Top 10 : DAVID GILMOUR
Une checklist cristalline, spatiale et éthérée, concoctée par : TORNADO
Illustration par ED ILLUSTRATRICE
1ère publication le 26/06/20- MAJ le 06/03/21
A l’heure où j’écris ces lignes, David Gilmour, l’homme à la black strat, est un vénérable rocker de 74 printemps. Il fut le second guitariste du groupe Pink Floyd bien qu’il en soit devenu l’âme (et si on disait que Roger Waters (basse) en était le cerveau, Nick Mason (batterie) le cœur et Richard Wright (claviers) les veines ?) puisqu’il remplaça Syd Barrett (lui c’était le front (man)) dès le second album, pour ensuite être le seul à demeurer sur tous les titres, jusqu’à l’album final publié en 2014.
Pour le grand public, Gilmour est également la voix de Pink Floyd, puisque c’est celle-ci que l’on entend sur les tubes les plus connus du groupe, à commencer par MONEY et ANOTHER BRICK IN THE WALL (PART. 2). Car si tous les membres du groupe (excepté Nick Mason) chantaient, c’est bien sa voix qui reste emblématique.
Mais l’essentiel, lorsque l’on évoque cet homme, c’est son jeu de guitare.
David Gilmour est aujourd’hui reconnu comme l’un des grands guitaristes de l’histoire du rock, au son, à la tessiture et au style spatial et cristallin (éthéré dit-on) immédiatement reconnaissable.
Longtemps snobé par l’élite musicale pour son manque manifeste de virtuosité technique, parce qu’il n’a jamais été démonstratif, jamais complexe, jamais véloce, jamais extraverti, sans aucune velléité de se jeter dans un de ces morceaux de bravoure qui ont tracé les légendes du rock (antithèse totale des hard-rockers et autres guitar-heros survoltés), il a gravi lentement les échelons de la renommée. Et aujourd’hui, si l’on se réfère au très respecté classement du magazine Rolling Stone, qui fait autorité en la matière à travers le monde, voilà qu’il ne cesse de se rapprocher des premières places ! Ainsi, en 2018, la prestigieuse publication le classe sixième meilleur guitariste de l’histoire, alors qu’il a également été nommé meilleur joueur de Fender de tous les temps dans un sondage effectué par le magazine Guitarist, devant d’autres musiciens légendaires, notamment Jimi Hendrix et Eric Clapton. Une sacrée ironie si l’on se souvient qu’il était jadis raillé dans l’ombre de ces géants (qu’il considère d’ailleurs comme ses modèles). Comme quoi le temps fait son office, et votre serviteur constate avec bonheur qu’il ne s’était pas trompé en le choisissant comme son idole dès son plus jeune âge !
Son dernier exploit notoire remonte à 2017 : un concert dans les ruines de Pompeï qui faisait écho(es !) à PINK FLOYD LIVE AT POMPEI (une prestation sans public filmée en 1973). Je l’ai vu au cinéma, en duplex, comme pour boucler la boucle, tout en espérant que le maitre ne prenne pas encore sa retraite…
Soyons clair : S’il fallait vraiment choisir les dix meilleurs titres de cet artiste, ce serait dix titres de Pink Floyd, et probablement puisés en une seule décennie, celle des 70’s. Car ses albums solos ne sont guère passionnants, et son parcours avec Pink Floyd en tant que leader, après le départ de Roger Waters, encore moins.
