Par Garth Ennis et collectif
En passant au crible les thématiques de l’oeuvre de Garth Ennis, il est facile de comprendre sa haine des super-héros; Des histoires souvent réalistes où des soldats, des durs à cuire, des marginaux finissent par passer l’arme à gauche malgré leur entraînement, leur maturité,leur courage.
Dans ce cadre, alors que ce type a déjà écrit des dizaines de milliers de pages avec seulement 44 ans au compteur, il est normal que les histoires de types increvables, sans aucune formation et se cachant derrière des masques ne puissent que l’irriter.
Car ce que cherche Ennis, ce sont les racines de l’héroïsme chez l’être humain, celui qui nous pousse à commettre des actes insensés de bravoure dans des situations impossibles ainsi que son volet tragique: une mort inutile, une vie sans remerciements.
Quand même,vous en connaissez beaucoup vous des scénaristes actuels qui potassent une dizaine de livres d’histoires pour écrire une histoire?
Ce volume comprend 4 histoires.
1/ Le Tigre de Johann
La première histoire de ce recueil et la meilleure à mon sens. Un bataillon Allemand sent la fin de la guerre arriver sur le front russe. Malgré la résistance de leur char d’assaut, l’usure et la peur de mourir est là. Ces soldats se savent condamnés par la Fureur de leur moustachu et refusent de lui donner leurs vies. Alors qu’ils entreprennent de se rendre à la première escouade américaine, les voici pourchassés par une milice nazie qui refuse de les voir capituler.
Nos héros sont dirigés par un allemand fier, courageux, lucide et dévoué à ses hommes : Johann. Sauf que Johann s’est également rendu coupable de crimes de guerre contre des civils russes et que sa conscience le démange. Du Ennis tout craché, refusant le manichéisme et s’intéressant au sort d’un type honorable perdu dans l’inhumanité d’un conflit qui le dépasse. Un mec qui cherche à se faire tuer et qui n’y arrive pas. Un récit maîtrisé par un scénariste touché par la grâce capable de raconter une histoire d’amitié virile sans sombrer dans les clichés, mettant en scène un criminel hanté par ses actes et une fin dramatique intense.
Ennis qui n’a pas toujours été très regardant dans le choix de ses dessinateurs bénéficie là d’un artilleur exceptionnel: Chris Weston.
Jamais avare de décors de villes en ruines, d’avions en flammes, de chars décortiqués du canon aux chenilles, Weston est totalement investi par son récit. Ses cadrages un peu old school sont délicieux tout comme la physionomie de ses personnages capables d’inspirer à la fois le respect que la peur. Exceptionnel !
2/ Les Tire-au-Flanc du Jour J
En dépit de ses sarcasmes, Ennis prouve ici qu’il est un grand sensible. Il souhaite rendre ici hommage à un bataillon hétéroclite de soldats venus de tous les continents. Sur le front Italien, une députée britannique les accuse de mener la Dolce Vita et nos amis vont traîner une réputée de planqués, eux qui auront passé 20 mois sur le front !
Ennis montre que dans les faits la réalité est toute autre et qu’eux aussi ont payé leur quotidien fait de sang, de poussière, de boue, de mines antipersonnel. Ennis imagine des portraits à la véracité bluffante: Le lieutenant Ross jeune idéaliste d’Oxford qui va devoir en une nuit découvrir la réalité de la guerre et gagner le respect de soldats aguerris. Le Capitaine Loyatt usé d’avoir mené ses hommes à la mort et qui s’entraîne au tir sur …le Christ d’une église. Et toute l’escouade composée de gars pas très malins mais prêts à mourir pour les copains.
Ennis s’attarde sur les effets sur le moral des troupes du discours d’une politicienne qui n’assumera jamais ses dires . Avant de leur réserver un destin funeste. Ennis dose encore ce qu’il faut de conversations désenchantées et de révolte contenue contre l’insulte faîte aux courage de ces hommes.
Aux crayons John Higgins: avare de décors, une gestion assez raide des mouvements, ses cadrages valorisent pourtant les nombreux dialogues de l’histoire et les dernières pages font montre d’une ambition certaine où chaque détail du champs de bataille devient l’élément principal de la page d’après. Encore une vraie réussite.
