Focus : David Lynch
Un article de MAXIME FONTAINE
David Lynch, dans le rôle de Gordon Cole (Twin Peaks)
© Showtime
Ça commence par un parfum de mystère.
Comme toujours, avec David Lynch.
Quelques titres dont on ne comprend pas la signification tout de suite.
Twin Peaks… Mulholland Drive… Lost Highway… Inland Empire… Blue Velvet… Eraserhead
La juxtaposition de deux mots dont l’association provoque immédiatement un flot d’images, de sons, presque de sensations.
Sans même le savoir, au niveau inconscient, on est intrigués, fascinés, les méninges et l’imagination sont mis en éveil.
Nous voilà déjà pris au piège.
Comme beaucoup de personnes de ma génération, pour moi, ça a débuté avec Twin Peaks.
Une sorte de formule magique qui se murmurait dans les couloirs du lycée. Un truc secret, réservé aux initiés : ceux-ci se comprenaient avec un air de connivence, affichant le regard de ceux qui savant, de ceux l’ont vécu.
Pas de bol : je ne reçois pas le 5 -la chaîne où passe la série en France. Et puis, j’ai loupé le début… Mais les cassettes vidéo, ça existe, et je me dis qu’un jour, je m’intéresserai à ces « pics jumeaux » qui provoquent une telle effervescence, de tels murmures respectueux.
En attendant, je ferme toutes les écoutilles.
Je ne veux rien savoir. No spoilers, for God’s sake !
Encore maintenant, quand une œuvre inaccessible m’appelle, quand je sens que je risque d’y plonger la tête la première, je me bouche les oreilles, je chantonne, quitte à passer pour un doux dingue : surtout qu’on ne me raconte rien avant que je puisse m’y intéresser !
Le visage bleu de Laura Palmer : inquiétante étrangeté
© Lynch/Frost Productions, Propaganda Films, Spelling Television
Flashforward. Quelques années plus tard, je suis étudiant. C’est la période des fêtes. Pour Noël, j’ai commandé une bûche. Un parallélépipède composé de 10 VHS au bel enrobage imitation bois. Sur la bûche : les mots mystérieux qui me tiennent en haleine depuis la puberté. « Twin Peaks ».
Allez, il est temps de s’y mettre. Je mate ça avec mon frère.
Premier épisode. Un pilote d’une heure trente, un OVNI macabre, lent et ténébreux, où tout le monde se pose la même question : Qui a tué Laura Palmer, la reine de beauté du lycée ?
Je suis étonné, déstabilisé… pas encore fasciné : ça va venir après.
Comme c’est foisonnant, qu’il y a une foule de personnages et qu’on sent bien que certaines subtilités nous échappent, on décide d’y aller tranquillement, un épisode à la fois.
Un par semaine, pas davantage. Afin de savourer ce plat délicat.
Parce qu’une enquête menée par un inspecteur du FBI charismatique et jovial, qui suit ses rêves pour résoudre un meurtre sordide, ça ne se rencontre pas tous les jours.
L’agent Dale Cooper et la piquante Audrey Horne (Kyle MacLachlan et Sherilyn Fenn)
© Lynch/Frost Productions, Propaganda Films, Spelling Television
Arrive, dès le troisième épisode, la fameuse scène de la Red Room, celle que même ceux qui n’ont pas vu un épisode Twin Peaks connaissent, tant elle a été parodiée, jusque dans les Simpsons.
Celle où Kyle MacLachlan, alias l’Agent Dale Cooper, assis tranquillou dans un fauteuil design rencontre en rêve la fameuse Laura Palmer, bien vivante, accompagnée d’un nain dansant sur fond de rideaux rouges. Non loin de là rôde l’horrible Bob : un cauchemar incarné, sans nul doute la figure la plus terrifiante de toute la télévision.
Ensuite, l’agent Cooper se réveille, et prétend avoir résolu le crime.
Et là, BOUM : mon cerveau explose.
Je me dis que le réalisateur-scénariste-metteur en scène est un fou. Ou un génie. Ou plus probablement les deux. Je mémorise son nom : David Lynch. Et celui de son complice, Mark Frost, scénariste doué qui aide cet électron libre à respecter les codes d’un show bien ficelé.
