X-23 par Marjorie Liu
Un article de JB VU VANVO : Marvel Comics
VF : Dents-de-Sabre Productions
Cet article portera sur la série régulière X-23 publiée par Marvel Comics à partir de 2010 et écrite par Marjorie Liu. Elle fait suite à un one-shot de la même auteure, sorti en 2010 sous le label Women of Marvel. La série est illustrée par plusieurs artistes : Will Conrad, Sana Takeda, Marco Checchetto, David Lopez, Ryan Stegman et Phil Noto. Ce titre est pratiquement inédit en VF à l’exception de 2 épisodes formant un crossover avec DAKEN: DARK WOLVERINE et publiés dans le X-MEN HORS SÉRIE n°4 de 2011.
Durant les événements du RETOUR DU MESSIE, l’existence de X-Force, équipe black ops de Scott Summers, a été révélée aux habitants d’Utopia. Laura Kinney doit ainsi faire face au regard de ses condisciples des NEW X-MEN, qui considèrent X-Force comme un escadron de la mort. De plus, à l’insu des X-Men, l’âme de Wolverine est happée en enfer et son corps est possédé par un démon. Confrontée à l’imposteur, Laura entend une mystérieuse voix, qui ravive en elle les souvenirs de son entraînement d’assassin et lui fait réaliser qu’elle a résisté autant qu’une enfant pouvait le faire et que, loin d’être une simple clone, elle a toujours été un individu à part entière. Laura quitte alors Wolverine et les jeunes mutants d’Utopia afin de découvrir qui elle est, loin du regard de ses proches. Gambit se porte garant de la jeune femme et l’accompagne dans son road-trip qui va lui faire parcourir le monde entier
La création de X-23 suit une trajectoire proche de celle de Harley Quinn : imaginée pour le dessin animé X-MEN EVOLUTION, elle a ensuite intégré l’univers des comics par le biais de la série NYX, puis lors de l’un des runs modernes de Papy Claremont sur les X-Men. Plusieurs mini-séries co-écrites par ses créateurs (Craig Kyle et Christopher Yost), X-23: INNOCENCE LOST et X-23: TARGET X, explorent le passé du personnage et la manière dont on a fait d’elle une machine à tuer. En dehors de ces séries, X-23 a surtout été membre de larges équipes, des NEW X-MEN à X-FORCE. Le problème que j’ai avec ces titres est que les récits qui lui sont consacrés ressemblent souvent à des redites des déboires de Logan avec le programme Arme X. La série de Marjorie Liu donne la chance au personnage de se détacher de son passé et de voler de ses propres ailes.
Eu égard à la tension artérielle du boss, je vais éviter de consacrer 3 paragraphes à chaque story arc de la série (Merci ! – Ndr). Je vais donc tâcher d’être bref pour les résumer : X-23 et Gambit rencontrent Miss Sinister, qui prétend s’être racheter une conduite. Mais les apparences peuvent être trompeuses. Laura croise également la route du fils de Wolverine, Daken, dans les bas-fonds de Madripoor, alors que Malcolm Colcord tente de relancer les expériences de l’Arme X. Gambit et X-23 reçoivent ensuite la visite de Wolverine et de Jubilee, qui est depuis peu devenue une vampire. À New York, Laura cherche des réponses auprès des 4 Fantastiques et sauve la jeune Valéria d’une possession. La Femme invisible, dont elle a gagné la confiance, lui confie la garde de Valéria et de Franklin Richards. C’est le moment que choisit Hellion pour renouer avec X-23. Une ultime mission avec Jubilée attire l’attention de la Veuve Noire, qui propose à Laura une nouvelle voie, celle de l’Avengers Academy.
Cette odyssée va permettre à Laura de parcourir l’univers Marvel et son histoire, et de mettre fin à quelques histoires en cours. Tout d’abord le run de Mike Carey sur les X-Men : après avoir assisté à la création de Miss Sinistre, Gambit est présent pour voir sa chute. Le dialogue évoque également la responsabilité du cajun dans le massacre des Morlocks, révélée sous Lobdell. De même, la virée de X-23 à Madripoor permet de mettre un point final à l’histoire de Malcolm Colcord, qui a fait les beaux jours de Frank Tieri dans les séries WOLVERINE et WEAPON X. Si la rencontre avec Jubilee remet Laura face à son passé, ses rencontres avec Spider-Man et les Fantastiques évoquent des récits beaucoup plus obscurs : la série de one-shots sur Captain Universe par Jay Faerber et, par extension, les Micronautes de Bill Mantlo.