3/ Les Screaming Eagles
Attention légende aux crayons: M. Dave « Watchmen » Gibbons ! Il est amusant à cet égard qu’il mette en scène un soldat nommé Moore et qu’un de ces personnages ressemble au Comédien. Mais son style donne un volet cartoon à l’ensemble qui dénote avec le discours de son auteur.
Ennis imagine l’épopée orgiaque de soldats américains qui désobéissent aux ordres d’un officier irresponsable et se réfugient dans un manoir alpin pour oublier la guerre. Au menu: dégustation de vins hors de prix au goulot, bains chauds et parties de jambes en l’air avec des villageoises pas farouches.
Entre temps, nos amis réfléchissent à leur insubordination. Et pourquoi n’auraient ils pas le droit de s’accorder un peu de détente , eux qui ont participé au débarquement, ont libéré Dachau et perdu des frères au combat? En quoi cette planque réservée à leur Etat Major poltron ne leur reviendrait pas de droit?
Ennis, sans sombrer dans la démagogie du « tous pourris », pose la question de la légitimé de l’obéissance en temps de conflits et fait dire à son héros : « La Guerre passe encore, mais cette putain d’armée, je la hais! ». Encore un récit subversif et vibrant d’humanité même si Ennis loupe l’occasion d’écrire sur les camps de la mort et les exactions de l’armée américaine suite à l’horreur de leur découverte.
4/ Nightingale
L’équipage d’un Destroyer britannique doit abandonner sa flotte vouée à une mort certaine pour obéir à un ordre qui s’avère infondé. Les marins n’arrivent plus à se regarder dans la glace, certains se suicident incapables de supporter l’idée de s’être débinés.
Pour la première fois Ennis loupe son coche. La question de l’obéissance a été mieux abordée dans l’histoire précédente, le rapport entre le soldat et son bateau rappelle la première entre Johann et son char. Et surtout, le récit ne s’attarde sur aucun personnage auquel on peut s’identifier et est parsemé d’un jargon militaire rébarbatif ; pendant 50 pages le lecteur doit composer avec des » Engrenage catapulte gelé »,des » Contact au gisement rouge 4O » et des « Torpilles au gisement vert 40 ». Un récit qui ne sert qu’à démontrer la facilité d’appropriation d’Ennis du langage militaire .
C’est David « V pour Vendetta » Lloyd qui officie au dessin et aux couleurs. C’est un style immédiatement reconnaissable,sombre,violent et terriblement claustrophobe. Mais Lloyd n’est pas le meilleur portraitiste du monde et il est difficile d’observer la physionomie de ses personnages et de les reconnaître. Vus de dos et constamment dans l’ombre, ça n’aide pas… Et ne fait que renforcer l’impossibilité d’identification à l’équipage du Nightingale.
Presque un sans faute pour Ennis qui s’impose encore comme un scénariste majeur talonnant de très près Alan Moore et Neil Gaiman. Un sommet du Comics adulte qui traite de la guerre sans parti pris dont on attend toujours que Panini daigne publier 3 ans après la deuxième partie et, si possible, avec une maquette un peu plus aguichante! Traduction de qualité.
Je pense qu’il n’est pas si difficile que ça de trouver des scénaristes qui effectuent des recherches conséquentes pour leurs BD : Patrick Cothias et ses Les 7 Vies de l’Epervier ou Jean Dufaux avec Voleurs d’empires, ce qui n’enlève rien à l’art consommé avec lequel Ennis transcrit sa passion en bandes dessinées.
Mon souvenir sur ces 4 aventures est devenu assez vague avec le temps. Comme toi, j’avais bien apprécié les dessins minutieux et descriptifs de Weston. « capable de raconter une histoire d’amitié virile sans sombrer dans les clichés » : Ennis a développé cette thématique dans presque chacune de ses oeuvres, et il fait montre d’une perspicacité, d’un regard pénétrant, d’un savoir faire exceptionnel pour montrer la substance de chacune de ces amitiés, sans tomber dans le cliché.
De gars pas très malins mais prêts à mourir pour les copains – A nouveau, une grande réussite d’Ennis : mettre en scène des individus normaux, avec tout ce qu’ils ont de limité dans leur humanité, comme chacun d’entre nous, sans les rendre ridicules. Il transforme leurs défauts ou la limite de leur personnalité, en un atout pour les rendre plus attachants.
