Malcolm X – A graphic biography par Andrew Helfer & Randy DuBurke
AUTEUR : Présence
VO : Hill & Wang
VF : /
Comme le titre l’annonce, ce recueil comprend une histoire complète et indépendante de toute autre, sous la forme d’une biographie de Malcolm X. Il a été publié la première fois en 2006.
Il s’agit d’un récit en noir & blanc, écrit par Adrew Helfer, dessiné et encré par Randy DuBurke. Il reprend les éléments de L’autobiographie de Malcolm X écrite par Alex Haley. Il se termine avec 8 photographies de référence, disposée sur 2 pages, et une bibliographie recensant 9 ouvrages dont l’autobiographie de X.
Peu avant sa mort, Malcolm X habitait dans une chambre d’hôtel, éloigné de sa famille, avec un fusil chargé à ses côtés en tout temps. Son destin trouve ses racines dans l’importation d’esclaves noirs aux États-Unis du dix-huitième et dix-neuvième siècles, puis dans les lois ségrégationnistes, dans les lynchages pratiqués par le Ku Kux Klan, dans la discrimination ordinaire. Son père Earl Little était un pasteur pour Marcus Garvey (1887-1940), un promoteur du panafricanisme. En 1929, leur maison dans le Michigan est incendiée par des blancs. En 1931, son père meurt écrasé par un trolley, sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agit d’un accident ou d’un meurtre.
Après la mort de son mari, la mère de Malcolm perd la tête et ses enfants sont placés. Malcolm Little atterrit dans une famille de Boston, plutôt accueillante et bienveillante. En faisant le tour du quartier noir, il découvre des individus colorés se livrant à des activités illicites. Un boulot de serveur dans les trains lui permet de se rendre à Harlem où il se fait sa place, fréquente les boîtes de jazz où règne une certaine forme de mixité, se livre à des petits trafics. Il finit par tomber pour des cambriolages, avec comme circonstance aggravante, d’avoir des complices blanches.
Le titre est assez explicite : cette bande dessinée propose une biographie de Malcolm X. Pour un lecteur ayant déjà vu Malcolm X (1992) de Spike Lee, (Denzel Washington interprétant le rôle principal), il y retrouve 80% du film. Andrew Helfer insiste moins sur la dimension comédie dramatique, et plus sur la dimension parcours de vie de Malcolm X. Il apparaît rapidement que les 2 auteurs se sont abreuvés aux mêmes sources de référence, avec le même souci d’honnêteté vis-à-vis de leur sujet. Dans cette BD, il y a très peu de phylactères, la narration passant à plus de 90% par des cellules de texte rédigées par un narrateur omniscient. L’auteur prend soin de raconter l’histoire au temps présent, sans ajouter des effets de style sur ce qui va advenir, ou sur l’importance de tel ou tel moment.
Adrew Helfer prend le parti de s’adresser au plus grand nombre. Il retrace l’histoire d’une figure historique, à l’échelle de l’individu, tout en rappelant le contexte historique, et en informant le lecteur sur des événements devenus des faits historiques à moitié effacés par les décennies. Dans les 3 pages de la séquence d’introduction, 2 sont consacrés à Malcolm X prenant la pose à la fenêtre avec un fusil dans les mains. Le narrateur utilise cet artifice pour capter l’attention du lecteur, sur la fin tragique d’un être humain, pour connecter le lecteur avec Malcolm X en tant qu’individu, plutôt qu’en tant que légende historique. Il consacre la page suivante à une synthèse très succincte sur l’existence de la traite des noirs. Pour la suite, il relate des faits établit de la vindicte des blancs s’exerçant sur la famille Little.
Dès le début, le lecteur se rend compte que Randy DuBurke travaille sur la base de photographies ou de documents historiques. Ce choix permet de raccrocher la narration à des faits documentés et vérifiables. Parfois, le lecteur peut reconnaitre une photographie d’actualités ou une séquence vidéo qu’il a déjà pu voir. L’artiste reprend l’image en l’état et lui applique comme une forme d’augmentation du contraste. Il aboutit à un noir & blanc très tranché, et à des contours un simplifiés. Ce mode opératoire lui permet également d’intégrer ces images passées dans la mémoire collective, tout en assurant une continuité graphique avec celles qu’il doit créer de toute pièce.
