Focus : DAWN OF SHAZAM
Un article de Sébastien Zaaf
VF Urban Comics, 2024
VO : DC Comics
©DC Comics
Après le run fort sympathique de Geoff Johns qui a duré le temps du NEW 52 et du REBIRTH, on retrouve le héros mythique qui lors de sa grande époque fit de l’ombre à Superman lui-même avant de repartir dans l’anonymat puis de revenir chez DC en 1973. Comme je le disais, le run de Johns, qui a servi de base au premier film SHAZAM avec Zachary Lévy réunissait tous les éléments fondamentaux du héros : sa Marvel Family, Black Adam, Tawny, Sivana, Mr Mind et nous présentait même les royaumes magiques. M’étant beaucoup amusé à lire ces différents volumes, il va sans dire que j’attendais beaucoup de ce DAWN OF SHAZAM avec Mark Waid aux manettes, l’homme qui nous a offert chez DC un run mémorable sur FLASH, période Wally et le formidable KINGDOM COME mais pas que … Il n’officie pas seul sur cette nouvelle mouture du véritable Captain Marvel qui rassemble dans ce volume plusieurs séries.
Salomon, Hercule, Atlas, Zeus, Achille, Maturité
Et on démarre avec THE NEW CHAMPION OF SHAZAM en 4 parties avec Josie Campbell au scénario et Evan « Doc » Shaner à l’illustration. Centré principalement sur Mary, on apprend assez vite que Billy / Shazam est bloqué sur le Rocher d’Eternité et que Mary est maintenant la seule à posséder le pouvoir, sans qu’elle puisse le partager avec Freddy, Pedro, Eugène ou Darla. Après une rapide présentation de Mary, on la retrouve en partance avec ses parents adoptifs pour l’Université. Une prestigieuse fac, à 8 heures de bus de Philadelphie, où elle entend bien devenir et rester Mary. Un espoir vite douché par le lapin de sa coloc de chambre qui se met à parler et lui confie être un messager de Billy. Le Sorcier cherche un nouveau champion et Mary est l’élue. Confrontée malgré elle au Disaster Master, un vilain dont même Parker aurait honte, elle apprend que ses parents, les Vasquez, ont disparu. Retour à Philly pour veiller sur ses frères et sa sœur dans une université miteuse, l’université de Fawcett qui possède même sa station radiophonique, W.H.I.Z. Radio (clins d’œil bien sûr au premier éditeur du Captain Marvel et son premier magazine).
Mary au Pays des Merveilles
©DC Comics
Elle est rapidement face à des phénomènes étranges, crées par un trio mystérieux. En parallèle, son enquête lui montre que les disparitions à Philly ne touchent pas que les Vasquez. Soupçonnant une station de métro d’être au cœur de l’affaire, elle y retrouve un certain Dudley que tout le monde appelle Oncle Marv (lui aussi, ancien personnage de la grande époque de la Marvel Family, sans aucun pouvoir). Elle y trouve aussi un super-vilain au pouvoir peu commun : celui de mobiliser tous les doutes et insultes auxquels une personne a été confrontée pour la submerger. Elle en viendra finalement à retrouver les disparus dans les tréfonds de l’université Fawcett, aux mains de la terrible Dre (docteure) G, professeur de Mary, qui se fait connaître comme Georgia Sivana, reprenant le combat de son père pour maîtriser la magie, créatrice de tous ces phénomènes et vilains étranges depuis le début. Le récit, un peu quelconque sur les premières pages, je l’avoue se dévoile plus intéressant qu’il n’y paraît avec un sous-texte assez riche. Outre les questionnements sur l’identité et la famille, récurrents dans les aventures récentes de Shazam, on y retrouve aussi un questionnement sur le pouvoir des médias, capables de faire ou défaire un super-héros alors que Mary se fait connaître comme le nouveau Shazam. Et un questionnement, pas inédit mais assez intéressant sur le pouvoir des réseaux sociaux, capables d’un harcèlement incroyable dont se nourrira le super-vilain du métro. Et le passage dans les sous-sols présente un regard peu commun dans le monde enchanté de DC, avec les déshérités de la société, oubliés du rêve américain dans la cité de l’amour fraternel, la ville de la signature de la Déclaration d’Indépendance avec un côté bien plus réaliste que les Narrows de la Chauve-Souris. Tout au long du récit, encore plus face à ce super-vilain mobilisant le côté insécure que nous possédons tous, nous partageons les doutes de Mary. Est-elle le Champion, le mérite-t-elle ? Comment concilier une vie de super-héros et une vie de jeune femme qui commence dans l’âge adulte et souhaite se réaliser dans ses études ? Le récit se révèle moins magique que les précédents mais aussi par la même moins naïf et plus adulte. Le temps de l’enfance est passé, tout au moins pour Mary.
