Avec des amis comme ça… (CABLE & DEADPOOL par Fabian Nicieza)

CABLE & DEADPOOL par Fabian Nicieza

Un article de JB VU VAN

VO : Marvel Comics

VF : Panini Comics, Hachette

Cable (un peu) & Deadpool (surtout)
© Marvel Comics
© Panini Comics

Cet article porte sur la série CABLE & DEADPOOL publiée sur 50 numéros par Marvel Comics à partir de 2004. La série entière est écrite par Fabian Nicieza, et a vu passer pléthore d’artistes : Mark Brooks, Patrick Zircher, Lan Medina, Reilly Brown, Ron Lim, Staz Johnson et Jon Malin, ce dernier pour quelques cases Liefeldesques. Panini Comics a tout d’abord publié ces histoires en France dans 4 tomes de CABLE ET DEADPOOL sous le label Marvel Monster. L’histoire a été rééditée dans les tomes 19 à 26 de la collection Hachette “Deadpool – La collection qui tue”.

Wade Wilson est missionné par une secte pour récupérer un virus capable de modifier l’ADN des mains d’hacktivistes qui veulent l’utiliser comme une arme terroriste. Cependant, l’objet est également convoité par le messie mutant, Cable. Un violent combat conduit au mélange des ADN du mercenaire et du mutant (non, ce n’est pas sale. Enfin si, la scène est extrêmement dégueulasse, avec échanges de fluides corporels compris). Dès lors, Cable ne peut utiliser son système de téléportation sans embarquer Deadpool avec lui. Ce qui pose problème, car Nathan Dayspring a de hautes ambitions : créer l’état de Providence, un havre de paix dédié à la méditation et à l’élévation de l’humanité, un projet qui suscite autant l’inquiétude des autres superhéros que des gouvernements. Le mercenaire à la langue bien pendue sera-t-il une aide indispensable pour Cable ou le serpent de ce nouvel Eden ?

La page à l’origine de la saga Deadpool au cinéma !
© Marvel Comics

Quand notre grand chef bien aimé a suggéré quelques articles dans la thématique de Deadpool & Wolverine, j’ai tout de suite pensé à ressortir mes Cable & Deadpool (enfin, d’abord au Deadpool de Christopher Priest, avant de voir combien les dessins étaient hideux). Pour plusieurs raisons : tout d’abord, Deadpool a croisé relativement peu souvent le canadien griffu, et surtout pour des histoires courtes (mais comment oublier ce Shoryuken dans la face de Kitty Pryde ?) De plus, c’est cette série qui est à l’origine de l’intérêt de Ryan Reynolds pour le personnage, et par conséquent de la série de films Deadpool : un passage dans lequel Deadpool se décrit comme Ryan Renolds [sic] croisé avec un shar-pei dans le 2e numéro de la série a attiré l’attention de l’acteur, qui a milité pour obtenir le rôle. Et enfin parce que c’est un run que j’aime bien par un auteur souvent négligé, Fabian Nicieza.

On part souvent du principe que Rob Liefeld est le (co-)créateur des personnages de Cable (Deathlok 15 ans en retard) et Deadpool (un color swap de Spider-Man). Pourtant, je considère Fabian Nicieza comme leur véritable “père”. Expert en séries mutantes, il a notamment étoffé la mythologie et la personnalité de Cable dans le crossover Le Chant du Bourreau, dans une mini-série (Cable: Blood & Metal) puis dans une série régulière dédiée au personnage. Quant à Deadpool, c’est également Fabian Nicieza qui, après le départ de Rob Liefeld, va pousser le personnage dans la voie de l’humour et vers des ambitions plus héroïques dans X-Force puis dans 2 miniséries (Deadpool: The Circle Chase et Deadpool.) Les dernières séries en date consacrées aux personnages, AGENT X et SOLDIER X (l’imagination des créatifs des séries mutantes est débordante, n’est-ce pas ?) s’achèvent quelques mois avant que ne commence ce titre qui rassemble les 2 anti-héros.

