Interview Renaud Hantson
Propos recueillis par Bruce Tringale
Né sous le signe du rock, Renaud Hantson aura incarné au summum de sa carrière Johnny Rockfort, Ziggy et enfin James Dean lui-même dans l’opéra rock maudit La Légende de Jimmy. Enfin désintoxiqué après des années dans la poudreuse, Hantson se rappelle de cette époque où il vivait vite et manqué de faire un beau cadavre. Quitte à se demander si sa carrière ne s’en serait pas mieux portée.
32 ans après sa création que représente pour toi La Légende de Jimmy ?
C’est très certainement un de mes meilleurs souvenirs musicaux tout simplement parce que durant 2 heures j’étais le centre de l’attention du dernier opéra rock de Berger et Plamandon. Le fait qu’ils me renouvellent leur confiance après Starmania en me donnant le rôle-titre me rendait très fier. J’étais entouré de Nanette Workman que j’adore, Tom Novembre, Diane Tell avec qui j’avais des scènes assez chaudes même si en coulisses ça ne passait pas, une mise en scène de Jérôme Savary avec des peintures de Guy Peellaert, c’était géant !
Comment as-tu intégré ce casting ?
Juste après Starmania. Dans les années 90, il était compliqué de mener de front ta carrière en plus de tenir l’affiche d’un Opéra Rock. On était en tournée en URSS et les 8 chanteurs annoncent comme des cons à Berger vouloir arrêter Starmania. C’est moi qui ai dû le lui annoncer. Michel était déçu et pourtant quelque temps après, il me demande de venir enregistrer des voix pour une maquette de ce qui sera La Légende de Jimmy. J’ai enregistré 5 démos dans une journée et j’ai appris quelques jours après que j’étais retenu pour le rôle. C’était mon audition cachée.
Savary à la base voulait un sosie de James Dean qu’ils auraient casté aux States. Michel était contre : il était persuadé que l’idée était bonne mais que personne ne chanterait aussi bien que moi. Ce qui est drôle pour quelqu’un qui vient du Hard-Rock et qui se convertissait au moins pour un temps pour de la variété.
Justement, j’ai toujours trouvé le son de La Légende de Jimmy très aseptisé. On parle d’un rebelle quand même !
Je suis entièrement d’accord avec toi ! D’autant que Dean, avec sa bisexualité, s’il avait vécu dans les années 90 ne serait pas mort au volant de sa Porsche mais du SIDA. C’était la métaphore que l’on voulait faire passer : La fureur de vivre n’avait pas changé mais l’amour et le sexe pouvaient devenir mortels. Le problème de Berger, c’était son urgence. Avec France Gall, on était persuadé que c’est ce qu’il avait écrit de plus beau, de personnel. Mais la production n’est pas au niveau des concerts que l’on donnait. Les musiciens américains qui jouaient dessus ont rendu une copie assez froide et impersonnelle. La production de Michel est très grand public. Il voulait plaire.
C’est pourtant un album lugubre, presque un requiem…
Totalement ! Les proches savent que Michel s’éloignait de sa profession, il a pris une baffe quand France voulait arrêter la musique. Il avait des envies de cinéma. Son album solo n’avait pas marché, il s’éloignait de sa femme, il était très sombre, beaucoup plus que pour Starmania deux ans avant. Le fait que La Légende de Jimmy n’ait pas fonctionné sur scène n’a fait qu’ajouter à sa mélancolie. C’est un album maudit mais culte. A l’image de ma carrière d’ailleurs. Peut-être que j’aurais dû mourir comme James Dean…
Pourquoi cet échec ? Il n’y a même pas de captation vidéo !
Même avec les VHS d’époque, tu ne pourrais faire qu’un vague montage du spectacle. France 2 n’a jamais fait de captation officielle. Chez moi, je n’ai que des vidéos pirates.
France adorait La Légende de Jimmy mais elle n’a pas réussi à le remonter.
Tu étais familier avec la mythologie de James Dean ?
Honnêtement, non. J’avais vu ses 3 films mais j’en avais de vagues souvenirs, la course de voiture dans La Fureur de Vivre bien sûr. Pour travailler le rôle, j’ai surtout étudié son attitude en partant de sa photogénie, il était si charismatique.