Je me dis que non, ce n’est pas possible : on ne peut pas raconter une histoire de cette façon-là.
Et pourtant, ils le font.
À partir de cet instant, je suis happé dans la Red Room, en compagnie de l’agent Cooper, de Laura Palmer. Exilé pour de bon. Je ne veux plus la quitter.
J’y pense tout le jour, j’en rêve la nuit. Je veux comprendre.
Et en même temps, j’adore m’y sentir perdu.
MacLachlan, Michael J Anderson et Sheryl Lee, piégés dans la Red Room !
© Lynch/Frost Productions, Propaganda Films, Spelling Television
Ça y est : je fais partie de ceux qui savent. De ceux qui seront marqués à jamais par l’empreinte de Lynch. Il nous a pris la main pour nous amener au-delà du miroir, vers son monde mental, infiniment personnel. Personnel et pourtant universel. Là où résonnent nos rêves, nos questionnements, là où se déploient nos fantasmes. Là où se révèlent nos peurs primales.
D’un côté, il y a donc toutes les séries policières, qui reconstituent les derniers instants d’une victime, les errances glacées d’un coupable.
Et puis Twin Peaks, qui sans prévenir verse dans l’onirique, l’intuitif et le symbolique.
Twin Peaks, où pour comprendre, il ne suffit pas de regarder mais de ressentir.
Où l’on doit se glisser dans la peau de Laura Palmer, de son infinie détresse, de son enfer mental. Cet enfer mental, l’agent Dale Cooper va peu à peu s’y immerger, lui aussi. Littéralement.
Et nous avec lui, dans un final à la fois splendide et traumatisant.
Plus rien ne sera comme avant.
Le Mystery Man, ce voyeur de la mise en abyme (Lost Highway)
© Ciby 2000/October Films
Nouveau flashforward. On est en 1997.
Au cinéma sort le nouveau film de Lynch : Lost Highway.
Maintenant, hahaaaa, je sais à quoi m’attendre du bonhomme.
Ce sera forcément un peu dingue. Voire carrément frappé du casque, comme son tout premier long métrage, que j’ai maté depuis : Eraserhead, cette divagation esthétique sur la paternité mal assumée, avec une image grise emplie de poussière hypnotique, et un son d’une vibrante intensité
Pourtant, rien ne m’a préparé au nouveau cauchemar par lequel je suis instantanément avalé.
Un joueur de jazz tyrannique assassine brutalement son épouse, on ne sait pas pourquoi. On ne sait pas non plus s’il est vraiment coupable. Et d’ailleurs, il disparaît lui-même, dévoré par ses failles.
C’est épais, poisseux, malaisant, Et terriblement sexy.
Patricia Arquette y excelle dans un double rôle de femme fatale, digne des plus grands films noirs de l’âge d’or hollywoodien.
De nouveau, ça parle de meurtre, de pulsions malsaines, de schizophrénie, d’une réalité où les frontières s’effacent. Avec une émotion communicative, à fleur de peau.
Et de nouveau, je reçois un uppercut au cerveau.
On ne peut pas construire un film de cette façon-là.
Et pourtant, Lynch le fait.
Pas simplement comme un expérimentateur doué, mais avec une subversion assumée des codes, en se coulant dans l’ADN du cinéma, pour le révolutionner de l’intérieur.
Patricia Arquette et Balthazar Getty, ils mettent le feu à Lost Highway !
© Ciby 2000/October Films
Fort de mon exploration de ses œuvres antérieures, j’appréhende un peu mieux le système lynchéen.
Ses films sont l’œuvre d’un peintre abstrait, qui au lieu d’offrir une image figurative me place face à une série de tableaux où l’émotion prime sur la raison.
Et pourtant, la raison est là, sous-jacente. On n’est pas chez Dali, ou dans certaines expérimentations de Buñuel. Sous le vernis de la confusion, il existe une énigme à décoder.
Lynch nous place d’emblée dans la position d’enquêteur. Il nous pousse à observer, décortiquer, analyser à l’envi.
Avec lui, je suis Jeffrey Beaumont, qui veut comprendre comment une oreille découpée s’est retrouvée dans une banlieue proprette de Blue Velvet. Je suis Betty Elms, fasciné par Rita, la belle amnésique, à la recherche de son passé sulfureux sur Mulholland Drive. Je suis Nikki Grace, qui remonte à la source d’une malédiction et se perd dans les méandres du film qu’elle est en train de tourner, aux abords d’Inland Empire.