Plus je lis d’autres histoires dessinées par Gibbons, plus je me rends compte de l’unicité de son style. Il n’y a (pour l’instant) que dans Martha Washington que j’ai trouvé qu’il était au diapason du scénario. Plus je relis « Watchmen », plus je suis époustouflé par sa rigueur, sa capacité à tout mettre dans chaque case, sa cohérence graphique du début jusqu’à la fin, la grande lisibilité de chaque case, son entière implication à raconter l’histoire voulue par Alan Moore sans jamais vouloir se mettre sur le devant de la scène. Pour cette histoire, je rejoins ton opinion : il n’était pas forcément un bon choix.
Nightingale – La seule partie de ton commentaire où je ne suis pas d’accord avec ton jugement de valeur.
Sombre,violent et terriblement claustrophobe – Je n’aurais pas su mieux l’exprimer. En ça David Lloyd est bien meilleur que Dave Gibbons. Il conserve son style, tout en portant le récit tel que le conçoit Garth Ennis. J’apprécie beaucoup cette claustrophobie qui enferme le lecteur aux côtés du personnage.
Le jargon militaire – Il ne m’a pas gêné. Au contraire, il prouve le degré de recherches d’Ennis. Il propose une autre vision sur le quotidien des soldats. J’y vois à nouveau l’influence de la « Grande guerre de Charlie » de Pat Mills, ainsi que les prémisses de la réflexion qu’il développera dans « The boys », sur le manque de fiabilité des armements, sur la manière dont l’outil conditionne le soldat.
Après avoir bien donné mon avis, je constate que ton commentaire est très fourni, qu’il rejoint une grande partie de mes propres jugements de valeur, et que j’ai pris beaucoup de plaisir à rediscuter de Garth Ennis. Merci.
J’ai lu Luther Arkwright il y a au moins 20 ans et j’en garde un excellent souvenir. Il fait partie des comics que je relirai pour laisser une trace sur Amazon. J’ai déjà acheté la suite : Heart of the empire (que je lirai une fois que j’aurai relu Luther Arkwright).
Avec cet ouvrage, Talbot reprend la figure de l’espion dandy sur les bords, en y incorporant le principe du Champion Eternel de Michael Moorcock (version Jerry Cornelius) pour un trip un peu expérimental.
J’ai longtemps hésité à me prendre « Luther Arkwright ». C’est mon aversion (mon horreur absolue devrais-je dire) pour les concepts de voyages inter-dimensionnels qui m’a découragé.
Moi c’est la Scifi. Le jargon inventé, les planètes, les costumes . Au cinéma , c’est Ok , en Bd , je fuis.
Ce qui explique mon ignorance totale de l’oeuvre de Jodorowski, Moebius et compagnie…
Ah ben, près de 10 ans plus tard, on peut dire que Garth Ennis nous a gratifié d’un paquet de nouvelles histoires de guerre, le plus souvent de grande qualité.
Et la dernière en date ne déroge pas à la liste, The lion and the eagle, sorti en octobre chez Paquet est une nouvelle très belle réussite dans le genre.
Ennis est vraiment un très très grand parmi les très très grands.
Je dis ça je dis rien mais un article (ou une série d’articles) faisant la synthèse du travail de Garth Ennis dans le genre du comic de guerre, c’est quelque chose qui ne dépareillerait pas ici.
Je pense que Tornado pourrait nous faire quelque chose de très bien. 🙂
Ah ben ça tombe bien, l’article est prévu 🙂
Génial.
J’attends ça avec grande impatience.
Je pense faire ça sous forme de rubrique, avec plusieurs comics à chaque fois. Un truc en trois ou quatre articles, pas forcément dans l’ordre chronologique. Je n’ai pas encore décidé de la formule définitive. Il y a de quoi faire !
Génial pour l’article à venir.
Les récits de guerre sont les seuls œuvres de Garth Ennis que j’apprécie (avec son Punisher Rigolo et Hitman). Je trouve que pour une fois il prend son sujet au sérieux.
Je me suis longtemps forcé à lire du Vertigo pour faire comme tout le monde, désormais je compte sur les doigts d’une mains les séries que j’ai gardé.
J’ai beaucoup aimé personnellement ENNEMY ACE qui n’a pas beaucoup eu de renommée mais qui m’a donné la sensation de voir un bon vieux film de guerre présenté par Eddy Mitchell ménagé à un peu de Pratt.