On a des trajectoires communes avec Dean : mon père artistique Michel Berger est mort et je ne m’en suis jamais remis, je me suis planté en bagnole 2 mois après La Légende Jimmy et vautré dans la came. La mort de Berger m’a désespéré. Il devait m’écrire un album, ma carrière en a été bouleversée. Pourtant je ne suis pas un glandeur, je n’arrête pas de sortir des albums et de faire de la scène.
Quel bain de jouvence : un visage de Satan Jokers tout droit issu des années 1980 !
On était en tournée en URSS et les 8 chanteurs annoncent comme des cons à Berger vouloir arrêter Starmania : avec le recul des décennies, ça fait bizarre comme choix collectif. Pas sûr que leur carrière s’en soit trouvé plus intéressante.
Ce qui est drôle pour quelqu’un qui vient du Hard-Rock et qui se convertissait au moins pour un temps pour de la variété : ça faisait drôle aussi pour les hardrockers de l’époque d’apprendre que le chanteur de Satan Jokers se lançait dans la variété. 🙂
Moi, c’est le contraire : je n’avais jamais entendu parler de Satan Jokers !
Alors là, je n’y entend rien. Je n’y connais rien. Si j’ai un jour entendu parler de tout ce qu’il y a dans cet article en dehors de France Gall et Michel Berger, ma mémoire sélective a certainement dû tout effacer !
Jamais entendu ça. Jamais intéressé.
Le problème, c’est que de Gall & Berger, je n’aime que ce qu’ils ont fait dans les années 70. J’adore les deux albums de France Gall 1976 et DANCING DISCO, et les quatre de BERGER enregistrés entre 1973 et 1979. Mais avant ou après, je supporte pas.
Sans surprise je n’aime pas du tout les deux titres sélectionnés dans l’article. Je ne me suis jamais intéressé à la comédie musicale française. La seule que j’ai vue, c’est MOZART L’OPÉRA ROCK. Et je n’en garde aucun souvenir.
Je ne suis pas le public cible aujourd’hui ! 🙂
Tu en aimes au moins une :PINK FLOYD THE WALL que Waters a voulu adapter avec acharnement dans les années 2010.
Berger me brise le coeur, littéralement sur certaines chansons. Pire qu’Alice In Chains.
Cette LEGENDE DE JIMMY m’a marqué à vie. Même aujourd’hui, impossible de l’écouter sans en avoir la gorge serrée. C’est un travail remarquable sans l’histoire de James Dean.
Alors ce sont les comédies musicales françaises qui ne m’interpellent pas. Celles de la langue de Sheakspeare, j’adore. LE FANTÔME DE L’OPÉRA d’Andrew Lloyd Webber (également créateur de CATS), vu à Broadway au théâtre Majestic, est le plus beau spectacle que j’ai vu de ma vie. J’ai également vu le très impressionnant LORD OF THE RINGS au West End de Londres.
Je suis également très sensible à l’oeuvre de Berger. Mais je n’aime que ce qu’il a fait entre 1973 et 1980 (DEMAIN, POUR ME COMPRENDRE ou MESSAGE PERSONNEL sont sans doute mes chansons préférées et elles datent toutes de 1973). Après, sa production change et, comme dit dans l’ITW d’ailleurs, elle devient trop aspetisée et je ne la supporte plus. Plus d’un artiste ayant passé le cap des années 70 sera tombé dans ce travers, d’ailleurs.
Assez peu porté sur la musique, je ne connais Renaud Hantson que par la version « 80s » de Starmania dans le rôle de Ziggy, marquant car l’artiste parvient à rendre charismatique un personnage assez périphérique à l’intrigue.
L’histoire de cet Opéra Rock est la définition même de l’ironie tragique : un magnum opus méconnu, dont les médias n’ont pas gardé suffisamment de trace. Apprendre la frustration de l’équipe est un crève cœur.
J’ai été étonné par le regard de Renaud Hantson sur sa carrière, mais en parcourant sa page Facebook (la vraie, méfiez-vous des imitations), l’artiste semble être un écorché vif. La diversité de ses projets est intéressante, entre le hard rock et son lien récurrent avec les « musicals » (l’album de reprises « Opera Rock », son propre opéra « Rock Star » ou sa participation au projet « Starmusical »)
Cet entretien était destiné à BEST il y a un an. C’est tellement le bordel en coulisses que j’ai souhaité récupérer l’article par correction envers Renaud.
Oui c’est un écorché vif qui partage quelques points commun avec Jimmy. Le pourquoi, il l’a si bien chanté.
