Providence, par Alan Moore & Jacen Burrows
Par : TORNADO
VO : Avatar
VF : Panini
1ère publication le 22/01/18- MAJ le 18/04/21
Cet article portera sur l’intégralité de la série Providence, réalisée entre 2015 et 2017 par le scénariste Alan Moore et le dessinateur Jacen Burrows.
Puisque l’épisode final de la série fait également office de suite et fin au graphic-novel Neonomicon, nous en toucherons également quelques mots en introduction.
Cet article, publié en deux parties, est une retranscription de l’enquête réalisée par Terence Tornado, professeur à la faculté du Boléro de Ravel de Thonon (et apparenté à un certain chroniqueur du blog Bruce Lit), disparu dans des conditions mystérieuses.
Attention : Il contient quelques éléments-clés, susceptibles de révéler des secrets dangereux pour votre santé mentale et pour votre salut…
Introduction de l’auteur :
Mon enquête se déroulera en trois temps, en plus d’une introduction dévolue au graphic-novel Neonomicon. Soit un chapitre pour chaque tome de la série, les trois recueils étant plus ou moins conçus comme autant d’actes (de quatre épisodes chacun), sur le modèle de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse.
Providence est censée être l’œuvre définitive du scénariste Alan Moore dans la perspective d’offrir aux lecteurs une relecture moderne et infiniment ambitieuse de la bibliographie de l’écrivain Howard Phillips Lovecraft et de son héritage littéraire nimbé de mystère.
N’y allons pas par quatre chemins : Le but de mon enquête est de percer, à travers la vision de l’auteur de Watchmen et de V pour Vendetta , les secrets qui nous permettront, peut-être, de découvrir l’origine de la création du Necronomicon et, par extension, de trouver la clé menant aux portes de l’au-delà, à la recherche des Grands Anciens…
1) Avant propos – Neonomicon : Les Racines du Mal :
Lorsque le premier épisode de Providence est publié, il est entendu que c’est le début d’une série qui se lit dans la continuité de Neonomicon, un roman graphique en six parties paru initialement en 2011. Celui-ci est constitué d’un prologue (intitulé The Courtyard) adapté d’un récit en prose initialement écrit par Alan Moore, mais transposé sous forme de comicbook par le scénariste Anthony Johnston. Les quatre épisodes du récit principal ont été écrits directement par Alan Moore et l’ensemble est mis en image par Jacen Burrows.
Le pitch s’appuie sur une enquête policière dans le milieu du paranormal, à travers laquelle Moore imagine une trame narrative sur fond d’hommage à Lovecraft.
Sacré Alan Moore ! Lorsque la publication de Neonomicon (« Neo » pour « Nouveau ») a été annoncée, une rumeur insinuait que le scénariste avait réalisé ce comicbook afin de payer ses impôts ! Une possible provocation de la part du plus grand auteur de comics de la planète qui, comme d’habitude (et tant pis si ça énerve les lecteurs de super-héros mainstream qui ne l’apprécient pas) surpasse tout le monde, même lorsqu’il écrit une simple histoire linéaire et facilement accessible comme celle-ci !
Pour ce qui est de l’hommage à Lovecraft, Alan Moore développe d’amblée une toile de fond qui s’avère aussi personnelle que cohérente.
Bourré de références à l’univers du Mythe de Cthulhu, puisant ses sources dans les écrits de Lovecraft aussi bien que dans ceux de ses héritiers littéraires, le récit d’Alan Moore affirme néanmoins son indépendance et son individualité en interprétant librement certains éléments Lovecraftiens, dont la violence latente et les métaphores sexuelles deviennent, sous sa plume, explicites et ostentatoires.
Neonomicon se révèle ainsi sulfureux, à ne pas mettre entre toutes les mains, car l’interprétation que propose Alan Moore de la cosmogonie du maître de l’horreur affiche littéralement ce qui ne relevait jusqu’ici que de la simple allusion, voire du sens caché.
