Uncanny Avengers vol 2 par Rick Remender et Daniel Acuna
Un article de BRUCE LIT
VO : Marvel
VF : Panini
1ère publication le 29/09/14 – MAJ le 06/03/21
Cet article portera sur les numéros 6 à 11 d’Uncanny Avengers compilés dans Ragnarok Now part 1.
Attention ! Amateurs de fast reading, passez votre chemin ! Ce deuxième arc des Étranges Vengeurs demande de son lecteur une réelle implication, une bonne connaissance de l’univers Marvel ET de celui des mutants ainsi qu’une réelle patience face à l’écriture déstabilisante voire agaçante de Rick Remender .
Petit rappel des faits : suite au clash puéril entre Vengeurs et X-Men, Captain América monte une équipe de Vengeurs constituée en partie de mutants histoire de redorer leur blason en les impliquant aussi bien dans les relations publiques que dans les missions périlleuses.
A peine constituée, l’équipe qui lutte contre des dissensions internes doit faire face à un nazi qui, doté des pouvoirs de Charles Xavier, entame des crimes raciaux en plein New York. Cette menace provisoirement neutralisée, la conférence de presse censée acter leur triomphe tourne au vinaigre lorsque Rogue tue accidentellement devant les caméras un vilain. Fin du premier acte.
Lorsque commence le deuxième, le lecteur peut être complétement largué. Remender doit obéir au pénible impératif de coller au non moins pénible Age of Ultron. Au lieu de raccrocher les wagons avec l’arc précédents et de poursuivre avec la menace de Crâne Rouge qui menace de développer des camps d’extermination et le pouvoir d’Onslaught (le vilain le plus puissant enfermé dans la psyché de Charles Xavier-longue histoire-), Remender nous ramène 1000 ans en arrière à une époque où un jeune Thor arrogant et amateur de bagarres et d’alcool affronte Apocalypse.
Après une raclée humiliante, le jeune Dieu désobéit à son père en utilisant une arme interdite pour battre le vilain. Cet acte de désobéissance aura des répercussions à son insu sur le sort de l’humanité.
Surviennent ensuite de longs, très longs développement autour de Kang le conquérant et des jumeaux de Warren Worthington nés de son union avec Pestilence durant The Dark Angel Saga (euh…longue histoire-bis-). Les Jumeaux Uriel et Eimin persécutés dans divers continuums temporels par Kang tentent de lui échapper.
Dotés de pouvoirs terrifiants et de centaines de milliers de fanatiques prêts à mourir pour eux, ceux-ci ont élaboré leur attaque de la terre depuis des milliers d’années. Au désir de venger leur père tué par Wolverine, s’ajoute une nouvelle idéologie raciale tenant compte des forces et des faiblesses des grands idéologues mutants : Xavier et Magnéto bien sûr mais aussi Cyclope et Havok.
Rendons un hommage à Remender : la patience du lecteur est mise à rude épreuve mais récompensée. Les intrigues tentaculaires et labyrinthique (bonne chance au type qui voudrait résumer le pitch en cinq minutes) sont construites admirablement en tenant compte des risques de paradoxes temporels. A défaut d’une personnalité, les Jumeaux Apocalypse représentent une menace réelle pour l’équipe la plus puissante du monde.
Le point fort de Remender est sa psychologie de ses héros : les longues discussions autour du marketing de l’équipe, de son idéologie, ses dissensions et ses paradoxes sont passionnantes.
Havok a tâté du terrorisme, Wolverine est un meurtrier, Rogue une fugitive et Wanda est une arme de destruction massive. Malgré ses bonnes intentions Captain America peine à se débarrasser de certains préjugés, attitude qui fait exploser l’équipe au moment de l’attaque des jumeaux.
Plutôt de que se battre comme des crétins et commencer un nouveau crossover puéril, les héros se rappellent de leur mission, échangent de violents arguments, se trahissent, se défient, se déçoivent et partent divisés. Remender connaît parfaitement tout son casting et chacun joue une partition dissonante à tel point qu’il est difficile de savoir quel personnage a raison.
Ceux ci sont pris dans leur globalité : Captain dont l’ intégrité étouffante a failli conduire le monde à la catastrophe pendant la Civil War et l’affrontement contre les Xmen. Logan, tourmenté par ses crimes commis avec la X-Force qui nuiraient à l’idéologie d’exemplarité de l’équipe. Havok, leader contesté qui voit ses appels au calme et à la raison rejetés par une Rogue qui le traite de vendu. Wasp, adepte d’une normalité superficielle qui conduirait Havok dans son lit.
