Treize nuits de vengeance par Kazuo Kamimura
Editions Kana – 587 pages – 18.50€
Un article de Bruce TRINGALE, initialement publié sur le site de PLAYBOY.
© 1976 by KAZUO KAMIMURA
Voilà un écrin qui tient du miracle ! A peine huit mois après la parution du volume 1 de TREIZE NUITS DE VENGEANCE, Kana sort la grosse artillerie : plus de 500 pages de vengeance, de sexe, de sadisme, de sexe, de perversion et de sexe. Le tout agrementé d’une traduction remarquable de Jacque Lalloz, traducteur quasi attitré d’Osamu Tezuka.
Reprenons.
Kazuo Kamimura est connu du grand public pour avoir été le dessinateur de Lady Snowblood, le manga vintage qui inspira entre autres les Kill Bill de Tarantino. C’est bien entendu l’arbre qui cache la forêt et ce serait aussi réducteur que de résumer la carrière de Tezuka (dont il fut l’assistant) au Roi Lion ou Astro Boy.
Kamimura est un titan du manga, dont l’oeuvre continue d’être scandaleuse, voire sulfureuse presque cinquante ans après la publication de ces Treize Nuits de Vengeance. Inceste, manipulation sexuelle, fratricide, suicide et homosexualité dans un Japon féodal et patriarcal, le mangaka ne s’interdit aucun tabou, ne tremble devant aucune polémique même si la violence de ces contes reste moindre au regard de ses Fleurs du Mal dont le sadisme qui auraient incommodé Baudelaire en personne.
© 1976 by KAZUO KAMIMURA
Chaque histoire est une déclinaison invariable d’un même point de départ dramatique : un amant, un prétendant, un chasseur, un proxénète parvient à détourner une femme vertueuse ou frustrée d’une vie rangée sans excitation avant que le sexe ne devienne une drogue qui va propulser ces amantes en apesanteur avant que la fusée, ce phallus volant, n’explose en plein vol.
Répudiées, moquées, humiliées mais surtout frustrées d’avoir été chassées du Paradis Perdu, celui de la plénitude physique, les femmes de Kamimura sont des Madame Bovary se transformant en des Thérèse Raquin ,ne reculant devant aucun poison, maléfice ou acharnement post-mortem.
© 1976 by KAZUO KAMIMURA
Le lecteur retiendra particulièrement Oiwa, l’année du rat ou le visage de son héroïne s’arrache comme du papier, la cruauté poétique des seins d’Osike qui voit un enfant jalouser l’amant lui ayant volé le sein de sa mère, que les amours saphiques du Carrefour aux serpents et surtout le supra dérangeant Les Lucioles qui continue d’être réservé à un public très averti malgré sa première publication en 1976.
Si l’anatomie n’est pas le point fort graphique de Kamimura (il ne sait clairement pas dessiner les pieds de ses femmes, probablement au grand dam de Tarantino), le reste est à se damner : ces visages féminins si fins à l’encre de chine, ces regards qui passent de la volupté à la folie meurtrières, ces plongées psychopathiques, tout raconte ces empires des sens qui s’écroulent comme des châteaux de cartes laissant ses survivantes dans les cendres de la rancœur et de la haine.
Un livre transgressif chaud comme la braise, doux comme un baiser empoisonné et qui rappelle que l’amour physique est sans issue.
© 1976 by KAZUO KAMIMURA
Un manga dérangeant et un brûlot, L’histoire des lucioles, c’est bien pour ma culture, mais je ne la relierais sans doute jamais de ma vie…^^
Par contre je suis totalement amoureux des dessins des manga de cette époque. l’encre de chine et les déliés possèdent une pureté qui me fait admirer les planches bien avant de me mettre à lire l’histoire.
Ca fait longtemps que je tourne autour, mais j’ai toujours d’autres priorités. Déjà, je n’ai toujours pas lu Lady Snowblood, et je suis loin d’avoir vu les films cités par Tarantino dans KIL BILL (ça me rappelle ce que disait Tornado sur les références que l’on découvre avec le temps, ayant accumulé plus de culture… mais c’est sur son blog qu’il en parle 😉 ).