Des héros inséparables
© Marvel Comics

Et l’on voit que Nicieza a fait ses devoirs. Il adopte par exemple les métacommentaires du personnage de Deadpool, initiés par Joe Kelly dans la série régulière. Fabian Nicieza réutilise également plusieurs personnages créés par ses successeurs, qu’il s’agisse de T-Ray ou du casting du run de Gail Simone. Il se retrouve également avec un Nathan Summers surpuissant, débarrassé du virus qui accapare ses pouvoirs, accompagné par sa biographe Irene Merryweather. L’auteur reprend également le lore qu’il a créé autour des deux protagonistes : retour des survivants du Six-pack, l’ancienne bande de mercenaires de Cable (certains héros s’inspirent d’une chauve-souris entrant dans leur salon, d’autres trouvent leurs noms en décapsulant leur pack de bière), ou d’un vieil ennemi oublié de Deadpool. Cependant, pas besoin d’avoir lu tout ça : tout ce qu’il y a besoin de savoir est généralement résumé avec ironie par Deadpool.

Que raconte la série ? Promis, je ne vais pas encore faire une “synthèse” en 5 chapitres (Il paraît que j’ai une légère tendance à écrire des tartines). Fabian Nicieza travaille sur les 2 personnages éponymes et leur évolution personnelle. Dès la première histoire, on apprend que Deadpool recherche l’acceptation de ses pairs, mais que son instabilité tend à ruiner ses chances malgré ses honnêtes tentatives. De son côté, Cable veut le bien de l’humanité, mais pense à long terme. Il n’hésite ainsi pas à manipuler amis et ennemis pour arriver à ses fins, en étant bien conscient que ses actions machiavéliques risquent de lui aliéner ses proches (Papa Cyclope serait fier). Malgré leur caractère opposé, les 2 personnages vont bon gré mal gré s’attacher, au point de se comporter comme un couple et de tenter de tirer l’autre vers le haut et de le protéger de ses excès.

Les traumas du passé
© Marvel Comics

Attention, Fabian Nicieza écrit des comics de superhéros. Il ne livre pas un pensum mais intègre à cette étude de personnage les ressorts les plus exagérés du genre. Par exemple, durant tout un numéro, Cable et Deadpool ont une discussion à cœur ouvert dans un bar, où ils livrent chacun un souvenir traumatisant de leur passé afin de mieux se comprendre. Mais le gimmick, c’est que Cable entre dans le bar sous l’apparence d’un adolescent et finit le numéro sous l’apparence d’un homme mûr, car il vient de revenir rajeuni après avoir vu son essence dispersée à travers des réalités parallèles puis retrouvé un corps de bambin dans la réalité HOUSE OF M. Le numéro sert donc également à le ramener à son état normal (Désolé, Patrick 6, Deadpool ne joue pas les Saavik avec Cable pendant qu’il revient à son âge normal)… À l’opposé, une enquête sur un meurtre commis sur l’île de Providence commence comme une parodie de film noir dans laquelle Deadpool incarne un privé à la Sam Spade, pour finir sur une conclusion amère.

Fabian Nicieza va ainsi utiliser la série de 50 numéros, soit plus de 4 ans d’existence, pour observer d’un œil tout à la fois amusé, sarcastique et bienveillant les événements qui secouent l’univers Marvel dans les titres mutants plus populaires ou les crossovers de l’époque. Cable propose par exemple à Captain America de s’éloigner des combats politiques, de dépasser l’ambiguïté morale de l’enregistrement des superhéros pour un système plus juste, celui qu’il crée sur Providence. Nicieza propose également une explication convaincante pour le retour d’Apocalypse dans les X-Men de Milligan, ce que ce dernier avait échoué à expliquer dans BLOOD OF APOCALYPSE. Enfin, la création de l’équipe X-Men explosive de Mike Carey va directement conduire à la chute de Providence (traduction : les ambitions de ce titre secondaire sont torpillées par l’orientation de la série mutante principale). Mais Fabian Nicieza travaille avec Carey pour écrire une conclusion satisfaisante au travail de Cable (et régler son compte à ce psychopathe de Creed !) avant que Nathan Summers ne parte pour son propre titre à la suite du COMPLEXE DU MESSIE.