La deuxième caractéristique de la narration graphique découle également de la nature de l’ouvrage. Le dessinateur ne raconte pas une intrigue, il ne cherche pas à rendre sensationnel des scènes, des drames ou des moments intimes. Il s’agit bien d’une narration séquentielle, mais il y a peu de scènes d’action. Il s’agit essentiellement de scènes d’exposition, montrant des individus et des lieux. Cette approche est encore accentuée par le faible nombre de dialogues. De la même manière que le scénariste est asservi aux faits de la biographie, le dessinateur est asservi à montrer ce qui a existé.
L’artiste se sort bien de sa tâche et réussit à éviter de montrer ce qui disent déjà les cellules de texte. Il accomplit sa mission de faire voir ce qui se passe, de rendre concret ce qui est évoqué. Lorsque le texte évoque l’intimidation dont est victime la mère de Malcolm encore enceinte de lui, le lecteur voit ce rapport de force malsain, entre des cavaliers sur leur monture, et une jeune femme enceinte avec un gamin dans les bars, sur le pas de sa porte. Cette image a plus de force dramatique que le simple texte. Le lecteur ressent également toute l’émotion du jeune Malcolm face au proviseur du collège qui lui indique que sa scolarité se termine là, même s’il a de bons résultats car il en est ainsi dans le système éducatif, ce jeune noir a atteint le plafond de verre de sa condition sociale. Les dessins font vivre les personnages pour le lecteur, transmettant les émotions avec plus de force que les mots.
La dimension descriptive des dessins apporte également beaucoup d’informations, et permettent d’évoquer des lieux et des modes passées. Le lecteur voit avec étonnement les tenues vestimentaires baroques adoptées dans les quartiers noirs urbains (sur ce plan, les couleurs du film sont encore plus parlantes). Il constate l’écart immense entre les maisons pauvres de la campagne et les immeubles des centres urbains. Au-delà de ces éléments, les images permettent de donner à voir les protagonistes, de les faire exister. L’évolution d’apparence entre le jeune Malcolm Little et l’adulte Malcolm X saute aux yeux. Elijah Muhammad (le responsable de la Nation de l’Islam) devient un individu incarné, un homme fait de chair et de sang, et plus seulement un représentant communautaire et politique.
Le lecteur regarde de vrais êtres humains, et pas seulement des évocations vagues. Il y a un autre type de séquences qui prennent toute leur force grâces aux dessins : la violence. Le lecteur se sent impliqué par les violences policières commises à l’encontre de citoyens afro-américains. Il ne peut pas rationnaliser la présence de véhicules qui suivent la voiture de Malcolm X. Il est mis devant le fait accompli : aux États-Unis, certaines factions n’hésitent pas à recourir à l’intimidation. La disponibilité et l’accessibilité des armes à feu rendent la loi du plus fort bien présente. L’assassinat ignoble de Malcolm X devient une réalité tangible.
Mis à part la séquence d’introduction, le scénariste s’en tient à un déroulement chronologique. Il s’attache aux pas de Malcolm Little. Les séquences ne le mettant pas en scène sont peu nombreuses. Helfer n’y a recours que pour présenter un élément de contexte tel que les exactions de la police sur des afro-américains, les actions menées par Martin Luther King (1929-1968), ou la renommée naissante de Cassius Clay (1942-2016). Il prend bien soin d’expliquer les points qui relèvent d’une époque différente. Il ne consacre qu’une courte cellule de texte aux revendications de Marcus Garvey. Par contre, il consacre 3 pages à présenter la foi d’Elijah Muhammad, évoquant Wallace Dodd Fard (le créateur de cette religion) et l’histoire de Yacoub le fondateur mythologique. Cela permet au lecteur de se positionner par rapport à ce credo. Ces éléments contextuels permettent également de se faire une opinion sur les convictions de Malcolm X. Le lecteur le perçoit comme un produit de son époque, façonné par son histoire personnelle, par les convictions de son père, par les violences faites à sa famille sous prétexte de sa race.
