Dense avec les loups (Laurel et Hardy)

Laurel & Hardy par Gianluca Buttolo

Un article de BRUCE LIT

VO : Renoir Comics

VF : Oxymore

C’est lui le grand et lui le petit
©Oxymore

LAUREL ET HARDY est un bd italienne écrite et dessinée par Gianluca Buttolo et publiée en 2024 chez Oxymore. Il s’agit bien évidemment d’une biographie de 128 pages des monstres sacrés du cinéma comique : Laurel et Hardy.

En 1960, un jeune admirateur des films de Laurel et Hardy trouve le numéro de téléphone de Stan Laurel dans le bottin ! Il entreprend alors d’appeler son idole qui lui répond avec amabilité. A partir de ce pitch réel (Stan Laurel adorait qu’on l’aborde et qu’on l’appelle !), Gianluca Buttolo imagine ce à quoi auraient pu ressembler ces entretiens téléphoniques avec un Stan Laurel mélancolique et un Olivier Hardy déjà décédé.

Stan Laurel au soir de sa vie
©Renoir Comics

Les différents chapitres de cette histoire se divisent en autant de questions que pose le jeune fan à son idole : « Comment se déroulait votre travail? » « Comment trouviez-vous des idées pour vos films comiques? « Comment est la vie d’un comique? » Ici réside la force et la faiblesse de l’entreprise de Buttolo. Voici une biographie atypique où suinte l’amour de l’auteur pour ses idoles et son impressionnante érudition de chaque détail de la carrière tumultueuse des deux compères.

Avec un souci maniaque, Buttolo analyse avec brio le ressort comique du duo, ces incroyables interactions entre le grand dadais et le petit gros qui se poursuivaient dans la vie. Car LAUREL ET HARDY est avant tout le récit d’une belle histoire d’amitié entre deux acteurs qui enchaînent les triomphes et les tragédies en restant soudés : le succès, le difficile passage du cinéma muet au cinéma parlant mais aussi du court au moyen métrage qui mit leur impressionnante science du gag à rudes épreuves.

La complicité inoxydable entre Stanley et Ollie
©Oxymore

Le lecteur saura tout sur le talent inné pour la comédie de Hardy (très en retrait de cette histoire à l’inverse de Stan Laurel, narrateur omniscient), la gestion de la carrière et l’aspect technique des films par Laurel, leurs tragédies intimes (l’incroyable histoire conjugale de Laurel, coureur de jupon qui se mariera quatre fois pour…divorcer sept fois ! oui !) et Hardy, un mec bien, fidèle, honorable, spirituel qui subira l’alcoolisme de sa femme et la mort de son enfant.

Buttolo a absorbé plus d’une cinquantaine d’ouvrages sur les deux monstres sacrés et s’y entend pour livrer des anecdotes détaillés : ainsi les problèmes de contrats avec leurs studios cinématographiques qui les méprisaient ouvertement et qui les payaient grassement pour livrer des films médiocres que les deux comiques tournaient sans enthousiasme, l’amitié également méprisante que vouait Chaplin à Laurel avec qui il avait vécu dans la pauvreté ainsi que moults détails techniques sur l’exploitation de la lenteur comique d’Oliver Hardy.

Tout ceci est véritablement bien amené et l’amoureux de grands classiques du duo comme LIVREURS DE PIANO se régalera de l’envers du décor d’un cinéma aujourd’hui passablement oublié voire totalement ignoré par la génération streaming.

Les innombrables problèmes de contrats qui empoisonnèrent la carrière de Laurel et Hardy
©Oxymore

Une fois rentré dans ces 1001 anecdotes le lecteur se régale, mais disons-le la lecture de LAUREL ET HARDY est tout sauf plaisante. Il s’agit souvent d’entretiens illustrés avec des pavés de textes intenses dissertant longuement, très longuement sur les aléas du métier via un lettrage d’un autre âge et d’une mise en page si rigide que le lecteur en devient frigide.

Le dessin de Buttolo met son lecteur face une position ambiguë : ses aplats de noirs et ses jeux d’ombres sont parfaitement maîtrisés et le lecteur n’aura aucun mal à reconnaître les physiques si distincts de Laurel et Hardy.
Mais il n’injecte dans ses planches aucune once d’humour, de burlesque et quelques planches s’apparentent parfois au SIN CITY de Miller, conférant à cette biographie une dimension de film noir qui ne sied pas du tout à l’univers de Laurel et Hardy.

