Iceberg par Jm de Matteis et Alan Kupperberg
Première publication le 24/09/14- Mise à jour le 26/11/16
Par BRUCE LIT
VO : Marvel
VF : Lug
Cet article portera sur la mini série éponyme sortie en 1984. Marvel a réedité cet album en 2002 avec en bonus une histoire (médiocre) par MJ Duffy et Georges Perez.
Lug l’a publié en format RCM et Panini a laissé geler toute tentative de réédition depuis….
Dans les années 80, les fans du mutant de glace n’étaient pas à la fête. Totalement ignoré par Chris Claremont durant l’intégralité de son run chez les X-Men, Iceberg (pour une fois ça sonne mieux en français que Iceman !), avant son retour chez X-Factor errait dans des équipes de troisième division, Les Champions et les Défenseurs.
Durant toute cette période, le mutant le plus cool de l’univers était toujours qualifié de plus faible de tous les Xmen. Il était celui qui se faisait dégommer le premier pendant les bastons, capturer le plus facilement et rabrouer à cause des cascades de vannes qu’il balance pendant les combats.
Il faudra attendre Scott Lobdell pour que Bobby Drake soit reconnu comme un mutant Alpha, capable de rétamer Bastion, Hulk, Iron Fist et donner maille à partir à Onslaught et Legion ! Aujourd’hui, il est désormais inimaginable de se passer de lui pour les X-Titres ! Jason Aaron, Bendis, Brian Wood, Mike Carey, Rick Remender et dernierement Jeff Lemire l’ont tous intégré dans leurs séries offrant au mutant de glace une reconnaissance bien tardive ! Alors, lorsqu’en 1984 paraissait cette mini série en son honneur malgré une épouvantable couverture rose, il y avait de quoi remercier le père noël. Et puis, mince JM de Matteis au scénario !
Lorsque commence l’histoire, Bobby Drake se rend à une fête chez ses parents. Il appréhende cette rencontre du fait de l’âge de ses parents qui lui semblent être des ancêtres. Mal à l’aise avec la normalité, Bobby utilise sa vie de héros pour fuir un environnement familial trop lourd.
Il rencontre alors Marge, une douce voisine, pour laquelle il a le coup de foudre. Suite à une attaque de deux créatures monstrueuses, il remonte le temps pour assister impuissant à la mort de son père 20 ans avant sa naissance. Paradoxe temporel oblige, le voici condamné à errer dans la non existence. Il va alors apprendre que Marge est une déesse exilée sur terre et que son père, le Néant, souhaite la retrouver. Iceman est chargé de la sale besogne. Et au final, ce ne sont pas une mais deux divinités qu’il finira par affronter !
Pas étonnant que notre mutant de glace ait intéressé le papa de Kraven’s Last Hunt. On retrouve ici des thèmes qu’il développera par la suite chez Spider Man et de nombreuses analogies.
Bobby est un mutant ancré dans la réalité : il adore sa vie d’aventurier, a flanqué leur rouste à des tonnes de mauvais mutants mais est terrorisé à l’idée de se confronter à ses parents qui n’approuvent pas son choix de vie. On apprend ici que Drake est un personnage déchiré : humain ou mutant ? Corps de glace et libido de feu ( il passe son temps à se ballader en slip quand même…), Xman ou comptable? Défenseur ou Champion ? Juif ou catholique ? ( ses parents sont de confessions différentes).
Confronté – littéralement – au Néant , Bobby Drake s’interroge sur son identité au long d’un récit complexe et psychanalytique. Kraven avait enterré Peter Parker vivant qui se retrouvait dans une bulle blanche imaginaire en position foetale. Iceberg lui vit un cauchemar où sa relation ambivalente à son père conduit celui-ci droit à la mort. Comme Spider Man avec qui il a souvent fait équipe, notre héros exprime ouvertement vouloir retourner dans le ventre de sa mère à l’abri des choix difficiles. Lors de la Saga du Clone, Peter Parker se réfugiera dans un cocon de toile. Bobby se protège sous des igloos.