Andrew Helfer tient le pari de montrer Malcolm X sous ses 2 aspects : celui d’un être humain enraciné dans une époque et dans une culture, et celui d’un porte-parole politique, devenu la voix d’une minorité traitée comme des citoyens de seconde classe. Cette biographie atteint donc son objectif de rendre la vie de Malcolm X intelligible pour des lecteurs contemporains. Les auteurs ne font pas de lui un saint ou un sauveur altruiste, ni un dangereux agitateur politique fanatisé. Ils savent rappeler que sa notoriété ne s’est pas faite en 1 jour, qu’elle n’a pas été à l’échelle nationale du jour au lendemain, que la population en était plus ou moins consciente de son existence en fonction des endroits (notoriété plus forte dans les grandes villes, moins parlante dans les zones agricoles). Malcolm X ne devient pas un individu prédestiné à un grand avenir. Il n’apparaît pas comme omniscient, ou détenteur d’une vérité universelle.
En s’en tenant à sa vie, les auteurs laissent la possibilité d’une critique par le lecteur, ou du moins d’interrogations. Comment un individu aussi combattif (dans le bon sens du terme) a pu croire à l’altruisme de celui qu’il suivait, et s’en remettre ainsi à son autorité ? Quelles ont pu être les conséquences de sa prise de drogue quotidienne dans sa jeunesse ? Il est facile de juger un individu avec le recul des décennies passées et une position confortable dans une société démocratique. Il n’est pas possible de se projeter dans son esprit, de vivre sa vie. Cette limite n’obère en rien la qualité de cette biographie qui présente la vie et l’œuvre de Malcolm X en restant au niveau de l’individu.
Comme à l’issue du film de Spike Lee, le lecteur ne dispose pas de toutes les réponses. Il s’interroge sur les raisons qui font que Malcolm X est associé à une forme d’activisme violent (son rôle auprès du groupe Fruit de l’Islam est minimisé, ainsi que ses déclarations racistes). Il ne pourra jamais savoir quelles furent les raisons de son assassinat. Il n’y a pas d’explication claire et définitive comme dans une fiction. Par contre, il peut prolonger sa lecture en se renseignant sur l’évolution de la Nation de l’Islam (Nation of Islam) et sa position par rapport à l’Islam officiel. Ce qui est certain est que son regard aura changé sur la tension toujours présente entre les communautés blanche et noir aux États-Unis, sur les violences policières dans ce pays, les auteurs ayant réussi à faire passer de nombreuses spécificités culturelles.
Adrew Helfer et Andy DuBurke ont effectué un remarquable travail de biographie, en donnant à voir de nombreux aspects de la vie de Malcolm X. La pagination n’étant pas infinie, ils ont dû faire des choix éditoriaux. Ils n’évoquent pas la rencontre entre Malcolm X et Fidel Castro, ils n’insistent pas sur la dimension raciste de ses discours. Le lecteur qui ne connaît pas la vie de Malcolm X bénéficie d’une reconstitution historique intelligente et pertinente, donnant l’envie d’en apprendre plus. Le lecteur qui a déjà vu le film de Spike Lee retrouve les mêmes informations, mais avec une sensibilité différente et complémentaire.
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« Troubles d’identité » 3/6
Où l’on parle d’un certain Malcolm X. Non, ce n’est pas un X-man, encore que, il a souvent été dit que Stan Lee s’en était inspiré pour Magneto. Le combattant des noirs americains vit et meurt en images chez Bruce Lit. Présence témoigne.
La BO du jour : Malcolm X, l’ennemi public n°1
https://www.youtube.com/watch?v=1xIQmFk1ok0
J’avais déjà lu cet article puisque c’est celui que Bruce m’a envoyé comme « modèle d’article » pour mettre en forme les miens.
Je suis bien familier du film de Spike Lee que j’ai vu de nombreuses fois. J’ai donc bien peur comme tu le dis de retrouver des choses que je connais dans cette BD.
Reste un travail graphique soigné dans un style noir et blanc très contrasté comme j’aime, façon Sin City ou Courtney Crumrin (même si c’est plus cartoony)
Bonne idée aussi de se servir de photos pour renforcer le côté historique.
Si tu l’as regardé plusieurs fois, je suppose que tu as apprécié le film ?
Oui, enfin…je suis aussi tombé dessus par hasard pas mal de fois mais comme je trouve que c’est un bon film, je n’ai pas zappé^^
Je ne suis pas fan de tous les films de Spike Lee mais celui-ci me plaît bien. Je ne savais rien de Malcolm X avant et j’ai été surpris de voir en effet comme il s’était fourvoyé.