Le constat est étonnant : Alors qu’il avait absolument tout pour lui, que le destin lui avait tout offert, la beauté absolue (à deux doigts d’emballer Brigitte Bardot, le bougre !), une voix exceptionnelle (bien que fluctuante en live), opulente (de GREEN IS THE COLOUR à WELCOME TO THE MACHINE, en passant par ECHOES chanté à l’unisson avec Richard Wright, la tessiture est impressionnante), et donc l’un des plus beaux jeux de guitare de l’histoire du rock, alors qu’il aurait pu tout obtenir, il n’a jamais brillé loin de Pink Floyd (pas assez de sex-appeal sans doute, renonçant très vite à son apparence en se laissant complètement aller de ce côté là, et aucun fait d’armes propre à défrayer la chronique)… Quatre albums solos réalisés en pointillés à partir de 1978, en marge de la discographie floydienne, une poignée de participations discrètes chez d’autres d’artistes qu’il accompagne entant que producteur (il joue un peu de guitare par ci, par là), et basta.
David Gilmour ne brille donc ni par le charisme, ni par la prolixité. C’est un musicien avant tout, qui est parvenu à trouver son expression la plus aboutie dans son travail collaboratif au sein de son groupe, grâce à la complémentarité artistique stimulante de chacun de ses membres.
Ecouter Gilmour, c’est néanmoins se laisser porter par tout un univers, une entité musicale faite d’émotion pure, une signature où le malaise étrange côtoie souvent le sublime. C’est une musique envoûtante, facile d’écoute, immédiate dans son rapport avec l’auditeur. C’est un idéal sonore au service d’une œuvre inégale, mais traversée de fulgurances inoubliables. Ses accords sont parait-il aussi simples à jouer que difficiles à reproduire tant il est le seul à savoir les faire sonner comme il le fait (et c’est d’ailleurs le cas des autres membres de Pink Floyd).
Afin de brosser un tableau complet, la liste que je vous propose égraine donc la totalité de son parcours, albums solos compris. Les puristes sont avertis qu’ils vont tirer la gueule sur plusieurs titres…
10. WISH YOU WERE HERE (1975/2002)
Gilmour est un grand représentant de la guitare électrique, mais quid de sa version acoustique ?
WISH YOU WERE HERE est un album de Pink Floyd de 1975. Mais c’est aussi le titre d’une chanson emblématique figurant sur le même album. A l’origine, Roger Waters l’avait écrite car il souhaitait ressouder les liens entre les membres du groupe autour d’un thème : celui de l’absence, cristallisé par la figure de Syd Barrett, dont le cerveau était parti en fumée de LSD quelques années plus tôt et qui réapparaitra furtivement, par surprise, de manière dramatique et cruellement ironique, lors des sessions d’enregistrement consacrées à son souvenir…
En 2002, David Gilmour a donné un concert en majeure partie acoustique, au Royal Albert Hall. Surprenant tout le monde en tournant le dos à la grosse machine floydienne habituelle, le guitariste effectuait un retour en grâce inattendu. Dans un tel contexte, la présence de la ballade WISH YOU WERE HERE était forcément incontournable !
9. SO FAR AWAY (1978)
Avec l’album ANIMALS de 1977, la seconde mutation de Pink Floyd est en marche : Roger Waters prend le pouvoir et écrit quasiment tout seul l’intégralité des morceaux (seul le titre DOGS est composé par Gilmour). Richard Wright ne chante plus et Gilmour de moins en moins. Waters finira par y croire et par l’affirmer : Pink Floyd, c’est lui…
Pour le coup, Wright et Gilmour ont des envies d’escapade et se lancent tous les deux, en 1978, dans leur album solo respectif. Wright signe un WET DREAMS feutré et aseptisé, branché jazz très smooth, tandis que Gilmour opte pour un album de guitariste laid back, un peu froid également, composé d’une alternance de chansons et d’instrumentaux mettant en valeur son style arrivé à maturité.
DAVID GILMOUR (titre de l’album, donc) n’est pas un grand disque. C’est toutefois mon préféré parmi les quatre albums solos que réalisera l’artiste entre 1978 et 2014. C’est le plus authentique, le plus direct. Le plus Gilmour (c’est dans le titre, donc…).