Pour autant, cette transposition frontale (et insoutenable) ne saurait faire passer le récit d’Alan Moore pour de la simple illustration racoleuse vaguement inspirée des nouvelles de Lovecraft. Car notre scénariste s’empare de ce matériel pour témoigner de son propre point de vue sur cet écrivain qu’il considère comme l’une de ses principales sources d’inspiration, en même temps qu’il en condamne le racisme et les idées réactionnaires sous-jacentes. Ainsi, dans Neonomicon, les personnages principaux sont soumis au mal dans une forme de logique qui veut que la punition soit équivalente à leurs fautes, dont l’essence fait écho aux tabous et aux préjugés qui jalonnent la bibliographie lovecraftienne : Aldo Sax, l’enquêteur qui intervient dans le prologue, est un professionnel aussi efficace et brillant qu’il est méprisant et raciste. Les pistes qu’il soulève l’emmenant immédiatement vers un mal à sa mesure qui va s’empresser de le dévorer. Meryl Brears, sorte de Dana Scully nymphomane et bourrée de névroses, sera victime d’un démon aux pulsions sexuelles insatiables. Gordon Lamper, le dernier des enquêteurs, est irréprochable, et c’est un homme de couleur…
Alors que l’on pourrait penser que ce récit fait office d’œuvre mineure, perdue quelque part dans la carrière du créateur de Watchmen, on s’étonne de la richesse de son sous-texte, qui démontre le talent d’un auteur capable, même dans ses travaux les plus anecdotiques, de faire preuve d’esprit et de synthèse conceptuelle.
Pour ne rien gâcher, la narration choisie par Alan Moore est aussi simple qu’efficace. On a certes connu le scénariste plus inventif, mais l’ensemble se lit d’une traite et l’on regrette immédiatement, une fois le livre refermé, que les aventures de ces enquêteurs au royaume du mal ne continuent pas sur toute une série de tomes !
Le prologue est mis au point par le scénariste Anthony Johnston, qui réalise un très beau travail d’adaptation à partir de la prose d’Alan Moore. Je l’ai trouvé beaucoup plus créatif ici (avec son système des deux vignettes verticales par planche) que sur Fashion Beast, une autre adaptation d’un autre récit signé Alan Moore.
Les personnages de Neonomicon reviendront en 2017, lors de l’épisode final de Providence, qui servira ainsi de lien entre les deux histoires…
2) Providence Tome 1 – Sous le Monde :
Le pitch : 1919. Robert Black, un journaliste new-yorkais, propose à son patron de combler les vides de la prochaine édition de son journal avec un article racoleur, du genre à déterrer les faits divers sordides. Il pense au livre Sous le Monde, un brûlot ayant soi-disant poussé ses lecteurs au suicide pur et simple ! Mais il lui faut d’abord mener une enquête afin de retourner à la source de sa publication.
Se faisant, Black va sillonner les tréfonds de la Nouvelle-Angleterre en quête de ce mystère, qui va le fasciner au point de lui faire oublier l’objet initial de ses recherches, et le mener vers un monde caché des plus obscurs…
La série débute un peu comme une remise à plat des nouvelles les plus emblématiques d’H.P. Lovecraft. Les quatre premiers épisodes sont ainsi l’occasion pour le lecteur de reconnaitre à chaque fois l’un des récits les plus populaires de l’écrivain (L’air Froid pour le premier chapitre, Horreur à Red Hook pour le deuxième, Le Cauchemar d’Innsmouth pour le troisième et L’Abomination de Dunwitch pour le dernier).
Cette « compilation » de récits célèbres n’est pas gratuite, car Alan Moore les utilise en les mêlant à sa propre intrigue, permettant au final que l’ensemble forme un tout indissociable et homogène. Et c’est là que réside l’un des principaux intérêts de la série : Réinvestir les nouvelles éparses de Lovecraft et les intégrer dans un ensemble mythologique cohérent et moderne, où chaque élément est lié en un tout unique et fédérateur.
Il ne s’agit toutefois pas d’une adaptation au sens propre, car aucun des personnages selon Alan Moore (à ce stade de la série) ne porte le même nom que ceux d’H.P. Lovecraft et même le mythique « Necronomicon » a été ici transformé en « Livre de la Sagesse des Etoiles » ! On est donc bel et bien dans une forme de relecture, tout en restant dans l’hommage pur, restituant pleinement l’esprit initial de l’univers Lovecraftien.
