la faiblesse de Mutant Massacre où 7 vilains assez nazes quoi, à l’exception de Sabretooth, mettre en échec une bonne quinzaine de héros….
Maaaiiis tu comprends pas, c’est parce que la première fois ça surprends les nouveaux pouvoirs des nouveaux méchants.^^
Matt mauvaise foi.
Je vais faire comme Tornado et me plier aux arguments imparables qui font que cette histoire n’est pas exceptionnelle. Mais quand même, je l’aime bien. Je l’avais également lue étant jeune, et puis je l’ai rachetée il y a quelques années, alors que je m’intéressais un peu plus à la carrière de Miller et aux comics en général. Et puis j’avais un vif souvenir de la comparaison VF / VO dans un magazine de jeux de rôles, que tu illustres de la même manière. Ainsi, je n’ai lue que sa version originale récemment, et si je l’aime autant, c’est bien pour le découpage de Miller, tout son intérêt tiens dans les 15 ou 20 planches de combat. Et puis quel trait vif et carré, quel dynamisme ! Il est vrai que l’on sent un décalage entre les auteurs, c’est assez rare. Tornado a peut-être raison, Miller a pu influencer Claremont par la suite (mais je ne peux pas le confirmer).
J’aime beaucoup ton article, JP, et j’ai un peu le sentiment d’avoir influencé ton approche en parlant de ton enfance, mais je sens aussi celle de Présence. Je crois que nous nous vampirisons tous les uns les autres, et c’est pas mal, cela ne peut que nous faire évoluer. Et puis bien sûr, tu m’apprends une tonne de choses dont je n’avais aucune idée ou présomption.
Ca me rappelle qu’il existe un épisode des X-Men où Logan n’a plus de costume mais sort quand même ses griffes, devant un autre X-Men étonné, qui croyait sans doute que c’était un gadget de son costume. Je me demande dans quel épisode cela peut être.
Il était temps que cette histoire apparaisse sur le blog !
Je n’avais pas ressenti la ressemblance avec Eastwood mais c’est pourtant évident…
« Ca me rappelle qu’il existe un épisode des X-Men où Logan n’a plus de costume mais sort quand même ses griffes, devant un autre X-Men étonné, qui croyait sans doute que c’était un gadget de son costume. Je me demande dans quel épisode cela peut être »
Ce serait pas les épisodes qui se déroulent dans l’espace juste avant que Jean Grey ne devienne le Phénix ?
Opération Serval rondement mené, JP, et sans dommages collatéraux qui donnent mauvaise conscience. Ca fait plaisir de te lire à nouveau, et le team-up avec Présence était bien velu également. Du coup, il va y avoir de l’auto-citation dans l’air dimanche prochain…Il a un petit côté Ocatarinetabellatchitchix, le Logan, à sortir les griffes quand il est contrarié 🙂
Merci Lone… Mais maintenant, quand j’écris un article (beaucoup moins souvent que l’an dernier), j’ai toujours une arrière pensée concernant les jeux de mots… Les placer dans l’article ou les caser dans Figure Replay ?
M’enfin, j’étais plutôt content de mon alerte spoilers avec le squelette en « blabla-mantium » !
J’ai préféré « vous ne couperez pas aux spoilers » 🙂
@JP un lecteur de FB nous fait savoir que gourance, il y a !
Ce n’est pas John BYrne qui dévoile le visage de Logan mais Dave Cockrum dans l’épisode de noël juste avant l’attaque des sentinelles.
Son visage est inspiré de Robert « Beretta » Blake qui jouait à l’époque les Loups Garous. C’est aussi dans cet épisode que l’on voit que les griffes de Wolvie ne sortent pas de ses gants mais font partie de son corps.
héhéhé !
Mea culpa, j’avais zappé la version de Cockrum (je les ai beaucoup moins lu et relus, faut dire…)
Merci pour l’info concernant Robert Blake, le film en question – Legend of the Werewolf (1975) – est disponible en intégralité sur youtube et le visage du loup-garou évoque vraiment le Wolverine de l’époque!
Ses oreilles de loup, assez peu distincts de sa chevelure, permettent de comprendre d’où vient la coiffure improbable de Wolvy et aussi celle du Fauve, qui, dans sa première apparition en ‘version fourrure’, ressemble comme deux gouttes d’eau à un plan du film (avec les traits du visage déformés et inquiétants, qu’il perdra lorsqu’il retrouvera son intellect malgré sa forme bestiale).
Au temps pour moi, c’est David Rintoul qui joue le loup-garou dans ce film et non Robert Blake… cela dit, la ressemblance entre l’acteur maquillé et certains personnages aux caractéristiques animales des comics de la même époque suggère que les dessinateurs de chez Marvel s’en sont inspirés, ou inversement, ou les deux. Mais, après avoir révisé mon histoire de la publication je me rends compte que le Fauve s’est transformé pour la première fois en 1972, sa coiffure caractéristique qu’il partage avec Logan est donc antérieure au film.