La chanson SO FAR AWAY ne plaira certainement pas aux rockers puristes, qui la recevront comme une bluette guimauve à la noix. De mon côté c’est une chanson pop qui fonctionne très bien, surtout qu’elle restitue parfaitement toutes les textures sonores (guitare et voix) qui me font tant aimer cet artiste. Une chanson qui fait du bien si tant est qu’on l’accepte pour ce qu’elle est : Une ballade planante, chaleureuse, cristalline et lumineuse. Quelque part une sorte de brouillon pour le futur chef d’œuvre que sera COMFORTABLY NUMB (d’ailleurs composé à l’époque en même temps que RUN LIKE HELL, mais pas encore assez abouti –à croire que le destin de ces deux chansons était d’aller à THE WALL- au moment de postuler pour cet album).
Ou, pour ceux qui préfèrent, une version live :
© Parlophone
8. MURDER (1984)
En 1984, Pink Floyd est en passe de se dissoudre. Gilmour se tourne une nouvelle fois vers une tentative solo et la réalisation d’un album résolument rock.
Il s’entoure de grosses pointures et se lance dans l’écriture et la composition de quasiment tous les titres de ses chansons, requérant l’aide de Pete Thonwsend (le guitariste des Who) sur certains morceaux.
Même si l’album sera certifié disque d’or en 1995, son succès lors de sa sortie est extrêmement relatif.
La liste de chansons est très hétérogène et certains morceaux ont plutôt mal vieilli, notamment ceux qui sonnent un peu rock FM. Mais il y a quelques bons titres. MURDER, notamment, qui évoque l’assassinat de John Lennon, est un assez bon cru. En live, Gilmour tente un registre très rock auquel son public n’était jusque là pas habitué (surtout lorsqu’il empoigne la guitare électrique, dans la seconde partie du morceau).
© Parlophone
7. COMING BACK TO LIFE (1994)
Ici je voulais un titre d’un album de Pink Floyd post Roger Waters (à partir de 1987).
Gilmour, après avoir essuyé un échec avec ABOUT FACE, devine qu’il rameutera bien plus facilement les foules en se produisant sous l’étendard de PINK FLOYD (et puis c’est aussi le moyen de s’opposer à Waters qui refuse aux trois autres de garder le nom du groupe).
Mais rien dans la fiche technique de l’album A MOMENTARY LAPSE OF REASON (publié en 1987) ne ressemble au groupe des années 70 : On emploie une pléthore de requins de studio et de cadors de la scène (le bassiste de Peter Gabriel, le saxo de Supertramp…), des choristes et des percussionnistes à gogo et, surtout, Nick Mason et Richard Wright y sont fantomatiques. Le premier ne semble plus savoir jouer et fait de la figuration, tandis que le second est rappelé pour les concerts alors qu’il n’a joué quasiment aucune note sur le disque.
N’empêche : cet album est une grosse pompe à fric souvent indigeste mais, avec le recul, comporte quelques bons titres. Impossible de nier que SORROW, ON THE TURNING AWAY ou le tube LEARNING TO FLY ne sonnent pas immédiatement Pink Floyd. Gilmour voulait faire plaisir à son public et il a vraiment cherché à jouer sur le terrain qui lui a toujours réussi au sein du groupe : Son travail sur les ambiances et les textures sonores, auxquelles il donne une couleur très commerciale, comme il avait pu le faire du temps de DARK SIDE OF THE MOON. Pari gagné au moins du côté du succès, avec à la clé une tournée mondiale colossale.
En 1994, sortie de l’album THE DIVISION BELL. Et nouvelle tournée titanesque.
Cette fois, le groupe a souhaité resserrer ses rangs et Gilmour, Mason et Wright en constituent la structure principale. Leur souhait est de retrouver l’alchimie qui était à l’œuvre du temps de WISH YOU WERE HERE et ils rappellent d’ailleurs le saxophoniste Dick Parry jadis présent dans les albums de 1973 et 1975.
