The Maximortal par Rick Veitch
Un article de PRESENCEVO : King Hell
VF : Delirum
Ce tome contient une histoire complète qui peut être lue indépendamment de toute autre. Toutefois une connaissance préalable de Superman et de ses créateurs Joe Shuster (1914-1992) & Jerry Siegel (1914-1996) permet de mieux comprendre le propos de l’auteur. Il comprend les 7 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 1992/1993 en couleurs, écrits, dessinés et encrés par Rick Veitch. La réédition VO de 2017 est en noir & blanc.
La magnifique édition de Delirum (2020) est en couleurs. Initialement elle était en couleurs, le coloriste étant Sam Parsons. Elle s’achève avec une postface da Rick Veitch de 11 pages développant deux thèmes du récit : la manière dont l’industrie des comics a traité Siegel & Shuster, et Superman comme incarnation du concept du surhomme développé par Friedrich Nietzsche.
Le premier juillet 1908, dans la région de Toungouska, en Sibérie Centrale d’ans l’empire russe, un trappeur cosaque chevauche son cheval, avec un cheval de bât en remorque, pénétrant dans une zone dévastée, avec un cratère encore fumant. Il passe devant un cadavre d’ours déjà attaqué par des insectes. Il avance dans une zone où la roche semble avoir été comme vitrifiée. Il descend de cheval en arrivant devant une carcasse de mammouth dont l’une des cuisses a été mise à rôtir sur une broche géante. Il en découpe un minuscule morceau qu’il savoure immédiatement. Il entend comme un bruit derrière lui et se retourne : ses deux chevaux sont couchés au sol, morts. Il prend refuge derrière des rochers, sans se rendre compte qu’une entité humanoïde femelle descend du ciel derrière lui. Des rayons sortent de ses yeux, brûlant vêtements, poils et cheveux. L’entité sourit, dispose du trappeur comme elle l’entend puis va accoucher dans la rivière. Elle crée une sorte d’œuf en faisant fondre la roche, pour y abriter le nouveau-né et le lance loin dans le ciel. Cette opération terminée, l’entité est devenue un géant de sexe mâle. Le trappeur se redresse sur son séant en le regardant partir dans le ciel, tout ça sans avoir prononcé un seul mot, un seul son.
06 janvier 1918, au lieu-dit Visitation une zone désertique au Nouveau Mexique, George Winston est en train de chercher de l’or en tamisant les roches qu’il a taillé avec sa pioche, pendant que sa femme Meryl attend dans son véhicule à plateau motorisé qu’il est en train de charger avec les caissettes de minerai. Il constate qu’il n’a trouvé aucun métal précieux, depuis deux ans qu’il prospecte sur son terrain. Sa femme lui dit que leur chance va bientôt tourner, car l’ange lui a dit : ils vont bientôt devenir une famille. Son mari se moque d’elle car elle a toujours refusé toute relation charnelle. Elle évoque l’immaculée conception de la Vierge Marie. Une météorite laisse une trace dans le ciel : en fait il s’agit d’un morceau de roche qui s’écrase non loin de là. George monte dans son véhicule, démarre et se dirige vers le point d’impact. Ils y découvrent comme un œuf géant, avec un jeune garçon qui en sort, pour aussitôt se rendormir. Meryl l’adopte incontinent. Ils le ramènent chez où il reprend conscience et fait preuve d’une force herculéenne. Sans faire exprès, il traverse un mur en bois de la maison, puis il mord un doigt de George le sectionnant net. Il se rendort en approchant du camion. Puis il se réveille à nouveau, s’installe sur les épaules de George et l’oblige à marcher vers le désert. 07 janvier 1918, dans une faille géologique au Nouveau Mexique, le trappeur s’enfonce dans une grotte peuplée de chauve-souris. Il est en plein trip sous mescaline.