Dans les deux cas Spider-Man et Iceberg sont deux ados attardés ayant grandi trop vite, dissimulant leur malaise derrière des vannes qui insupportent leur opposant. Leurs repères parentaux sont des vieillards castrateurs qui les effraient plus que les super vilains qu’ils affrontent. Bobby et Spidey sont deux types sympas, sans grandes ambitions pour eux-mêmes qui utilisent leurs pouvoirs à des fins créatives et défensives ! Ils se font chambrer sur ce manque d’ambition : Peter est un génie qui n’a jamais breveter ses inventions (avant le run de Dan Slott); Bobby, selon Dents de Sabre, Wolverine et Emma Frost, serait le plus puissant des Xmen et n’utilise que ses pouvoirs que pour servir l’apéro !
Drake est à l’image de ses pouvoirs. Totalement dans l’instant présent. La glace si dure soit elle finit par fondre dans le temps. Bobby, lui est incapable de se projeter dans l’avenir si bien que De Matteis le ramène dans le passé. Après l’action, comme Spider Man, son côté Loser reprend le dessus: en train de se rhabiller dans le jardin de la voisine, un chien aboie à ses pieds. Il est accusé par une vieille acariâtre de zoophile ! Shocking !
Je me rappelle avoir lu ce récit à 11 ans dans les RCM de Lug. Enfant, on a juste envie de savoir si Iceberg est plus fort que les méchants qui l’agressent et j’étais fasciné par ce volet existentiel que je ne pouvais identifier si jeune. Cet ado en devenir me parlait de ses peurs, ses angoisses, ses copains que ses parents n’approuvaient pas. Il ne me parlait qu’à moi, enfant chétif et maladif qui appelait au secours avec des bulletins scolaires irréguliers. Peut mieux faire me disait on. Comme à Bobby.
Aujourd’hui , malgré le côté très années 80’s des dessins de Kupperberg , le récit est tout à fait lisible pour qui supporte les nombreuses bulles de pensées. L’amateur de Comics se rappellera que c’est un style que De Matteis affectionne. Le style est là; De Matteis sait tisser un lien unique entre son personnage et son lecteur.
Kuppenberg peint des bourgades New Yorkaise crédibles. Ses vilains ont un look disco un peu ridicules et Oblivion semble habillé de torchons. Pourtant certaines pages en cadrages verticales, certaines scènes construites en spirales donnent le vertige de cette histoire peu commune, celle où notre héros se bat autant contre lui même que contre les vilains. Les couleurs ont été retravaillés pour cette réédition , et les petits points graphiques tous effacés.
Bien sûr, aujourd’hui c’est ringard. Bien sûr, il parle et commente tout ce qu’il fait pendant les combats. Mais on s’en fout de tout ça, parce que De Matteis parle de tellement d’autres choses ici que de mecs qui se tapent sur la gueule. C’est avec un vrai bonheur que j’ai redécouvert cette histoire typiquement dans la lignée de la mythologie Marvel : une interaction certaine avec la réalité sociale où super pouvoirs riment avec super problèmes. Lorsque Bobby terrasse le néant à la fin, il est enragé. Enragé contre son ennemi ou envers sa haine de lui-même ?
Iceberg reste mon X-Man préféré et à l’inverse d’une Jean Grey ou d’un Wolverine, doté d’une continuité cohérente et fluide. Voilà un personnage Marvel avec des pouvoirs qui ne paient pas de mine, une personnalité irrésistible et des amours malheureux. Et il doit le rester. Lorsque Bobby devient trop puissant, il est ennuyeux. Aujourd’hui Iceberg est devenu super balèze. Mais il a su rester drôle, humain et profondément bon. Comme une super-star qui n’aurait jamais oublié ses racines. Et moi, Bobby, je n’ai jamais oublié cette histoire où tu me parlais, ami imaginaire malchanceux qui me donnait chaud au coeur avec tes pouvoirs de glace.
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La BO du jour :
« Je m’ennuie, je voudrai faire autre chose de ma vie, je voudrais comment sortir d’ici, de l’école au cimetière, je fais ce qu’on me dit ». Bobby Drake ne veut pas devenir comptable. Comme lui, on a souvent pris Nino à la rigolade cet artiste majeur de la chanson française.
https://www.youtube.com/watch?v=qVa8_EDCVuA
Commentaire très émouvant qui met en lumière un personnage complexe… le héros et son chroniqueur 😉
PS. Le vilain me fait penser à Arafat. Est ce possible 😉
Arafat était effectivement en pleine forme en 1984. Iceberg métaphore de l’état Juif contre le leader palestinien ? Euh… Je n’irai pas si loin !