Pour autant, THE DIVISION BELL est très loin de se hisser, artistiquement parlant, au niveau des albums des années 70. Il demeure néanmoins agréable à écouter pour les fans, un écho nostalgique, souvenir désincarné de la gloire passée…
Au beau milieu de cet ensemble consensuel se dégage une assez belle chanson (qui sonne plutôt comme un titre solo de Gilmour) : COMING BACK TO LIFE. Certes, la superbe intro est massacrée par une ligne percussive tonitruante, mais l’ensemble est sauvé grâce à l’un de ces chorus dont le maitre a le secret…
J’ai longuement hésité entre la version de ON THE TURNING AWAY issue du live DELICATE SOUND OF THUNDER, où David livre un solo assez phénoménal (avec un Mason et un Wright bien plus impliqués que sur la version studio), et celle de COMING BACK TO LIFE que l’on entend dans le live PULSE. Et j’ai fini par choisir la seconde, moins pompière…
© Parlophone
6. THE FINAL CUT (1983)
Conçu comme la suite de THE WALL, THE FINAL CUT est davantage un album solo de Roger Waters déguisé en album de Pink Floyd qu’un véritable opus du groupe. A ce stade, Waters est seul aux commandes, il a viré Rick Wright lors de l’enregistrement de THE WALL et agit avec les deux derniers membres comme s’ils étaient des musiciens de studio. Nick Mason ne termine d’ailleurs pas les enregistrements et, pour la toute première fois depuis son arrivée au sein de la formation, Gilmour (qui enregistre se parties de guitare dans un studio distinct !) ne chante aucune des chansons de l‘album (à part l’avant-dernier titre qu’il chante à moitié). Il livre pourtant certains de ses plus beaux chorus et celui qu’il lâche sur le titre THE FINAL CUT est carrément beau à pleurer. De l’émotion faite guitare électrique, tout simplement sublime (à l’époque du lycée, j’ai littéralement chialé un bon paquet de fois sur ce passage).
Le guitariste n’appairait pas dans le clip immonde jadis disponible sur une VHS miteuse…
© Emi
5. YOUG LUST (démo) (1979)
Lorsque je réécoute l’album THE WALL aujourd’hui, je suis encore époustouflé par cette succession de chansons, notamment sur le premier disque, qui sont autant de chefs d’œuvre. Laquelle dois-je garder, entre ANOTHER BRICK IN THE WALL, MOTHER ou GOODBYE BLUE SKY, où notre Gilmour brille à chaque fois comme autant d’étoiles ?
E n 2012 avec la sortie du coffret IMMERSION, le fan découvrait, ébahi, une armada de démos et de versions alternatives de tous ses titres préférés. Parmi cette pléthore de bijoux exhumés, mon favori est cette version alternative de EMPTY SPACES, ici renommé YOUNG LUST (sur l’album c’est le titre suivant qui se nomme YOUNG LUST), probablement parce qu’à ce stade de sa conception, l’album se cherchait encore.
Une fois n’est pas coutume, c’est l’organe vocal de Gilmour (qui chante en alternance avec Waters) qui m’intéresse, car il signe cette version préliminaire d’une magnifique voix rock.
© Emi
4. MOTHER (1979)
Mon second choix, en ce qui concerne THE WALL, s’est porté sur MOTHER, car du coup je peux vous faire découvrir la version que l’on entend dans le film réalisé par Alan Parker en 1982. Une version également très différente de celle de l’album.