Thor qui a mûri et mesure le poids de ses erreurs millénaires. Et bien sûr Wanda Maximoff, superbe personnage féminin en quête de rédemption poursuivie par son hérédité et ses actes psychotiques qui ont déclenché un génocide.
Remender met ici en scène une équipe de Super-Héros fascinante guidés ni par la gloire comme X-Statix, ni l’héroïsme masochiste des Xmen, ni l’altruisme scientifique des 4 Fantastiques. Ces Uncanny Avengers sont une équipe de circonstance avec une écrasante responsabilité : réunir des individus qui ne s’aiment pas pour calmer la xénophobie mondiale contre des êtres différents.
Il évite les clichés : au bout de douze épisodes, les Vengeurs ne se réconcilient pas sur le champ de bataille. Bien au contraire, tous sont des guerriers expérimentés et ne souhaitent pas s’en laisser compter.
Si bien que par moment, les vilains Apocalypse nous les gonflent un peu avec leur discours cryptiques. Comme à son habitude, le lecteur de Remender souffle le chaud et le froid. Aucune pédagogie pour rappeler qui sont les Celestes, la dynastie Kang ou Immortus. Les vieux résumés de Papa Claremont à qui Remender emprunte la narration omnisciente font cruellement défaut.
Voici une lecture qui demande des allers retours sur Wikiepdia pour connaître le Who’s who, des retours en arrière pour comprendre certains dialogues alambiqués déjà présents dans la version originale et une grandiloquence parfois embarrassante : Ses victimes s’embrasent dans une éternité intemporelle traversant l’infini dans une agonie à l’intensité exponentiellement croissante. Mazette quel programme !
Alors que les réactions des personnages sont ultra réalistes, que beaucoup meurent dans des conditions atroces, il faut une sacrée indulgence pour accepter la contrepartie kitsch qu’affectionne Remender : des monstres façon Golgoth, des résurrections surréalistes (mon dieu, combien de fois, il va nous faire le coup des graines de vie célestes) qui désagrège le ton dramatique de l’ensemble et des séquences impossibles comme celle où Ant Man affronte des fourmis armées d’épées…
Malheureusement la suite est du même acabit et parfois Daniel Acuna n’arrange pas les choses. Les couleurs embellissent énormément des dessins pas toujours magnifiques et maladroits dans la mise en scène. Il m’a fallu trois lectures d’affilée pour comprendre que le soldat britannique défendu par Thor dans la première histoire était l’ancêtre de Wolverine…
Les angles de vues d’Acuna n’étant pas des plus explicites. Impossible également d’avoir une vision bien distincte des jumeaux d’Apocalypse même si beaucoup de ses planches restent très agréables sans faire pour autant oublier la simplicité de John Cassaday qui ne réalise ici que les couvertures. Adam Kubert s’en sort souvent mieux ici.
Avec ce deuxième Arc Remender et Acuna confirme ques Uncanny Avengers gardent un potentiel de frustration et de jouissance d’un rare acabit. Tournant le dos à la facilité et aux intrigues bâclées de –vous savez qui-, Remender maintient son public en haleine pour un récit lyrique et tourmenté. Remender disserte avec beaucoup de talent sur la continuité des personnages mise en corrélation avec celle de l’univers Marvel et du temps comme vecteur d’erreurs dangereuses.
Chez lui, chaque action même banale a des conséquences à la mesure des pouvoirs des personnages. Il faut voir le regard paniqué de Thor lorsqu’il comprend que ses actions pourront causer la mort de milliers de personne et que la victoire sera amère. Quel dommage que les défauts d’écriture que Remender ne parvient pas à dépasser tourmentent aussi son lecteur….
Le paragraphe qui commence par « Ceux ci sont pris dans leur globalité » et le suivant qui commence par « Remender met ici en scène une équipe de Super-Héros » sont géniaux, avec un regard analytique pénétrant et éclairant.
Pour un lecteur comme moi, la narration de Remender a quelque chose de magique : connaissance étendue de l’univers Marvel, utilisation perspicace des paradoxes temporels, thème en béton (celui de l’intégration) qui fournit la colonne vertébrale du récit, personnages avec des convictions conformes à leur historique. J’ai tout autant apprécié les 2 tomes suivants.
