Sandman Volume 3 par Neil Gaiman et Collectif
Ce commentaire portera sur le volume 3 réedité par Urban dans sa version recolorisée.
Les scans disponibles sur le net regroupent des images issues de plusieurs éditions.
Ce volume comprend les arcs : Distant Mirrors, A Game of You et des featurettes jamais publiées auparavant où participent Matt Wagner et John Bolton.
Autant le dire tout de suite : il s’agit ici des arcs les moins populaires de la série du propre aveu de Gaiman, qui lui, dit les adorer.
Distant Mirrors:
Voici l’enchaînement de 5 épisodes qui amènent une respiration à la continuité autour d’histoires indépendantes. On y retrouve Marco Polo,Marc Twain,un lycanthrope et l’empereur Octavien qui raconte son histoire déguisé en mendiant dans la Rome antique . Gaiman , comme souvent , conscient de son propre génie , se livre à ses pires travers.
L’homme confond souvent une bonne idée avec un scénario, ses personnages sont atteints de logorrhée interminable , de traits d’esprit dispendieux et de chutes qui font pschitt…Les dessins de Bryan Talbot sauvent l’honneur. Le seul intérêt de cet arc sont les deux épisodes d’ouvertures où l’on retrouve une ancêtre de John Constantine au prise avec Robespierre et St Just durant la révolution française.
Un peu d’action et de suspense ne font pas de mal à une série qui en est souvent dépourvue. Stan Voch sait rendre toute l’horreur de la terreur : guillotine , galerie de tête coupées, catacombes et marionnettes décapités dansant face aux tricoteuses impassibles.
Cette histoire introduit Orphée , le fils de Morphée ,capitale dans le dénouement de la série. Et on ne peut qu’admirer la toile que tisse patiemment Gaiman. Dream a laissé son fils se faire décapiter par orgueil. Celui-ci avait renié son père. Il se retrouve en pleine terreur face à Robespierre qui décapite ceux qui renient la révolution. Et dont l’intention est de tuer les Dieux dans le souvenir des hommes. Gaiman met ainsi en scène un Deicide humain tout puissant face à un Dieu immortel mais décapité ! Le genre de moment où Gaiman se montre génial.
A Game of You :
Enfin correctement traduit ( « Le jeu de soi » remplace l’épouvantable « Jouons à être toi » de Panini ) , voici un arc complexe intéressant sur le papier. Il met en scène exclusivement des personnages féminins perdues dans le rêve de Barbie , un jeune femme superficielle en apparence mais à l’imaginaire débordant.
Pour la délivrer de l’emprise d’un « Coucou » ( en gros un parasite qui s’installe dans les rêves d’autrui ), ses amies vont constituer un bien étrange commando : une travestie , une sorcière et deux lesbiennes dont une apprend…sa grossesse !
Sur le papier , les intentions de Gaiman sont géniales ! il s’agit de donner la parole aux minorités américaines et de les rendre attachantes. Il s’agit également de peindre des portraits de femmes sensibles loin des clichés des comics de guerrières ninjas télépathes avec des nibards de 10Kg.
Nos héroïnes sont normales et font beaucoup, beaucoup d’erreurs. L’histoire ne plaira qu’au comité de défense des représentations des Gays dans les comics qui honora Neil Gay-man d’une distinction honorifique à laquelle il tient beaucoup.
Sur la forme , le verbiage de Gaiman se déchaîne : le vocabulaire employé par les filles est peu crédible , les scènes secondaires sont ennuyeuses et Gaiman se perd dans un galimatias indigeste mélangeant action new yorkaise et fantasy façon Narnia .
L’odyssée de Barbie est ponctuée de scènes insignifiantes maintenant artificiellement le suspense . Les personnages y parlent de « Coucou » ,de « Hierograme » et de « Porpentin » le plus naturellement du monde et Gaiman conscient d’avoir largué tout le monde livre un dernier épisode intéressant. Le problème , c’est qu’il faut se coltiner 6 épisodes avant d’en arriver là (aux Etats unis 6 mois !).
Je n’avais déjà pas aimé cette histoire il y a 20 ans , elle m’a semblé interminable aujourd’hui. A bien des égards il s’agit d’un remake raté de l’histoire de Rose Walker. Les effets de Gaiman sont gros comme le château de Morphée , l’humour des personnages est vaseux, Hazel et Foxglove sont plus stupides qu’attachantes, Wanda le travesti cumule les pires clichés autour du genre. Seule la sorcière Thessaly amène un peu de piquant à une histoire très répétitive .