Lynch est malin, et s’il use parfois d’improvisation, il est surtout un architecte méticuleux, qui demande que tout créateur demeure « fidèle à son idée ».
Chaque enquête nous propose un puzzle dont il a volontairement mélangé les pièces, avant d’en subtiliser certaines, pour nous retourner le cerveau.
Au moment de la sortie d’« Inland Empire », l’un de ses chef d’œuvres trop souvent sous-estimé, j’ai eu la chance de rencontrer le maestro, à Paris. Dans une Fnac, à l’occasion d’une masterclass, gravée dans ma mémoire -et dont je dois posséder une trace quelque part, sur DVD. J’ai eu l’occasion de lui poser une question à propos de « Mulholland Drive ».
Mulholland Drive : une nouvelle claque signée Davidou, avec Naomi Watts et Laura Harring
© Touchstone – Films Alain Sarde
Mulholland Drive, c’est l’histoire d’une jeune femme pleine de joie de vivre, qui veut accomplir le rêve de toute actrice américaine : devenir une star d’Hollywood. Elle rencontre une brunette poursuivie par des tueurs. Une fois de plus, la réalité dérape. Les rôles s’inversent. Au final, c’est le système hollywoodien tout entier, cet immense broyeur d’âmes, qui est questionné.
Il s’agit d’une œuvre-somme, peut-être le meilleur film de Lynch. Le plus respecté, en tous cas.
Tout heureux de me trouver face à mon réal préféré, un peu impressionné mais déterminé à converser avec lui, je lui pose la question qui me trotte dans la tête depuis de longues années : Auriez-vous pu imaginer un film complètement différent, avec les mêmes images, mais un tout autre montage ?
David Lynch me regarde. Il prend un temps de pause. Il réfléchit. Et puis, en agitant la main, comme s’il cherchait à saisir des idées qui se promènent dans l’éther, il me répond que non.
Non, le film n’aurait pu évoluer autrement. « Mulholland Drive » a éclos peu à peu, au fil des périodes de tournage pour devenir la fascinante fleur vénéneuse en germes dès l’étape du scénario.
Mulholland Drive, ce poème vénéneux, à la fois investigation, hommage et charge contre Hollywood
© Touchstone – Films Alain Sarde
Oui, il existe une forme idéale, réfléchie, et un sens à tout ce qu’il entreprend.
L’énigme n’existe pas simplement pour nous perdre : elle dit quelque chose de fondamental sur sa vision de la société, des rapports humains, et du cinéma lui-même.
Mais en même temps, c’est une œuvre collaborative, un endroit hors du temps et de l’espace où chacun apporte sa propre vision.
Voilà pourquoi Lynch a toujours refusé de livrer le sens de ses productions.
Quand il met en scène, s’il connaît son propos, il laisse suffisamment d’espace pour que naissent les interprétations et les visions annexes.
En faisant de nous des acteurs, lâchés au cœur de ses fantasmes.
Grâce à son silence, ses films ne sont pas simplement des œuvres consommables, vite vues et vite oubliées.
La part d’irrationnel et si subtilement dosée que l’on pense approcher peu à peu la vérité nue, sans être jamais tout à fait certain de l’avoir saisie.
Alors on y revient, on se réinterroge.
Inland Empire, l’un des voyages les plus hermétiques de Lynch (avec l’incroyable Laura Dern)
© Mars distribution
Cinq ans, quinze ans, vingt-cinq ans ans plus tard, on revoit Twin Peaks. Mulholland Drive, Lost Highway, Inland Empire, Blue Velvet, Eraserhead.
Et on y apporte quelque chose de différent.
Comme lui-même est revenu à Twin Peaks, à deux reprises, de façon aussi inattendue que brillante -Ah, ce film-prequel complètement dingue ! Ah, cet incroyable épisode 8 de la saison 3, qui réécrit les racines du mythe…
La démarche artistique, d’une intégrité absolue, d’une ambition folle, peut laisser sur le côté bien des spectateurs abasourdis, habitués à ce qu’on leur explique poliment chaque fil d’une intrigue, de A à Z.
