Tomorrow par Peter Milligan et de Jesùs Hervàs
Un article de BRUCE LITVO : Dark Horse
VF : Urban Comics
Écrit peu avant avant la pandémie COVID 19 ( Milligan s’en explique en postface), TOMORROW est un récit complet en 5 épisodes. Publié chez DARK HORSE par la légendaire Karen Berger (Mme VERTIGO), TOMORROW est scénarisé par Peter Milligan et illustré par Jesùs Hervàs.
Article garanti sans spoils majeurs.
Lorsqu’un virus informatique franchit la barrière des espèces et touche la race humaine – éliminant au passage la plupart des adultes- le monde se retrouve de facto entre les mains de la génération suivante… Le lecteur va principalement suivre le destin d’Oscar Fuentes un prodige musical qui va partir à la recherche de sa soeur jumelle Cira.
C’est vrai que l’on ne parle jamais assez de Peter Milligan responsable de runs mémorables pour HELLBLAZER, la fabuleuse reprise de HUMAN TARGET et les grandioses SHADE et X-STATIX. Récemment, il a signé de fort belles pages avec BRITANNIA et AMERICAN RONIN.
Seulement voilà, le nom de Milligan est également associé à des épisodes infamants pour les XMEN et RED LANTERNS pour qui Présence aura commis, en 9 ans d’existence du blog, son seul Bullshit Detector. L’homme peut être aussi génial qu’irrégulier. Nous allons voir qu’il peut être aussi fonctionnel quand il assure le minimum syndical.
Nous sommes désormais des enfants gâtés du survivalisme. De la réalité de la pandémie, ses complots, ses vagues successives et ses controverses aux fictions successives via l’imaginaire zombie de WALKING DEAD à CROSSED ou BLACK SUMMER, ROVER RED CHARLIE ou DCEASED, il est désormais très facile de réciter son abécédaire apocalyptique.
De la menace invisible aux premières victimes, de la désorganisation de la société à son plus haut sommet aux premières exactions de citoyens autrefois irréprochables, bien naïf serait le lecteur qui pourrait prétendre ne plus savoir évoluer dans des amas de clichés comme ces personnages parmi les cadavres.
Reste donc l’originalité, le style et le traitement de l’Apocalypse pour tenter de se démarquer des classiques absolus du genre et force est de constater que Milligan sait tirer son épingle du jeu. Son virus est passé du statut de virus informatique à celui organique. Les jeunes qui depuis leurs plus jeune âge ont grandi avec des ordinateurs, des téléphones portables et des tablettes ont permis à leur cerveau d’être plus résistants que les adultes.
Il met également en scène un jeune musicien atteint de distance émotionnelle pour lequel la musique et sa relation fusionnelle avec sa sœur jumelle est sa seule attache au monde.
Une approche originale qui très vite, trop vite, renoue avec les poncifs du genre de manière décevante lorsque l’on s’appelle Peter Milligan et qu’on sait faire de preuve de génie.
Tout d’abord, il diminue la force de la quête d’Oscar envers sa sœur avec des personnages sans envergure : des militaires livrés à eux-mêmes, une équipe de football américain dont le leader est un psychopathe et un père de famille ventripotent qui détiendrait la souche d’un vaccin.
Les intentions de Milligan sont floues ; veut-il montrer comme le veut l’ère du temps qu’il est temps pour les Boomers de payer leurs crimes aux Millenials ? C’est en tout cas son point de départ avant qu’il ne se ravise : hommes et femmes sont mauvais, c’est la société qui les police. Bon, on a connu plus pertinent, Milligan cite ses sources (SA MAJESTÉ DES MOUCHES ) et le lecteur ne peut s’empêcher de sourire de dépit lorsque la sœur du héros échoue dans une secte féministe et lesbienne comme Hero dans Y, THE LAST MAN.
Très vite, on comprend que Milligan ne maîtrise pas le récit choral qu’il a voulu mettre en place. Il instaure un rythme de sérié télévisée avec des voix polyphoniques qui n’ont que 5 épisodes pour s’exprimer. Au point que toutes ses intrigues meurent dans l’œuf pour que notre héros comprenne qu’il ne doit désormais voir le monde qu’au travers ses propres yeux.
