Shadow master series volume 1 par Andy Helfer & Bill Sienkiewicz
AUTEUR : PRÉSENCE
VO : Dynamite
VF : /
Ce tome fait suite à Blood and judgment (1986, minisérie en 4 épisodes, écrite, dessinée et encrée par Howard Chaykin, également rééditée par Dynamite).
Il regroupe les épisodes 1 à 6 de la série débutée en 1987. Ces épisodes ont été écrits par Andy Helfer, avec des dessins et un encrage de Bill Sienkiewicz, et des couleurs de Richmond Lewis.
Il vaut mieux avoir lu Blood and judgment avant pour saisir toutes les explications, et comprendre d’où sortent les 2 fils du Shadow.
Le récit commence dans la salle d’attente d’un hôpital d’Atlantic City (dans le New Jersey). Twitchkowitz déjoue l’attention de Gwendolyn l’infirmière de garde (une ancienne catcheuse professionnelle) en injectant un excitant (avec une seringue) dans le bras d’un gros biker qui devient pris d’une folie furieuse. Alors que Twitchkowitz en profite pour aller piller la pharmacie de l’hôpital, Lamont Cranston pousse les portes de l’hôpital et s’écroule dans un état critique.
Pendant ce temps-là, Harry Vincent et Margo Lane apprécient un dîner au restaurant. Burbank rend visite à Lorelei, l’opérateur radio du Shadow, (vivant dans un poumon artificiel). De Witt et Elton s’apprêtent à mettre un terme à la carrière d’un trafiquant de drogues (avec l’aide de Mavis, la fille d’Harry Vincent). Cette intervention culmine avec l’apparition du Shadow dans sa voiture volante, pilotée par ses 2 fils Hsu-Tei & Ching Yao.
À l’époque, la minisérie d’Howard Chaykinn’avait pas été très bien reçue par les amateurs du personnage du Shadow, parce que trop violente, et se déroulant à l’époque actuelle. Qu’à cela ne tienne, Andrew Helfer persiste et signe dans la même configuration, en rajoutant une dose de dérision, sur l’humour noir et le cynisme institué par Chaykin.
Il est formidablement secondé par Bill Sienkiewicz qui réalise des dessins parfaitement en phase avec le scénario. Si le lecteur n’a pas lu les romans de Walter B. Gibson, il pourra apprécier à leur juste valeur ces aventures décapantes.
Andrew Helfer a conçu une histoire complexe dans laquelle le Shadow doit empêcher la mauvaise utilisation d’un satellite de communication, trouver qui commet des meurtres rituels à New York (avec sectionnement des paupières des victimes), et trouver le but réel poursuivi par la secte de la Lumière.
Helfer pioche à la fois dans les ennemis traditionnels du Shadow (ceux des livres, avec une résurgence du péril jaune), et dans les faits établis par Chaykin pour amener le Shadow dans le temps présent. Il vaut mieux avoir lu Blood and judgment récemment pour comprendre qui est ce Lamont Cranston qui arrive dans un hôpital et la différence entre Lamont Cranston et Kent Allard.
Tout au long des 6 épisodes l’humour règne en maître, sous des formes très diverses. Cela commence par cet agent peu fréquentable du Shadow qui pique dans les stocks de médicaments de l’hôpital pour sa consommation et pour les revendre. Cela continue avec ce biker se faisant mater par un ex catcheuse. En termes de personnages, l’inspecteur Joe Cardona n’est pas mal non plus. Il est âgé et irascible, compétent et rigoureux, mais se fait mener par le bout du nez parce que Max son adjoint est un agent à la solde du Shadow.
Sienkiewicz se fait un plaisir d’exagérer les expressions colériques et cassantes de Cardona. Les 2 fils du Shadow sont irrésistibles (ils découvrent la société occidentales dans tous ses excès) à chaque scène. Alors qu’ils viennent de livrer un individu pour qu’il soit cryogénisé dans une clinique, ils demandent où se trouve monsieur Disney.
L’intrigue en elle-même comporte une dimension moqueuse : les cerveaux criminels voient leurs plans mis à mal par les sous-fifres qu’ils ont spoliés. Le gourou de la secte de la Lumière prend la mainmise sur les émissions locales des télévangélistes, grâce à un chantage sur leurs activités peu reluisantes.
Après Elektra: Assassin et Stray Toasters, Bil Sienkiewicz revient au dessin à l’encre. Il a conservé son approche expressionniste du dessin, ce qui fait des merveilles sur le scénario moqueur et ironique d’Helfer. Dès la première page, le contraste exagéré en le fluet Twitchkowitz et l’énorme biker barbu est délicieux.