Nous restons également dans la lignée de Neonomicon, à savoir qu’Alan Moore n’y va pas avec le dos de la cuillère dans le domaine de l’horreur et du sexe frontal, illustrant franchement tout ce que l’écrivain ne se permettait pas. Et puisque Lovecraft était paradoxalement, comme nous l’avons lu plus haut, un puritain pétri de préjugés (racisme, homophobie, antisémitisme), Moore profite de sa liberté d’adaptation afin de corriger le tir et rétablit ainsi directement ces notions dans son récit (héros juif et homosexuel, policier gay et raciste, etc.). Il le fait toutefois avec plus de retenue que dans Neonomicon, même si l’on devine qu’il ménage savamment ses effets en commençant par être subtil, pour se lâcher davantage dans les prochains épisodes…
Ainsi, la relecture de la mythologie lovecraftienne par Alan Moore, c’est une combinaison savamment équilibrée entre le maintien des fondamentaux, et le sévère dépoussiérage d’éléments intrinsèquement liés à cette mythologie.
Après Neonomicon, Moore préserve donc son indépendance en continuant à gloser certains éléments Lovecraftiens, sa métaphrase assumant toujours cette volonté de réintroduire les connotations et les diverses orientations sexuelles jadis évacuée par l’écrivain.
Soit l’hommage ultime d’un auteur à l’une de ses idoles, hommage à la fois sincère, critique, analytique, et rehaussé d’un point de vue personnel quant aux éléments fondateurs du Mythe de Cthulhu.
Contrairement à Neonomicon, cependant, Alan Moore renoue directement avec le décorum originel des nouvelles de Lovecraft (les années 20, l’envers du décor étasunien), ainsi qu’avec l’enquête classique et le cadre gothique, glauque et lugubre de la Nouvelle-Angleterre. On suit ainsi le parcours du personnage principal en retrouvant cette sensation envoûtante et mystérieuse, alors que l’on plonge avec lui, lentement mais inexorablement, vers un ailleurs sombre, secret et défendu, qui nous mènera peut-être à la découverte de créatures cosmiques et ténébreuses tels Cthulhu, Dagon et toute la clique…
Comme il le fait avec chacune de ses créations, Alan Moore va commencer par une phase de déconstruction de tous les clichés inhérents au genre consacré (dépoussiérant au passage le cadre gothique suranné tel qu’on le concevait dans les années 20) avant de reconstruire ce dernier en lui apportant un surplus de sens et diverses couches de sous-texte. Il est donc passionnant d’observer le travail du scénariste dans son entreprise de lier la petite histoire avec la grande et, déjà, on peut imaginer que les horreurs lovecraftiennes vont servir de métaphore visant à dénoncer quelques maux de notre monde bien réel…
3) Tome 2 – De la fiction à la réalité :
A ce stade de la série, Alan Moore continue de nourrir son récit de références aux nouvelles originelles de Lovecraft. Mais contrairement au premier tome, dans lequel chaque épisode dissimulait un hommage à une nouvelle emblématique, il multiplie ici ces références tout en les rendant moins facilement identifiables, comme si elles étaient distillées au compte-gouttes. Ainsi, le second épisode de ce recueil (« L’Abîme du Temps ») contient des éléments issus de plusieurs nouvelles lovecraftiennes, telles Dans l’Abîme du Temps, Herbert West Réanimateur et Monstre sur le Seuil. En gros, plus on avance dans l’univers de Lovecraft, plus les références sont nombreuses et diffuses…
Maintenant, l’intrigue toute linéaire du récit prend un tournant inattendu dans la mesure où le scénariste cherche à lier son récit avec la vie de l’auteur de Providence (d’ailleurs Moore est également l’auteur de Providence puisque c’est le titre de sa série !). On assiste ainsi, dans ce second tome, à une étonnante tentative de lier le réel avec la fiction, c’est-à-dire l’un des thèmes forts de l’auteur de Promethea
D’une manière quasi-inintelligible (heureusement que c’est expliqué dans le rédactionnel !), Moore diffuse également tout un tas de références à la famille de Lovecraft, semblant se diriger progressivement vers le personnage réel. Et alors que Robert Black se rapproche peu à peu de la ville de Providence, il croise de manière indirecte les aïeux de l’auteur du Mythe de Cthulhu.