Il m’arrive souvent, les soirs d’insomnie, d’imaginer ce que certaines oeuvres auraient pu être sans un membre de l’équipe créative. Ici, c’est Chris Claremont qui me pose problème. J’avoue que j’aurais préféré que Marvel donne carte blanche à Frank Miller sur ce RCM. Je peux d’ailleurs comprendre – si l’anecdote concernant Sin City est fondée – que Miller ne soit pas un grand fan du personnage. À chaque fois, comme ici, que le personnage pourrait évoluer vers un peu plus de profondeur et d’humanité, l’éditeur fait bien vite marche arrière et nous condamne à lire une avalanche de OS (one shot) ou de ST (short story) coulés dans le même moule. C’est régressif, parfois jouissif quand le dessinateur est à la hauteur, mais comme souvent avec les personnages, on a la nette impression de tourner en rond. Il y a pourtant dans ce RCM nombres d’ingrédients qui, savamment utilisés, auraient pu donner de la chair à un personnage basique qui oscille entre l’humain et la bête depuis des décennies. Malheureusement, comme JP l’indique lui-même dans son excellente chronique, le décor et les ressorts de l’intrigue font un peu trop carton-pâte. J’aimerais qu’une fois, une seule, un scénariste fasse un travail de recherche sérieux concernant la culture des samouraïs et le monde interlope des Yakuzas et de la Triade. La relation avec Mariko est digne d’une tragédie shakespearienne, mais Claremont semble, comme trop souvent, aborder les relations entre personnages comme un vulgaire soap-opera.
Concernant les redites en début de chaque épisode, je prône une certaine liberté chez le traducteur, laquelle permettrait de jouer des variations sur le thème, sans pour autant répéter les mêmes tirades. C’est un parti pris risqué et sans aucun doute susceptible d’être critiqué (mais existe-t-il une traduction qui ne le soit pas ?), mais il offre une alternative intéressante au copier/coller. J’ai moi-même commis quelques traductions, notamment des récits du GOLDEN AGE où la répétition sont endémiques, et cette solution m’est apparue salutaire pour éviter les bâillements chez le lecteur. Fin de la parenthèse.
En ce qui concerne la censure, elle est, comme d’habitude, ridicule. Une épée rouge ne va sans doute pas traumatiser un enfant et j’ai lu bien des contes de fées plus effrayants que les combats illustrés ici. Ces pratiques m’ont d’ailleurs incité à reprendre mes cours d’anglais et à lire en VO. Certains RCM ressortiraient grandis d’une nouvelle traduction et de l’absence de censure. Fin de la seconde parenthèse.
En somme, ce RCM démontre que le personnage Wolverine/Serval, comme n’importe quelle créature de papier en deux dimensions, pourrait mûrir, évoluer, prendre des directions surprenantes, mais le lectorat et les instances éditoriales préfèrent s’enchaîner au canon et revenir constamment au statu quo. Bien évidemment, le héros canadien a connu de grands moments, je pense notamment à la période Greg Rucka/Darick Robertson, mais il est condamné à rester écartelé entre l’homme et la bête, avec une nette prédominance pour les récits régressifs dont on peut tirer un plaisir cathartique et que je ne condamne aucunement.
Dernier point, entre un album imparfait qui fait saliver les collectionneurs et un autre qui respecte le travail de l’équipe créative et nous donne à lire l’histoire telle qu’elle a été écrite et dessinée, mon choix est clair… NUFF SAID.
Pour anecdote, la photo de Wolverine dans le noir et avec les yeux jaunes a été censurée sur Facebook ! Il y a quelque chose de très sain dans cette affaire Logan fait encore peur en 2018. Tout à coup on se rappelle qu’à la base on est loin de l’esthétique pub pour déodorant de Hugh Jackman.
Je pense que la traductrice de l’époque était déjà G.Coulomb qui à l’époque faisait du très bon boulot chez Lug.
Tu n’aimes pas Claremont, Ozymandias ?
« Je pense que la traductrice de l’époque était déjà G.Coulomb qui à l’époque faisait du très bon boulot chez Lug. »
Le choix de le nommer Serval en VF, ce serait pas de son fait d’ailleurs ?
Oui, je ^pense que oui.
Je n’apprécie plus vraiment Claremont, sauf son run avec John Byrne sur X-Men. Disons que j’ai un gros souci avec le côté soap-opera de certaines histoires. Je suis grand amateur de roman feuilleton, mais acheter un comic book pour y voir des mutants jouer au volley et tenir des conversations de bistrots, c’est un peu ennuyeux à la longue. Cela étant, Claremont est un auteur qui soigne particulièrement ses personnages féminins. Bien sûr, il est important de ménager quelques plages de détente et d’intimité dans une histoire, mais les situations inventées par Claremont sont trop « lisses » ; je préfère, et de loin, l’approche de John Byrne pendant son run sur FANTASTIC FOUR. Bien évidemment, je n’irais pas jusqu’à prétendre que Claremont est un mauvais scénariste, ce serait de la pure mauvaise foi, sachant que j’ai suivi les aventures de ses X-Men durant des années. Mais, comme vous aurez l’occasion de vous en apercevoir dans mes chroniques ou mes réponses, je ne suis absolument pas nostalgique. Je continue à savourer énormément de titres anciens, mais je ne crois pas en l’adage « c’était mieux avant ».
PS : Dans le même ordre d »idées, je ne porterai jamais de jugement haineux ou définitif sur un scénariste/dessinateur. La critique implique un minimum de distance. Ainsi les remarques que je peux lire ici ou là depuis plusieurs années concernant Bendis, Millar et quelques autres me paraissent injustes. Il est certain qu’un créatif ne peut pas toujours être au top, de même le lectorat est en droit de condamner un titre, une série en particulier, mais rejeter en vrac une bibliographie complète, cela se résume à du bashing, à mon sens le pire ennemi de la critique.
@Ozymandias : pour Bendis, j’ai fait amende honorable ici-même en reconnaissant que son Jessica Jones était d’excellente qualité. Pour le reste, la critique peut aussi avoir son lot de mauvaise humeur et de mauvaise foi que j’assume complètement.
De beaux débats en perspective avec toi, Ozy !