Ainsi, ils pourront se ruer, l’esprit tranquille, vers le produit suivant.
À dix mille productions oubliables, je préfère un énième visionnage d’une œuvre signée David Lynch. Parce que je sais qu’il apportera de nouveaux éléments encore à mon enquête sans fin, et que je n’en sortirai pas indemne, mais toujours enrichi de ce qui compte vraiment : l’émerveillement immatériel.
Qui me permettra de créer, moi aussi, de rendre à mon échelle le monde plus étrange et plus fascinant – il y a, dans la trilogie « Sorciers » rédigée avec mon frère Romain Watson, d’évidents accents lynchéens.
David Lynch et ses acteurs fétiches (Kyle MacLachlan, Laura Dern), au crépuscule de Twin Peaks
© Showtime
Ça commence par un parfum de mystère.
Ça continue par une suite d’énigmes ensorcelantes dont le sens se constitue peu à peu, mais dont on n’est jamais certain d’avoir saisi toutes les subtilités.
Aujourd’hui, David Lynch n’est plus là.
Mais ce diable de sorcier a réussi son coup : celui de nous envoûter, pour toujours.
La fascination qu’ils exerce depuis la Red Room est absolue.
Le doux et sombre mystère qu’il a patiemment tissé au fil de sa vie s’est éternellement déployé en un voile saisissant, sur nos espoirs les plus intimes.
© Maxime Fontaine
Merci de nous permettre de t’accompagner dans tes rencontres successives avec l’auteur. J’ai pour ma part le souvenir magique (et très certainement biaisé) d’un visionnage de l’intégralité de Twin Peaks en VHS VO non sous-titré qui m’ont fait passer de cancre en anglais en amateur de la langue de Shakespeare (parlée). Outre sa série phare, je crains de n’avoir vu que peu de films de Lynch (malgré une filmo étonnamment réduite) mais qui ont suffi à me fasciner.
Je valide le souvenir magique ! Twin Peaks était un choc, surtout à l’époque. Lance-toi sur la filmo de Lynch, tous ces longs métrages sont intéressants. Tu seras plus attiré par certains d’entre eux que par d’autres -difficile de prévoir lesquels. Mais ils procèdent tous d’une démarche unique. Je n’ai pas évoqué ceux que j’aime un peu moins : « Sailor et Lula », « Une histoire vraie », « Dune ». Et pourtant, ce sont trois expériences plaisantes. Mais le génie est pour moi du côté des trois moutures (très différentes !) de Twin Peaks et de la trilogie de Los Angeles.
J’ai surtout vu Dune (dont je retiens surtout l’introduction, mais il faut dire que « a beginning is a very delicate time), Blue Velvet (lip-synch inoubliable sur Roy Orbison : « Candy-colored clown they call the Sandman ») et Twin Peaks, Fire Walk with me (avant d’avoir vu la série, ce qui en a fait une expérience… particulière)
Dune est son film le moins personnel. Blue Velvet est troublant et contient en germes tout ce qu’il développera ensuite, de façon plus sophistiquée. Commencer Twin Peaks par son milieu est étonnant en effet (bonjour le spoil !). Je me souviens de l’avoir vu au ciné et d’avoir été fasciné. Sur grand écran, avec le son made in Lynch… quelle expérience !
Je pense que mon cerveau avait plus ou moins déconnecté assez tôt dans Fire Walk with me, lors de la scène du décodage du message secret mimé. Et puis le garmonbozia, sans avoir vu la série, c’était aussi ésotérique…
Bienvenue Maxime ! Et un grand merci pour cet hommage à la plume enlevée et au dessin final, autant dans le trait que j’apprécie que dans le propos.
Presque comme pour Bowie, la mort de Lynch m’a trop ému. Sans doute pas autant que Bruce mais quand même. Je n’ai qu’écouté la réédition de son interview sur France Inter dans Totemik, ça m’a suffi en fait. Pour me rappeler que Lynch n’était pas cinéphile, amoureux de la vie, musicien aventureux. Je conseille depuis très longtemps l’album fait avec Danger Mouse et Mark Linkous (Sparklehorse) fait en 2010 : DARK NIGHT OF THE SOUL. Validé par Maël.