Dans le cinquième épisode, le père de Lovecraft (Winfield Scott) apparait en toile de fond. Puis, dans l’épisode suivant, c’est autour de son grand-père (Whipple Van Buren Phillips) de faire une apparition furtive, avant de revenir dans le dernier chapitre, au cours d’une manifestation onirique. Ce sont des références obscures, nébuleuses, sibyllines. Et il faut les clés pour les assimiler. Mais effectivement, l’un des membres fondateurs de la « Stella Sapiente », société secrète et ésotérique à la recherche du monde d’en dessous imaginée par Alan Moore, apparait sur un tableau aux côtés de Winfield Scott Lovecraft, et il se nomme Van Buren…
En réalisant cet échiquier sur le jeu des références, Moore continue de mêler le réel à la fiction par le biais d’une savante étude du matériel séminal (qu’il utilise pour sa phase de reconstruction), en l’occurrence l’ascendance d’H.P. Lovecraft et les éventuelles répercutions de cet élément sur son œuvre (qui bien entendu vont prendre, dans la série, des proportions éminemment ésotériques, au point de faire d’Howard Phillips un véritable prophète en son pays…). Et l’on apprend d’ailleurs que les parents de l’écrivain avaient vécu des événements qui peuvent être reliés (telle une source d’inspiration indirecte) à ses récits imaginaires.
Alan Moore n’expose pas ces recherches en les offrant ostentatoirement à ses lecteurs. Au contraire, il les dilue subtilement dans sa phase de reconstruction de l’univers lovecraftien. Ce sont donc des références cachées, qui participent de l’œuvre en toute discrétion. Et Moore de s’imposer tel un artiste contemporain, soucieux de nourrir ses créations sans avoir peur de ne pas être suivi par le public dans son exploration aux diverses couches de lecture…
Ainsi, dans le dernier épisode de ce deuxième tome, Robert Black rencontre Howard Phillips Lovecraft en personne. Celui-ci l’invite à le rejoindre chez lui, à Providence. Et le livre se referme en attendant le troisième et dernier tome. Ce faisant, la réalité vient de rejoindre la fiction…
Le versant purement « divertissant » de l’ensemble est évidemment basé sur le rapport qu’entretient le récit avec l’horreur lovecraftienne. Tous les admirateurs des nouvelles de Lovecraft le savent : ses descriptions en termes d’horreur et de créatures fantastiques sont toujours nébuleuses, distillées en pointillés, et le lecteur doit lui-même imaginer l’essentiel de ces manifestations fantastiques. Dès lors, illustrer cette dimension relève de la gageure. Et Moore & Burrows, pour le moment, s’en tiennent donc au minimum, préférant tisser une atmosphère plutôt que de déballer un bestiaire horrifique. Il y a bel et bien quelques monstres, mais ils sont sans cesse assimilés à des manifestations oniriques et sont rarement exposés au premier plan. Et la scène la plus horrifique de ces quatre épisodes est ainsi réalisée sans le moindre artifice folklorique : Une horreur surnaturelle physique et domestique, entre deux être humains !
A ce stade de la publication, Providence est une série d’une richesse vertigineuse, très austère dans la forme, mais non dénuée de séduction vénéneuse. Les pages se tournent avec un réel intérêt et l’écriture de l’ensemble est extrêmement sophistiquée. Soit un étrange mélange entre la création exigeante d’un auteur au sommet de ses explorations thématiques, le charme attirant de l’univers lovecraftien, et l’application froide et rigide de tout un concept.
Nous vous donnons à présent rendez-vous dans la deuxième partie de l’article, où se poursuivra cette enquête à travers laquelle le grand Alan Moore cherche à effectuer une relecture de l’œuvre d’H.P. Lovecraft !
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Quand Alan Moore revisite l’œuvre d’Howard Phillips Lovecraft, c’est autant l’occasion pour l’auteur de Watchmen de réaliser un hommage sincère et critique envers son idole que de développer une tentative ambitieuse de lier le réel avec la fiction. La 1° partie de l’enquête menée par un de nos chroniqueurs, mystérieusement porté disparu au terme de sa tâche, commence chez Bruce Lit…
La BO du jour :
Qui de mieux, afin de mettre en musique une série gothique et crépusculaire comme « Providence », que le groupe Dead Can Dance ? Et quoi de mieux, au milieu de cette discographie ténébreuse, que le sépulcral « De Profundis » ?