Merci donc pour la présentation, je note dans un coin, mais pas de précipitation. Pas de BO ?
Non, je ne mettrai plus de BO sur mes articles en tout cas. Je trouve ça plus intéressant de discuter musique sur mon mur en fait.
Il est arrivé en remasterisant les anciens articles que parfois disons sur 20 commentaires, 15 portent sur la BO et les 5 sur l’article, spécialement lorsque les articles n’inspirent pas les lecteurs. Or je veux vraiment recentrer les commentaires sur l’effort d’écrire.
ce qui ne vous empêche pas de poster les vôtres hein…
Kazuo Kamimura est un immense artiste.
Treize nuits de vengeance est à lire de toute urgence, comme tout le reste de son oeuvre.
Mais ses chefs d’oeuvre les plus aboutis ne me semblent pas se trouver dans sa veine érotique perverse.
Je lirais pour ma part en priorité le sublime Le fleuve Shinano, un des plus beaux manga qu’il m’ait été donné de lire.
Merci pour cette présentation. Un peu déçu, je croyais trouver le tome dans ma bibliothèque locale ! Va falloir que j’étende le périmètre de mes recherches…
Bon je vais y aller à coups de superlatifs passionnés mais la découverte de l’œuvre de Kamimura (avec la traduction de LADY SNOWBLOOD en 2007) et reste pour moi un jalon dans ma relation aux mangas et à la bande dessinée en général.
Souvenirs émus en plus de la visite de l’exposition qui lui avait été consacrée au musée d’Angouléme il y a quelques années.
Son œuvre m’émeut et me fascine vraiment, il a produit de manière quasi industrielle pendant vingt ans (il est mort prématurément et trop jeune) et pourtant il y a un style et une sensibilité inimitable qui émane de ses mangas.
Rappelons aussi que les traductions en français de ses mangas doivent beaucoup au travail de sa fille Migiwa Kamimura pour entretenir la mémoire des œuvres de son pére et aussi que la publication de ses TREIZE NUITS DE VENGEANCE se base sur le travail de restauration effectué par l’éditeur italien Coconino qui d’ailleurs édité d’autres mangas de Kamimura qui sont encore inédits en français.
Merci à tous les lecteurs de cet article succin mais que j’aime bien, le manga continuant d’être peu aguicheur sur le blog.
@Ludovic : je découvre tout ça sur le très tard. Moi ce sont LES FLEURS DU MAL lues il y a 3 ans qui ont été un véritable traumatisme en terme de violence psychologique. Depuis je remonte le fil petit à petit et suis à chaque fois éberlué par la beauté de ce dessin (sauf les pieds…)
@JB Tu devrais finir par trouver quelque chose, Kamimura faisant partie des auteurs classiques du manga « respectable »
@Zen : chez qui est édité Le fleuve Shimao ?
@Eddy, comme toi je suis en pamoison envers le manga vintage et pour cela, les publications de Lezard Noir sont une vraie aubaine.
Le fleuve Shinano était dans un premier sorti en français en trois tomes chez Kaze avant d’être récupéré par Kana qui l’a sorti dans une intégrale en un seul volume.
Merci de l’info.
Plus de 500 pages de vengeance, de sexe, de sadisme, de sexe, de perversion et de sexe : quel programme !
Inceste, manipulation sexuelle, fratricide, suicide et homosexualité dans un Japon féodal et patriarcal : Ha ben y en a encore !!! Je remarque qu’il manque quelques perversions à l’appel, la zoophilie par exemple, mais bon le programme a l’air assez chargé comme ça.
Sauf les pieds : serait-ce une influence cachée de Rob Liefeld ?
Je suis toujours aussi admiratif de la liberté de thèmes des manga, bien avant la diversification de la bande dessinée européenne, sans même parler des comics.
Le manga est ma grande passion depuis une vingtaine d’année. J’y plonge encore et encore avec délectation, la même qui me fit découvrir le rock.