La réaction du biker à l’injection de produits psychotrope se traduit par un œil dilaté émettant des rayonnements au travers des lunettes de soleil. Twitchkowitz en lui-même est un petit bonhomme aussi épais qu’un ticket de métro, avec une silhouette inoubliable (dont McFarlane a dû s’inspirer pour le personnage de Twitch). Gwendolyne est massive et une fois lancée, le lecteur sent que rien ne pourra l’arrêter.
Le Shadow se réduit à une ombre noire, une écharpe rouge, un long nez, et un chapeau de feutre à large. Il est une présence sinistre et inquiétante, brutale et mystérieuse. Ses phylactères bénéficient d’une bordure doublée de rouge, et d’une police de caractère spécifique, grâce à la minutie de Bob Lappan (le lettreur) qui effectue un travail remarquable.
Sienkiewicz prête également une grande attention aux décors (même s’ils ne sont pas présents dans toutes les cases). Il est ainsi possible de remarquer une pile de carton à chapeau, contenant les chapeaux de réserve du Shadow au fur et à mesure qu’il les perd dans des affrontements.
Alors qu’Howard Chaykin avait créé une version moderne du Shadow irrespectueuse, cynique, brutale et corrosive, Adrew Helfer et Bill Sienkiewicz s’en emparent pour appliquer leur propre forme d’humour (un peu plus crade, mais tout aussi corrosif), sans oublier de raconter une histoire en bonne et due forme, qui épingle au passage quelques travers de la société (du télévangélisme au capitalisme sauvage).
Après ces 6 épisodes rentre-dedans, Bill Sienkiewicz s’en est allé illustrer d’autres histoires. Les responsables éditoriaux ont alors confié la série à un jeune dessinateur à la personnalité graphique bien affirmée : Kyle Baker. Contre toute attente, le niveau d’humour servi bien noir et bien sarcastique allait encore augmenter : la preuve dans Shadow, master series volume 2.
Idem qu’hier ! Pas sûr d’être fan de Pulp…Je ne me suis jamais décidé à sauter le pas et d’investir dans le Shadow de Garth Ennis, c’est dire….J’ai peur de ne rien y comprendre…Certains dessins ici sont effectivement très irrévérencieux, même si je ne suis spas le plus grands fan de Bill. S
Je ne suis pas le plus grand fan de Bill Sienkiewicz… mais j’espère avoir ma place dans le peloton de tête.
J’ai peur de rien y comprendre. – Pour quelqu’un capable d’assimiler et de maîtriser la continuité X-Men, je ne vois pas quelle genre de lecture pourrait te poser problème.
Une œuvre de Bill Sienkiewicz est toujours un grand moment (sauf quand il bosse sur Spiderman – sans vouloir réveiller de vielles polémiques) quoi qu’il en soit je ne savait pas du tout qu’il avait travaillé sur cette série ! Merci pour l’info donc !
Comme sur « Elektra assassin », le mode de représentation ironique et expressionniste de Sienkiewicz fait des merveilles pour révéler toute la saveur sarcastique du récit.
Arf… Ça ne fait pas très pulp quand même !
Je n’accroche pas du tout à la première vision. Je ne suis d’ailleurs pas un fan énamouré de Sienkiewicz, même si je lui reconnais son talent et son importance. Après tout, je ne suis pas obligé d’aimer un artiste parce que tout le monde dit que c’est un génie ! 😀
Pour le « Shadow », je suis conservateur : Je préfère quand ça sonne vraiment pulp. C’est-à-dire quand l’ambiance sonne vraiment « rétro » et années 30.
Pourtant, on peut dire qu’Helfer et Sienkiewicz respectent l’esprit des pulps à la lettre : le Shadow lui-même, sa justice expéditive, le retour des agents du Shadow, des ennemis avec un soupçon de surnaturel, de l’horreur (les paupières déocupées), le milieu criminel , et la plongée dans les bas-fonds.
J’avais mis plus d’un an à apprécier Sienkiewicz quand il dessinait The New Mutants et davantage pour l’adorer. Le déclic fut sans aucun doute son DD « Love and war » associé avec Miller.
Je ne connaissais pas son travail sur Shadow. Merci 🙂
Love & War : un excellent souvenir, plus concis que « Elektra: assassin », moins délirant, amis avec une narration tout aussi puissante.
Love and war, je l’ai lu récemment et c’est le premier boulot de Sienkewicz que je lis, alors que je connais ce dessinateur depuis vingt ans… Merci pour l’article Présence, je ne connais pas le Shadow, que ce soit en roman ou en BD et encore moins ces auteurs, mais ça donne très envie.