L’histoire de Matt Wagner met en scène le Sandman original des années 30 et une courte nouvelle superbement dessiné par John Bolton , un Satyre. Mais encore une fois, les chutes de Gaiman tombent à plat , ses effets grandiloquents sont fastidieux et le lecteur ne gagne absolument rien à posséder ces inédits. J’avoue cependant être peu concerné par le destin de Wesley Todd et que, par conséquent, ces nouvelles n’ont pas plus d’impact sur mon destin de lecteur qu’un pet de fourmi…
Côtés Bonus , Urban publie des interviews de Gaiman qui , orgueilleux , comprend que cette histoire est trop bien pour les lecteurs Lambda de Comics. De belles illustrations de Geoff Darrow , Jeff Smith ou Brian Bolland sauvent ce volume du bac à soldes .
Pour les inconditionnels et les vieux briscards qui vénèrent cette série ( votre serviteur ! ) , ce tome 3 , le moins réussi de tous , livre déjà des clefs qui montrent que Gaiman avait déjà en tête le dénouement de la série.
Pour ceux qui débarquent , ils peuvent très bien économiser ces 35 € sans rien perdre au fil de l’intrigue globale du destin du Sandman . Il ne s’y passe rien d’important , tout y est souvent laborieux et les inédits auraient mieux fait de le rester. L’avantage est que ce volume regroupe la plupart des mauvaises histoires de Sandman , la suite étant vraiment géniale !
Il me semble que la première partie correspond plus à « Distant mirrors » qu’à « Dream Country » qui était déjà dans le tome précédent. Avec ce titre, l’intention de Gaiman est un peu plus claire : renvoyer une image déformée de Morpheus au travers de ces individus. D’après ton commentaire, j’en déduis qu’il y a également 2 épisodes sur 3 de la partie appelée « Convergences » (le loup garou, puis Marco Polo).
Comme toi, je n’ai jamais réussi à trouver de l’intérêt à « A game of you », une évocation raté d’un monde onirique de jeune femme, encore teinté de rêves de princesse de type Disney.
Si l’histoire avec Matt Wagner correspond à « Sandman midnight theatre » illustré par Teddy Christiansen, je te trouve très dur. Mais peut-être faut-il déjà connaître la série « Sandman mystery theatre » (celle de Wesley Dodds) pour l’apprécier.
http://www.amazon.fr/Sandman-Midnight-Theatre-Neil-Gaiman/dp/1563892081/ref=cm_rdp_product
Je rectifie, tu as (encore) raison . Il me semble que l’ordre original dans lequel j’ai lu les premiers Tpb différent de cette édition.
Merci de ta remarque.L’histoire de Welsey Todd, je m’en fous effectivement, je vais ajouter quelque chose là dessus.
Je lis actuellement le tome 4 et je trouve les featurettes par Kent Williams aussi mauvaises. Tu auras compris que mon esprit est trop carré, pointilleux voire rigide et que je n’aime pas quand un auteur se disperse. Tout Neil Gaiman soit il.
Mais j’y travaille et à force de vous fréquenter, je suis devenu un lecteur bcp plus souple ! La preuve, j’ai lu cette nuit 25 Iron Man de Matt Fraction et je trouve ça très bon !
Je partage l’avis de Mantichore : chaque histoire indépendante prend son sens quand le lecteur s’interroge sur ce qu’elle révèle de la personnalité de Morpheus, de son état d’esprit, de ses choix d’action comparés à ceux des personnages.
Tout n’est pas bon dans Matt Fraction (ses Defenders par exemple). Mais c’est un auteur disposant d’une solide culture, capable de citer Fellini, Borges et Pynchon à bon escient (dans sa série Casanova). Comme beaucoup d’auteurs, il s’accommode plus ou moins bien des contraintes inhérentes aux comics de superhéros propriétés intellectuelles de Marvel ou DC (il aura beaucoup de mal à faire oublier « Fear itself », même si le genre crossover à l’échelle d’un univers partagé est un des plus difficile, parce que des plus artificiels).
Sa série « Sex criminals » chez Image vaut le coup d’œil car drôle et facile d’accès (plus facile que Casanova).
« Un peu d’action et de suspense ne font pas de mal à une série qui en est souvent dépourvue. »
Peut-être parce que ce n’est pas une série d’action et de suspense? C’est vrai que « Mme Bovary » aurait sans doute gagné à une scène de poursuite en calèche, mais hélas…
Les vignettes ne sont pas des dispersions. Ce sont des visions des rapports entre pouvoir et rêve, et chacune résonne avec la personnalité du Rêve. La série « Sandman Midnight Theatre » de Matt Wagner est excellente, un polar années Trente sur fond de guerre imminente, hélas peu traduit par ici; l’histoire de ce volume permet de mettre en rapport les liens de ce premier Sandman super-héroïque avec Morphée. Par ailleurs, le dessin est quand même de l’excellent Ted Kristiansen.