Les X-Men de Carey et les ravages d’Hecatombe, d’un autre point de vue
© Marvel Comics

Nicieza en profite pour boucler quelques intrigues qu’il avait lancées dans d’autres séries. Par exemple, dans Citizen V and the V-Battalion: The Everlasting, un titre dérivé de THUNDERBOLTS, l’auteur avait par exemple montré l’accession de Flag Smasher à la présidence d’un pays d’Europe de l’Est, le Rumekistan. Un élément qui devient critique pour les projets de Cable et qui, narrativement parlant, va marquer une bascule dans la perception qu’ont ses proches de lui (et qui sera largement oublié après la série jusqu’à ce que les films remettent Deadpool sur le devant de la scène…)

Avec l’absence d’une moitié des héros vantés par le titre, Fabian Nicieza fait des derniers numéros de CABLE & DEADPOOL une série de team-ups parodiant les tics d’écriture de Bendis . Deadpool avec (ou plutôt contre) Wolverine, une mission pour Docteur Strange avec l’aide de Brother Voodoo, un passage en Terre Sauvage et enfin une conclusion en forme de bataille générale sur les séries Avengers (dinosaures et symbiotes pour une bagarre générale en plein New York.) Deadpool a droit à une conclusion de son cheminement personnel, jouant sur une image récurrente de la série, où Wade est assis seul en attendant un appel pour une nouvelle mission.

Un dernier baroud d’honneur
© Marvel Comics

Pour la partie graphique, la série voit se succéder plusieurs artistes, donc difficile de parler d’une véritable identité de la série. Mark Brooks assure la transition avec la précédente série Deadpool par un trait et une colorisation proche du travail des Studios UDON sur AGENT X (pour les néophytes, AGENT X, c’est Deadpool sans Deadpool, idéal pour ceux qui détestent le personnage !). L’arrivée de Patrick Zircher, avec lequel Nicieza a déjà travaillé sur NEW WARRIORS et THUNDERBOLTS, puis celle de Lan Medina marquent un changement vers un style plus traditionnel, qui correspond au passage dans la série à des histoires liées aux évènements de l’univers Marvel.

Cable & Deadpool est un titre généreux, qui propose quelque chose pour chaque type de lecteur. L’acharné de continuité (comme votre serviteur) se délectera des innombrables références et hommages à de précédentes histoires. Le nouveau lecteur va trouver un Deadpool cynique, toujours prêt à faire des sous-entendus douteux, mais également à la recherche de sa propre voie et d’une possible rédemption. Etudes de personnage, clins d’oeil complices aux clichés du genre, fan-service, comédie, tragédie, aventure, réflexion, bagarres et fusillades : Nicieza profite du caractère secondaire de sa série et de ses personnages pour s’amuser avec ceux-ci sans limite (facile de se lâcher quand les éditeurs s’en fichent), avant de ranger ses jouets et de préparer la venue de ses successeurs.

L’esprit de Deadpool : l’appel de l’héroïsme
© Marvel Comics


BO du jour :

13 comments

  • Doop  

    la dernière fois qu’une série Deadpool m’a fait vibrer. une excellente série.

    • JB  

      J’ai surtout lu les volumes suivants jusqu’à Secret Wars, mais je suis curieux de lire Despicable Deadpool

  • JP Nguyen  

    J’en avais lu une partie en numérique il y a fort longtemps.
    Dommage que les interférences éditoriales n’aient pas permis au scénariste de raconter l’histoire qu’il voulait.
    Tu me donnes envie de retenter une lecture.

    Je n’ai pas compris l’expression « jouer les Saavik ». Une recherche rapide me mène à un personnage de Star Trek mais ça n’éclaire pas ma lanterne…

    • JB  

      La ref à Saavik, c’est un truc obscur lié à Star Trek III : Spock redevient enfant mais grandit à vitesse grand V en passant par le « pon farr », le besoin des vulcains de s’accoupler tous les 7 ans dès l’âge adulte. Il est sous-entendu que le perso de Saavik se dévoue pour « soutenir » Spock.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Salut JB

    Etrangement je n’ai pas apprécié plus que cela cette série.

    Les intrigues, du pure Nicieza et super slip born in the deeper continuity ne m’ont pas dérangé (même si les scénarii ne sont pas des chefs d’œuvres).