Ah oui, on est d’accord. Ca fait du bien de se creuser les méninges en lisant du X…. Même s’il est parfois désagréable de se sentir un peu largué…. Mais oui, à l’inverse de Bendis, Remender fait un véritable effort autour du paradoxe temporel et d’une intrigue au long cours où chacun joue sa partition. Quel dommage qu’il affectionne tant cet aspect Kitsch pour les monstres…
Ca ne m’intéresse absolument pas mais ton article est encore une fois impressionnant de synthétisme. Les dessins (scans) ont l’air chouette, aussi.
La vache, je dois être un vieux débris, car au contraire, je trouve la série plus que réussie, et les défauts de Remender pratiquement absents ici.
Autant, sa narration était lourde dans le premier arc, autant elle est réussie et inspirée. Elle accompagne parfaitement le récit, sans redondance et ne fait qu’imprimer son caractère épique dans l’esprit du lecteur. Le scénariste nous rappelle ainsi que nous ne lisons pas n’importe quelle aventure. Ce n’est pas un truc banal. Il nous emporte dans un truc à très grande échelle.
Oui il faut une certaine culture pour comprendre les références, mais Remender apporte aussi des explications. La fonction des célestes est parfaitement expliqué dès le départ. La nécessaire continuité pour comprendre le récit actuel fait l’objet d’une récap lorsque les jumeaux Apo voient dans le secret des actions passées de Thor et WOlverine l’opportunité parfaite pour faire exploser l’équipe.
Vous n’avez pas lu Uncanny X-Force ? ce n’est pas grave papa Remender vous explique tout. Tout comme cet étrange épisode situé 1000 ans dans le passé.
Personnellement je continue de penser que cette longue saga avec les Jumeaux Apo est l’une des plus réussies et ambitieuses proposées par Marvel ces dernières années. Je n’en démords pas.
Mr Darkseid, le vieux débris vous salue bien. Pendant le run de Gillen, j’étais déjà confronté aux Celestes face à Sinistre. Ils font quoi, ils baladent que nous veulent ils ? On sent qu’effectivement pour bcp de personnages un point de non retour va être atteint. La tension est très forte. Il manque un je ne sais quoi pour m’emporter totalement. Mais c’était déjà le cas pour X-Force.
Je rejoins Sam en ma qualité de jeune débris : c’est trop bien Uncanny Avengers, mangez-en tous les jours ! Si cette série m’a confirmé mon amour pour les récits de Rick Remender, elle m’a aussi réconcilié avec Daniel Acuna que je ne trouvais pas à sa place dans les récits super-héroïques avant, alors qu’ici il explose tout ! Il doit aussi bien aimé le Silver Age vu qu’il donne à Wanda sa coupe de cheveux de ses débuts chez les Vengeurs !
Je reconnais parfaitement le Remender du run sur « Punisher » (remember « Frankencastle » !). C’était exactement ça : De la continuité passionnante (alors que d’habitude je trouve ça chiant), des références passionnantes et des clins d’oeil au cinéma-bis passionnants (cette fameuse « affection pour cet aspect Kitsch pour les monstres » dont tu parles…).
Si ça vous dit, je vous fais un article sur son Punisher…
Un certain Cassidy ?
Je n’aime ni Thor, ni Cap’ mais la série est vraiment très bonne. Je vois plus ces personnages comme des figures symboliques de l’autorité Marvel qu’autre chose. Comme j’ai pu le dire sur le Facebook, le tout est supérieur à la somme des parties. Comme sur X-Force où Remender avait reussi à m’interesser à une équipe avec deadpool qui m’indiffère, Wolvie qui m’exaspère, Fantomex que je déteste. La série vaut vraiment le coup pour de vieux lecteurs Marvel. Vraiment.
Je trouve que Remender gère intelligemment Cap et Thor dans ce récit : il ne les a pas ajouté gratuitement pour simplement vendre car ils servent l’intrigue, mais le gros des épisodes est centré sur le reste du casting qui n’est pas déjà éparpillé dans 25 autres séries (sauf Sunfire peut-être, il est vraiment sous-exploité). En plus c’est lui qui écrit la série sur Cap, il est donc ici plus raccord que dans la série d’Hickman.