Dans un premier temps, le lecteur peut se dire que l’auteur ne s’est pas foulé : une reprise à l’identique des origines de Superman, mélangée à l’histoire de ses deux créateurs, pour une dénonciation des pratiques du métier, avec des dessins dans un registre réaliste et descriptif, avec des traits de contours un peu gras. D’un autre côté, en 1992-1994, la mise en abîme de la création des superhéros constituait encore un genre peu exploré. C’est vrai qu’à la lecture, on peut voir un ressenti un peu bizarre : certains éléments visuels contiennent une forme d’exagération outrée : l’entité féminine avec des attributs extraordinairement développés que ce soit sa poitrine, ou sa musculature, les expressions de visage traduisant des émotions intenses de situation de stress avec des grosses gouttes de sueur, des cases avec des bordures en polygone irrégulier, quelques touches gore bien sales, quelques cases avec du texte à côté, quelques cases avec de la nudité frontale. Pour un lecteur habitué aux comics de superhéros DC ou Marvel, il y a une phase d’adaptation à la narration visuelle qui n’est ni aseptisée, ni normalisée.
Dans un deuxième temps, le lecteur peut se dire que c’est quand même trop bizarre : la scène d’introduction de 11 pages sans phylactère ni cartouche de texte, Meryl Winston persuadée qu’un ange lui parle et en tout cas elle a connaissance d’événements qui vont survenir, l’individu appelé El Guano (la fiente, la déjection) qui se baigne dans une mare de déjection de chauve-souris, le jeune Wesley qui arrache la tête des êtres humains et les collectionne, les problèmes digestifs de Jerry Spiegal, le vomi de l’acteur Byron Reeves sur l’actrice qui lui donne la réplique, le regard halluciné de True-Man quand il utilise ses rayons oculaires. Rick Veitch introduit un décalage par rapport à l’ordinaire, dans à peu près tout, à commencer par ces noms Jerry Spiegal (scénariste) & Joe Schumacher (dessinateur), en lieu et place de Jerry Siegel & Joe Shuster, les créateurs de Superman. Cette étrangeté peut même rebuter le lecteur, comme si le mode d’expression et même le mode de pensée de l’auteur comportaient trop d’idiosyncrasies, soit parce qu’il ne fait pas d’effort pour se conformer à raconter de manière classique, soit parce que ce qu’il raconte est trop différent des schémas de pensées habituels. Après quelques dizaines de pages, le lecteur éprouve la sensation que le récit est même un peu décousu, dans un troisième temps. Certes, True-Man est un personnage central autour duquel tout le reste s’articule, mais tout le reste comprend aussi bien une référence directe à l’événement de la Toungouska (30/06/1908), un chercheur d’or, qu’un individu défoncé à la mescaline, l’un des premiers tests civils du parachute, la dernière journée de Sherlock Holmes, le développement de la bombe atomique et son test sur le site de Los Alamos au Nouveau Mexique, des vers de terre sortant de la tête d’un homme vivant, par ses orbites, son nez, sa bouche, ses oreilles. Ça ne part pas dans tous les sens, mais il y a beaucoup d’éléments hétéroclites.
Dans un quatrième temps, le lecteur s’aperçoit qu’en fait ce récit est très fort. En fonction de sa familiarité avec Superman et de son degré d’investissement dans le personnage. Il parvient à un moment du récit où il se dit que c’est exactement ça. Cela peut survenir assez tôt quand Wesley Winston est hors de contrôle, pique une colère et son usage incontrôlé de sa force occasionne des destructions de grande ampleur : c’est une évidence car un enfant en colère ne se maîtrise pas et avec la force de Superman ça ne peut que devenir mortel. Cela peut survenir plus tard quand Siegel & Shuster prennent conscience que leur création rapporte des centaines de milliers de dollars à l’employeur dont ils ne voient pas la couleur, ou encore quand une séquence se déroule à South Downs dans le Sussex, le 17 juin 1924. Il s’agit du dernier jour de Sherlock Holmes et il assiste à l’apparition de True-Man dans son rucher. Le lecteur comprend que True-Man cause la mort du détective : un personnage de fiction d’un type nouveau vient de supplanter un personnage de fiction plus ancien. C’est l’avènement d’une nouvelle ère, d’un nouveau modèle de héros, d’un surhomme. Cette scène s’avère très intense car Rick Veitch représente les décors avec minutie, avec une reconstitution historique de bonne facture, et un Sherlock Holmes aussi intense qu’on peut l’imaginer. Ce niveau de compréhension est accessible à tous les lecteurs, ainsi que le concept de personnage devenu obsolète du fait des capacités extraordinaires de True-Man.