Le fait qu’il se soit fait assassiner par des noirs en dit long sur les différentes interprétations de la religion que nous abordions hier, et sur les pouvoirs que certains s’octroient qui semblent plus importants que la paix entre les peuples.
Voilà un cas où je préfère vraiment regarder le film (que j’ai déjà vu d’ailleurs, et que j’ai soudain furieusement envie de revoir !). Le sujet fait que je préfère le medium cinématographique. Question de goût personnel.
Cela n’enlève rien, évidemment, à la qualité de l’article, roboratif, comme toujours.
Un passage dans le film, m’avait marqué : C’est lorsque Malcolm X lit les différences d’interprétation entre les mots « blanc » et « noir » dans le dictionnaire. Le « blanc » est systématiquement lié à des notions positives, quand le « noir » est systématiquement lié à des notions négatives. Un passage très fort, imparable quant à la symbolique des couleurs pour parler de racisme dans l’inconscient collectif.
Curieusement le passage dont tu parles m’évoque déjà le bourrage de crâne qu’il va subir de la part de la nation d’Islam. Parce qu’en terme de couleurs, le blanc et le noir sont bel et bien opposés. Et d’ailleurs un homme blanc n’est pas blanc, il est « rose » et un homme noir n’a pas non plus la vraie couleur noire opposée, ils sont plutôt marron, café (ça ne fait pas super poli de dire ça comme ça, mais vous me suivez)
Du coup l’évocation blanc et noir du dictionnaire, je trouve déjà ça abusé pour illustrer le propos de la nation d’islam. Le blanc est plutôt la lumière, c’est pourquoi on dit que c’est beau, pur. le noir la nuit, qui n’a jamais été associée à la pureté mais à la peur de l’obscurité dans laquelle on ne voit rien.
Pour moi, en aucun cas la couleur noire a été associée à de mauvaises chose à cause des hommes noirs.
De tous temps les dieux associés à la nuit ont été des dieux maléfiques, même chez les peuples à la peau sombre.
Dans cette scène, Malcolm X se fait clairement embobiner lorsqu’il se dit que le dictionnaire a été écrit par des blancs et que c’est la raison de ces connotations péjoratives.
A la limite l’inverse serait plus logique. Qu’ils aient été appelés hommes noirs en référence aux notions négatives de la couleur. Mais bon là encore c’est bancal.
J’ai vu le film avant de lire ce comics. J’étais très curieux d’en apprendre plus sur un individu emblématique de la défense des droits civiques des noirs aux États-Unis qui a une image si sulfureuse dans la mémoire collective. La lecture de ce comics quelques années après m’a donné envie d’en savoir encore plus, ne serait-ce qu’en allant lire les articles wikipedia VO sur Malcolm X, sur Nation of Islam, sur Elijah Muhammad, sur le groupe Fruit of Islam. Les pages en question sont très longues et ne donnent pas non plus toutes les réponses.
Par contre, le film et le comics donnent une vision déstabilisante de la place des noirs aux États-Unis à l’époque, du processus complexe pour passer de la position d’agitateur local à emblème d’une race à l’échelle d’une nation aussi vaste, de l’évolution idéologique de Malcolm X. Je suppute une forme de parti pris positif sous-jacent dans le film et dans le comics. Ils montrent bien la consommation de stupéfiant dans sa jeunesse, mais par la suite, Malcolm X devient d’une rectitude morale parfaite, sans responsabilité aucune dans tous les aspects négatifs du mouvement. Comme toujours la réalité est certainement complexe.
En tant que défenseur d’une cause, Malcolm X (et les autres) doit trouver et utiliser des images choc et forcément réductrices (comme le blanc et le noir) pour marquer les esprits et illustrer sa rhétorique. Ce qui m’a frappé (peut-être plus dans le comics que dans le film, mais c’est aussi lié à mon aptitude à assimiler le média), c’est la force de la notion de race aux États-Unis, ainsi que le recours très rapide à la violence, foulant au pied tout processus démocratique.