Les expressions des visages sont très limités, les décors inexistants font parfois soupirer le lecteur le plus indulgent qui n’en finit plus de voir converser ses amis longuement, inlassablement sans angles de caméra originaux pour rendre la chose visuellement intéressante. Le tout manque de folie, de mouvement et de simplicité soit l’exact inverse de ce qui faisait le charme des films de Laurel et Hardy.

Une biographie aussi attachante qu’irritante qui donne d’avantage dans le roman illustré vaguement rigide que dans l’art séquentiel. Mais qui remplit tout de même son office à l’issue de ces 130 pages denses avec les loups d’Hollywood : revoir les aventures de ces messieurs catastrophes aussi attachants à la vie qu’à l’écran. Ce qui n’est pas rien.

Des planches qui manquent de folie et…d’humour !
©Oxymore

6 comments

  • JB  

    Merci pour cette lecture !
    A voir : le sujet peut m’intéresser : même si je ne suis pas friand des biographies écrites, filmées ou illustrées, la découverte de l’envers du décors du plus grand tandem comique m’intrigue.
    Par contre, je m’inquiète du graphisme simple/épuré que tu décris – même si, paradoxalement, je trouve le dernier scan très créatif dans l’hommage mêlé à l’originalité de la mise en page

  • Bruno. :)  

    Ah ben, tout pareil que JB : cette dernière planche est très réussie.
    Si c’est véritablement une transcription d’entretiens téléphoniques, c’est sûr que ce doit pas être très enthousiasmant à lire, même si je me doute bien que ce doit être quand même pas mal instructif (encore !) sur l’envers du décors de ce métier-là : malgré les révélations, il semblerait qu’il y ait toujours quelque chose à dire, de bien et de moins bien (…) sur les Hollywood d’hier et d’aujourd’hui.

    Plus précisément, la dynamique de ce duo-là a été pas mal explorée via des reportages filmés ; et il semblerait qu’elle était assez rare dans son genre, rapport à l’authenticité de leur relation. Deux fortes personnalités, pourtant : ça a quand même du être du boulot.

    … Sinon, Hollie n’était pas un « petit gros » : plutôt un sacré morceau ! 😉

  • Présence  

    Stan Laurel & Oliver Hardy : un duo comique que j’ai appris à apprécier avec la lecture du blog de Mark Evanier qui leur voue une grande admiration.

    Biographie atypique où suinte l’amour de l’auteur pour ses idoles et son impressionnante érudition de chaque détail de la carrière […] Buttolo a absorbé plus d’une cinquantaine d’ouvrages sur les deux monstres sacrés et s’y entend pour livrer des anecdotes détaillés : Hé ben, ça c’est de la recherche préparatoire !

    Lettrage d’un autre âge : j’aime bien ce lettrage, classique et facile à lire… ça doit être mon propre âge qui parle.

    Les décors inexistants font parfois soupirer le lecteur le plus indulgent : Houlà… C’est vrai que les pages en iconographie sont assez pauvres en arrière-plan.

  • Jyrille  

    Ah, les souvenirs… Quand j’étais gamin, mon oncle me passaient leurs films. Je n’en ai quasi aucun souvenir. Par la suite, il fera de même avec mon fils, qui a aimé. Je crois que nous avons encore quelques DVDs dans mon tas de DVDs, je devrais les revoir.

    Je sais très peu de choses sur eux, à part que dans la vraie vie, les rôles étaient inversés et Stan Laurel était le patron.

    Pour le lettrage, je suis d’accord avec Présence. Moi c’est celui de Tintin qui me fatigue 😀

    Je ne pense pas craquer pour ceci même si cela a tout de même l’air très informatif et parfois un peu original. Mais merci pour la mise en avant !

  • Fletcher Arrowsmith  

    Salut.

    il me semble que je n’ai jamais vu en entier un sketch de Laurel et Hardy. On était Chaplin à la maison.

    Et je n’ai jamais eu la curiosité d’aller plus loin.

    C’est un ouvrage que je trouve intéressant. Pas certains que pour raconter la vie des gens il faille forcément le faire de la façon dont on se les représente. Si un jour ma médiathèque le possède je l’emprunterai à coup sur.

    comme les copain, le dernier scan est juste superbe

    • zen arcade  

      Commence par le court métrage où ils sont livreurs de piano. C’est génial.

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