De même (dans un cinquième temps), le lecteur lambda perçoit bien le commentaire amer sur l’histoire personnelle de Joe Shuster & Jerry Siegel. Certes ils ont signé un contrat type avec leur éditeur, pratique normale à l’époque de main d’œuvre, mais l’éditeur en question s’est montré particulièrement impitoyable. Certes Rick Veitch en rajoute une couche en amalgamant cette histoire vraie avec l’ascension de Walt Disney (appelé Sydney Wallace dans le récit), mais ça ne rend pas ce processus capitaliste moins écœurant. D’autant que les dessins montrent deux individus très normaux pour Joe et Jerry, soucieux de bien faire, vivant très modestement, avec des problèmes de santé, et que Sydney Wallace se montre impitoyable. S’il est familier de l’histoire de ces 2 créateurs et des comics en général, le lecteur remarque tout de suite la précision des scènes développées par l’auteur. Effectivement, ils ont travaillé pendant des années avec un salaire minimum, pendant que la maison d’édition engrangeait des bénéfices énormes, sans aucun retour pour eux. Il se rend compte que les moments les plus énormes sont ceux qui relatent des faits réels : Jerry Siegel a bel et bien été postier et il livrait le courrier dans les bureaux de l’éditeur publiant les aventures de Superman après qu’il l’ait licencié. Ce n’est pas Siegel, mais Joe Simon (1913-2011) qui a découvert qu’il existait un film de Captain America (cocréé par lui et Jack Kirby) en allant au cinéma, son éditeur ne lui en ayant rien dit. Le lecteur identifie sans peine Will Nozner comme étant une référence à Will Eisner (1917-2005). Il lui faut un peu plus de culture comics pour identifier une case la planche 124 (un zoom sur un œil en très gros plan jusqu’à voir l’irrégularité des traits de contour) comme étant une citation directe d’une case de l’épisode 1 de Miracle/Marvel d’Alan Moore. Etc.
Mais quand même, le lecteur se demande bien pourquoi l’auteur a choisi de transformer les vrais noms. Il suppose qu’il ne voulait pas nuire à l’image de Joe Shuster & Jerry Siegel. Mais pourquoi avoir transformé Robert Oppenheimer (1904-1967, directeur du projet scientifique Manhattan) en Robert Uppenheimer ? Littéralement, Rick Veitch raconte une histoire inventée sur la base de faits réels : l’utilisation de noms très proches a pour effet à la fois d’évoquer les personnes réelles (Docteur Fredrico Warthumb pour Fredric Wertham Bill Games pour William Gaines, Byron Reeves pour Christopher Reeves & George Reeves), à la fois de bien indiquer qu’il s’agit d’une fiction, de personnages inventés. D’ailleurs, dans une séquence, True-Man rencontre Doctor Blasphemy, un personnage de BRAT PACK (1990/1991) de Rick Veitch. Par ce changement de noms, l’auteur attire l’attention du lecteur sur la nature fictionnelle de son récit, sur le fait qu’il se déroule dans le monde des idées, créant une mise abîme avec le fait que True-Man est aussi un personnage de fiction créé par Jerry Spiegal & Joe Shumacher, eux-mêmes des personnages de fiction, pour Cosmo Comics, un éditeur de fiction.