Par contre, je dois toujours voir INLAND EMPIRE (seul film de Lynch que je n’ai pas vu alors que j’ai le dvd depuis longtemps) et j’ai vu que la saison 3 était dispo sur Canal+ : je vais me refaire tout TWIN PEAKS vu que je n’ai pas encore vu la saison 3. Peut-être même le film, qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Ce serait bien de revoir BLUE VELVET aussi. Et ELPEHANT MAN. Et MULHOLLAND. LOST HIGHWAY je le connais trop. Je me souviendrais toute ma vie de la soirée où je l’ai vu au cinéma, en VOSTFR en plus, la chance, pour la Province. Par contre je n’ai pas envie de revoir ERASERHEAD. J’ai revu DUNE : à part quelques choix esthétiques (costumes, voix, armures, vaisseaux…), c’est pas possible.
Je me souviens très bien du pilote de Twin Peaks, vu lorsque j’étais étudiant : l’art de faire flipper avec pas grand chose, celui d’intriguer avec peu et enfin un humour bizarre qui me parle.
Tu parles de faire partie de « ceux qui savent », tu connaissais l’anecdote du badge donné après la sortie de la salle de cinéma qui projetait Eraserhead ? Il y était écrit « I Saw It ».
Quelle chance tu as eu de pouvoir lui adresser la parole, et encore plus de l’avoir enregistrée ! Quel beau souvenir. Je suis tout à fait d’accord lorsque tu dis que Lynch nous invite à enquêter comme ses personnages. C’est une de ses parties que je trouve fascinante et attirante. Merci encore, Maxime.
Merci Jyrille pour l’anecdote sur Earserhead ! J’avoue : j’ai envie de revoir tout ce que tu évoques… Inland Empire, comme Twin Peaks saison 3, sont des oeuvres exigeantes. Mais je les aime passionnément. Il faut regarder tout ça dans de bonnes conditions, sans décrocher pour geeker sur son phone, sinon le charme est rompu…
J’ai revu Lost Highway récemment. Je pense que je vais d’abord me refaire Mulholland Drive ou Inland Empire. J’ai très envie de partager ma passion avec mes kids, aussi, mais à part « a straight story », je ne vois pas bien quoi leur montrer. ^^
Tout dépend de l’âge de tes enfants. Perso je commencerais avec Elephant Man. Ou Dune.
…! Dune ? Arf ! Ils vont être traumatisés à vie par les obèses hurlants et les ballons de baudruche -le tout en une seule image, n’est-ce pas. Et ne parlons même pas de l’inévitable dégoût que leur inspirera désormais, après la projection, la simple vision du moindre décapsuleur…
Ça me donne trois portes d’entrée, en tous cas, en fonction de leurs goûts. 🙂
Maxime, désolé, j’avais oublié tes supers articles sur Nightcrawler ! Quoiqu’il en soit j’ai revu Blue Velvet ce soir. Avec ma fille, dont c’était le premier Lynch (pour info, elle a vingt ans). Elle a bien aimé, c’est cool. Pour ma part, à l’exception du tout début et de la scène avec la chanson In Dreams de Roy Orbison (que j’écoute régulièrement), j’avais tout oublié. Et c’est toujours beau et étonnant.
Pour rebondir sur le post de Zen, je ne me souviens pas à quel moment je suis tombé sur son oeuvre. Je me souviens très bien du lycée et de Twin Peaks, que j’avais délibérément omis de regarder sachant que je ne pourrais pas regarder les épisodes chaque semaine. Plutôt que de me frustrer, j’avais préféré ne rien voir. Ce qui fait que j’ai connu Lynch d’abord par ses films, avant même que Twin Peaks ne sorte, sans doute par Elephant Man, Dune et Blue Velvet, puis la série Twin Peaks en partie, puis enfin au cinéma avec Lost Highway et Mulholland Drive. En tout cas, je n’ai pas eu l’impression d’avoir reçu un uppercut (à part pour Lost Highway), plutôt le sentiment d’avoir trouvé quelqu’un chez qui je me sentais bien. J’avais vu FREAKS de Tod Browning dans cette période du lycée, ça m’avait fait un peu le même effet, je trouvais ça à la fois différent et naturel, rassurant. Une sorte d’évidence. Lynch, je l’ai tout de suite adopté.