@Mantichore
Aie, ça griffe ! Mais bon je ne l’ai pas volé ! Mon film préféré est Mort à Venise. Pas vraiment un film de commando hein ? Et j’adore Mme Bovary ou le Soulier de Satin. Pas vraiment du Walter Scott…
Argumenter posément autour de ce que l’on aime pas n’est pas un exercice aisé. L’écriture de Gaiman sur ce volume m’a semblé un peu lourde, non exempts de sétréotupes qu’il prétend dénoncer . Et puis voilà, je n’ai pas aimé la personnalité de Barbie. C’est aussi simple que ça !
Le prestige de Ted Kristiansen ne suffit pas à m’intéresser à une histoire qui ne me touche pas. Là encore , je plaide coupable. Je n’ai aucun besoin de me rapprocher de la mythologie du premier Sandman, la mythologie de Gaiman me convenant complètement…
Merci de votre franchise !
Je suis assez d’accord avec ton analyse, j’ai mis un temps fou à le terminer. Et pourtant, c’est évident que A Game of You partait d’un bon sentiment. Même Thessaly est antipathique, c’est dommage tout ce texte interminable, mais la fin est très belle.
J’ai bien aimé les premiers épisodes qui correspondent tous à un mois de l’année, même celui à Rome…
Par contre, je te parlais de Gaiman comme d’un scénariste rectiligne, or je n’ai pas compris grand chose à la dernière hisoire (le théâtre de minuit ?) avec un Sandman Welsey Todd (je ne connais pas ce personnage original)… Faudrait que je réouvre le premier tome. Les dessins sont très chouettes par contre.
Bonjour,
Moi j’ai trouvé ce tome moins bon que les précédent, trop verbeux.
Honnêtement je me suis demandé si j’allais finir le tome ou non tellement c’était long.
Du coup je sais pas si je vais continuer la série.
Bonne journée
Bonjour Bastien ! Décidément cet arc décourage bcp de lecteurs. Courage le volume 4 rattrape le rythme de la série. Je le publierai dans une quinzaine de jours.
Tu sais Bruce, j’ai vertement critique Sandman comme trop pompeux, prétentieux, académique et soporifique mais malgrès tout ça reste une lecture de jeunesse, celle qui dans mon cas m’afait murur et évoluer en tant que lecteur de comics. C’est grace aux Vertigo comics de Karen Berger et des auteurs sous sa houilette que j’ai découvert qu’il existait autre chose que les super-slips et c’est pour ça que Sandman et Preacher ont absolument leurr place dans ma comicsthèque.
Ils sont toute ma jeunesse.
Au meme titre que le X-Force de Rob Liefeld et les X-Men de Claremont dontLiefelsd semble un fan sincere si j’en croie ce qu’il écrit sur son blog, RobLiefeldcreations.
Je n’irais pas lire le Blog de Liefeld !
Je comprends ce que tu veux dire. Personnellement je n’aime pas beaucoup Zola. Pourtant, c’est un écrivain majeur qui, une fois reconnu, a le droit de diviser le lectorat.
J’ai lu Germinal en Terminale, que j’ai fait passer avec des bêtises de Liefeld (pardon) de Cambrai lol
J’avais aimé ce roman, mais je ne le relirais pas.
Pareil avec Sandman.
Assez faible même si Neil Gaiman s’en défend, les histoires courtes ayant un intérêt scénaristique et graphique limité (y compris certaines couvertures de Dave McKean.
Et le segment principal, Le jeu de soi, peut apparaître comme daté avec le recul. En tout cas n’arrivant pas à faire comprendre plus subtilement ce que Gaiman veut exprimer à propos de la question du Genre, sans envisager de laisser coexister l’opinion qui défend la génétique (c’est pertinent dans plusieurs cas), et celle en faveur du libre-arbitre profond.
Sans compter l’absence de traitement du caractère iconique d’une héroïne concrètement calquée sur la poupée Barbie, ce qui aurait permis de faire du « Toy Story » avant l’heure.
Manquée aussi, la référence qu’il aurait pu faire à la loi de Murphy.
Rien de bien neuf, beaucoup de liens un peu artificiels, un tome de transition.