C’est un des nombreux titres où Gilmour et Waters alternent encore le chant, pour une émotion maximale. Et, bien sûr, l’un des nombreux titres qui permet d’entendre un magnifique solo de guitare…
© Emi
3. YOU GOTTA BE CRAZY (1974)
Au départ je voulais choisir DOGS, le titre-fleuve de l’album ANIMALS. Car il s’agit non seulement de l’un de mes titres préférés de Pink Floyd, mais aussi parce qu’il fait partie des quelques compositions dévolues à David Gilmour. Et puis, en y réfléchissant, mon choix s’est reporté sur YOU GOTTA BE CRAZY. Il s’agit en fait de la version primaire de DOGS, expérimentée en concert pendant des années avant d’être remaniée dans sa version définitive sur l’album de 77. Je l’ai choisi car c’est un titre live qui rend parfaitement justice au talent scénique de Gilmour dans la meilleure période du groupe, aussi bien pour les parties de guitare que pour la performance vocale. Mais aussi parce qu’il s’agit d’une version restée très longtemps inédite, et que j’ai accueillie les larmes aux yeux lorsqu’elle a enfin été proposée dans les bonus des éditions EXPERIENCE puis IMMERSION BOX de WISH YOU WERE HERE.
Pour l’anecdote, ce titre, ainsi que tous ceux du LIVE AT WEMBLEY de 1974, furent en leur temps démolis par l’élite de la presse rock, au moment où cette dernière décidait soudain que, Pink Floyd, ce n’était bien que du temps de Syd Barrett… L’album qui suivit, WISH YOU WERE HERE, fut donc flingué à son tour (on en rigole encore…). Un effet mouton a perduré jusqu’à aujourd’hui car cet écho persiste et YOU GOTTA BE CRAZY continue d’être boudé par l’intelligentsia prout-prout version rock. Inutile de dire que j’en réfute l’idée : Cette prestation en particulier, à la fois proche et distincte de celle qui sortira sur ANIMALS, qui trouve l’équilibre miraculeux entre sensation planante et énergie rock, est somptueuse en tout point.
© Emi
2. COMFORTABLY NUMB (1979/2000/2006/2008)
Deux versions. Je ne pouvais pas faire moins.
La première version que j’ai choisie va sérieusement contrarier les puristes car il s’agit d’un montage réalisé à partir de deux concerts : Le IN THE FLESH de Roger Waters joué en 2000 et le fameux LIVE IN GDANSK de David Gilmour joué en 2008 (où les parties de chant dévolues à Waters étaient réalisées par Richard Wright, que l’on voit au clavier dans cette vidéo). Soit, probablement, les meilleures prestations solos respectives des deux artistes qui aient été enregistrées de manière professionnelle.
Pourquoi ai-je choisi ce fake ? Et bien parce que j’adore me le passer ! Waters y est excellent (ce qui est devenu rare) et le solo définitif et enragé de Gilmour est tout simplement époustouflant ! Une version utopique, en fait, de ce qu’aurait pu être Pink Floyd sur scène dans les années 2000 si les musiciens étaient restés ensemble. Et une bien meilleure que celle jouée lors de la reformation complète du groupe pour le concert du LIVE 8 de 2005.
COMFORTABLY NUMB a ceci de spécial que c’est (en plus que d’être l’un des sommets de l’album/chef d’œuvre THE WALL de 1979), tout comme DOGS, une chanson composée par Gilmour lui-même. Et il y a tout mis, l’enrichissant non pas d’un solo de guitare épique, mais de deux. Chacun concourant pour le titre du plus beau chorus de guitare de l’histoire. Et c’est accessoirement l’une des plus belles chansons de ma discothèque idéale.
© Emi
La seconde version est très proche de la précédente. Sauf que, lors de ce concert au Royal Albert Hall de 2006 (immortalisé dans le DVD REMEMBER THAT NIGHT), alors que le public espère la montée de Roger Waters sur scène en tant qu’invité (il y a déjà David Crosby et Graham Nash, sans compter Rick Wright bien sûr), au moment du rappel, c’est David Bowie qui apparaît ! Celui-ci, fan de Syd Barrett, interprète d’abord ARNOLD LAYNE puis, plus surprenant, enchaine sur COMFORTABLY NUMB. Ni une, ni deux, Gilmour s’impose, déchire tout, et envoie le solo de la mort qui tue, au moins aussi définitif que le précédent (avec en plus une interprétation au chant encore meilleure). Incroyable, extraordinaire, sublime, fantastique, incommensurable, grmbflfxcfebgffrt…. Je n’ai plus les mots…
© Emi
1. SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND (1975)
J’ai déjà dit, dans un article entièrement dédié à l’album WISH YOU WERE HERE, ce que ce morceau avait de tellement spécial pour moi. C’est le titre, toutes catégories musicales confondues, qui trône au dessus de tous les autres en ce qui me concerne.