Hum, je ne sais pas si je devrais en remettre une couche mais bon…
Je respecte Alan Moore en général et les quelques interviews ou préfaces et autres que j’ai pu lire de lui, en plus de ses comics, évidemment, sont autant de preuves que cet auteur est brillant.
Cependant, je pense que ces dernières années, les réactions se polarisent un peu trop en « bouh, il a baissé, il est devenu pervers pépère » et « rolala, c’est toujours génial, merci monsieur Moore de nous faire grâce de vos créations si précieuses… »
Quand Tornado écrit « Allez lire avengers ! », ça peut quand même être interprété comme « Si t’es trop con pour apprécier, va lire de la merde et fiche nous la paix » Je SAIS, que ce n’est pas ce que Tornado voulait dire, mais prise comme ça, sans connaissance autre du contributeur, la phrase peut être interprétée dans ce sens.
Or, entre dénigrer Moore systématiquement et dire amen à tout ce qu’il produit, on peut aussi envisager une voie médiane (et même plusieurs) pour dire qu’il produit des œuvres souvent ambitieuses mais qui ne sont pas toutes de notre goût ou qui parfois ne nous parlent pas.
Sur Internet ça n’existe plus la voie du compromis et de la nuance^^
C’est gonflant mais ça se voit avec les films, avec les comics, tout. Soit faut être un admirateur béat, soit un « hater » (de Moore, de comics old school, d’adaptations cinéma, etc.). J’ai fait la petite remarque aussi sur la phrase de Tornado^^ Sans en faire un flan parce que j’imagine qu’il ne l’entendait pas comme ça mais…ouais cette polarisation, c’est chiant, on arrive difficilement à discuter parfois. Gare à toi si tu trouves un reproche à faire à une vache sacrée ou une qualité dans une BD d’un auteur qui n’a plus la cote (hum…Bendis et consorts) C’est surement que tu comprends rien car c’est pas possible^^
une qualité dans une BD d’un auteur qui n’a plus la cote (hum…Bendis et consorts)
Juste pour préciser que je me bouffe du Bendis au petit déjeuner depuis une douzaine d’années, bien avant que ce soit la mode. Sa présence au Comic Con m’a étonné de son extrême popularité auprès des fans de comics. Brian reviendra bientôt par la grande porte via Présence qui nous parlera de la nouvelle série Alias.
Il a autant de fans que de détracteurs je crois. ça illustre bien ce que dit JP.
Mon exemple n’était peut être pas le bon mais bref…l’idée c’est qu’il y a toujours deux camps extrêmes. SI t’es au milieu, tout le monde te fait la gueule^^
Excellent article, bravo!
La BD qui divise les amateurs de Lovecraft!
Tout d’abord, mettons les choses au clair, je suis un fan inconditionnel de Lovecraft. L’auteur de Providence était le monstre qui se cachait sous mon lit quand j’étais jeune et il est maintenant lui qui hante mes rêves depuis que je suis grand.
J’avais adoré sa première incursion dans le monde de Lovecraft avec son Neonomicon. Une BD crue, dure, bizarre. Une histoire de culte, d’enquête qui avait créé en moi un profond malaise. Providence ne fait pas exception, ma première lecture a été également très malaisante. Cette BD n’est pas parfaite, mais elle n’est surtout pas pour tout le monde! Je crois sincèrement qui faut un degré de connaissance et d’appréciation de l’oeuvre de Lovecraft pour l’apprécier un tant soit peu.