Ce thème de la création se prolonge quand El Guano crée une sorte de golem, bien vivant dans ce monde de fiction. Avec le recul, et en lisant la postface rédigée par l’auteur, le lecteur perçoit que True-Man n’est pas qu’un thème unificateur de séquences semblant parfois hétérogènes (par exemple le contraste entre la vie de Siegel & Shuster, et celle d’El Guano). Superman (sous l’avatar de True-Man le MaxiMortel) est un personnage de fiction qui a des conséquences très réelles sur les êtres humains, que ce soient ses créateurs, son éditeur, la maison d’édition, l’acteur qui l’incarne au cinéma, les parents qui achètent des jouets ou des déguisements pour leurs enfants, la culture mondiale. C’est un personnage qui, vu sous un certain angle, n’est pas loin de disposer d’une vie propre, une idée ou un concept qui évolue et prend de l’ampleur, quasiment comme un être vivant.
Dans ce sixième temps, il apparaît que Rick Veitch met en scène cette idée qu’un élément imaginaire puisse avoir une réalité, que l’imagination puisse créer la réalité. Cela apparaît clairement dans le récit quand Albert Einstein (1879-1955) a écrit une nouvelle formule sur son tableau : Réalité = Croyance * Conscience². Cela est explicité dans la postface quand Veitch cite les théories de Lyall Watson (1939-2008, biologiste Sud-Africain) & Michael Talbot (1953-1992, théoricien d’un mysticisme quantique et de modèles de réalité qui font de l’univers un hologramme) : l’information est vivante. En fonction de la sensibilité du lecteur, cela peut lui paraître une évidence ou totalement absurde. C’est toute l’habileté et l’intelligence de l’auteur d’avoir su préserver les 2 interprétations dans son œuvre. Mais quand même : le lecteur le plus cartésien ne peut pas se départir de l’idée que toutes ces séquences bizarres et ces événements décousus participent bien d’une même réalité, et qu’il parviendra à identifier le schéma qui les rend logiques tellement le récit est convaincant, même s’il ne souscrit pas à l’idée d’une information qui se développerait comme un être vivant.
Après avoir démonté violemment les assistants adolescents des superhéros dans Bratpack, Rick Veitch met en scène la création de Superman et la vie de ses créateurs dans un récit foisonnant, attestant d’une connaissance fine de l’histoire des comics, créant des liens avec des événements à l’échelle mondiale, évoquant l’avènement du surhomme prédit par Friedrich Nietzsche (1844-1900), pointant du doigt ses retombées sur l’inconscient collectif et les archétypes, dans une narration très charnelle jusqu’à générer un malaise physique chez le lecteur. Chef d’œuvre.
LA BO du jour :
Aux abris, True Man ne contrôle pas sa force !
Pour ma part, je suis resté sur le 3e temps. J’avais bien aimé Rick Veitch sur The One mais je crois que la craptonite a eu raison de moi.
Il m’a fallu pas de temps pour dépasser la dimension absurde et scatophile d’El Guano. Mais une fois dépassé cet élément choquant, j’ai souri de bon gré à la craptonite, cette image de merde dans la tête, de pollution de l’esprit par quelqu’un qui y dépose ses excréments.
Le différents niveaux : plus je refeuilletais cette BD pour écrire mon article, plus je découvrais des éléments dont la portée m’avait échappé à la première lecture. Rick Veitch: c’est trop fort pour moi.
Dans un 7ème temps on écrit un article sur ce comics chez Brucelit ^^
J’ai été interpellé par la couverture lorsque j’ai vu ce comics en rayon. Cependant en le feuilletant j’ai été un peu rebuté par le graphisme, que j’ai trouvé un peu « ingrat »… Concernant l’histoire, si j’en juge par ton article, bien que riche elle est assez ardue, complexe, compliquée (alambiquée ?)… Bref j’ai bien peur de devoir poser mon joker sur ce coup.
Excellent le coup du 7ème temps : je n’y avais même pas pensé. Et le 8ème : l’apéro ? Le Doliprane ?