« Quoiqu’il en soit j’ai revu Blue Velvet ce soir. Avec ma fille, dont c’était le premier Lynch (pour info, elle a vingt ans). Elle a bien aimé, c’est cool. »
Ah ben, j’ai fait découvrir Lynch à ma plus grande avec Lost highway.
Pour info, elle avait 18 ans. 🙂
Je crois que mon grand a maté Lost Highway sans moi, il faut que je confirme avec lui (il m’avait pris le dvd si je me souviens bien). C’était il y a quelques années déjà.
Ma fille avait pris option cinéma au lycée, de manière générale elle est plus branchée ciné que son frère (elle a pris un abonnement UGC, du coup elle y va quasiment une fois par jour), qui est plus branché jeux (vidéo, plateau, de société, de rôle, même livres dont vous êtes le héros) et bds. Mais le veinard, qui vit désormais en Belgique, voit pas mal de films pour moins de 5 euros et en VO.
Merci pour ce retour subjectif et donc émouvant sur la figure de David Lynch ! j’ai été tres touché par la mort de Lynch que je considérai comme le plus grand cinéaste vivant et un des plus grands artistes au monde toutes disciplines confondues. Depuis que j’écris pour Bruce Lit, je crois que j’ai du citer son œuvre dans la majeure partie de mes articles.
Bizarrement, TWIN PEAKS a été une découverte tardive dans mon parcours lynchéen, j’avais déjà vu la plupart des films de Lynch et en 1999 au moment de la sortie d’UNE HISTOIRE VRAIE, j’assiste à une rétrospective en salles de tous ses films et c’est là que je découvre FIRE WALK WITH ME alors que je n’ai jamais vu les deux premières saisons de TWIN PEAKS (ce qui du point de vue de l’intrigue est une aberration vu que le film dévoile tout ce qu’on est pas censé savoir en commençant la série). Je ne m’y plongerais que quelques temps plus tard.
J’ai du voir d’abord ELEPHANT MAN à la télé, j’étais gamin et ensuite ado au collège BLUE VELVET et ERASERHEAD lors d’un passage sur ARTE (c’était un vendredi soir tard dans la soirée et j’étais resté devant la télé pour le regarder, une sacrée expérience).
La saison 3 de TWIN PEAKS reste une des œuvres les plus importantes pour moi de ces dernières années. Je me rappellerais toujours de la découverte du fameux épisode 8 qui m’avait laissé sidéré et que j’ai revu dans la foulée, comme si j’avais besoin de réaliser si j’avais vraiment vu ce que j’avais vu.
Je suis d’accord avec toi. Lynch était l’artiste le plus fascinant qu’il m’ait été donné de rencontrer. Son cinéma nous hantera encore bien longtemps… Ahlala, ce fameux épisode 8 de la saison 3 de Twin Peaks. Moi aussi, je l’ai maté plusieurs fois de vite. Et tu viens de me redonner très très envie de le rerererererevoir… Un chef d’oeuvre absolu.
Comme je l’avais déjà dit, j’ai découvert TWIN PEAKS quand j’étais au lycée. Pour ma génération et les ados un poil intellos qu’on avait envie d’être, Lynch a été une idole instantannée.
Par la suite, tous ses films ont été à chaque fois un gros marqueur générationnel et un pur bonheur.
Le hasard (un poil triste) a voulu que je me refasse tout TWIN PEAKS que j’ai commencé depuis environ un mois avant sa mort (je vais bientôt enchainer sur la saison 3, que je n’ai vue qu’une seule fois). J’en profite aussi pour écrire une série de trois nouveaux articles pour mon blog, dans lesquels je parle tout autant de la musique et des livres qui ont été écrits à côté par Mark Frost et Jennifer Lynch. Je pense publier les deux premiers bientôt.
Maxime, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur cette réunion à l’occasion de laquelle tu as pu le rencontrer ?
Ah oui, je me rappelle du « Journal secret de Laura Palmer » paru dans la collection Pocket, il me semble. A relire au son de la voix de Julee Cruise chantant « The World Spins »…
Ben c’est une masterclass à la FNAC 😉
Coucou Tornado. Je lirai tes articles avec grand plaisir.