Je ne sais pas trop quoi en penser. C’est difficile de savoir si la réalité est modifié ou pas. Moi je n’avais jamais entendu parler de lui en tant que dangereux activiste mais comme quelqu’un qui avait tout de même dénoncé des crimes contre les noirs. Je n’ai donc pas trop d’opinion sur la véracité des faits du film.
La réalité est forcément modifiée, ne serait-ce que parce qu’elle ne peut pas rentrer dans 80 pages ou en 193 minutes de film, et que beaucoup de choses sont omises sciemment, mais sans intention de tromper.
Parmi les omissions du comics (je ne me souviens plus du film dans le détail), il manque les croyances de la Nation de l’Islam. C’est flagrant quand Malcolm X revient de la Mecque en indiquant qu’il a changé d’opinion, et qu’il préfère envisager une coexistence pacifique plutôt que la suprématie noire. Dans l’article wikipedia VO, tu trouves que ces croyances comprennent que les noirs sont le peuple originel, que les blancs sont des démons, que les noirs sont supérieurs aux blancs et que la fin de la race blanche est proche.
Je ne me permettrais de porter un jugement de valeur sur ces croyances car je ne suis pas noir, et je n’ai pas vécu à cette époque et à cet endroit du globe. Par contre ces convictions induisent une conception du monde conflictuelle, où une race est supérieure à une autre et donc doit asservir l’autre.
Ce même article estime que l’action de Malcolm X a été déterminante pour l’amélioration de la condition des noirs aux États-Unis. Néanmoins en regardant les statistiques de bavures policières (plus souvent commises sur les afro-américains que sur les caucasiens), les statistiques d’individus en prison aux États-Unis (pourcentage plus élevé d’afro-américains), les insultes proférées à l’encontre de Barack Obama du fait de sa couleur de peau, ou même en lisant la série Captain America: Sam Wilson, il est évident que la question de la race s’envisage d’une manière très conflictuelle aux USA, avec un relent sous-jacent d’oppression vis-à-vis d’individus en fonction de leur couleur de peau. Il n’y a qu’à se souvenir des propos racistes de Donald Trump pendant sa campagne. On peut ajouter bien sûr les latinos et les musulmans sans parler des chinois et des russes parmi les individus discriminés. Malcolm X indiquait que l’homme noir ne pouvait pas accepter de vivre dans un monde façonné par l’homme blanc, dans les institutions conçues et érigées par l’homme blanc.
A nouveau, c’est facile de critiquer pour le blanc européen que je suis, de l’autre côté de l’Atlantique, dans un pays qui doit aussi faire son autocritique de l’intégration. Le terme même d’intégration sous-entend la soumission de l’étranger aux valeurs du pays où il s’installe, pays fondé par des blancs pour la France, ou les États-Unis (près avoir massacré les indiens et importé des esclaves). Malgré sa brièveté et son biais vraisemblable, je trouve que le comics, comme le film rendent bien compte de la complexité de la réalité historique.
C’est vrai, tout ça n’est pas simple.
Le film rend bien compte des croyances de la nation d’Islam. Je m’en souviens assez bien. Cette histoire de suprématie noire et de démons blancs est bien là. Tout comme cette idée de séparation complète de la race noire et de la race blanche.
Mais ça m’échappe un peu tout ça. J’avoue que je ne comprends pas ce qu’il y a de si difficile à accepter chez une personne d’une autre couleur et pourquoi c’est un tel problème aux USA qui continue à perdurer.
Le lecteur qui ne connaît pas la vie de Malcolm X bénéficie d’une reconstitution historique intelligente et pertinente, donnant l’envie d’en apprendre plus
C’est moi ! Mais tout simplement parce que je me faisais une image moins nuancée de la réalité, celle d’un type violent appelant à la violence. N’aimant pas plus que ça le cinéma de Spike Lee, je n’ai pas vu le film mais vais sûrement sauter le pas.
Pour avoir lu la BD, j’en suis sorti nettement moins enthousiaste que Présence. J’ai trouvé la première partie, celle consacrée à l’enfance de Malcolm plus séquentielle que le reste de l’oeuvre où les cellules de textes sont énormes. J’ai trouvé l’exercice de la bio en BD un peu frustrant. Il n’y a pas beaucoup de mouvement, effectivement aucune action et on a l’impression de lire un reportage photo sur X, sauf que ce sont des dessins à la place. Le lettrage étant minuscule (le format est un peu plus grand qu’un livre de poche), on ne peut pas dire que la Lecture de cette bio soit des plus avenantes.