Mais le périple de Laura n’est pas un prétexte pour faire référence à ce passé. Chaque rencontre lui révèle une part d’elle-même. À l’image de X-23, Claudine Renko, alias Miss Sinistre, a été victime d’expérimentations et tente de se libérer de son passé… au prix de la vie de Laura. Pour attirer cette dernière, elle utilise une jeune adolescente qu’elle fait passer pour une prostituée sous la coupe d’un souteneur, situation que Laura ne connaît que trop bien pour ceux qui ont lu NYX. Gambit, pour sa part, porte en lui une part d’ombre reçue au contact d’Apocalypse, et tente de racheter un passé sanglant. Jubilée, devenue vampire, dépasse sa nature de prédatrice. En rencontrant Daken, Laura voit ce qu’est un Wolverine véritablement amoral et découvre par comparaison sa propre humanité. Elle croise également le chemin de Cecilia Reyes, qui bien avant elle a pris la décision de s’éloigner des X-Men.
Marjorie Liu évite l’écueil sur lequel s’écrasera Bendis lorsqu’il intégrera Laura à ses All-New X-Men. Contrairement à ce dernier, Liu ne transforme pas Laura en jeune femme à la répartie facile, riant face au danger. Non, l’évolution est plus subtile, presque imperceptible. Dans les premiers numéros, Laura apprend qu’enfant, elle avait trop d’empathie pour une arme et que ses dresseurs lui ont fait perdre ces émotions à force d’entraînement. Au fil des rencontres, Laura retrouve cette nature. Face à des pirates modernes, elle se retient d’utiliser ses griffes, ressentant la peur d’hommes trop terrifiés pour se rebeller. Surprise par Gambit, elle le blesse et plonge dans une longue dépression. Ses interactions avec Jubilée, qui a déjà réussi à dérider Xavier, la pousse même à esquisser quelques sourires ! La rencontre avec les Richards commence mal lorsqu’elle se réveille dans le labo de Reed, mais elle entend des mots qu’on ne lui a jamais adressés : Richards s’excuse de ne pas avoir pris en compte ses sentiments ni pensé aux souvenirs traumatisants qu’un environnement scientifique stérile pouvait éveiller en elle. En lui confiant ses enfants, la Femme Invisible l’intègre tacitement à la “Première famille” de Marvel. Laura abandonne également l’objectif qu’elle s’était initialement fixé (en apprendre plus sur une cible qu’elle avait épargnée) car elle privilégie le bien-être de la personne concernée plutôt que son propre sentiment d’aboutissement.
J’ai beaucoup parlé de continuité. Cependant, Marjorie Liu fait quelques erreurs. Pour la pousser à tuer, les créateurs de X-23 l’ont entraînée à réagir à une certaine odeur qui la plonge dans une frénésie meurtrière non pas par réaction chimique, mais par un dressage intensif de l’enfant. Le hic, c’est que dans le récit de Liu, cette odeur qui éveille en Laura un réflexe pavlovien s’avère avoir le même effet sur n’importe quel quidam… Plusieurs fans de la série NEW X-MEN ont également pris ombrage de l’écriture du personnage de Hellion. Julian est mis à l’index des X-Men après son violent affrontement contre Karima dans le run de Carey et Marjorie Liu l’écrit comme un amant plutôt possessif et égocentrique. Cependant, la décision que prend Laura de rompre avec lui va dans le sens d’une émancipation du personnage.
Le lecteur retiendra principalement 3 artistes sur ce titre. Will Conrad, qui ouvre la série, a un style fin et dynamique qui m’a beaucoup rappelé celui de Mike Deodato Jr. – ce qui n’est pas étonnant puisqu’il a encré ses DARK AVENGERS. Conrad est un peu plus académique, mais il ouvre la série X-23 par un superbe paysage infernal jonché de squelettes, et propose quelques fulgurances. Dans le 3e numéro, figure par exemple une “page” traditionnellement découpée en cas mais partiellement “tirée” en arrière, sous laquelle apparaît une Laura essoufflée.
La seconde artiste marquante n’est plus à présenter : on connaît déjà le travail de Sana Takeda sur MONSTRESS de la même Marjorie Liu. Il semble que X-23 soit leur première collaboration. Sana Takeda parvient à montrer les sentiments de Laura tout en intégrant le manque d’expressivité du personnage : par un regard, une légère courbe des lèvres, l’artiste illustre la détresse ou la joie de X-23. Marjorie Liu lui offre dès les premiers numéros de la série les scènes intérieures de Laura, qu’il s’agisse du passé du personnage ou de la découverte de son individualité. Lorsque l’illustratrice devient l’artiste principale, elle alterne entre scène d’action (splendide combat contre un requin), moment intimiste (terrible scène d’automutilation de Laura) et d’autres passages mémorables, notamment la dernière page controversée du 10e numéro de la série.