Ah moi c’est l’inverse Eddy : me suis longtemps forcé à lire du super-héros pour faire comme tout le monde, désormais je compte sur les doigts d’une mains les séries que j’ai gardées ! 😀
Il y a des auteurs avec qui on accroche plus que d’autres et qui nous correspondent plus que d’autres. Ennis est pour moi une âme-soeur. En comparason je n’arrive pas à comprendre comment vous autres lecteurs adultes puissent penser la même chose d’un John Byrne par exemple. Mais c’est comme ça…
Pour mon projet de série d’articles sur les comics de guerre de Garth Ennis, le problème N°1 ce sont les articles déjà publiés ici et il y en a une demi-douzaine. Il faut que je trouve une manière d’en parler aussi (sinon mon projet est d’emblée bancal) sans faire de l’ombre aux copains qui ont déjà écrit sur le sujet.
Tornado,
Nos échanges m’ont amené à me poser beaucoup de questions sur mes lectures, goûts etc…
Je dirais même que c’est un peu grâce à toi que je peux justement être bien plus sûr de moi quant à assumer mes goûts.
Nous ne sommes pas du tout opposés, en terme de cinéma, de Tintin etc…
a l’orée des années 2000, je me suis comme tout le monde penché sur les auteurs et ce qu’il pouvaient bien faire de plus sérieux, plus adulte, plus profond etc…
Normal.
J’ai plongé à fond dans le VERTIGO ne jurant plus que par la british invasion, mais ça correspond un peu dans mon parcours à un sorte de « crise d’adolescence » scandée au rythme des « shock value » et des « fuck » de chaque titre…
ça correspond à un marché excédé par l’hégémonie du super héros en son sein et qui ne réagit/écrit quasiment qu’en fonction de ça. C’est un jeu de comparaison de savoir ce qu’on peut/ose faire par rapport aux super slip.
La plupart des titres finalement ne sortent pas vraiment d’histoires de gars aux capacités surnaturelles/scientifiques confrontés à une société américains plus ou moins au présent. ou alors de gens confrontés à certaines injustices qui décident de faire justice eux même.
les artistes voguant souvent d’un genre à l’autre, on ne sort pas aisément d’un jeu de comparaison avec le super héros…
Quand on creuse, peu d’Heroic Fantasy, peu de Space opera, peu de cyberpunk, peu de romance, peu de western.
Quasiment tout est dans le giron du fantastique/horreur/SF/polar en mélangeant un peu tout ça…
Mais en vrai, je lisais du Tardi, du Pratt, du Comès, du Bourgeron, du Bilal (en gros l’école A SUIVRE) bien avant et ça m’a paru donc finalement bien moins « mémorable » tout ça.
J’aime WAR STORIES parce que pour le coup on est vraiment dans une œuvre que l’auteur aime vraiment, on sent sa voix, sa patte sans interférences et les histoires ne sont pas gratuites ni provoc’ pour la blague.
De VERTIGO j’ai vraiment gardé et adoré
NORTHLANDERS
SILVERFISH
Y THE LAST MAN
WAR STORIES
THE WITCHING HOUR
AMERICAN VAMPIRE
HUMAN TARGET
W3
et quand même
TRANSMETROPOLITAN, ma porte d’entrée de ce label.
FABLES me gène dans son sous texte politique
SANDMAN m’ennuie
PREACHER j’aime bien mais je trouve ses deux héros antipathiques à mort et je ne ne l’ai jamais relu depuis que je l’ai fini à l’époque…
HELLBLAZER m’a déçu, tellement j’ai trouvé ça…heu…infantile? (je veux quand même essayer le tome de Paul Jenkins…)
THE INVISIBLES, j’ai rien compris du début à la fin.. C’est là que j’ai compris que je me forçais à lire des trucs qui n’étaient pas pour moi.
encore pire avec THE FILTH.
SWEET TOOTH: Jef Lemire encore un qui m’ennuie….
Feuilleté et reposé par peur d’une nouvelle déconvenue:
ENIGMA, SHADE, SCALPED, PRIDE OF BAGHDAD,
Je prendrais si Urban le fait en Nomad:
100 BULLETS
PUNK ROCK JESUS
On a chacun des parcours différents.
