1ère publication le 24/11/16- Mise à jour le 16/01/21
Mystique par Brian K.Vaughan, Sean McKeever et collectif
Un article : MATTIE-BOY
VO : Marvel
VF : Panini
Cet article sera consacré à la série Mystique en 24 épisodes de Brian K.Vaughan et Sean McKeever publiée entre 2003 et 2005. L’intégralité de la VF a été publiée par Panini en version kiosque et en deluxe en janvier 2021
Au début des années 2000, nous sommes dans une période où Marvel tente beaucoup de choses intéressantes. Des récits adultes, des miniséries consacrées à des personnages plus secondaires, et surtout pas encore de crossovers annuels qui forcent toutes les séries à orienter leur conclusion vers cette obligation éditoriale.
La conclusion de cette série ne sera pas pour autant toute rose puisque Brian K.Vaughan abandonnera le navire au milieu de l’aventure pour laisser la place à un scénariste moins inspiré. Est-ce pour autant une série pourrie ? Eh bien…comme vous pouvez voir ma note en début d’article, ça ne sert à rien de jouer la carte du suspense, et donc je dirais que non. Ça reste une série bien sympathique mais avec des défauts. Nous allons voir pourquoi.
Tout d’abord laissez-moi vous dire que j’adore Mystique. C’est certainement ma « bad girl » préférée de l’univers Marvel. Créée à la base en 1978 par Chris Claremont et Jim Mooney dans la série Ms. Marvel, elle était destinée à être une ennemie de Carol Danvers avant de débarquer chez les X-men en tant que leader des mauvais mutants et mère adoptive de Malicia. J’avoue que j’ai toujours beaucoup aimé son design. En plus, elle a le pouvoir le plus cool du monde. L’invisibilité peut aller se rhabiller. A quoi ça sert de s’introduire en fraude en étant invisible quand on peut devenir la personne autorisée à entrer ? Et puis faut être tout nu pour être invisible, ça caille un peu. Comment ? Mystique aussi est nue ? Euh…ouais, j’y reviendrai.
Et puis franchement, ce n’est pas le fantasme ultime cette femme ? Imaginez ce qu’elle peut…hein ? Ah, pardon ! Une des voix dans ma tête me dit de me calmer avant que ça dérape.
Bref, Mystique est un personnage que j’apprécie particulièrement et dont le potentiel a finalement rarement été exploité. Avec un pouvoir pareil, elle peut être autrement plus intéressante que des ennemis tout en muscles. Le pouvoir parfait pour l’espionnage par exemple. Et c’est justement ce que nous propose Brian K. Vaughan dans cette série qui lorgne du côté des James Bond avec une vilaine à moitié repentie dans le rôle titre.
Le pitch de départ s’articule autour d’une activité que mène le professeur Xavier et dont nous ignorions tout : il dirige des agents secrets mutants qui effectuent des missions délicates aux quatre coins du monde qui pourraient générer quelques conflits diplomatiques si ça se savait. Le tout pour venir en aide à des mutants la plupart du temps. Il fera appel à Mystique pour cela et s’arrangera pour qu’elle coopère et rende des services à la mutanité.
Cette série est parfois décriée par les puristes pour certaines raisons. D’une part, parce que Mystique n’est pas dépeinte comme une garce absolue tout le long de l’histoire. Mais comme un personnage qui peut avoir de bons côtés. Pour moi, ce côté non-manichéen est au contraire une bonne chose. Oui, Mystique est une terroriste impitoyable, mais on savait déjà qu’elle a des sentiments sincères pour Malicia, sa fille adoptive. Ça ne l’a pas empêché de la blesser à plusieurs reprises comme lors du complexe du messie, mais en sachant très bien ce qu’elle faisait. Elle trahira tout de même Sinistre pour guérir sa chère fille par tous les moyens. Même en prenant le risque de tuer un bébé. C’est donc un personnage très ambigu. Le plus souvent mauvaise, mais avec des sursauts d’humanité, très ciblés cependant, mais qui permettent de nous la rendre intéressante à suivre.
L’autre reproche souvent fait par les fans de la continuité, c’est que Xavier l’engage alors que Mystique est responsable de la mort de Moira MacTaggert, ancien amour de Xavier. J’ai envie de dire que je m’en fous complètement si l’histoire ici racontée est de bonne facture. Car le concept de base n’est pas bête. Ensuite, la continuité étant devenue très complexe, avec des personnages qui ont souvent changé de camp, ça me paraît léger comme argument. Et puisque la continuité est malléable, on pourrait jouer le jeu des puristes en prétendant que Xavier n’est pas un homme à se laisser guider par son envie de vengeance. Et ce serait finalement parce qu’il en veut à Mystique qu’il n’hésite pas à la faire chanter pour qu’elle remplisse sa mission et soit utile à la cause mutante.