Oui, c’est vrai que le graphisme peut paraître un peu déplaisant, et que son apparence ne rend pas compte de la peine que l’artiste s’est donnée. A mes yeux, il est très organique, très charnel, transcrivant la sueur, les petites et grandes douleurs, le fait qu’on ne se sente pas bien, ce qui ajoute encore au malaise des personnages. Rick Veitch a commencé à publier la deuxième saison de Maximortal (intitulée Boy Maximortal), et il a beaucoup diminué cette sensation de malaise physique.
j’ai feuilleté ce truc et la signature et la design m’ont incité à croire à une démarque pirate de Miracle Man, comme je savais que le perso a été perdu dans les limbes créatrice pendant quoi? trente ans? Que Rick Veitch est l’une des goules du travail d’Alan Moore, je me suis dit que c’était une sorte d’appendice, reprenant les thème cher à Moore, à savoir que le mode du comics, il est rempli de méchants pas beaux trouvant des « avatars » hors norme dans la fiction…J’ai reposé.
l’article de Présence, me convainc j’y jetterais un nouvel œil la prochaine fois que je passerai en librairie
Alan Moore est né en 1953, et Rick Veitch en 1951 : ils sont donc de la même génération et ont régulièrement travaillé ensemble, à commencer par Swamp Thing, où Veitch a dessiné les scénarios de Moore, puis lui a succédé en tant que scénariste. D’un autre côté, Veitch a entamé sa carrière de créateur avant de connaître Alan Moore, avec déjà une voix très personnelle.
Leurs œuvres font apparaître des thèmes communs, un fond de sensibilité hippie similaire, ainsi qu’une interrogation sur l’acte de création, avec une interprétation magique pour Moore, et une vision psychanalytique (école Carl Gustav Jung) pour Veitch. Ce dernier a indiqué qu’il avait repris la fin de Brat Pack en intégrant des conseils de Moore, mais sa carrière montre qu’il a continué à réaliser des comics très personnels qui ne peuvent pas être réduits à une déclinaison d’élève (Veitch) à maître (Moore).
Merci de rectifier par des dates, l’impression que j’ai de lui à chaque fois que je le lis. bien évidemment L’aura de Moore a éclipsé tous ses confrères qui ont toujouts l’air de passer derrière depuis.. Cette oeuvre date des années 90?
Ta question m’a permis de m’interroger sur l’influence (certaine) de Moore sur Veitch, et sur ce qui est propre à ce dernier.
Oui, Veitch a réalisé ces 7 épisodes en 1992/1993. L’implosion de la bulle spéculative des comics a rendu la parution de la suite économiquement non viable. Il est revenu depuis peu au personnage, en publiant un chapitre à la fois de la saison 2, sous le titre Boy Maximortal, en mode impression à la demande sur Amazon, chapitre 1 en 2017, chapitre 2 en 2020.
Merci d’avoir décortiqué cette BD que j’ai aussi feuilleté en librairie.
Je sais, maintenant, de quoi il est question.
Je suis toujours curieux et intéressé par les publications des éditions Delirium.
Généralement ils éditent de grands auteurs et des œuvres incontournables dans de très beaux livres.
Je crois que je n’ai jamais rien lu de Rick Veitch. D’après les informations que j’ai pu glaner il est méconnu en France mais il a une certaine notoriété dans d’autres pays.
Il a travaillé avec Allan Moore, ce qui n’est pas rien.
A la lecture de ton article j’ai découvert, pas mal de thèmes et de sujets de réflexion qui pourrait m’intéresser
Malheureusement le coté, loufoque et déstabilisant ne m’attire pas plus que cela.
C’est ce que je disais à l’occasion de l’article sur Brat Pack : comme tu le soulignes, Rick Veitch est quasiment inconnu en France, et un second couteau aux États-Unis, un peu comme peut aussi l’être Howard Chaykin.
Depuis 2 ans, je suis en train de lire ou relire la majeure partie de son œuvre, et j’en suis fan. Les collaborations avec Alan Moore bien sûr (Swamp Thing, Supreme, 1963, Mirror of Love, Greyshirt, Miracleman), mais aussi ses créations personnelles : The One, Brat Pack, Maximortal & Boy Maximortal, Can’t get no, Army@Love, Roarin’ Rick’s Rare Bit Fiends, et ses histoires en Panel Vision.