    Non c’est la dynamique Cable – Deadpool : cela ne fonctionne pas pour moi caar il y a …. Deadpool.

    Et puis je me suis procuré cela à une époque où je crois que j’avais en fait déjà commencé ma transition vers d’autres lectures.

    Donc gros bof. Si quelqu’un veut mes albums (4 en V) il me semble je lui cède à un prix plus que modique et avec grand plaisir.

    La BO : très bon titre, très agréable à écouter

    En tout cas merci pour cette review, très agréable à lire.

    • JB  

      Ah, Deadpool peut provoquer des réactions épidermiques chez certains lecteurs… D’autant plus merci pour ta lecture

  • Jyrille  

    Merci beaucoup JB pour la présentation ! Je ne connais rien de tout ce que tu racontes et malgré tout ce que tu en dis, il n’y a vraiment aucune chance que je me lance là-dedans. Je me suis souvent senti largué. Wade Wilson, ça va, je sais que c’est Deadpool, mais Nathan Dayspring ? C’est Cable ? Et c’est un messie ? Et Nathan Summers ? Il a à voir avec les X-Men, c’est le frère de Cyclope ou son père ou son fils ? Je ne savais même pas que Deadpool et Cable faisaient parti intégrante du lore des X-Men.

    Tu m’apprends que c’est ici que les films ont leur source. Mais qu’est-ce qu’un Shoryuken ?

    Quoiqu’il en soit c’est toujours un plaisir de te lire, ne serait-ce que pour tes remarques ironiques (« AGENT X et SOLDIER X (l’imagination des créatifs des séries mutantes est débordante, n’est-ce pas ?) ») toujours bien vues même si parfois, je ne comprends pas (« Papa Cyclope serait fier »). En expliquant que toute la série commente les autres numéros de Marvel, tu achèves de conforter que ce n’est pas pour moi, même si j’ai lu une bonne partie de CIVIL WAR.

    La BO : je ne les écoute pas après 1976. Bien trouvé pour l’article en tout cas. Dans mon souvenir l’album est plutôt sympa, un peu à l’image de ce titre, mais totalement anecdotique pour moi (même si il y a le méga tube Start Me Up).

    • JB  

      Ouille, tu poses une question qui mène vers le sac de nœuds qu’est l’arbre généalogique de la famille Summers : Nathan Dayspring/Nathan Summers, c’est Cable, fils de Cyclope et de la clone de Jean Grey, mais le type a 30 000 noms : « Nathan Christopher Charles Summer », devenu Nathan Dayspring une fois expédié dans le futur (longue histoire compliquée, et c’est sans parler de sa sœur issue d’un autre futur, de son clone ou de son double venue d’une autre réalité alternative, ou encore de l’assassinat de Cable par son « moi » jeune. Rien de tout cela n’est exagéré…)
      Deadpool est également lié au lore des X-Men en cela qu’il a été cobaye pour l’arme X au même titre que Wolverine.

      Shoryuken : le dragon punch (un large uppercut) des personnages de Ryu et Ken dans Street Fighter II, joyeusement asséné par Deadpool à Kitty Pryde durant le run de Joe Kelly.

      • Jyrille  

        🤣🤣🤣

        Et bien merci JB, je n’aurais jamais deviné tout ça tout seul ! Une référence à Street Fighter, chapeau, mais je ne me souviens pas des quelques parties que j’ai pu faire dans ma jeunesse 🙂

  • Sébastien Zaaf  

    Hello JB. Je suis plus qu’incomplet sur Deadpool & Cable. Je crois en avoir une partie quelque part. Je suis un peu rétif à Deadpool. Trop de blagues. Ca me sort du récit. Mais bravo pour cette synthèse.

    • JB  

      Question de goût, et cette série-là trouve à mon avis un bon équilibre entre humour et « drama ». Mais par principe, Deadpool divise 🙂

  • Alchimie des mots  

    ah je ne connaissais pas ! ça a l’air long mais pourquoi pas,!
    merci du partage !

    • JB  

      50 numéros, mine de rien, ça fait du volume ^^ Merci pour la lecture !

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