Et tu t’y connais bien plus en musique que tu ne le sembles le penser.
Encore une belle interview, mais bien trop courte ! Merci pour ma culture cependant. Pour le moment, je n’ai toujours pas lu tes posts FB sur la vie de Jimmy Dean, j’attends que tu aies terminé pour m’y mettre. N’étant pas un fan du bonhomme ni connaisseur de son oeuvre (j’ai vu ses trois films il y a très longtemps maintenant, peu de souvenirs), je découvre tout. Berger n’est pas trop ma came, Starmania non plus, je ne l’ai jamais écouté en entier, donc encore moins celui sur James Dean.
J’ai écouté les deux titres que tu mets en exemple : c’est vraiment pas mon truc mais évidemment c’est super bien fait (et en effet Renaud Hantson chante super bien).
L’interview devait être publiée dans un dossier spécial James Dean pour BEST #3 avec en point d’orgue mon entretien avec la famille de Jimmy. Seulement, ce n’est pas passé et maintenant la famille m’en veut à mort et j’ai un peu les boules. Bruce Lit ne devait pas être le réceptacle de cette interview car ce n’est pas le lieu pour exprimer comme je le voudrais mon obsession pour lui.
Du coup, c’est vous qui payez les pots cassés…
Je ne comprends pas tout mais tu as tout mon soutien dans cette épreuve.
Bonjour Bruce.
Toujours de la qualité sur cet interview, courte mais qui vont à l’essentiel, avec des questions intéressante, sortant des sentiers battus.
Je fais parti de ceux qui ont raté le coche Michel Berger et Starmania. J’ai bien entendu quelques chansons à la radio, parfois à la maison mais c’est tout. Et rien non plus sur la carrière de M Berger. Ces opéras rock reste terra incognita pour moi.
Je trouve que cette rencontre te correspond bien. Comme JB, je ressens un écorché vif derrière. En tout cas un artiste qui a bien galéré dans sa vie, qui a pris des coups, des gros même, et qui semble enfin avoir repris gout à la vie. Très beau témoignage, sans concession, réaliste. Il n’est pas le seul à s’être brûler les ailes dans le show bizz dans ses années là.
J’ai un peu de mal avec le parallèle fait avec la mort de James Dean et le SIDA. Mais cela m’interpelle. C’est intéressant, même si je n’adhère pas complètement.
Un vendredi rock un peu morbide quand même.
Dean et le SIDA : LA LEGENDE DE JIMMY joue sur le pacte Faustien entre James Dean et le Diable : la jeunesse éternelle contre son âme vendue à Hollywood. Le credo de Jimmy était Vivre vite, mourir jeune. Or c’est la jeunesse qui mourait essentiellement du SIDA et se brulait les ailes tel Cyril Collard dans les Nuits Fauves. James meurt d’aimer trop la vie et de la brûler par les deux bouts.
Là où je te rejoins, c’est que Dean, à l’inverse de Brando, n’était pas un grand baiseur.
J’ai beaucoup d’estime pour Michel Berger. C’était un musicien très talentueux. J’aime bien cette idée qu’il aurait voulu être plus rock mais qu’il avait tellement besoin d’être aimé qu’il a plutôt fait de la variété. Mais de la vraie bonne variété.
Avec ses propres titres et ceux qu’il a écrit pour France Gall, ça reste quand même la bande-son d’une époque, comme Goldman a pu aussi l’être un peu plus tard.
Beaucoup de respect et d’estime pour ce qu’il a fait.
Par contre, la fascination autour de la figure de James Dean, ce n’est pas quelque chose de structurant chez moi. Je n’ai jamais pris vraiment la peine de m’intéresser au personnage (pas plus lui que n’importe quel autre acteur) et ses films ne m’intéressent pas beaucoup. La fureur de vivre, ok, mais c’est pas vraiment ce que Nicholas Ray a fait de mieux.
Et Brando, n’en parlons même pas, il représente à peu près tout ce que je n’aime pas voir au cinéma.
Complètement d’accord avec Zen sur Berger, Gall et Goldman (il faut dire que j’ai eu un poster de France Gall dans ma chambre pendant longtemps).
France Gall en poster ?!
@zen : j’aime aussi beaucoup Berger et Balavoine. Après Johnny, ils furent les premier à vouloir rocker la chanson française. Les deux sont morts prématurément. Je trouve Berger meilleur pour France Gall que pour lui-même. Il a pondu des singles merveilleux, je suis moins convaincu pour les albums. SAUVER L’AMOUR de Balavoine est merveilleux de bout en bout.