Moi, j’ai commencé les comics avec Watchmen, puis V pour vendetta et quand je me suis lancé rapidement dans la foulée dans les comics en vo, ça a tout de suite été Hellblazer, The Sandman et quelques autres, avant la création de Vertigo.
J’ai accueilli la création de Vertigo comme du pain béni. Vertigo a été dans ses premières années le centre de ce que je lisais. Le super-héros classique ne m’intéressait qu’à la périphérie, quand j’y trouvais une qualité comparable à ce que proposait Vertigo (en gros, une poignée de trucs du style du Starman de James Robinson).
« Quand on creuse, peu d’Heroic Fantasy, peu de Space opera, peu de cyberpunk, peu de romance, peu de western.
Quasiment tout est dans le giron du fantastique/horreur/SF/polar en mélangeant un peu tout ça… »
Le genre importe peu. Ce qui tranche avec Vertigo et la British invasion, c’est le sens du weird très britannique qu’ils ont amené dans un milieu américain qui lui est très largement étranger.
Moi, je suis très sensible à ça. Il y a une tradition littéraire britannique très riche dans laquelle ces auteurs ont puisé et dont on perçoit très bien la grande influence. Et ce qui était frappant, c’était que chaque scénariste apportait à ce corpus littéraire une manière qui lui était propre et unique et développait un univers créatif singulier.. Delano n’est pas Milligan, qui n’est pas Gaiman, ni Morrison,…
Ce Vertigo là, c’est un bouillonnement créatif qui pour moi a produit un paquet d’oeuvres mémorables au sein d’une décennie où le super-héros, particulièrement chez Marvel, a le plus souvent produit le pire..
Après, Vertigo a perdu peu à peu cette spécificité, en accueillant plus de scénaristes américains. Symboliquement, le choix en 2000 de l’américain Brian Azzarello comme scénariste de Hellblazer entérine ce passage de Vertigo vers autre chose. Alors, il y avait toujours évidemment des oeuvres de très grande qualité mais on est dans autre chose. Je n’aime pas juxtaposer le Vertigo (et pré-Vertigo) de Sandman, Hellblazer, Shade the changing man, Doom Patrol,… avec celui de Northanders, Scalped, 100 bullets,… On ne parle pas du tout de la même chose.
Je ne vais pas aussi loin bien évidemment.
« le sens du weird très britannique ».
Je n’y suis pas sensible et surtout je ne suis pas sensible (et encore moins en vieillissant) au « fuck » à tout bout de champ de ces titres.
J’ai lu HELLBLAZER-précisons de Ennis- trop tard, pour moi c’était une collection de répliques pour choquer « maman » et j’ai pas adhéré du tout.
Le VERTIGO tardif plus américain?
Je ne fais pas attention à ce détail.
La question du genre importe peu?
Sans doute mais c’est une gamme où finalement on lit souvent un peu la même chose régulièrement avec un ton souvent proche…
ça ne me passionne pas.
Le fuck a tout bout de champ dans les productions Vertigo, c’est une vision très caricaturale.
Au contraire, ce qui tranche avec la British invasion, c’est la qualité d’écriture et la qualité littéraire tout court. Moore, Gaiman, Delano, Milligan, Morrison en VO, c’est super bien écrit. On est aux antipodes des répliques pour choquer. Si tu avais débuté Hellblazer avec les numéros de Delano, tu aurais certainement un autre avis.
Ennis, c’est en effet différent et on y trouve parfois un côté sale gosse tapageur qui aime choquer mais ça fait pas tout Vertigo. Et ça n’empêche pas son Constantine d’être terriblement attachant, sa relation avec Kit d’être bouleversante. Ennis, il est très fort dans les relations d’amitié, dans les sujets qui le passionnent (les hommes dans la guerre, l’Irlande, la camaraderie,…). C’est pile-poil le gars avec qui j’ai envie de passer une soirée au pub et de refaire le monde en buvant des pintes de bière.
« Le VERTIGO tardif plus américain?
Je ne fais pas attention à ce détail. »
C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup….
Pour moi, c’est capital.