Je compte me refaire Twin Peaks Saison 3 pour la troisième fois, bientôt…
Comme le rappelait Bruce, ma rencontre avec le maestro a eu lieu lors d’une masterclass de la Fnac -je ne sais plus trop laquelle. C’était à Paris. Je me suis pointé là-bas à quatre heures du mat’ pour être sûr d’avoir une place correcte. Il y avait déjà pas mal de monde, dont une fille qui avait pour ambition de tourner dans l’un de ses films. On a attendu longtemps, mais ça valait méchamment le coup. C’était pour la promo d’Inland Empire. Ils nous ont passé la bande-annonce un certain nombre de fois avant que Lynch arrive. On pouvait poser des questions si on le voulait. J’ai eu la chance d’être sélectionné. J’ai découvert la captation quand le film (version collector de la Fnac) est sorti en DVD, avec ce moment-là en bonus. Je crois me souvenir qu’on ne m’entend pas, mais je suis de dos, debout, face à Lynch qui me répond. Le reste est nimbé dans un flou artistique… Je n’ai pas eu d’autographe, je ne sais plus s’il en donnait, ou même si j’en voulais un. Je voulais surtout le voir, et parler un peu avec lui. Mission accomplie. 🙂
Bon retour dans ce site Maxime, avec un passage de Nitghtcrawler à David Lynch. Je n’ai vu aucun de ses films, et j’ai vu une bonne partie de la première saison de Twin Peaks, mais pas le film.
Ses films sont l’œuvre d’un peintre abstrait, qui au lieu d’offrir une image figurative me place face à une série de tableaux où l’émotion prime sur la raison. – Très belle formulation permettant de mieux appréhender la démarche de ce créateur extraordinaire.
Curieux, je suis allé consulter la page wikipedia, et j’ai également été surpris de découvrir que sa filmographie tient en dix films, mais quelle densité.
La part d’irrationnel et si subtilement dosée que l’on pense approcher peu à peu la vérité nue, sans être jamais tout à fait certain de l’avoir saisie. – C’est très fort qu’un créateur puisse réussir ce dosage si subtil, et que cet équilibre fonctionne la culture de différents pays.
Enrichi de ce qui compte vraiment : l’émerveillement immatériel : une autre réussite incommensurable, celle de parvenir à réenchanter le monde pour des êtres humains adultes.
Merci Présence. C’était un plaisir d’écrire sur un de mes sujets favoris. 😉
J’ai découvert Lynch avec Blue velvet mais ça ne s’est pas fait tout de suite.
Blue velvet, ça tombe pile poil au moment où je me détache du tout venant des films à la télévision en découvrant des noms comme Lynch, Cronenberg, Carpenter, Jarmusch et quelques autres. Mais comme je n’ai pas accès ni aux sorties en salles ni aux video-clubs, je fantasme sur ces films sans les voir en lisant des revues comme Starfix. Je me rappelle encore de la lecture d’articles sur ce film étrange et provocant primé à Avoriaz qui débute par un personnage qui trouve une oreille dans une pelouse. Et quand vient enfin l’occasion de voir Blue Velvet, c’est le choc. A la même époque, la découverte du Vidéodrome de Cronenberg et du Down by law de Jarmusch me feront le même effet. Une ouverture vers quelque chose pour moi de radicalement nouveau.
Ce sont des films fondateurs pour moi. Des films qui marquent un avant et un après. Je ne peux pas les évaluer en faisant abstraction de cela. Le film est tellement lié au développement de mon rapport au cinéma qu’il m’est impossible même aujourd’hui de l’aborder d’une manière objective et détachée.
Pour ce qui est de Twin Peaks, j’étais au taquet plusieurs semaines avant la diffusion du premier épisode sur la défunte La 5. Et je m’y suis plongé corps et âme. C’était une période où j’étais vraiment mal et je m’y suis tellement investi que j’avais l’impression que la série était la seule chose qui me reliait à la vie. J’enregistrais chaque épisode et je regardais l’épisode au-moins une fois par jour avant la diffusuon du suivant. Je vivais Twin Peaks, je dormais Twin Peaks, je me réveillais Twin Peaks,…
Le film Fire walk with me, largement incompris à sa sortie, est pour moi le plus beau film de Lynch. C’est mon film d’île déserte. C’est pour moi un des plus beaux films du monde. Le final du film touche au sublime.