Les quatre notes jouées par Gilmour (aujourd’hui surnommées the Syd’s Theme), qui lancent véritablement le morceau, sont entrées dans le patrimoine musical. Elles représentent, avec tout le reste du titre, l’apogée du groupe. Et il n’y a pas un chorus de guitare dans SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND, ni même deux, mais trois (rien que dans la première partie de la face A de l’album) ! Et tous plus beaux et inspirés les uns que les autres.
Bien évidemment, j’aurais pu vous proposer, à la même place, le célèbrissime solo d’ANOTHER BRICK IN THE WALL PART. 2, raison pour laquelle vous le trouverez en bonus…
Avec le recul, on arrive bien à expliquer, aujourd’hui, pourquoi WISH YOU WERE HERE est de plus en plus cité comme le meilleur album de Pink Floyd. On connait désormais la raison principale qui a conduit le groupe à la rupture : Si, à partir de 1973, Roger Waters se passionnait de plus en plus pour l’écriture des textes et le développement des concepts thématiques (les conséquences de la société moderne sur l’humanité dans THE DARK SIDE OF THE MOON, le thème de l’absence et celui des méfaits de l’industrie musicale dans WISH YOU WERE HERE, la dénonciation des conditions sociopolitiques délétères de notre civilisation dans ANIMALS, etc.), les autres membres du groupe préféraient quant à eux s’adonner aux expérimentations sonores et aux longues plages musicales collectives. Au milieu de ce conflit qui explosera en même temps que le mur de THE WALL, l’album WISH YOU WERE HERE est celui qui cristallise le mieux l’alchimie entre ces deux horizons distincts.
Pour la première partie je vous propose la version de l’album (part 1-5), avec les images de Gerald Scarfe jadis projetées lors des concerts.
© Emi
Pour la seconde partie (part 6-9) et pour changer un peu, je vous propose une version live (somptueuse) issue d’un bootleg de 1977 :
© Emi
Seulement dix titres ?
A partir de quel moment David Gilmour s’est-il démarqué au sein de Pink Floyd ? MORE ? UMMAGUMMA ? ATOM HEART MOTHER ?
Dans MORE (1969), il y a CYMBALINE, superbe ballade où il impose réellement sa voix pour la première fois.
Le double album UMMAGUMMA (1969) est celui que j’aime le moins, à cause du deuxième disque où chaque membre propose ses créations individuelles aux relents de musique hallucinogène périmée. Mais au milieu de ce marasme se trouve une bouffée d’oxygène : THE NARROW WAY PART.3.
Et puis il y a FAT OLD SUN dans sa version live étirée de quinze minutes (une archive disponible dans les coffrets EARLY YEARS, issue des fameuses PEEL SESSIONS de la BBC). La version courte figure sur l’album ATOM HEART MOTHER de 1970.
Ces trois titres synthétisent le proto-Pink Floyd, aux longues explorations dévolues aux textures sonores. Ils montrent bien l’évolution d’un Gilmour avec ses innovations les plus emblématiques, notamment ce son spatial et ces effets de slide et de Lap Steel. Ils sonnent avec le recul comme les brouillons qui donneront bientôt BREATHE IN THE AIR sur DARK SIDE OF THE MOON, mais ils auraient pu figurer dans la liste.