En affublant son personnage central de neuro-atypisme (un trouble proche de l’autisme), Milligan se prend les pieds dans le tapis : pour mettre en scène le dysfonctionnement émotionnel d’Oscar, il faut qu’il se confronte à d’autres personnes. Or, la plupart du temps il erre seul avec un compagnon de route qui…ne sert à rien et dont Milligan se débarrasse avant la fin après une ellipse grossière.
Quant à l’intrigue scientifique, elle est si bâclée que c’en est embarrassant au regard du talent de Milligan. Le sort de l’humanité entière ne dépendrait que de deux hommes, sans appui d’une équipe ou d’un laboratoire véritable. Milligan veut montrer que les Etats-Unis et la Russie peuvent collaborer. Hélas c’est caricatural à l’extrême, jamais convaincant et le twist final ridicule.
Malgré de très jolies couvertures les dessins sympathiques de Jésus Hervàs et une histoire qui se lit sans déplaisir, ce TOMORROW qui promettait beaucoup a un goût de lendemain qui déchante. La faute sans doute à un pitch ambitieux que Milligan n’arrive jamais à transformer en scénario. Une ENIGMA d’autant plus incompréhensible que dans LES CANNIBALES il montrait qu’il maniait à merveille le récit post-apocalyptique et le format court.
La BO du jour
Je n’avais jamais entendu parler de cette série mais on peut dire que tu ne donnes pas envie ! Cela fait longtemps que je veux me prendre les HUMAN TARGET car je ne pense pas avoir lu de Milligan un jour.
En tout cas merci pour la présentation, tout ceci me rappelle un peu trop la première saison de UMBRELLA ACADEMY.
Celui-là m’a longtemps tenté car je reste attaché à Peter Milligan, pour une partie des œuvres que tu as citées, et pour quelques autres comme Enigma avec Duncan Fegredo, Discipline avec Leandro Fernandez, Happy Hour avec Michel Montenat, Terminal Hero avec Piotr Kowalski…
Mais comme tu le dis si bien, il arrive à Milligan d’écrire des récits pas bien finis, et d’accepter des jobs alimentaires. Je vais donc me ranger à ton avis et continuer de me tenir à l’écart de ce récit.
Ah mais si j’ai lu ENIGMA ! D’ailleurs je dois toujours en faire un article…
En voilà une bonne idée !
Je ne connaissais pas du tout le Neuro-atypisme !
Est-ce un trouble connu et validé par la communauté scientifique ?
En m’y intéressant de plus près je n’ai rien vu de différent avec l’autisme.
Le terme neurotypique m’est beaucoup plus familier.😃
J’ai aussi appris, en te lisant, que Milligan est responsable d’un run mémorable sur le Sting des comics.
Je suis allé voir direct ma bédétheque… Alors, j’ai du Delano, du Ennis, du Ellis, du Azzarello, du Carey mais pas de Milligan !
Va falloir remédier à ça.🙂
Un petit mot quand même sur la BO.
Revolver est l’un de mes 3 albums préférés des Beatles.
Le Beatles et les Stones sont les groupes les plus représentatifs de ma discothèque. Je possède la quasi-totalité de leur discographie en CD et en vinyles.
C’est très bien d’avoir envie de lire du Milligan malgré ma review tiédasse. Vraiment, HUMAN TARGET est d’une rare intelligence.
REVOLVER a également été ma porte d’entrée vers le Beatles sérieux. J’entends par là qu’il s’agissait d’une alternative aux double bleus et rouges basés sur les singles les plus populaires.
« REVOLVER a également été ma porte d’entrée vers le Beatles sérieux »
Oui, les Beatles sérieux ont commencé avec l’album juste avant… RUBBER SOUL.
Le double bleu et le double rouge… Rah la la …. Comme tu as eu raison de passer à un album complet…quand il s’agit des Beatles il ne faut pas se contenter de compilations !
Je ne vais pas refaire ton éducation musicale… hein !😉
Ce n’est probablement pas le plus marquant de leur carrière, mais mon album préféré des Beatles est Rubber soul. Sans doute car il me rappelle de bons souvenirs 🙂
ouille ouille ouille
comme tu désamorce par ton texte le désintérêt que se produit pour une telle BD…
Oui le post-apo c’est désormais totalement pompier et cliché… tout est attendu.
du coup il faut être fan du genre en lui même un peu comme pour le super héros parce que ça devient une sorte d’exercice de style avec figures imposées…
deuxième truc casse gueule: le musicien, la musique, son impact est très difficile à rendre n BD, un art totalement dépourvu de son.