Superbe et très émouvant commentaire. Je ne connais pas du tout ce personnage, n’ayant pas eu le courage de lire les premiers X-Men. Mais ce RCM donne envie au final. Merci !
Cela n’a rien à voir, mais je suis tombé sur ce lien qui me paraît intéressant :
http://cbldf.org/2014/09/21-banned-and-challenged-comics/
@Stan : Si ! Peut-être fais tu inconsciemment le lien avec la séquence « zoophile » de Bobby !! Ton lien est assez effarant : des libraires qui retirent Blankets des rayons…J’vous jure…
Storm a entraîné Bobby pendant le run de Lobdell. Dernièrement, c’est lui qui fournissait Utopia en eau pendant le run de Matt Fraction.
Curieux d’avoir vos avis les copains ! Je me désintéressé de plus en plus d amazon. Je leur ai demandé de me faire sortir de leur classement à la consommation, avec trois courriers. J’y figure encore… Allez Comprendre….
J’irai pas jusque là mais je m’en désintéresse de plus en plus aussi.
Tout bendis pour lui…
De rien !
Je me rappelle parfaitement ce moment de lecture ! Sortie de ma visite chez le toubib, convalescence chez mes grands parents, moi couché sur le ventre sur leur parquet en train de renifler les pâtes à la sauce du samedi en attendant de regarder Dallas avec eux puis Michel Polac auxquels je ne comprenais rien.
Sans le côté nostalgie et/ou l’habitude de lire des récits à l’écriture « datée », il est peut-être difficile d’apprécier ce récit. Je trouve dommage que Panini n’incluent pas les mini-séries sorties sur les mutants dans les intégrales, comme celle sur Diablo par Dave Cockrum, ou bien Wolverine/Kitty PRyde qui aurait eu sa place dans la première Intégrale du griffu…
Pas d’accord avec toi Marti. Je pense que si l’on est fans de continuité, ce truc qui n’est pas forcement un gros mot mais une formidable évolution d’un personnage, on peut apprécier le récit.
Je ne me demande qu’à me tromper 😉 C’est bien pour ça que j’ai mis « peut-être ».
No Soucy comme le disait Ophélie…
J’suis allé le lire aussi.
Arf…on dirait un portrait de gay vu par un mec qui craint les gays. En gros le mec qui s’imagine qu’un gay qui regarde un mec ou une statue de mec a forcément des pensées sexuelles et envie de bondir dessus pour le/la tripoter. Ce qui ne fait pas forcément de ce genre de personne un homophobe, mais en tous cas un mec mal à l’aise en présence de gays. Peut être pas le meilleur auteur pour traiter du sujet du coup.
ça a l’air vachement bien le run de Bendis sur les x-men dis donc (ironie). T’as réussi à aller jusqu’au bout, chapeau ! Je n’ai pas lu grand chose moi.
Par contre si le fait que cette idée de ramener les anciens X-men du passé dans le futur n’est véritablement pas de Bendis, peut être que toute la nullité du concept ne vient pas de lui.
A noter que faire se rencontrer les anciens et les nouveaux X-men n’est pas une mauvaise idée en soi, c’est plutôt fun (même si cela a déjà été fait) mais le temps de quelques épisodes seulement ! Une espèce de What if dans la continuité disons. Par contre installer pérenne ment dans une série mensuelle ne pouvait en effet que mener au désastre…
Cet article me fait penser qu’il serait sympa de voir réédités les RCM de Semic. Il y a à boire et à manger dedans, mais par souci d’équité, tout rééditer serait une bonne idée. Certains le sont déjà (le gant de l’infini) mais pour la plupart, ce n’est pas le cas.
Je n’ai jamais vraiment réussi à m’intéresser à Iceberg cela dit. Peut être parce qu’il est davantage utilisé chez Lobdell et que j’ai lu peu de trucs des années 90 (et aussi que j’ai du mal avec les dessins)
@Matt :
Les récits RCM : à chaque fois, je pense m’acheter la Sorcière rouge et la vision avant de le reposer dans les bacs. Qui a lu ça ?
Iceberg : à de rares exception près, je me rends compte (le Punisher) que les personnages que j’aimais enfant sont les mêmes adultes. Et que je suis en fait plus attaché aux personnages qu’au run d’untel ou untel.