« c’est une gamme où finalement on lit souvent un peu la même chose régulièrement avec un ton souvent proche… »
Voilà qui me semble bien plus pertinent pour désigner la production de super-slip que pour parler des individualités très fortes qui ont fait les beaux jours de Vertigo. 🙂
C’est justement pour ça que je ne « pige » pas…
j’ai pas le bon logiciel ou plutôt je ne cherche plus à calquer mon logiciel sur le votre ( celui des autres)
Oui les auteurs ont des personnalités vachement fortes, mais ça ne suffit pas pour moi à dissiper la grisaille (smog?) des thèmes récurrents…
Pour le super slip, jamais je vais vous faire croire que c’est mieux que ce soit, mais c’est un genre que j’aime beaucoup pour plein de raisons comme j’aime les wu-xia-pian (même les pas terribles comme FLYING DAGGER ou les Wong Jing ), les livres de vampires, les mangas de Rumiko Takahashi ou d’autres sont spécialistes du Journal de Mickey, de Pif ou d’autres choses.
Je lis du super héros, parce que c’est un genre que j’aime lire..
Je ne veux pas comparer, En revanche, je trouve c’est que l’industrie de la BD américaine qui ne parvient pas à s’extraire de ce genre sans vouloir soit s’en départir à tout prix, soit en reprendre une esthétique ou soit en reprendre le sujet pour le déformer. SWAMP THING, SHADE, DOOM PATROL, HELLBLAZER, SANDMAN, HUMAN TARGET viennent des super-héros à la base. Donc même si on veut séparer les choses, on y arrive pas comme si c’était inévitable.
Comme je le disais plus haut, ces auteurs, plutôt que de les comparer à leur contreparties en collant, on devrait les comparer aux autres œuvres adultes par delà le globe comme AKIRA, Druillet, Bilal etc…
Comparer les titres Vertigo aux mainstream c’est comme si Corto Maltese ne pouvait jamais s’émanciper de PIF (et je dis ça avec un grand respect pour les vignettes de PIF).
Dire qu’une BD Vertigo est mieux conçue qu’un Marvel lambda, ça parait en effet évident, mais c’est pas ça qui va m’y amener.
Je me souviens de GHOST IN THE SHELL qui pouvait aborder même dans ses notes de bas de pages, énormément de thématiques politico-sociales avec des références scientifiques ou philosophiques assez étourdissantes qui n’avait rien à envier avec l’univers littéraire des auteurs britanniques.
Fort de ce bagage, je n’ai pas longtemps été épaté par la british invasion des comics.
Je mélange tout sans doute mais je suis ainsi fait, j’aime beaucoup de choses très différentes les unes des autres et je n’ai pas su trouver mon content dans l’indé américain (ou britannico-américain) que trouve souvent terne quand il veut être sombre et vulgaire quand il veut être trash.
Encore que je dois relativiser j’aime beaucoup ce que proposent AKILEOS et DELIRIUM
Je comprends ton point de vue, d’autant plus que moi aussi j’aime mélanger des tas de choses extrêmement différentes, que ce soit au niveau de la bande-dessinée (d’où qu’elle puisse provenir) et hors bd (je suis un bien plus grand fana de romans que de bandes-dessinées en fait).
Mais de mon point de vue, Moore, Milligan, Delano, le meilleur de Morrison, Gaiman et quelques autres, ça vaut largement les oeuvres adultes de la bd mondiale hors comics.
C’est là notre réel point d’achoppement.
Bon sinon, Ghost in the shell de Shirow, je trouve ça complètement illisible (contrairement au chef d’oeuvre de Mamoru Oshi) et ni Bilal ni encore plus Druillet ne font partie des auteurs que j’apprécie.
La dernière fois que j’ai tenté GHOST, j’ai lâché l’affaire aussi ^^
Mais ce fut en son temps un choc au moins aussi intense que…TRANSMET on va dire…De Shirow je préfère le méconnu ORION un ovni Cyber-magique
et j’avoue qu’en prenant de l »âge je me rapproche des auteurs adultes franco-belges et je suis assez (en comptant mes bds ) friand des écoles A SUIVRE, DUPUIS, LE LOMBARD
Je suis par exemple assez époustouflé par les COMPAGNONS DU CREPUSCULE de François Bourgeron . (un peu trop de cul parasite mais une reproduction sans concession du moyen-âge à cheval entre Le nom de la Rose et La Chair et le sang.