Phil Noto prend en charge la dernière partie de cette série. Noto est assez connu pour avoir un style froid, impersonnel. Pour le coup, le personnage de X-23 correspond parfaitement à son trait. De plus, Marjorie Liu sait l’utiliser en lui confiant le récit de la rencontre avec les Richards, dont il retranscrit les laboratoires aseptisés. S’il est très académique, Noto a droit à quelques scènes en dehors de sa zone de confort, telle la transformation très gore d’un personnage qui s’arrache la peau du visage. Des scènes sur une planète désertique ou dans des limbes totalement noires prennent en compte ses limites en termes de gestion des décors. Il porte également la charge d’un dernier numéro entièrement silencieux. Malheureusement, cette conclusion est assez ratée, entre autres raisons à cause de son style.
Le fin de ce titre est très abrupte. Son personnage étant transféré dans la série AVENGERS ACADEMY, Marjorie Liu ne résout pas toute ses intrigues en cours. La dernière histoire prend un concept vu et revu, celui de l’affrontement du personnage principal contre sa part sombre. De la série STAR TREK à L’EMPIRE CONTRE ATTAQUE en passant par TWIN PEAKS: LE RETOUR, SUPERMAN III ou encore THE SENTRY, on ne compte plus les héros qui affrontent un double maléfique symbole de leur colère ou de leur violence. Et Phil Noto ne donne pas dans l’originalité : Laura affronte une copie négative d’elle-même à la peau sombre. Faute de goût pour ma part : après avoir croisé des personnages qui servaient de miroirs métaphoriques pour Laura, je trouve que la faire affronter son propre reflet est d’une banalité sans nom. De plus, en se trimballant en tenue d’Eve aux côtés d’animaux sauvages, elle redevient une simple copie de Logan qui tend à se balader à poil en pleine nature tous les 4 matins. Un choix très dommageable après avoir passé toute une série à faire de Laura une personne à part entière. Mais si je n’ai pas aimé la destination, j’ai au moins adoré le voyage !
BO : J’ai une âme, mais je ne suis pas un soldat…
Hello,
Merci pour ce tour d’horizon d’une série que je ne connaissais pas.
En bon lecteur conservateur (c’est à dire qui apprécie peu le changement), j’avais boudé ce personnage issu d’un clonage-machin-chose…
J’ai appris de-ci, de là à l’apprécier…
Je suis assez surpris de voir que la série n’a pas été traduite par Panini, les mutants ont-ils à ce point perdu de leur aura vendeuse à cette période?
J’ai bien aimé la blagues pour la VF du coup… ^^
On les aime, nos clones : Ben Reilly, le Superboy des années 90, Namorita ou encore, rien qu’avec les X-Men, Maddie ou Joseph ?
Inédit VF : Le truc étonnant, c’est que la série « soeur », Daken de la même Marjorie Liu et Daniel Way, a eu droit à sa publication dans des Wolverine Hors Série.
Les clones…
Maintenant que tu le dis, il y en a plein (c’est pas le ressort dramatique d’un crossover mutant/spider-man cette année d’ailleurs? )
Madelyne, j’aimais m’idée qu’elle soit apparue le jour de la mort de Jean… Pour moi c’était une réincarnation cosmique, un délire presque spirituel et mystérieux, la voir dans un tube à essai durant INFERNO, m’avait bien déçu…
Namorita, c’est un clone aussi? Dans la série de Byrne? ( je me souviens de la couv’ MY MOTHER/MYSELF)
Joseph….Comment dire…J’ai pas suivi du tout cette période…
Ben et Connor, oui c’est vrai je les aimais bien aussi…ça dépend de la série en fait… (ça me rappelle qu’il faudrait que je lise YOUNG JUSTICE de PAD…)
Namorita : clone de Namora (qui elle-même est revenue dans Agents of Atlas)
Je me souviens avoir lu ces épisodes mais je n’ai plus le moindre souvenir de ce que ça pouvait bien raconter. 🙂
C’est la lecture de l’excellente série de fantasy Monstress de Liu et Takeda qui m’avait incité à lire ces épisodes pour voir ce que leur première association avait pu donner. Mais c’est purement anecdotique par rapport à l’univers très riche qu’elles ont créé pour leur série chez Image.
Ca me rappelle d’ailleurs que j’ai deux ou trois tpbs de retard sur la lecture de Monstress et qu’il faudrait que je rattrape ça sans trop tarder.
La BO : robinet d’eau tiède
Je dois me les dégotter, les tomes de cette série !