AImer le Punisher enfant…je n’aurais jamais pu.
Gamin j’aimais les super slips justement. Ceux qui font des trucs cool. Pas un impitoyable tueur plein de flingues comme on pourrait en voir dans la réalité. Sans costume, et sans même un bon fond.
Je vais tenter de réviser mon jugement sur lui à présent que j’ai grandi…mais déjà j’ai du mal à saisir le concept de lire du super héros pour y voir l’anti-thèse du héros et des héros ridiculisés. Suffit de ne pas lire du super héros pour ça. A part pour la parodie. J’aime la parodie. Mais encore faut-il que ça me fasse rire. Nous verrons bien lorsque j’aurais lu le Punisher de Ennis si je reste aussi perplexe ou si j’y trouve mon compte…
Alors la Sorcière rouge et la vision de mémoire l’histoire était un peu atypique par rapport aux autres RCM (un peu comme iceberg du reste) mais je dois dire que je n’en ai gardé un souvenir impérissable. J’avais eu autant de mal à accrocher aux dessins qu’à l’histoire de ce couple improbable… Bref en un mot comme en 100 je ne la recommande pas.
@Bruce : avec quelques petites années de retard : finalement tu as lu ce RCM? J’avoue que le côté emberlificoté de la filiation de Vision et de Wanda m’avait fasciné, dans cette minisérie; ainsi que dans les épisodes antérieurs des Avengers d’Engleheart où il découvre que son corps est celui de la première Torche Humaine (publiés chez Aredit plus ou moins à la même période, de mémoire, bien que publiés genre en 1973/74). Apparté : je trouve que devoir reconstituer le lore de ces personnages avec ce à quoi on avait accès renforçait ce que les anglais appellent la « mystique » des personnages, ce caractère mystérieux et fascinant, comme un chemin initiatique – quel bonheur de découvrir l’origine d’un personnage, même s’il était invariablement tombé dans des déchets radioactifs de transistors nucléairs magiques.
J’avais apprecié d’y retrouver un surhomme si vulnérable, et je trouvais et trouve toujours les histoires du Whizzer et de Nuklo poignantes, sans parler d’une face plus présentable de Magneto.
Aujourd’hui, évidemment, le style et le pathos (même un androïde peut pleurer!) renforcent le côté Feux de l’Amour de tout ce bazar, mais j’en ai gardé un attachement certain pour les personnages, Vision en tête, et je ne suis pas mécontent de les voir retrouver un peu d’attention après le jeu de massacre de Byrne (Vision Quest) et le bolossage en règle de la Sorcière Rouge.
Je pense que rien que la curiosité pour le côté foutraque de la famille mégarecomposée justifierait la lecture.
« Sans costume, et sans même un bon fond. » Si tu parles du Punisher, Matt, je n’en ai clairement pas la même perception que toi… Dans la majeure partie de ses déclinaisons, le personnage est davantage un être tragique qu’un sale type sans scrupules… Franchement, de la façon dont il est écrit, il apparait souvent avec plus de noblesse que, disons, Charles Xavier ou Tony Stark, à qui les scénaristes, ont, au fil du temps, refilé des tas de squelettes dans le placard. Oui, je mentionne « squelettes » exprès pour que ça te parle, étant donné que tu sembles très attaché à la règle de l’humerus clausus. Pardonne-moi ce calembour os-tentatoire… 😉
Et d’ailleurs, Pupu, il a un crâne comme Logo sur la poitrine, ça le réhabilite pas un peu à tes yeux ?
Tes calembours sont les bienvenus^^
Béh écoute je vais lire le Punsher de Ennis que j’ai en ma possession, nous verrons si je peux le réhabiliter.Je parlais surtout de mon ressenti gamin. Un mec violent plein de flingues, ce n’est pas ce que je cherchais. Et je ne suis pas sûr que ce soit ce que je recherche maintenant non plus. Mais nous verrons.
Et le coup des squelettes dans le placard via rétro-continuité, je n’y fais pas si gaffe que ça. Pour moi la continuité est malléable. On garde ce qu’on veut. S’il fallait se mettre à détester Jean Grey à cause de Bendis qui l’écrit n’importe comment 50 ans après sa création, on finirait par détester tous les persos. Autant juste en garder ce qu’on a aimé et qui faisait l’essence du perso initialement.