Ce n’est pas facile à lire, l’histoire change de style souvent. De la BD, de longs textes, la typographie change elle aussi au fil de la lecture, bref, c’est un peu lourd de lecture. Par contre, chaque changement apporte un effet important dans la continuité de l’histoire. Bien que peu nouvelle, j’ai adoré la prémisse de l’histoire. Un journaliste qui vit et voit le mythe pour ensuite en faire part à un jeune auteur. Ce n’est pas nouveau, Lovecraft dans ses lettres, avait déjà dit qu’il n’avait rien inventé mais qui racontait seulement ce qu’il avait vu. Tolkien avait fait la même remarque sur son oeuvre, qu’il était seulement le conteur d’aventures que d’autres avaient vu. La folie est proche parente du génie! Je sais que certaines scènes sont crues et absolument pas dans le genre de Lovecraft qui n’a jamais été très explicite dans ses histoires. Mais, le pouvait-il seulement être explicite dans ses histoires? Je vois mal l’auteur décrire une de ces scènes d’orgie reliées aux cultes dans les années 1900! Peut-être, que s’il écrivait aujourd’hui, ces scènes ne seraient pas les mêmes! Bref, ce que je recherchais par ma lecture, je l’ai eu. Une histoire mélangeant le style propre à Moore avec un soupons de mythe de Lovecraft. Une histoire dérangeante, qui questionne, qui développe un certain malaise chez le lecteur.
Le dessin, à le dessin! Ce n’est pas un style de dessin que j’apprécie beaucoup. Très caricaturale. Un dessin moins conventionnel, plus éclaté, qui sort des cases aurait pu servir mieux l’histoire de Moore, mais est-ce que c’était le but? Je crois, que Moore voulait un dessin plus normal, plus clair, plus soigné pour mettre en valeur les plusieurs changements de style tout au long de la BD. Comme dans le Neonomicon, c’est un dessin qui passe, qui ne révolutionne pas le genre mais qui fait le travail selon moi.
Pour finir, Lovecraft ne laisse jamais indifférent. Par ses nouvelles ou par l’influence qu’il exerce sur le monde littéraire, il dérange encore! Jamais, une histoire le touchant de près ou de loin passe inaperçue. On aime, ou on n’aime pas mais il a rarement un milieu!
Merci et je termine en citant le plus grand auteur d’horreur de l’histoire :
“Notre race humaine n’est qu’un incident trivial dans l’histoire de la création : l’humanité est peut être une erreur, une excroissance anormale, une maladie du système de la Nature. “
Marc « The Paper Man » Gagnon
Merci beaucoup pour ton retour. Nous parlerons davantage du dessin, aussi, dans la 2° partie de l’article 🙂
Je sais, mais je voulais tout mettre dans un commentaire! Je suis lâche! 🙂
Deux ou trois choses pour rebondir :
D’abord, merci Jay, ça fait toujours plaisir ce genre de retour quand à mes tentatives de démonstration 🙂
Pour ce qui est de trouver une appréciation plus ou moins objective, je tiens à faire remarquer que je n’ai mis « que » 4 étoiles en haut de l’article, et que l’article en question est ici proposé dans sa première moitié uniquement. Vous verrez que je reste sur un sentiment partagé à la fin, tout en continuant d’admirer l’auteur Alan Moore malgré tout, et de considérer la série Providence comme quelque chose d’important quoiqu’il en soit.
Par rapport à ma remarque : « Certains n’aiment pas quand c’est crade et qu’il y a du cul pas beau ? Très bien, il suffit de lire les Avengers dans ce cas. » – Notez bien que je ne dis pas « allez lire Avengers pauvres couillons« , mais plutôt « Lisez plutôt du mainstream inoffensif si vous avez peur de vous confronter à des sensations fortes ou désagréables« . En gros : Il y en a pour out le monde. On peut lire des choses trash, on peut lire aussi des choses plus sages. Sans être obligés de lire ce qui ne nous attire pas.
Après tout, je peux parfaitement comprendre qu’une personne n’ait pas envie de s’imposer du sang, du vomis et des larmes. Dans ce cas, autant éviter de s’y frotter.
Je pense effectivement que « Providence » a créé l’émeute par ses promesses de réveiller le mythe lovecraftien, et qu’en même temps il a refroidi tout un pan des émeutier par sa distance prise avec l’esprit initial des nouvelles de Lovecraft. Et manifestement, ça a généré une certaine frustration et quelques pics de réactions passionnées.