Au niveau de l’intrigue, il s’agit principalement d’un jeu d’agent double. Mystique est engagée pour enquêter dans divers pays (Cuba, Pyongyang, etc.) avec l’aide de Shortpack, un mutant télépathe minuscule qu’elle pourra promener dans sa poche. Tout ça parce que Prudence Leighton, un ancien agent de Xavier s’est fait assassiner. Au cours de ses missions, Mystique sera abordée par un agent d’un camp ennemi travaillant pour le mystérieux Quiet man qui lui proposera de le rejoindre et d’assassiner Xavier. L’intrigue va donc tourner autour de la loyauté toute relative de Mystique qui, même si elle peut trouver un intérêt à servir la bonne cause, reste une femme qui agit surtout pour elle-même et n’aime pas recevoir d’ordres. Que ce soit d’un camp ou d’un autre.
La faiblesse du scénario vient du changement de scénariste. En effet, McKeever se focalisera davantage sur la résolution des intrigues que sur les sentiments des personnages qui constitue un point fort de la partie de Vaughan. On en apprenait en effet davantage sur les motivations de Mystique, que ce soit à travers ses dialogues avec Shortpack ou sa relation avec Forge (à qui Xavier a confié la fabrication des gadgets de notre espionne, lui donnant ainsi un rôle proche de Q de James Bond) Forge ayant été amoureux de Mystique par le passé, les rapports humains en sont parfois croustillants.
McKeever ne saura pas forcément quoi faire de ce que Vaughan avait prévu de développer plus en détails, et se contentera donc d’une intrigue plus linéaire et moins axé sur l’ambiguïté de Mystique, même si elle reste assez imprévisible. A sa décharge, ce n’est sans doute pas évident de devoir prendre la suite d’une série imaginée par un autre. Il est évident qu’il ne pouvait aller dans le même sens que Vaughan. Et s’il rate un peu les personnages en les rendant trop lisses, il termine tout de même le travail sur les intrigues d’espionnage convenablement, malgré une révélation de fin sur l’identité du Quiet man assez décevante. Je ne trouve pas qu’il saccage le travail de Vaughan. Il le laisse surtout en plan sans remettre en question ce qui a été dit.
Toutefois, il glissera une ou deux idées censées nous en dire un peu plus sur la belle bleue. Comme lorsqu’elle reproche à l’agent du Quiet Man d’avoir abimé son livre Le portrait de Dorian Gray en lui demandant si rien n’est sacré pour lui. Elle ajoutera que s’il continue à la gonfler, elle lui collera ce magnifique livre dans le fondement. Considérant que le portrait de Dorian Gray est une histoire traitant de la façon dont un homme fout en l’air sa vie personnelle, sociale et sentimentale à cause de son narcissisme, on peut se demander si ce qui a pu plaire à Mystique n’est pas lié à une introspection qu’elle a pu faire sur sa manière de vivre sa vie et d’utiliser les autres qui l’a éloignée de ses proches comme Malicia. Ou si ce n’est pas une preuve qu’elle a finalement assez peu d’amour pour elle-même et qu’elle cherche à compenser. Ainsi tel Dorian Gray qui associe l’intérêt de sa vie à son apparence uniquement et qui fuit la vieillesse, elle chercherait à fuir sa propre image qui lui faisait déjà horreur dans les épisodes de Vaughan grâce à son pouvoir. Ce serait une prison dans laquelle s’enferme notre chère Raven.
Ah, pardon ! Elle ne veut plus qu’on l’appelle Raven. C’est pourtant le premier nom qu’on lui a connu. Mais peut-être pas le vrai alors ? Mais qui est cette femme, à la fin ? Vaughan s’amuse pas mal avec son passé à la manière du Joker dans The Dark Knight qui raconte à chaque fois une version différente sur l’origine de ses cicatrices. Ici, Mystique nous livrera quelques révélations de son passé avant qu’un élément vienne faire planer le doute sur l’authenticité de ses propos.