Enfin Milligan, c’est un génie sur HUMAN TARGET (voilà peut-être mon Vertigo préféré-en réponse à une conversation que j’ai vu ailleurs sur ce blog), mais bien souvent, il fait des trucs totalement sans saveur, son run sur les X-Men étant un cas d’école d’un grand nom qui se vautre totalement pour faire un truc bien plus pourri que n’importe quel « Howard Mackie » des familles…
les dessin sont jolis, à voir en médiathèque… ^^
Pour la BO, REVOLVER fait parti de mes deux ou trois albums préférés du monde… et Tomorrow never knows encore plus avec cette batterie tribale hypnotique, je suis aux anges…
On finit par oublier les Beatles tellement c’est évident quelque part… (j’ai quand même écouté le double blanc il y a pas une semaine…comem quoi c’est jamais loin.)
J’ai aussi réécouté le WHITE ALBUM il n’y a pas si longtemps car j’ai racheté le vinyle dans sa nouvelle édition anniversaire des 50 ans.
Alors pourquoi j’ai acheté cette édition…Simplement parce que c’est le fils de George Martin qui a fait un nouveau mixage / remasterisation en partant des bandes originales. Tout ceci valide par Paul himself qui n’était pas loin.
J’ai pris une claque monumentale tellement j’ai été bluffé par la qualité sonore de ces disques.
Mince alors ! La dernière fois où j’ai lu du Milligan c’était sur les X-Men où, comme tu le dis, il ne donnait pas le meilleur de lui même … Ca n’a pas l’air de s’améliorer avec celle-ci 🙁
Quelle tristesse, car il était pour moi à égalité avec Gaiman sur la période Vertigo !
Du reste pour ceux qui ont lâché l’affaire, Milligan a fait de bonnes séries ces 10 dernières années ?
BRITANNIA 3 tomes en VF dispo chez Bliss ou en VO chez Valiant : l’histoire fictive du détective privé (on dit « Détecteur ») de l’empereur Néron. Divertissant et malin.
il doit faire un come-back sur X-STATIX je crois…
c’est le truc marrant c’est que ls auterus britishs ne cachent pas du tout leur mépris pour le comics de super héros.
En soi je peux le concevoir.
Alan Moore ne veut plus avoir à faire aux big two, c’est acté.
Garth Ennis dégueule dessus tout le temps mais il lui arrive de jouer le jeu comme dans se dernière mini série Batman/Killer Croc sur le Black Label (où il ne réinvente pas la roue, mais c’est drôle à lire) ou la mini Hulk Smash, Tangled web, voir même HITMAN ou DEMON. quand il le fait, il propose un truc très en ça de ses propres productions, mais il ne cherche pas à insulter le lecteur (tout le nuance qu’on peut avoir entre insulter le lecteur et insulter le personnage)
Warren Ellis aime le genre même s’il s’en défend (PLANETARY est une preuve) et il concède pouvoir travailler sur le super héros pourvu qu’il ait un peu de liberté et que ce soit court. du coup ses production Marvel sont encore en dça de ce qu’on attend d’un truc signé par lui, mais c’est propre, lisible, souvent flirtant avec la limite à ce qu’autorise les éditeurs. On sent que c’est un jeu pour lui.
Milligan que ce soit sur ELEKTRA ou X-MEN, il n’essaie même pas, il sait qu’il fait de la merde mais comme il y aura assez de porc pour en bouffer, c’est tout schuss! c’est ce qui fait que je me désintéresse de ce qu’il pourrait produire pour tout autre boulot non « indépendant »
Je n’ai jamais lu son ELEKTRA. Peut-être le numéro 1 avant de réaliser que personne ne pourrait écrire ce personnage comme F Miller.
Sur les XMEN, il écrit quand même des origines remarquables à Monsieur Sinistre.