De même que je suis en redécouvertes des shojos des années 70 dont je raffole littéralement…
En livre je lis la plupart du temps des romans de SF assez vieillots (en ce moment LA FOIRE DES TENEBRES de Bradbury)
Personnellement je suis arrivé à un stade où je pense avoir désormais le bagage et l’ouverture d’esprit pour lire …. ce que je veux.
J’arrive à un âge où je continue à rechercher des sensations par la nouveauté, à être ouvert, à explorer mais même si j’aime être bousculé et surpris j’ai besoin de savoir que je pourrais rapidement retrouver ma zone de confort (parfois très exigeante), car j’en ai besoin. Par exemple en terme de cinéma, je dévore depuis quelques temps toutes la production française actuelle. Je suis à fond désormais dans ces sujets sociétaux à la française sur lesquels conchient tous les réseaux sociaux en ne jurant que par les Marvel end coe, que j’aurais surement suivi avec passion il y a 25 ans.
Je n’aurais pas écrit cela il y a encore 5ans ou même 10 ou il y a 30 ans.
Par exemple sur Ennis, j’ai beau essayé, je n’aime pas. Remender, j’en sui revenu. La production Vertigo UK, je crois que j’ai raté le créneau. A contrario Jeff Lemire, Matt Kindt, Erik Larsen ou encore BKV voire même la production honteuse pour certains de Jason Aaron continuent à me parler, à me faire ressentir des émotions (autre que primaires et basiques même si l’Entertainment est aussi là pour cela parfois).
Je ne suis plus là pour disserter sans fin, en campant sur des positions pour savoir si tel auteur est meilleur qu’un autre, pour savoir ce que certains trouvent à Peter David et avoir honte de dire que je n’ai jamais lu PREACHER. On peut quand même être rationnel et admettre la qualité de la production.
Et si cela se trouve j’aurais un discours complètement inverse dans quelques mois …
Comme Zen, je suis en fait un très gros consommateur de roman et bd fb même si je me rends compte que le cinéma (télé surtout) et encore il y a peu de temps les comics, me prenaient une trop large partie de ma bande passante consacrée à la culture pour un résultat qualité/plaisir ressenti faible très souvent.
« Mais ce fut en son temps un choc au moins aussi intense que…TRANSMET on va dire… »
C’est marrant, tout ce que tu reproches aux productions Vertigo, on le retrouve à mon sens de manière exemplative dans Transmetropolitan. 🙂
Warren Ellis ne fait d’ailleurs pas partie de mes scénaristes britanniques fétiches, même si je reconnais volontiers son importance dans l’évolution du media.
« Personnellement je suis arrivé à un stade où je pense avoir désormais le bagage et l’ouverture d’esprit pour lire …. ce que je veux. »
Je pense qu’on est beaucoup ici à partager ce sentiment et que c’est ça qui permet d’aborder de manière sereine des discussions où les positions peuvent être très différentes.
« Par exemple en terme de cinéma, je dévore depuis quelques temps toutes la production française actuelle. Je suis à fond désormais dans ces sujets sociétaux à la française sur lesquels conchient tous les réseaux sociaux »
Voilà qui me fait très plaisir.
Je ne suis pas certain qu’on apprécie nécessairement les mêmes films et les mêmes réalisateurs mais je trouve moi aussi très dommage cette haine de beaucoup de spectateurs français envers les productions cinématographiques de leur propre pays alors que, selon moi, la France reste un des quelques pays qui possède une industrie cinématographique capable de produire un nombres très important de films de qualités et diversifiés. Mais ça fait tellement bien de conchier le cinéma français en le réduisant à un soi-disant cinéma parisiano-bourgeois.
« Par exemple sur Ennis, j’ai beau essayer, je n’aime pas. Remender, j’en suis revenu. »
Remender, c’est comme Ennis un gars dont je me dis que j’aimerais bien me bourrer la gueule avec lui un soir dans un bar et refaire le monde autour d’une bière.
Y a une chaleur qui se dégage de ce que font ces deux gars, un rapport à l’humain et aux relations qu’ils peuvent entretenir, imbriqué dans une vision du monde qui me parle. Et puis, y a aussi chez eux un côté rock n’roll très roboratif.
Ce qu’ils font n’est pas toujours essentiel mais j’y trouve une très grande humanité.