C’est aussi dans cette série que pour la première fois il nous sera explicitement révélé que Mystique est constamment nue. Un peu comme Bryan Singer avait choisi de la dépeindre dans ses films X-men. Et en fait, ça tient totalement la route. Relisez les vieux épisodes de Claremont dans lesquels on voit Mystique. Elle transforme bien ses vêtements aussi. Comment fait-elle ? Les vêtements ont un super pouvoir eux aussi ? Décider que les vêtements font aussi partie de son corps est une explication très logique. Par contre cela repousse les limites de ses pouvoirs. Quand on y pense, c’est peu ragoutant en fait. Elle pourrait donc faire pendouiller des bouts de peau ? Hum…
Et peut-elle retirer une veste ? Cela voudrait dire qu’elle peut se séparer d’un bout de son corps. Elle ressemblerait un peu trop à Clayface dans Batman à ce compte-là. Elle est tout de même censée avoir un squelette. Et quand bien même elle est capable de déplacer ses organes et d’allonger ou rétrécir ses os, on sait qu’une balle en plein cœur la tuerait. Donc ce n’est pas un tas d’argile comme Clayface.
Mais bon, nous sommes dans un comics, ne nous embarrassons pas outre mesure de ce genre de détails qui n’ont aucune logique scientifique de toutes manières. Brian K. Vaughan décidera de développer les pouvoirs de Mystique qui vont plus loin que le simple changement d’apparence. Cela donnera lieu à des choses intéressantes, et aussi à des trucs ridicules trop exagérés, mais plutôt dans la période McKeever.
Le principe des pouvoirs de Mystique est donc étendu à la capacité de se faire pousser de nouveaux membres, mais pour une courte durée (pour tenir plus de flingues par exemple). L’effort l’épuise et Vaughan décide tout de même que ses pouvoirs ne peuvent la rendre plus forte ni altérer sa masse quand bien même elle prendrait l’apparence menaçante d’un colosse ou celle d’une petite fille. Son organisme ne fait que s’étirer ou se comprimer. Rien ne se perd, rien ne se crée, n’est-ce pas ?
Plus récemment, je crois savoir que ses capacités ont encore été augmentées et qu’elle peut modifier sa masse et copier les pouvoirs des autres. Pour ma part, je ne suis pas fan de ces évolutions « toujours plus dingues ». C’est vraiment trop jouer avec la suspension consentie d’incrédulité, même si les pouvoirs de base sont déjà impossibles scientifiquement. Trop c’est trop. Comme avec le facteur auto-guérisseur de Wolverine. Lorsque c’est trop efficace, on y perd en crédibilité et la tension dramatique n’est plus la même puisque le personnage semble invincible.
McKeever ira trop loin parfois avec cette idée. Mystique changera ses bras en ailes d’avion. Euh…une membrane pour planer sous ses bras aurait suffi. Le rendu en devient kitsch et très peu crédible. Parfois ce sera cohérent comme lorsque Mystique changera le bas de son corps en celui d’une sirène pour nager très vite, ou même lorsqu’elle prendra un air de monstre menaçant plein de pointes pour intimider un adversaire. Cela peut ressembler à des prétextes pour montrer des métamorphoses, mais certains ne sont pas si bêtes que ça. On sous-estime le pouvoir de l’intimidation dans un combat. Hélas, ça partira encore trop loin parfois avec une Mystique qui se changera en Mister fantastic toute aplatie pour se faire souffler par une explosion plutôt que de tout se prendre dans la face. Ça manque vraiment de cohérence par rapport à ses pouvoirs qui, comme je le rappelle, ne sont pas censés être ceux de Clayface. Elle dira elle-même quelques pages plus loin en guise d’excuse qu’elle ne sait pas si elle saura le refaire une nouvelle fois. Le truc bête, c’est qu’il aurait suffi qu’elle saute par la fenêtre avant que tout explose. Cela ressemble trop souvent à des transformations gratuites pour le fun.
« Mais alors, Mattie ? Tu critiques le scénario et les délires des métamorphoses ridicules, et pourtant tu mets presque 4 étoiles ? »
Eh bien oui parce qu’en fait…ces délires inutiles de McKeever ne sont que ça : des délires inutiles. A aucun moment ils ne renversent la situation. A aucun moment on se dit que la transformation absurde de Mystique était la seule façon pour elle de s’en sortir. Parce qu’il est évident qu’elle aurait pu se transformer en quelque chose de moins ridicule mais de tout aussi fonctionnel. A chaque fois, cela semble dispensable d’aller aussi loin, et donc même si c’est un peu naze, ce n’est pas préjudiciable à l’intrigue. Juste à la cohérence des pouvoirs de Mystique.