Si j’avais voulu être élitiste et objectif, ma liste aurait comporté, comme dit plus haut, dix titres de Pink Floyd : 1) SHINE ON YOU CRAZY DIAMOND, 2) COMFORTABLY NUMB, 3) DOGS, 4) WISH YOU WERE HERE, 5) TIME, 6) HAVE A CIGAR, 7) ECHOES, 8) MONEY, 9) ANOTHER BRICK IN THE WALL PART. 2, 10) ONE OF THESE DAYS.
Et si j’avais vraiment voulu brasser très large, j’aurais pu aussi proposer des titres de ses deux derniers albums solos voire même des participations aux albums de Kate Bush, de Paul McCartney, aux concerts de Bryan Ferry ou de B.B. King.
J’ai donc chois une solution alternative : Celle de la subjectivité…
Aujourd’hui, le legs de notre guitariste est considérable. Toute une génération de musiciens, comme nous l’avons vu dans l’article consacré au NEW PROG, lui rend constamment hommage quand elle n’essaie pas de chausser ses souliers. Difficile de savoir exactement ce qu’il en pense mais le maître ne semble guère s’en préoccuper.
Pour terminer : on a souvent discuté l’intégrité de cet artiste, notamment à l’époque de la tournée DELICATE SOUND OF THUNDER, qui brassait des millions de dollars tandis que les connaisseurs n’y voyaient que du strass. Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts : Renonçant au bénéfice de l’étendard Pink Floyd, notre homme a préféré continuer sous son seul nom, emmenant Rick Wright dans l’aventure et ressuscitant, jusqu’au départ prématuré du claviériste (décédé d’un cancer en 2008), la véritable âme du Floyd sur scène.
Une chose est assurée : Son départ causera un très grand vide dans le monde du rock en général, dans celui de la guitare en particulier, et dans le mien à coup sûr.
Que Dieu lui prête vie !
Pour s’y retrouver voici la discographie de David Gilmour :
1968 : Pink Floyd – A SAUCERFUL OF SECRET
1969 : Pink Floyd – MORE
1969 : Pink Floyd – UMMAGUMMA
1970 : Pink Floyd – ATOM HEART MOTHER
1971 : Pink Floyd – MEDDLE
1972 : Pink Floyd – OBSCURED BY CLOUDS
1973 : Pink Floyd – LIVE AT POMPEII (film avec un live sans public)
1973 : Pink Floyd – THE DARK SIDE OF THE MOON
1975 : Pink Floyd – WISH YOU WERE HERE
1977 : Pink Floyd – ANIMALS
1978 : David Gilmour – DAVID GILMOUR
1979 : Pink Floyd – THE WALL
1980/81 : Pink Floyd : IS ANIBODY OUT THERE ? THE WALL LIVE
1983 : Pink Floyd – THE FINAL CUT
1984 : David Gilmour – ABOUT FACE
1987 : Pink Floyd – A MOMENTARY LAPSE OF REASON
1988 : Pink Floyd – DELICATE SOUND OF THUNDER (live)
1994 : Pink Floyd – THE DIVISION BELL
1995 : Pink Floyd – PULSE (live)
2002 : David Gilmour – EN CONCERT AU ROYAL FESTIVAL HALL DE LONDRES (live – vidéo)
2006 : David Gilmour – ON AN ISLAND
2007 : David Gilmour – REMEMBER THAT NIGHT (live – vidéo)
2008 : David Gilmour – LIVE IN GDANSK (live)
2014 : Pink Floyd – THE ENDLESS RIVER (compilation de chutes de studios dédiée à la mémoire de Rick Wright)
2015 : David Gilmour : RATTLE THAN LOCK
2017 : David Gilmour – LIVE AT POMPEII (live)
A cette discographie il faut ajouter les compilations Pink Floyd : THE EARLY YEARS 1965-1972’ (énorme coffret constitué de plusieurs heures de titres inédits et alternatifs), THE LATER YEARS (beaucoup plus anecdotique), ainsi que les coffrets IMMERSION de THE DARK SIDE OF THE MOON, WISH YOU WERE HERE et THE WALL (on attend toujours celui d’ANIMALS !), regroupant également des versions live et alternatives de très grande qualité.