« Lisez plutôt du mainstream inoffensif si vous avez peur de vous confronter à des sensations fortes ou désagréables »
C’est mieux certes, mais ça ne marche pas trop non plus dans le sens ou j’aime l’horreur moi^^ Je me suis déjà frotté à des sensations fortes. Mais sont-elles non-critiquables ces méthodes utilisées dans le cinéma d’horreur ? Par exemple c’est pas toi qui trouvait qu’il y avait une scène ultra hardcore dégueu dans un épisode de Walking Dead ? Tu disais « mais comment on peut regarder ça, faut être taré » ou un truc du genre^^ Bon…et t’es fan d’horreur aussi. ça veut bien dire qu’on a nos limites et qu’on a un esprit critique envers ce qui relève d’un approche créative et d’un étalage de boucherie gore facile. Après tout, je suis sûr qu’il existe des sites pour mater des images choc dégeu sur le net. Quand j’ai la sensation qu’un film me montre ça pour me faire craquer sans créer une ambiance, mettre du suspense, rien…mais juste en surenchérissant dans l’ultra-violence, j’ai forcément envie de dire que c’est de la merde perverse.
Après je suis ouvert à la discussion sur pourquoi Moore ne verse pas dans ce registre selon toi, et que j’ai peut être pas tout saisi^^…mais c’est pour dire que c’est pas parce qu’on accepte de tenter un truc d’horreur qu’on veut tout voir et qu’on ne peut rien critiquer dans ce genre là.
Sinon à ce compte là n’importe quel film qui montrerait une scène de torture pendant 1h30, on dirait que c’est de l’horreur et puis c’est tout, y’a rien à critiquer. De l’art et du vrai cinéma ! Comme toute mise à mort de soldats par des troupes terroristes qui circulerait sur le net. Du grand cinéma d’horreur.^^
ça va, j’en fait pas trop ?^^
Bon, je suis encore maladroit. Alors j’ai une meilleure analogie à te proposer : Je déteste les manèges à sensation forte. Mais j’adore les manèges quand même. Du coup, quand je vais à Disneyland, je sais que je vais adorer Star Wars Tour, mais que je vais détester Space Mountain. Alors je ne vais pas sur Space Mountain ! 🙂
Du coup, je ne critique pas ma femme, qui adore Space Mountain. Par contre, même si elle ne me le dit pas, je vois bien qu’elle pense que sur ce coup là, je suis un peu une chiffe molle (mais uniquement sur ce coup là) 😀 !
Quoiqu’il en soit je suis convaincu qu’Alan Moore n’utilise pas la dimension du sexe et de l’horreur pour faire du porno, mais pour produire du sens. Dans le cas de Providence, c’est vraiment utilisé pour aller au fond des choses (sans jeu de mot…), pas de manière gratuite, donc.
Moouuii…mais là tu sembles dire que tout se vaut en matière d’horreur en les comparant à des attractions assez inoffensives^^ On ne peut pas critiquer une attraction qui remue en disant que ça remue trop en effet. Mais que dire de la gratuité de certaines scène de violence ? C’est toujours acceptable selon toi et jamais critiquable ? On peut tout montrer, même 1h30 de torture sadique ? (je ne parle pas de Moore là, mais en général) C’est juste pas pour tout le monde ?
Et puis…j’suis chiant je sais…mais Space Mountain tu sais à l’avance ce que ça te réserve. Donc ouais t’y vas pas. Une BD ou un film tu ne sais pas forcément ce qui t’attend, donc tu peux te retrouver à y aller…et à passer un sale moment. Et après à te dire « bon…c’était de la merde ou ça vient de moi ? » ^^
Pour ma part j’avais bien aimé les films Hostel, qui ont lancé la mode du torture-porn. Je trouvais le concept intéressant, et l’aspect malsain du film te poursuivait longtemps après le visionnage, tout en te faisant réfléchir (à partir de quel moment nos sociétés modernes connectées pourront permettre aux nantis qui s’ennuient de basculer dans le sadisme comme plaisir ultime ? Et est-ce que ça n’existe pas déjà ?). Il y a eu quelques bons films dans cette lignée, comme « Wolf Creek », par exemple. Le premier « Saw » était solide également. Par contre, ensuite, c’était uniquement de la surenchère. Et là je suis d’accord pour trouver que c’est mauvais et que le principe est incorrect parce que c’est gratuit et que c’est uniquement conçu pour titiller le plaisir du malsain, sans rien derrière.