Ah il faut que je rouvre mes Supreme alors, persuadé de n’avoir jamais lu Ruck Veitch.
D’après wikipedia, il a illustré tout ou partie des épisodes 43 à 52, 54, 56, et Supreme The Return 3 à 6.
Merci
Les pages flashback…
Quel enthousiasme ! Une œuvre certes intéressante et novatrice pour l’époque, même si à Aaapoum nous n’avons pas tous atteint le 6e temps…
Sinon une petite remarque, dans la phrase « 07 janvier 1918, dans une faille géologique au Nouveau Mexique, le trappeur s’enfonce dans une grotte peuplée de chauve-souris. Il est en plein trip sous mescaline. » l’emploi de l’expression « le trappeur » laisse entendre qu’il s’agit du même personnage que celui qui se fait violer en Russie au début, alors que pas du tout !
Cordial salut
Merci beaucoup pour ce retour.
Oui, il m’a semblé à la relecture qu’il s’agit du même personnage, mais j’ai pu me tromper. Du coup, qu’est-ce qui fait apparaître que ce n’est pas le même personnage ? Je demande parce qu’à la première lecture, j’étais effectivement plutôt de votre avis, et que je me suis interrogé par la suite sur le comportement très particulier d’El Guano, et que j’ai peut-être vu un lien de cause à effet… qui n’existe que dans ma tête. 🙂
Et bien cher Présence, le premier est visiblement blond si l’on en juge à ses moustaches et à quelques cheveux p.14, avant son épilation complète, alors que le second est très brun, comme il sied à un latino-américain (chapeau rond, utilisation de la langue espagnole pour le choix de son pseudonyme, El Guano). Le premier a les yeux bleus, le second les a marrons… De plus dix ans, des milliers de kilomètres et au moins un océan séparent les deux personnages, qui de toutes façons n’ont pas le même nez. Après on peut imaginer une histoire dans laquelle le trappeur russe, après avoir été utilisé sexuellement par une entité surpuissante devient un clodo mystique mexicain, ce qui ne serait pas inintéressant et plutôt dans la tonalité générale. Ces remarques n’enlèvent rien à votre patiente exégèse de l’œuvre, mais soulignent peut-être le côté parfois hermétique de cette dernière… Il est facile de s’y perdre.
Merci beaucoup pour ces éléments : j’en sors convaincu qu’il s’agit de 2 individus différents.
A ma décharge, j’ai une excuse : je l’ai relu en noir & blanc (version impression à la demande amazon) et je ne me souvenais plus de la couleur des cheveux et des yeux quand je l’ai lu initialement il y a près de 30 ans. C’est vrai que j’aurais pu faire attention au nez.
Oui, sur ce coup-là, je me suis perdu.
Mmm je suis partagé.
Un commentaire méta sur les origines de Superman et le mauvais traitement subi par ses auteurs, oui je prends.
Mais il faut 6 couches de lectures pour apprécier ce qui ressemble vraiment à de l’Underground sans doute très pertinent une fois franchies les portes de l’hermétisme, celles qu’un Alan Moore a su dépasser pour raconter son Watchmen. Et puis toutes ces histoires d’équation et de Physique…
Je feuilletterai ça à Aapoum. . Si je le lis, ça sera obligatoirement en VF chez Delirium.
La couverture me fait penser dans une certaine à l’affiche de BERNIE (Albert Dupotel)
La couverture m’a fait penser exactement à la même affiche.
Oui, il y a un goût indubitable d’underground qui, je trouve, colle très bien à la nature du projet. D’un autre côté, ça fait des années que je suis cet auteur et il me parle vraiment, je ne suis donc en aucun objectif.