Quant au scénario, il est indéniable que Vaughan aurait sûrement fait mieux, mais malgré une fin décevante, cette série d’espionnage fun et légère est pleine de bonnes idées. Le regret que l’on peut avoir vient davantage du fossé qui sépare Vaughan de McKeever que de la qualité de l’intrigue qui reste pas mal fichue entre les mains de McKeever. Un peu classique et moins axée sur les personnages, mais sans pour autant remettre en question ce que Vaughan a construit dans la première partie. C’est une série déséquilibrée par le changement de scénariste mais qui vaut le coup d’œil malgré tout.
Concernant la partie graphique, elle est partagée entre 3 dessinateurs aux styles assez différents. Le premier, Jorge Lucas (non, pas celui de Star Wars) est peut-être le moins bon. Et pas de bol, il illustrera en majorité la meilleure partie de la série. Celle de Vaughan donc.
Lucas (voir scans 2 et 7) travaille beaucoup ses décors mais les personnages paraissent un peu rigides dans leurs mouvements. Son trait est presque trop fin et manque de relief. De plus, je dois avouer ne pas être fan du tout de la colorisation de ses épisodes. Le rendu fait un peu trop « informatisé » avec des dégradés de couleurs assez laids. Les teintes sont aussi assez fades. La peau de Mystique tire sur le mauve, ses cheveux sur le rose. Son style manque cruellement d’aplats de noirs pour les zones d’ombre. Tout parait un peu trop clair. Mais c’est une question de goûts sans doute.
Le style de Michael Ryan est déjà plus attrayant. Il utilise des aplats de couleurs sombres. Davantage du gris que du noir, ce qui ne rend jamais le dessin trop sombre mais donne de la profondeur aux objets, au relief des visages alors que tout paraissait trop lisse chez Lucas.
Enfin, il y a Manuel Garcia (scans 3, 5, 6, 8, 9). J’étais censé dire que c’était mon dessinateur préféré sur la série tant j’aime la façon dont il dessine Mystique, sa gestion des ombres, le dynamisme qu’il donne aux personnages et même les teintes utilisées pour la couleur. Mais hélas il y a un problème : il arrive que d’une case à l’autre, les personnages aient des tronches différentes. On pourrait bien dire que Mystique est métamorphe et qu’elle a donc le droit d’avoir une gueule bizarre…mais ça ressemblerait trop à une excuse justifiant des erreurs. J’aime beaucoup le dessin mais force est de constater que parfois il y a délit de sale gueule. Comme ce genre de choses est plus rapide à expliquer avec un dessin qu’un long discours, voir le scan suivant :
Nous avons aussi droit parfois à des problèmes de proportions. Pas au point d’être irréalistes, mais trop différentes de la case précédente. La majorité des dessins ne souffrent pas de ce phénomène mais ça fait toujours tiquer lorsqu’on tombe là-dessus. Et on se questionne forcément sur la maîtrise du dessinateur. Finalement Michael Ryan était plus constant. Dommage, c’est lui qui dessine le moins d’épisodes.
Le rendu graphique de la série est tout à fait correct dans sa globalité mais chaque dessinateur a également des faiblesses et des tics décevants impossibles à ignorer.
En conclusion, c’est pour moi une série pleine de bonnes idées sur un personnage intrigant dont le potentiel méritait d’être davantage exploité, mais inégale pour cause de désertion du scénariste à l’origine du concept et d’une partie graphique perfectible. Au final, au lieu d’avoir une excellente série originale centrée sur ses personnages, nous avons seulement une série d’aventure sympathique. C’est déjà ça.
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Tout au long de sa carrière, Mystique aura été barbouze, terroriste, X-Woman et vilaine. Découvrez là en tant que James Bond Girl pour le compte de Charles Xavier dans la mini série de BK Vaughan via les yeux enamourés de Mattie Boy dans un article autodestructeur pour Bruce Lit.
La BO du jour :
Ce n’est pas du Miles Davis mais Mystique est une vraie « mean woman ». Une véritable blue devil :
Voilà Kill or Cure !
Tu l’as lu ?
Nan. Même pas sûr qu’il soit publié en VF en fait. Manifest Destiny est une série de one shot et je ne crois pas que tous ait été inclus dans les magazines VF.
Tu l’as lu dans quoi ? Un recueil VO Manifest Destiny ?
Oui, celui-là.
A ne pas confondre avec Uncanny Xmen Manifest Destiny de Fraction qui est mauvais, frimeur,sex mais pas bandant.
Voui voui