Ô Captain my Captain
Après cette entière en matière assez plaisante, nous avons droit à un interlude avec PLANET LAZARUS : WE ONCE WERE GODS qui est relié à l’event PLANET LAZARUS (que je n’ai pas lu, je l’avoue, je n’ai pas été emballé). Le court récit voit Mary retrouver le descendant de Black Adam avec qui elle va délivrer Billy du Rocher d’Eternité, à la grande colère du Sorcier qui déclare la famille Marvel indigne de posséder son pouvoir. Alors que Billy reste le seul à posséder le pouvoir, Mary obtient de plusieurs déesses des dons similaires (on apprend tout cela grâce à une ellipse sous forme d’explication avant le démarrage de la série principale alors que la publication de PLANET LAZARUS : REVENGE OF THE GODS aurait été pertinente). Mary possède donc l’agilité de Sélène, la force d’Hippolyte, l’endurance d’Artémis, le don de vol de Zéphyr, l’invulnérabilité d’Aurore et la sagesse de Minerve. On passe à la série principale, démarrant sur les chapeaux de roues, Billy / Shazam aide des dinosaures de l’espace à retourner d’où ils viennent. Alors que la maturité a atteint Mary, Billy continue de se gaver de pizzas et de crèmes glacées sur le Rocher, à la grande consternation des Dieux qu’il incarne et qui se demandent si le Captain (son nouveau nom suite à un « incident aquatique ») est vraiment digne de ce pouvoir.
Comme j’aime !
©DC Comics
On retrouve Tawny qui avait disparu de la mini-série consacrée à Mary mais qui ne jouera aucun rôle. Les problèmes surviennent alors qu’en pleine intervention de secours, le Captain craque et se met à insulter les gens qui l’entourent. Alors qu’il se demande ce qui arrive et refuse de redevenir le Champion, Billy reçoit la visite d’un dinosaure de l’espace qui lui demande de remplir de la paperasserie intergalactique réglementaire pour avoir sauvé ses congénères au début du premier épisode. Confronté au Psycho-Pirate qui a décidé de voler la Joconde (mais que fait-elle à Philadelphie ?) il s’interroge sur le rôle de celui-ci dans les phénomènes qui l’affectent. Perdant le contrôle, il manque de tuer le Psycho-Pirate avant de se rendre compte que le problème est ailleurs. Alors que Freddie rôde dans le Rocher, il surprend le Conclave de Shazam qui réunit les Dieux.
Daube de Shazam
Ce cliffhanger est interrompu pour deux épisodes par le KNIGHT TERRORS : SHAZAM ! Je dois dire que cet interlude vient un peu comme un cheveu sur la soupe et brise la dynamique qui commençait à s’installer. Je n’ai pas lu l’event principal mais je me concentrerai sur le tie-in SHAZAM. Mary, bloquée dans un rêve, est confrontée à Insomnia. J’arrête là parce qu’en fait ces deux épisodes n’apportent rien au récit principal de SHAZAM si ce n’est revenir sur cette idée permanente que l’on est plus fort avec sa famille que sans. Au bout du volume NEW 52, des deux volumes REBIRTH et la série de Mary, on avait bien compris. Retour à la série principale, assez salutaire face à la bouillie du tie-in précédent. Billy, tétanisé par ses pertes de contrôle retient le Champion à l’intérieur de lui. Chaque Dieu semble se relayer pour le faire craquer et provoquer la transformation. Atlas y parvient en lui faisant sauver une délégation de Gorilla City (il n’y avait pas assez de bestioles entre le lapin, le Tigre et les dinos…) L’un des gorilles incite Shazam à se rendre sur la Lune pour affronter l’Empereur de la Lune, l’Empereur Garguax, qui menace la Terre, et qui ressemble vaguement à Wilson Fisk qui aurait mangé Piccolo et Brainiac…
Le nouveau Bouffon Vert
©DC Comics
Alors qu’avec un twist digne d’une sitcom on comprend que tout le monde manipule tout le monde, le Captain, sous l’influence de Zeus conte fleurette à Zazzala, la Queen Bee. Billy reprend le dessus alors que la Milice Gorille envahit la Lune et que Salomon se manifeste à Freddy et lui révèle que les Dieux modifient la personnalité de Billy. Précipité dans l’espace Billy est sauvé par Mary et Zeus. Les singes voulaient juste le moteur à distorsion de Garguax. Billy finit par confronter les Dieux et renonce au pouvoir du Champion. Freddy et lui tentent de tromper les Dieux alors que débarque le Nouvel Escadron de Justice incarné par Darla, Pedro et Eugène qui ont emprunté les artefacts de la salle du souvenir du Rocher avec le dino de l’espace. Reprenant une personnalité « normale » grâce à Salomon, Billy propose un accord aux Dieux, peu enthousiastes. Alors que les terribles Auditeurs (les collègues fonctionnaires du dino) arrivent sur Terre, ils sont attaqués par Black Adam pour avoir survolé le Kahndak …