Je ne suis sans doute pas assez connaisseur de l’histoire des créateurs de Superman pour tout comprendre dans cette bd. Mais tu donnes du chef d’œuvre donc ça m’interpelle. Je note dans un coin surtout que je n’ai que un ou deux Delirium chez moi. Mais bon…
J’aime beaucoup ta dernière partie sur l’imaginaire qui a des conséquences sur la réalité. J’en étais même arrivé à me dire que la vérité se trouvait dans la fiction plus que dans les journaux. Personnellement cette idée m’a fortement perturbé lorsque j’y ai été confronté la première fois : c’était dans le Promethea d’Alan Moore. Cela semble tellement évident ensuite.
La BO : chef d’œuvre.
Dans les 2 premiers chapitres de la suite Boy Maximortal, Rick Veitch continue à développer la notion d’archétype, et la l’incidence de la création du personnage Maximortal sur la vie de ses cocréateurs, sur la carrière du propriétaire de la maison d’édition qui en possède les droits, en, montrant aussi les enfants qui se déguisent en True-Man, les produits dérivés, en faisant le lien avec l’image que les citoyens des États-Unis ont de leur nation, se voyant comme un état héros intervenant pour policer le monde, pour « sauver » des pays plus faibles. C’est tout autant extraordinaire et intelligent.
En parallèle, je lis sa série Roarin’ Rick’s Rare Bit Fiends, sous-titrée The Dream Art of Rick Veitch, où il retranscrit ses rêves en comics, établissant des rapprochements d’événements sans lien de causalité, et développant son cheminement sur la compréhension de sa vie intérieure. Je viens de finir le numéro 23 où il évoque la dimension psychologique du travail des alchimistes, à nouveau passionnant.
Superbe article, qui monte en puissance tout le long pour finir pas sa sentence : Chef d’oeuvre.
Premier point : On retrouve effectivement un thème d’Alan Moore : La fiction littéraire modifie le réel. C’est de la magie pure.
Second point : Mais qu’est-ce qu’ils ont tous, les copains et les commentateurs, à être si tièdes ? De l’underground mature et intelligent, référentiel, avec plusieurs niveaux de lecture. Voilà exactement ce que j’ai envie de lire ! C’est quand même autre chose qu’une énième histoire mainstream des Avengers et des X-men !
Je n’avais pas du tout connaissance de cette BD. Merci de me l’avoir fait découvrir ici.
Troisième point : Dommage ! Les planches en noir et blanc sont 100 fois plus belles que celles en couleur !
Pourtant Delirium a déjà tranché dans le bon sens (les éditions Warren, par exemple).
Bon. Il me le faut quand même.
La BO : Fan.
Merci Tornado. Comme le dit Eddy, il est certain que les collaborations entre Moore et Veitch ont influencé ce dernier, ont orienté une partie de son œuvre, mais pas forcément de ses marottes qui me semblaient déjà préexistantes avant leur rencontre.
Il se trouve que je n’avais pas pu feuilleter la VF de Delirum avant d’écrire l’article. Je suppose que le choix de la couleur fait sens d’un point de vue commercial, car ça aurait démotivé une partie des acheteurs potentiels.
Je l’ai relu en noir & blanc cet été, dans l’édition Impression à la demande. Je n’en avais pas conscience, mais Veitch donne l’impression de dessiner pour le noir & blanc : les cases ne donnent pas la sensation d’être vides, ou en attente d’être complétées par la couleur. J’ai été très surpris par la netteté des traits encrés de Veitch : il a vraisemblablement dû conserver ses planches originales, et tout renumériser pour obtenir une telle qualité d’édition. Il se trouve que pour les illustrations de l’article, je n’ai trouvé qu’une version scannée de l’original VO.
Je viens de voir les scans postés sur FB et si le dessin ne me pose aucun souci, le découpage, les traits d’humour (Le Guano) m’évoquent beaucoup (trop) Grant Morrison. L’a t-il revendiqué en influence ?