Bon, il n’empêche qu’il a eu une vie de merde et qu’il est très bien que ce médium populaire restitue l’histoire de cette grande figure de XXèeme siècle avec…Castro, dont je n’avais pas prévu qu’il décéderait au moment de la programmation.
Je ne suis pas non plus un grand fan de Spike Lee mais ce film se regarde très bien.
Nous avions eu l’occasion de discuter du format avec Bruce, et en particulier des caractéristiques rebutantes qu’il relève : grosses cellules de texte, pas d’action, etc. Je n’avais pas réussi à le convaincre qu’il n’y a pas beaucoup d’alternative pour écrire la biographie d’un tel personnage historique en bande dessinée. Au vu du sujet, ce type de comics est forcément confidentiel, c’est-à-dire un petit tirage. Pour rester à un prix raisonnable, les auteurs doivent se contenter d’une pagination relativement faible, et inclure beaucoup d’informations pour faire comprendre le contexte et la complexité de la situation.
Je ne suis pas non plus fan de Spike Lee, ni de Malcolm X, mais le film était bien. Je n’ai cependant pas envie de le revoir, ni de lire cette bd qui me semble bien austère. Ce n’est pas de ton fait, Présence, puisque l’article est nickel comme d’habitude, mais parce qu’à la vue des scans, je ressens la même vision que Bruce : trop littéral et documentaire, y compris dans la narration. Le documentaire en bd peut vite être exténuant à lire, même des œuvres réussies comme Dol de Squarzoni ou Le journal de Fabrice Neaud ont des moments rébarbatifs ou trop explicatifs. Ce ne sont pas des lectures faciles et le sujet doit vouloir fortement intéresser le lecteur avant même qu’il ne s’y aventure.
Ici le dessin semble trop proche de la photo et ces pavés de texte m’inquiètent. Je suis certain, en lisant Présence, que l’exercice est réussi, mais cela ne m’attire pas pour le moment. Tu me donnes envie de relire Le photographe de Guibert, Lefèvre et Lemercier…
Une chronique étayée comme toujours sur des éléments solides. Mais je ne suis pas friand des biographies en BD ou des biopic, je trouve que rares sont les fois où les auteurs arrivent à s’affranchir de la narration linéaire et à avoir un regard personnel et critique sur leur sujet.
L’influence de Malcom X sur la culture populaire afro-américaine est manifeste et il avait une vision mondialiste de la condition noire (en France notamment) qu’il expose clairement dans son dernier discours à Rochester. On retrouve notamment cette influence dans le Colère noire de Ta-Nehisi Coates, paru en France en janvier dernier, et qui est un livre que je conseille à tous ceux que le sujet intéresse.
Pour accompagner ton choix de BO, la cover du deuxième album de l’autre groupe de rap politique emblématique des années 80 et son leader KRS-One est un hommage à la photo la plus célèbre de Malcom X et à sa citation empruntée à Sartre:http://www.seekacover.com/cd/by%2Ball%2Bmeans%2Bnecessary
Merci pour la BO supplémentaire car il s’agit d’un pan de la musique que je ne connais pas faute de l’apprécier.
Pour moi, cette biographie a le mérite d’exister. Il est vraisemblable que les auteurs aient dû s’en tenir à un format court pour pouvoir être économiquement viable, ce qui explique la démarche factuelle, au détriment de la dimension analytique. En outre, rares sont les auteurs de BD capables de réaliser un ouvrage historique analytique.
Le fond est intéressant mais la forme semble assez aride, en tout cas pas assez séduisante pour moi. Merci quand même pour ma culture (j’écrivais toujours Malcom au lieu de Malcolm…)
Gasp, moi aussi je viens d’écorcher par deux fois son nom…
C’est en rédigeant cet article que j’ai découvert que Malcolm s’écrit avec 2 L. En posant la question à quelques personnes de mon entourage, je me suis aperçu que la plupart faisaient la même omission, y compris mes enfants, pourtant spectateurs assidus de la série télévisuelle Malcolm en VF (Malcolm in the middle, en VO).