Bonus BO :
… J’ose à peine commenter cet article, tant vous semblez tous archi-calés sur le chose musicale -et certains d’entre vous sont même des musiciens ! Race complètement à part, en ce qui me concerne OUARFF !!
Je n’ai jamais écouté ce groupe mythique. Probablement, d’abord, parce que lors ce que j’ai commencé à m’intéresser à la musique, ils appartenaient déjà à « l’Histoire » et, ensuite, les années de mon adolescence correspondent à la première avalanche Pop Anglo-saxonne, via les Clips, à la Télé : il y avait bien trop de choses à trier pour prendre le temps d’écouter des ziques « de vieux » !!
Ensuite, je soupçonne aussi que ce son, souvent planant (ce qui est mon état naturel…), m’a gardé éloigné de leur univers, tant j’avais de propension à bien mieux réagir à des rythmes plus soutenus. Mon corps, via ces derniers, m’a souvent guidé dans mes affections musicales -pourvu que le son me parle, bien entendu.
Aussi : ils n’étaient pas tant relayés que ça, sur les ondes, à part les deux-trois même morceaux qui, du coup, avec l’effet de désensibilisation, n’ont jamais eu de ma part droit à une écoute attentive.
Anecdote : les deux premiers mois de mon service militaire, deux gars de ma chambrée (douze en tout !) s’écoutaient CHAQUE SOIR l’album Dark Side Of The Moon… CHACUN DE SON CÔTÉ !! Donc les chansons se lisaient dans le désordre… Peut-être que, si je ne m’y suis pas plus attardé, c’est aussi à cause de ce traumatisme-là.
En ce qui concerne la liste de chansons postées, So Far Away est immédiatement assimilable, facile à aimer : sa mélodie est pleine de surprises (pour moi), qui me font penser à du Bowie première époque.
You’ve Got To Be Crazy : trop chouette ! C’est un son qui me parle fort ; même si les longues plages de guitares me sortent un peu du truc : n’y étant pas habitué -et, à priori, très peu sensible depuis toujours (aux guitares solos)-, elles plombent un peu mon empathie avec le morceau.
Comfortably Numb, avec Bowie, c’est évidemment imparable. David Gilmour a effectivement un timbre de voix bien à lui -aussi discret que virtuose : c’est ‘âchement haut, par moments !- mais c’est véritablement un instrument, parfaitement assimilé dans les chansons. Bowie, à la personnalité beaucoup plus affirmée, se démarque immédiatement et, pour quelqu’un avec une sensibilité peu mélomane, et d’avantage axée sur le « dramaturgique », au niveau de l’interprétation, c’est immédiatement un « plus ».
J’ai plus de mal avec le reste : ça n’a rien de difficile à écouter, c’est juste que mon oreille formée (déformée ?!) à des sonorités moins nuancées, peine à discerner l’émotion derrière la musique. Je m’ennuie : il y a un « onirisme sonore » qui flatte sans doute trop mon propre penchant à la rêverie. Ce n’est pas une musique dont j’ai jamais eu « besoin », jusqu’à présent. Mais il est évident que, comme pour toute forme d’expression, une approche progressive finirait par m’ouvrir les perceptions.
Je n’avais jamais prêté attention à son chant, n’empêche : purée de balaise ! Impossible de suivre.
Que rajouter de spécifique sur le David Gilmour, dont je ne connais pas grand chose ?! On a le même signe Zodiacal (le mois des fous !) ; et c’est quand même un peu-beaucoup grâce à lui qu’on a eu Kate !!
Merci pour l’enthousiasme et toute la traduction -archi-argumentée !- de ce dernier : j’ai quasi tout pu comprendre 🙂