Chef d’oeuvre : un mot que Présence n’utilise pas à la légère et à prendre au sérieux, même si on est encore dans du 5 étoiles 😉
Veitch est né en 1951, Morrison en 1960. Je n’ai pas souvenir que l’un ait déclaré avoir été influencé par l’autre, ou réciproquement.
Tu as raison : j’ai été enthousiasmé lors de ma relecture cet été, et encore plus lors de la rédaction de ce billet, et tout autant lors de la lecture de Boy Maximortal 1 & 2, et de ses autres ouvrages que je (re)découvre.
Pourtant en lisant ton article, j’ai moi aussi pensé à du Morrison. Ca ressemble de loin à The Filth, enfin, c’est l’impression que j’ai. Qu’en penses-tu ?
Oui c’est exactement ça, notamment la randonnée à base de cocktail de pisse sur je ne suis plus quelle planète.
Je suis toujours affligé de la même façon de penser : je vos plus les différences que les ressemblances. En termes de sensation de lecture, je n’éprouve pas le même ressenti entre Veitch et Morrison. Le premier a une sensibilité plus humaniste (même si ça peut ne pas se voir en feuilletant les planches), et sa mise en scènes de fluides corporelles ne relève pas de l’intention de choquer, mais de la volonté de ne pas occulter les fonctions excrétoires du corps humain. En outre, Veitch n’a pas écrit de superhéros sophistiqué et premier degré, comme a pu le faire Morrison avec les X-Men et avec Batman, ou plus récemment Green Lantern.
Dans le même temps, en relisant vos remarques, je me dis que l’un comme l’autre sont fortement influencés par le même créateur : Jack Kirby, chacun à sa manière, et que Morrison a également souvent abordé le thème de l’interaction entre la création et le réel.
Oh mais dans l’absolu ça m’intéresse, mais ma liste de bds à lire est terrible et j’ai des séries en cours etc… on peut pas tout prendre ^^
La liste de BD à lire est terrible… et elle ne cesse de s’allonger grâce à une omni-disponibilité des BD passées quasi miraculeuse, une production pléthorique, et des ouvrages de très grande qualité dans tous les genres. De ce point de vue, le lecteur que je suis vit une période extraordinaire, alors que les revenus ne cessent de baisser pour les auteurs.
Tu as raison pour la production incroyable de ces dernières années (ou disons que je te crois sur parole) mais de mon côté, j’ai surtout l’impression que je découvre des classiques, et ce grâce aux rééditions de Urban notamment. J’ai tellement peu de connaissances en comics et en mangas que je peux enfin me concentrer sur ce qui va me plaire et/ou que je n’avais pas pu tenter avant faute de trouver de bonnes éditions. Ca plus la découverte d’auteurs que j’aime désormais beaucoup, comme Zezelj par exemple.
Je me suis également inscrit sur le site Babelio qui permet de parcourir la BDthèque des autres membres, certaines contenant plusieurs centaines d’ouvrages différents, la plupart dont je n’ai jamais entendu parler, et c’est une expérience incroyable de découvrir une telle diversité, autant de genres, de thèmes, d’auteurs, d’enthousiasmes.
Tu m’étonneras toujours Présence ! Avec la quantité de lectures que tu engloutis, tu trouves moyen d’éplucher les oeuvres en X couches (ou temps) et de t’enthousiasmer pour des oeuvres après être allé à leur rencontre. Chapeau bas.
Ces dernières années, je constate une certaine paresse mentale de mon côté. Si je ne me fais pas « cueillir » par une BD, si ça ne me séduit pas rapidement d’une manière ou d’une autre, je ne fais pas vraiment l’effort de lui accorder d’autres tentatives de lectures.
Je ne l’ai pas dit (parce que je n’ai pas écrit mon commentaire comme ça), mais cette lecture m’a happé au premier degré dès les premières pages, avant que mon cerveau analytique ne se dise qu’il y avait beaucoup de matière à décortiquer.
Je lis aussi beaucoup de comics plus basiques dans le genre superhéros ou action. Il est très rare que je m’immerge dans une bande dessinée de ce calibre.