Mais, je trouve que Goldman les surclasse aussi bien sur les singles que le format album ou -presque- toutes ses chansons sont bonnes avant le trio avec Friedicks et Jones ou – pour moi- il alterne entre le top classe (« Nuit ») et l’insipide (« A nos actes manqués »).
Maintenant JJG étant mon égale obsession avec James Dean, il ne faut pas me branche là-dessus. Vraiment, il ne faut pas…
SAUVER L’AMOUR est le premier album que j’ai écouté en boucle vers mes 14 ans. En K7 originale.
Avec sa pochette argentée qu’on pouvait plier. C’était le cas en K7 également ?
La pochette de la K7 était forcément pliée et ne présentait que la moitié du visage de Balavoine.
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Mais du coup tu n’avais pas la partie argentée https://fr.shopping.rakuten.com/offer/buy/1849800/Balavoine-Daniel-Sauver-L-Amour-33-Tours.html
Peut-être que JJG surclasse Berger au point de vue strictement musical, notamment sur le format album, mais Berger apporte au début des années 70 une rupture nette avec ce qui se faisait avant. Avec Véronique Sanson, on peut dire qu’ils liquident le cadavre des yéyés.
C’est pas pour rien que Françoise Hardy va faire des pieds et des mains pour collaborer avec lui tant elle sent la rupture et la ringardisation de sa génération.
Il n’y a pas une telle rupture avec l’arrivée de Goldman, ce qui leur donne à mon sens une place différente dans l’histoire de la chanson française.
Ce qui les unit par contre, c’est l’excellence de leur travail.
Comme je l’ai écrit pus haut et même si on sort de mes univers habituels, j’ai beaucoup d’estime et de respect pour eux. Et je me suis surpris à me sentir bien triste à l’annonce de la mort de France Gall. Mine de rien, ils nous ont tous accompagnés et font partie de nos vies.
Mais pour moi, ce qui surpasse tout cela, c’est les premiers albums de Véronique Sanson, ça c’est vraiment extraordinaire. C’est pour moi le sommet de la chanson française des 70’s..
Amen to that brother !
Ca c’est un article pour moi !
Navrée de voir que le projet original qui allait avec cet article ne s’est pas fait, et encore plus de voir que cela a eu des conséquences fâcheuses. Mais ce n’est pas perdu pour tout le monde !
Je me délecte toujours autant d’entendre la voix de Renaud Hantson, ayant adoré sa version de Ziggy.
Je regrette de ne jamais avoir acheté cet album qu’est LA LEGENDE DE JIMMY. Vraiment dommage qu’il n’existe pas de captation officielle. C’est vraiment le genre de comédie musicale qui m’aurait plu. La chanson « GEANT » est vraiment touchante, et la voix de Renaud, brisée, incroyable…
Cela m’a fait rechercher une chanson de Renaud, enfin un clip des années 90 (APPRENDRE A VIVRE SANS TOI), que j’ai retrouvé, et en l’écoutant à nouveau, j’ai compris qu’il s’agissait d’une chanson hommage à Michel Berger !
Merci pour cette interview. Dur de lire Renaud dire que peut-être il aurait mieux valu qu’il ait la même carrière que celle de James Dean…
Sinon, je rejoins Zen : j’ai été profondément peinée par le départ de France Gall, plus que celui de beaucoup d’autres artistes.
Hey Kao’ !
CA fait plaisir de te lire !
Le malheur des uns fait le bonheur des autres 😉
J’ai eu la chance d’être invité par Renaud à son concert. J’ai été bouleversé de l’entendre sur GEANT. Sur scène la chanson prend toute son ampleur.
Renaud à l’époque sortait d’un divorce très douloureux. Ses propos s’en ressentent.
France Gall m’éblouit : pendant la période Berger, elle ne chante aucune mauvaise chanson. CE SOIR, JE NE DORS PAS, c’est une oeuvre d’art.
Oui, j’ai mis du temps à revenir ! Le mois de septembre est toujours hyper chargé pour moi, mais ça y est, je retrouve un rythme agréable 😉 .
CE SOIR JE NE DORS PAS a longtemps été ma chanson fétiche, que j’écoutais le soir, ou lors de moments de déprime, avec SI MAMAN SI.