Lost highway et Mulholland drive ont été parmi mes expériences de films en salles les plus marquantes. Deux trips complètement dingues.
Lynch compte certainement parmi les quelques cinéastes les plus importants de mon parcours cinéphilique.
J’ai immédiatement aimé Fire Walk with me, et je n’ai jamais compris la bouderie cannoise, ni les si mauvaises critiques à sa sortie. Chef d’oeuvre absolu. Comme Lost Highway. Comme Mulholland Drive. Comme Inland Empire, à l’image moins léchée, mais à l’ambiance et au scénario tout aussi incroyables. J’ai vu ces 4 là au cinéma, et ce n’est pas un hasard si ce sont mes préférés… Voir Lynch au cinéma emporte et transforme. C’est une expérience exceptionnelle…
Salut
Bel hommage, très vivant.
Je ne suis pas David Lynch autant que vous. J’ai réellement découvert l’oeuvre du cinéaste très tardivement bien que mon père m’avait amené voir DUNE au cinéma.
TWIN PEAKS : je n’avais pas accès à la 5. J’ai vu les 2 premières saisons à près de 40 ans (juste avant la S3) et vous savez ce que c’est … trop d’attente, de décalage, pas dans la hype… donc cette impression d’avoir raté quelque chose, de ne pas être au bon endroit ou bon moment (cela fait très Lynchien comme phrase). J’ai complètement kiffé la troisième par contre.
J’ai fini par offrir mon DVD de INLAND EMPIRE à Bruce. Un Lynch que je n’aime pas du tout.
J’ai dans un sens raté le coche mais son oeuvre ne cesse néanmoins de me fasciner (seul Erasehead m’a échappé). Et MULHOLLAND DRIVE m’a toujours ensorcelé par son ambiance, son atmosphère, sa musique, ses actrices, Hollywood…
Depuis l’annonce de son décès, qui m’attristé, je suis impressionné de lire et voir tous ces hommages provenant d’une communauté qui me ressemble. J’aime entendre que c’était le plus grand cinéaste encore en vie. Son œuvre est immense et son héritage encore plus.
Je garde une dernière belle dernière image de lui, celle de Lynch le passeur, en John Ford pour Steven Spielberg dans le magnifique THE FABELMAN.
Mes 3 Lynch préférés sont :
1 ELEPHANT MAN
2 UNE HISTOIRE VRAIE
3 MULHOLLAND DRIVE
Je peux comprendre qu’on accroche moins à Twin Peaks maintenant qu’à l’époque : tant de shows ont recyclé des dizaines d’idées de Lynch que, malgré son caractère unique, cela a un goût de déjà vu… Tu peux lire les interviews : chaque série novatrice ou presque, depuis Twin Peaks, se réclame de Lynch.
Il est amusant de constater combien Inland Empire divise. Alors qu’il est pour moi l’un des tous meilleurs. 🙂
« Une histoire vraie » est un très beau film. « Elephant Man » aussi. Mais ils ne possèdent pas pour moi cette dimension fascinante et hypnotiques des oeuvres plus récentes de Lynch.
Le cameo dans The Fabelman est formidable. J’ai tout de suite reconnu la voix de Davidou, en John Ford. J’étais dingue. Quelle scène de fin géniale !
Je ne suis pas fan de la scène où David Lynch joue John Ford dans le Spielberg.
Pour tout dire, je ne suis d’ailleurs pas du tout fan du film tout court.
Sinon, le plus grand cinéaste vivant, c’est Hou Hsiao-Hsien.
Mais malheureusement, il ne fera plus de films.
Hou Hsiao Hsien, je dois me pencher depuis un moment sur sa filmo. Que conseilles-tu ? J’ai vu Millennium Mambo, que j’ai pas trouvé fifou. Par contre, j’ai beaucoup aimé the Assassin.
Millenium mambo, c’est le film préféré de ma plus grande fille. Je l’ai vu plein de fois. Je le trouve génial.
J’ai découvert HHH dans les années 90 avec Goodbye south, goodbye qui fut un choc esthétique extraordinaire.
Ces quelques années des 90´s où on a pu découvrir en vrac des cinéastes comme HHH, WKW, Kitano, le cinéma HK de genre,… c’était vraiment le paradis.