Motel Art Improvement Service par Jason Little
Bee une adolescente encore vierge décide pour ses 18 ans de traverser les Etats Unis à vélo. Elle espère l’aventure, les grands espaces et aussi, beaucoup, tirer un coup. Elle rencontre lors d’une de ses escapades Cyrus un jeune peintre doué et un peu marginal. Celui-ci se livre à la restauration d’oeuvres d’art exposées dans les chambres d’hôtel.Il subtilise les tableaux, les modifie et les réarrange en y ajoutant sa touche. Il crée ainsi une exposition invisible, vivante et atypique d’un artiste ne voulant pas se vendre.
En contrepartie de ce travail artistique, Cyrus subtilise à « ses clients » un tiers de ce qu’il trouve dans les chambres : médicaments, viagra, pilules et drogues.En attirant dans ce mode de vie excitant la jeune Bee, nos héros vont croiser la route d’un trafic de drogue qui va les mettre en danger.
Tout est atypique dans cette histoire de Jason Little: du format à l’italienne au titre n’étant pas s’en rappeler des albums de rock cultes aux titres à rallonge (The Village Green Preservation Society ou Sgt. Pepper’S Lonely Hearts Club Band). Et que dire du physique de Bee aux antipodes des héroïnes de comics peroxydées avec des obus en forme de nichons (ou l’inverse, c’est selon…) à la sexualité agressive?
Avec ses rondeurs, ses binocles, ses cheveux roux,ses aisselles mal épilées, ses robes et ses chaussettes, Bee est le contraire d’une héroïne sexy. Mais elle est maline, audacieuse, courageuse et amoureuse. Elle évoque à bien des égards d’avantage Véra Dinkley de la série Scooby-Doo que, disons, Psylocke des Xmen ou Witchblade, bimbos du Mainstream. Bee incarne une certaine joien de vivre, un naturel rafraîchissant avec sa sexualité galopante, ses migraines et ses menstruations.
C’est aussi une femme qui a envie de tomber amoureuse d’avantage de l’amour que du toxicomane qui va la mettre en danger.Si ce Comics comporte certaines scènes de sexe, il montre une jeune femme bien dans sa peau aux fantasmes plutôt sains pour éviter d’en faire une freak.
Jason Little trouve le bon équilibre entre les scènes intimistes, une réflexion caustique sur le marché de l’art, des personnages secondaires haut en couleurs, ce qu’il faut d’action et beaucoup d’humour. Il travaille avec des décors inoubliables,notamment l’architecture impressionnante de l’hôtel, inoubliable théâtre des ébats érotiques de Bee et du cache-cache avec le dealer.
Impossible de ne pas penser aux aventures de Tintin dans les scènes de poursuite où les personnages crapahutent dans les cages d’escaliers, laissent des leurres, se cachent ou partent sur une fausse piste. Derrière la fausse simplicité de son trait se cache une gestion rigoureuse de la perspective des décors et de la mise en scène.
La couverture montre Bee déterminée sur son vélo avec une irrésistible parodie des cercles de l’enfer de Dante en guise d’étages de l’hôtel où elle travaille. Motel Art Improvement Service est une aventure inoubliable avec des personnages et une histoire haute en couleur. Un souffle américain généreux souffle sur les pages de cet album : celui de la liberté, de l’insouciance et du prix à payer pour le retour à la réalité.
D’une originalité indubitable, en parsemant son histoire de dialogues à l’authenticité désarmante, Jason Little sublime la bande dessinée indépendante et prouve que l’on peut y raconter des histoires tendres, profondes et trépidantes. Il alterne comme personne entre rêve et lucidité, émois adolescents et maturité adulte, humour et réalisme.
Une belle réussite et au final un beau portrait de femme libre ingénue mais pas idiote ne nécessitant aucune amélioration !
Je n’ai jamais lu de Jason Little je pense, donc là tu donnes très envie ! Picturalement, ça me rappelle un peu un Daniel Clowes qui ne serait pas anxiogène… Enfin, surtout le découpage.
Un petit retour, après l’avoir emprunté (sic) à la médiathèque : je l’ai lu deux fois (une fois vite fait dans le tram et une seconde fois ce soir). Je suis moins enthousiaste que Bruce et Présence. Le côté Tintin au féminin et modernisé est original et il y a quelques belles scènes mais l’ensemble ne m’a pas captivé. Cela m’a fait penser à certains films qui accumulent les moments « What The Fuck », déroulent des intrigues parallèles pour finalement déboucher sur une conclusion abrupte et souvent bof.
C’est pas grave, j’ai fait mienne la maxime de Garcimore : « Des fois ça marche, et des fois ça marche pas ! »