Un article est prêt : PREACHER a tout les codes d’un comics de super-héros.
oui la mini dessinée par John Paul Leon? c’était très sympa en effet, je ne me souvenais plus que c’était écrit pas Miligan…c’est comm elire du Warren Ellis du premier passage Marvel, c’est totalement insoupçonnable (sa mini sur les Starjammers par exemple…)
En lien direct avec son run sur Excalibur ^^
– Terminal Hero (2014/2015) avec Piotr Kowalski
https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/R2Q8YCDFDSSZ2X/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=1606906976
– The Discipline (2016) avec Leandro Fernandez
https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/R37TPKW5B486ME/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=1632159228
– Ronin (2020) avec ACO
https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/R1V4EBAUMGLIUT/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=2809498083
– Happy Hour (2021) avec Michel Montenat
Je serais moins élogieux sur The Discipline qui n’est finalement (à mon avis) qu’une nième version de la rivalité Vampires/Loups Garous. Un peu comme si 50 nuances était resté une fanfic de Twilight !
Oui j’ai vu passer cet album chez Urban mais je n’ai pas sourcillé. Il fut un temps où je l’aurais mis dans ma liste « à acheter » 6 mois avant sa sortie « parce que Milligan ». Mais ce temps est révolu et je ne m’en porte que mieux.
L’idée est maintenant d’attendre les avis et les articles des copains avant de m’intéresser à un truc que je ne connais pas (bon, là c’est clairement à éviter. Merci Bruce), quel qu’en soit l’auteur (à part si c’est Alan Moore, faut pas déconner).
Deux créations de Milligan rééditées en intégrale en VF m’ont interpellé cette année : BRITANNIA et ENIGMA.
Pour l’instant, j’ai pas acheté.
BRITANNIA : Commentaire amazone tiède de Présence qui a refroidi mes ardeurs (oui, 4 étoiles pour Présence = tiède 🙂 ).
ENIGMA : Commentaire amazone très élogieux de Présence, mais qui décrit une BD très, très cryptique (un peu comme celle d’hier par Rick Veitch).
Ces derniers temps, j’ai changé. Je suis lassé des BDs cryptiques. Je me suis aperçu que j’avais une très grosse envie de recommencer à lire des choses très fluides. Pas des conneries décérébrées façon super-héros/combat du mois, mais des histoires prenantes qui se lisent en tournant les pages. Par exemple la collection Flesh & Bones conseillée par Matt, c’est mon coup de coeur du moment : Des petits one-shot thriller/horreur qui se lisent d’une traite, simplement divertissants mais prenants, intelligents et bien faits, avec des dessins fonctionnels et une mise en forme parfaite. Après avoir un peu tout essayé, on finit par savoir ce qu’on préfère. Ce que je préfère c’est 1) le Sujet (vaut mieux qu’il y ait un peu de karaté et quelques vampires et quelques licornes plutôt que mes voisins qui se lèvent le matin et se couchent le soir dans le même décor que celui de mon quartier… 😀 ) et 2) que ce soit bien fait et clair (dans la forme).
La BO : Oui. Pas de soucis avec le côté psyché, Bruce ?
Aucun problème. C’est maîtrisé et on entend encore la chanson.
Autrement dit, tu es dans une période Punk de lecteur 😉
C’est-à-dire ? 🙂
Sans fioritures, droit à l’essentiel sans cérébralisme.
Milligan n’est pas Millar, loin s’en faut, mais je me demande s’il n’avait pas une idée d’adaptation derrière la tête en commençant cette série.
Pour le coup, Millar s’en sort mieux.
On lui reconnaîtra un génie du concept et des caractérisations qui marche.
Dommage que la critique soit plutôt négative… Le thème, le personnage principal, me tentaient bien…
Je pense que le terme neuro-atypique est la simple opposition au terme neurotypique (la plupart des gens), ce qui veut dire que les personnes atteintes de troubles du spectre autistique sont tous des neuro-atypiques. Le spectre est très large. On n’utilise plus trop le terme d’autiste maintenant, pour pouvoir inclure toutes les formes et les degrés d’autisme, qui sont très nombreuses.
Merci pour cette précision. kaori. J’essaierai d’utiliser le terme neuro-atypique à la place d’autiste dorénavant.👍
Alors attention, les personnes neuro-atypiques ne sont pas toutes autistes. Mais toutes les personnes souffrant de TSA (Troubles du Spectre Autistique) sont neuro-atypiques. Pour les matheux, un carré est un rectangle, mais l’inverse n’est pas vrai. Ben là c’est pareil. Les neuro-atypiques, ça englobe les Haut Potentiels, les Dys (lexiques, graphiques, etc), les TDA/H (troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité)…. Bref, tous ceux qui n’ont pas le cerveau calibré de manière « classique ».