Je vous dirai en conclusion que je suis un peu déçu et que j’attendais mieux. Le récit initial nous emmenait vers d’autres horizons assez intéressants, entre tradition et modernité. Si on enlève les tie-ins, dispensables je le répète, la série de Waid se révèle bien en dessous des espoirs placés. Les idées de base sont bonnes notamment l’affrontement avec les Dieux pour que Billy / Shazam / Captain trouve enfin sa voie comme Mary. Tout est gâché par un mauvais équilibre entre sérieux et humour. Ce qui fonctionnait pour moi chez Johns ne fonctionne plus chez Waid. Entre les dinos, les singes, rencontre du troisième type on a l’impression que Waid recycle des idées de Spielberg dans un grand mixer. L’affrontement avec les Dieux qui aurait pu être un accomplissement homérique pour le personnage vire un peu Percy Jackson. A vouloir multiplier les sous-intrigues, certaines étant discutables, Waid perd son lecteur. Ce qui devait être L’AUBE DE SHAZAM, le préambule d’un nouveau jour avec le soleil qui se lève et la lumière qui éclaire tout se révèle être la daube de Shazam, un récit cuit à l’étouffée qui finit par être pénalisant pour son personnage. La nuit n’est jamais plus noire qu’avant le lever du soleil. J’espère que le tome 2 le confirmera.
Les Six Compagnons
©DC Comics
Bon, je ne connais rien de tout ça, et le peu que je sais du personnage principal est à tout jamais inféodé au modèle « revisité » de Kingdom Come, par Waid et Ross -ce dernier lui ayant refilé une tronche absolument magnifique d’unicité dans l’univers des Super-Héros et, surtout, exprimant très précisément la dualité originelle de Shazam, à savoir la présence de l’enfant derrière l’homme, notamment avec ce petit nez retroussé qu’il lui a collé, en contraste plutôt violent au milieu de sa grosse figure de jouisseur à fossettes.
Je passe juste pour te dire que : » … Wilson Fisk qui aurait mangé Piccolo et Brainiac / Le nouveau Bouffon Vert… » c’est juste brillant. 🙂
Merci !
Merci Bruno. C’est justement à l’aune de Kingdom Come et de son Shazam très particulier que j’attendais beaucoup Waid sur cette série. Déception totale…
Merci pour cette lecture très complète ! J’ai beaucoup d’affection pour Waid, et j’aime bien ses World’s Finest ces temps-ci. Mais à force d’être partout (Batman V Robin / Lazarus Planet / Dawn of Titans /etc.), il en devient un peu transparent, je trouve.
Captain Marvel / Shazam, la dernière série régulière que j’avais bien aimé est Power of SHAZAM dans les années 90. Plus récemment, comme toi, je trouve les récits répétitifs en diable, soit pour le côté famille, soit pour la relation amour/haine avec les dieux qui donnent leurs pouvoirs aux héros.
Hello JB. Effectivement Power of Shazam est une petite pépite dont on ne parle pas assez. Il y a aussi un côté répétitif je suis d’accord dans le run de Johns avec Shazam New52 et Shazam Rebirth. Mais c’était beaucoup plus divertissant avec le retour de Tawny, l’exploration des différents royaumes des Champions. Là vraiment ça part dans tous les sens, il n’en sort rien. C’est dommage le récit sur Mary était très bien. Et les liens avec les tie-ins sont trop prégnants et pas suffisamment détaillés je trouve. A force d’intrication scénaristique tout devient plat.
Merci pour le tour du proprio, Seb ! Je crois bien n’avoir jamais lu de Shazam de ma vie (ou alors il y a très longtemps, dans mon enfance, et dans ce cas cela ne m’a pas marqué… mais oui, j’ai dù en lire je pense, j’ai de vagues images en tête), je n’ai pas vu les films non plus (soit dit en passant, l’acteur qui joue Shazam joue également dans THE MARVELOUS MRS MAISEL : ce type est une montagne) et je me passerai donc très bien de ces épisodes. Surtout que je ne comprends pas grand-chose à tout ce que tu racontes sur DC et les personnages classiques de cette franchise. Les Narrows ne me disent rien et pourtant ça pourrait être une référence dans un des très bons épisodes de BATMAN THE ANIMATED SERIE que j’ai vu cette année.
Sinon, je trouve que ce « pouvoir peu commun : celui de mobiliser tous les doutes et insultes auxquels une personne a été confrontée » est une très bonne idée. Mais pour faire le contraire, les extraire, ou en faire autre chose. J’adorerais pouvoir faire ça tiens, pour moi et les autres.