Je n’ai pas vu les Hostel mais oui le premier « Saw » était bien et les suites de la surenchère gore^^
Enfin tout ça pour dire que selon ce qu’on attend, ce qu’on comprend, le support (la BD qui permet des scènes plus explicites qu’en film et peuvent donc plus facilement paraître gratuites), la frontière entre le « ça a du sens et ça marche » et le « c’est too much, c’est gratuit » n’est pour moi pas si évidente. Par exemple Présence ne supporterait pas ça en film. Moi curieusement je suis parfois plus choqué par un dessin qui reste là, figé, à ta vue, alors que le film continue à bouger (sauf si tu fais pause^^) Du coup c’est pas si simple tout ça.
Je n’ai pas du tout aimé le premier Hostel (même si je dois avouer que le film fonctionne bien et que le concept est intéressant) mais je ne le rapprocherai pas du tout de Wolf Creek (qui lui est chiant comme la pluie). Je te conseillerai plutôt de voir 13 tzameti, qui a un concept finalement très proche de Hostel.
désolé c’ est la première fois de ma vie que je fini pas une bd , le tome 2 est beaucoup trop ……….chiant
Tiens, je profite de voir le papier repasser pour apporter une précision sémantique.
Lovecraft y est qualifié de « puritain », pour des raisons évidentes : toujours habillé sobrement, critique des pratiques sexuelles de ses camarades, Clark Ashton Smith le tombeur et Samuel Loveman l’homosexuel en tête (ce qui, notons-le, n’enlève rien par ailleurs au respect et à l’amitié qu’il leur porte).
Mais il aurait été choqué qu’on lui applique ce qualificatif : fin connaisseur des premiers temps de la colonisation des Etats-Unis, il a pas mal étudié les Puritains de Salem, et les cite assez souvent dans son œuvre. Et pour lui, ils sont un repoussoir absolu, des fanatiques religieux dangereux. Lovecraft est athée, et est souvent critique de toute forme de culte. du coup, pour lui, le terme renvoie à une réalité historique précise, et si lui-même est quelqu’un de très peu sensuel, et se trouve dans la continuité civilisationnelle de ces pères fondateurs, il ne fait jamais le rapprochement (qui pour nous est évident).
voilà, c’était la petite vignette anecdotique du dimanche.
Merci pour cet approfondissement culturel, et cette remise en contexte historique. J’avoue que j’aurais facilement fait l’amalgame sans même m’en rendre compte. Je reste fasciné par la pérennité de cet auteur si mal considéré quand je le lisais il y a plus de 3 décennies.
j’avais tendance à le qualifier de puritain aussi, mais j’ai eu l’occasion de lire ses lettres sur le sujet, qui rendent assez bien compte de la complexité du personnage, fasciné par une époque dont il abhorrait les plus emblématiques représentants
Oui, ça me va très bien. Moi qui ne suis jamais bien dans les extrêmes d’un bord ou d’un autre, Lovecraft était certainement plus complexe ou tout simplement moins tranché que ce qu’on a bien voulu raconter à son propos. Si d’aventure j’ai parlé de puritanisme à son endroit, c’est que j’ai dû en lire à tort et à travers et que je me suis laissé influencer par la cantonade…
non, ne t’excuse pas, c’est un glissement de langage courant, et pas absurde. mais c’est intéressant de le signaler pour ce qu’il est, justement, d’interroger les catégories qu’il recouvre, et qui nous sembles évidentes, alors que c’est plus complexe que ça
Bah de toutes façons, même si ce fut vrai un jour qu’il soit extrême d’un bord ou de l’autre, on sait qu’il a changé au fil du temps. Il écrivait sur la fin que s’il pouvait, il paierait des maitre chanteurs pour que certains des éditos qu’il avait écrit ne soient plus re-publiés.
Il s’est lâché sur les étrangers, les canadiens français, plein de gens…avant de se raviser un peu.
Les gens changent.
clairement. il se voulait très conservateur (et même réac, clairement) dans sa jeunesse, et sur la fin il était clairement partisan du New Deal de Roosevelt