Merci JB pour la présentation d’une série que je ne connais pas du tout ni ses autrices, et je n’ai pas tenté Monstress. Et j’ai rencontré X-23 pour la première et seule fois dans le film LOGAN. Je trouve la première couve très belle. Je suis étonné que Panini ne publie pas ça en VF.
En lisant tes résumés, je vois bien que ce n’est pas pour moi : je ne connais pas la plupart des personnages ni même les séries que tu cites. Ce serait donc une lecture où je ne comprendrais sûrement pas grand-chose.
Certains scans sont attirants en tout cas.
La BO : sympa mais rien de remarquable, je n’ai jamais accroché à ce groupe.
Salut JB.
Je pense j’aurais apprécié cette série en VF il y a 13 ans même si honnêtement le personnage de X-23 ne m’a jamais intéressé. Comme Daken, j’ai toujours trouvé que faire des Wolverine-bis est une mauvaise idée ou un aveu d’une imagination en berne.
Ayant pris un virage à 180° sur la production mainstream des big-two, je ne suis pas près de m’y remettre.
Un bonne review, qui va à l’essentiel, d’un titre qui à mon avis se perd dans un cahier des charges imposé à Marjorie Liu de balader Laura dans tout l’univers Marvel.Par opposition Greg Rucka avait fait preuve d’originalité dans le traitement de Logan lors de sa relance de la série WOLVERINE.
La BO : je ne connaissais pas mais très bonne surprise. Un petit côté THE STROKES
Paradoxalement, l’idée est de faire la distinction entre Logan et Laura et d’identifier celle-ci comme un personnage à part entière. D’où la déception de la retrouver dans le numéro final à poil dans la neige parmi les loups, une image souvent associé au canadien.
Bien joué JB !
Liu m’avait catastrophé sur ses X-Men, indifféré avec Monstress (des blocs de textes à n’en plus finir +allergie à l’heroic fantasy = adios), là tu me donnerais carrément envie de m’y plonger puisque la psychologie de Laura a l’air (à répéter 10x à haute voix) travaillé.
J’avais lu le run de Tom Taylor et m’y étais très vite ennuyé : c’était l’histoire d’une clone qui affrontait d’autres clones… En bref, c’était chiant et tu m’apprends que le run se termine avec une confrontation analogue ce qui me laisse à penser qu’on tôt fait le tour du propriétaire.
Mais j’aime beaucoup les dessins, l’ambiance et ce que tu en décris.
Si le truc sort en VF, c’est envisageable.
Chez Bendis, Laura elle se branchait le jeune Cyclope, c’est ça ?
La BO : fan de cet album. Me suis pas aventuré après.
Pour Bendis, oui, il me semble, mais je dois avouer que j’ai fui les All New X-Men comme la peste. J’ai surtout lu quelques numéros avec Laura, et le personnage est méconnaissable…
Pour la BO, je dois avouer que je le connais surtout du film le plus foutraque que j’aie jamais vu, Southland Tales (un Justin Timberlake balafré fait un lip-dub de cette chanson entouré de danseuses vêtues d’un uniforme fétichiste d’infirmière…)
Une série que je n’ai pas lu car je n’accordais qu’une confiance très limitée à Marjorie Liu à l’époque, et le personnage de Laura Kinney ne m’attirait pas.
Cette odyssée va permettre à Laura de parcourir l’univers Marvel et son histoire, et de mettre fin à quelques histoires en cours : je ne me serais pas attendu à ça de la part de Liu, belle preuve d’appréciation de l’univers partagé Marvel et de respect du travail de ses prédécesseurs.
Will Conrad : Sympa. Sana Takeda : très bien en artiste complète assurant sa mise en couleurs. Phil Noto : ça marche plus ou moins bien pour moi en fonction des séries.
Pour un fan de la continuité comme moi, c’est une très belle intégration à l’univers partagé, pas gratuite car elle permet à l’autrice d’étudier le perso et de le faire évoluer.
Tu m’as donné envie d’essayer cette série. Je suis allé lire les premiers numéros en ligne. Le dessinateur change très souvent. Le début à Utopia ne m’a pas trop accroché car je n’ai pas d’attache pour cette période. Une fois que Laura quitte le nid, c’est sympa mais ça fait un peu du sur-place. J’ai bien aimé la scène toute simple où Gambit lit l’avenir dans les cartes…
Je vais finir par curiosité mais je pense que ce run manque d’une ligne directrice assez forte. Je comprends toutefois ta remarque sur le voyage vs la destination, il y a pas mal de dessinateurs pas manchots qui officient.
Le cœur de la série pour moi, c’est vraiment les numéros illustrés par Sana Takeda