Sans vouloir parler à sa place, je pense que c’est aussi ça que Tornado trouve chez ces deux auteurs.
Quand quelqu’un me dit qu’il aime à la fois Ennis et Remender, c’est en tout cas cette communauté d’esprit que je pense y trouver.
« La production Vertigo UK, je crois que j’ai raté le créneau. »
Oui, parfois le timing n’est pas bon.
C’est certain que par exemple quand tu découvres le Hellblazer de Delano à la fin du règne de Thatcher, période de grisaille que tu as honnie de tout ton coeur pendant des années, période que tu as associé à une culture rock qui a construit ton rapport au monde, ça sonne autrement que si tu découvres ça sans le contexte qui va avec.
Pour TRANSMET, je te le concède et d’ailleurs j’en suis revenu aussi. Je le garde parce que c’est mon premier, que c’est celui de l’effet de surprise etc et que j’aime l’humour d’Ellis en général.
de cet auteur je le dis souvent c’est plus sa trilogie STORMWATCH-PLANETARY-AUTHORITY que je mets au dessus du panier et quelques trucs de-ci de là…(Crécy)
Partager nos point de vue a ceci d’enrichissant et de pouvoir mettre le doigt sur des trucs…
1-Chez Ennis, je passe complétement à coté de sa vision de l’amitié de comptoir si importante pour lui. Pourtant je ne suis pas de la ligue antialcoolique, mais ces scènes me rendent ses personnages tout de suite antipathiques.. Je ne trouve pas de poésie dans l’ivresse.
La scène mythique des Tontons flingueurs, nous fait rire d’eux, (et de nous aussi par identification) et elle finit mal puisqu’ils virent les jeunes à coups de pied au cul de la maison. Ils se marrent jusqu’à ce qu’il voient les larmes de la « nièce ». Ils ont été cons et ils ont honte! Tout est dit.
Un singe en Hiver est encore plus saisissant à ce propos.
2-Le moment de la lecture:
C’est primordial en effet. Je me souviens d’un texte dithyrambique sur HOWARD THE DUCK, mais cette BD ne fonctionne pas du tout sur moi. j’ai pas les références, ou plutôt j’ai d’autres références plus personnelles. Je suppose en effet que lire un truc que j’aurais adoré il y a 20ans maintenant est un peu foutu.
3-Oui en effet, il est clair ici chez Bruce que c’est implicitement acquis que chacun lit bien ce qu’il veut, en dehors de tout effet de masse, de mode et de meute.
C’est l’espace où chacun apporte son bagage et son vécu de lecteur pour le partage.
C’est l’auberge espagnole de la culture pop ici.
« C’est l’auberge espagnole de la culture pop ici. »
Ah ben oui. 🙂
D’ailleurs, tu cites Les tontons flingueurs et Un singe en hiver là où Michel Audiard est sans doute ce que je déteste le plus dans le cinéma français. 🙂
Effectivement pour Ennis et Remender ça fonctionne comme ça : Je me sens comme chez moi et j’apprécie autant le côté humain de leur oeuvre que leur écriture, tellement meilleure que la moyenne. Et puis dans les deux cas c’est vraiment une oeuvre, avec des thèmes récurrents (c’est important pour un lecteur qui s’attache à un auteur). Le second est d’ailleurs clairement un fan du premier. C’est évident dès FEAR AGENT où il lui rend un vibrant hommage.
Avec le recul, pour revenir au genre super-héros, mon « moi » adulte rejette en bloc ce que mon « moi » ado a dû tuer pour grandir. Il m’est impossible de supporter 99% de la production en slip que je trouve « infantile » et je n’arrive à supporter cette bande d’abrutis que lorsqu’ils sont vraiment humains, c’est-à-dire pleins de fêlures et de défauts, raison pour laquelle mes préférés sont des personnages comme Spiderman, Daredevil ou le Punisher. Mais dans l’ensemble, les super-héros que je préfère, sont ceux qui sont des merdes, des trouducs, des enflures, des ivrognes ou des psychopates. Là, je trouve le genre intéressant !
Je l’ai déjà dit mais pour moi, le fait de trouver complètement ridicule et infantilisant les comics de super-héros old-school a été un moyen de grandir et de me détâcher de ce que je n’aimais pas dans ma pré-adolescence. C’est plus ou moins inconscient et donc d’autant plus incurable…