Anaïs Nin, sur la mer des mensonges, par Léonie Bischoff
Un article de PRESENCEVF : Casterman
Ce tome contient une biographie d’Anaïs Nin (1903-1977) qui ne nécessite pas de connaissance préalable de l’artiste ou de son œuvre. Elle a été réalisée par Léonie Bischoff, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Elle comprend 184 pages de bandes dessinées. Sa publication initiale date de 2020. Elle a bénéficié d’une édition grand format en 2022, complétée par un cahier graphique de quatorze pages.
Des nuages d’orage au-dessus d’un océan déchainé. Des vagues puissantes et arrondies, pleines d’écume, avec un minuscule navire au sommet de l’une d’elle. Les vagues redoublent d’intensité, et projettent le navire sur un récif. Dans les débris, une forme humaine allongée, recroquevillée sur elle-même. Dans la même position, Anaïs Nin se tient le visage dans les mains, avec des feuilles éparpillées autour d’elle. Elle se redresse sur son séant, sèche ses larmes et rassemble les feuilles. Le soir, elle rejoint son époux Hugo Guiler, un banquier, dans une réception mondaine. Il la présente à Mme & M. Bordin, à Mme & M. Moris, Richard Osborne. Ils vont s’installer à l’une des tables. La conversation porte sur les occupations de Mme Nin : M. Guiler leur a dit qu’elle est une artiste. A-t-elle des enfants ? Depuis combien de temps sont-ils à Paris ? Hugo Guiler répond : cela fait trois ans maintenant, mais ils viennent de déménager à Louveciennes. Est-ce que New York lui manque ? Quel est ce drôle d’accent ? Elle explique que sa mère est Danoise et Cubaine, son père Espagnol et Cubain, et elle a grandi entre la France et New York. Elle a dû inventer son propre langage. Au retour, dans la voiture, son mari lui assure qu’elle les a tous charmés. Il s’inquiète pour elle : elle semble de nouveau fragile, nerveuse. Elle lui répond que le banquier en lui est en train d’asphyxier le poète. Une fois rentrés, ils s’installent dans le salon : elle écrit, il s’exerce à la guitare.
L’esprit d’Anaïs Nin divague : elle développe un dialogue avec une autre elle-même plus libre, qui lui reproche d’être en train d’étouffer, de jouer les épouses parfaites. La nuit, elle cauchemarde : par la fenêtre elle voit l’épave du trois-mâts sur leur pelouse et elle s’y rend sous une fine pluie, en chemise de nuit. Elle touche le bois de la coque et pénètre dans la cale par une énorme brèche : son double plein d’assurance l’y attend. Elle se réveille, se lève, puis vaque à ses occupations. Elle a l’air tranquille et solide, mais bien peu savent combien de femmes il y a en elle. L’une d’entre elles s’est révélée dans la danse espagnole. Avec d’autres femmes, elle prend des cours avec monsieur Mirales. Ce dernier lui a proposé de monter sur scène et de partir en tournée. Elle refuse une nouvelle fois : la danse est un passe-temps acceptable pour une femme de banquier, mais pas monter sur scène. Plus tard, elle y repense : qu’est-ce au fond qui la retient de monter sur scène ? Ça n’est sûrement pas Hugo, ni la banque. Sa culture catholique, certainement… Une femme qui se montre est une putain. Mais Mirales a raison, la sensualité de la danse espagnole touche au mystique, au sacré.
L’autrice ne donne pas de date exacte au cours de sa narration, toutefois des repères permettent de déterminer la période couverte. Au début, Hugo Guiler indique que cela fait trois ans que le couple est installé en France, ce qui amène en 1927. La biographie se termine après la rencontre avec Lawrence Durrell (1912-1990), c’est-à-dire en 1937. Elle présente la vie de l’écrivaine du point de vue de celle-ci : elle est de toutes les scènes et son flux de pensées est exprimé régulièrement, certainement pour partie extrait de ses journaux. S’il connaît déjà le parcours d’Anaïs Nin, le lecteur se doute que la bédéiste a choisi cette période pour sa fonction charnière dans son développement personnel, et donc dans son écriture. Sinon, il fait connaissance avec une épouse bien sous tout rapport, dépendant financièrement de son mari qui dispose d’un revenu confortable grâce à son métier de banquier. Il est vite touché par l’esthétique des dessins : ils semblent avoir été réalisés au crayon de couleur un peu gras, avec trois teintes majoritaires qui s’entremêlent avec une teinte prenant le dessus sur les autres en fonction de la scène, et souvent des arrière-plans vides. Il serait tentant de voir une sensibilité féminine, dans certaines courbes, la façon de représenter les yeux plus grands que nature, ou encore certaines postures, l’intérêt porté aux tenues vestimentaires, les fleurs. Mais au regard des autres caractéristiques visuelles, cela reflète plutôt le point de vue d’Anaïs Nin elle-même, sa propre sensibilité, sa façon de ressentir le monde. Ces choix graphiques servent à transcrire l’état d’esprit de l’écrivaine, en phase avec son journal et ses romans.
Au fil des pages, le lecteur se retrouve totalement séduit par l’élégance de la narration visuelle. L’artiste sait inclure les éléments nécessaires à la reconstitution historique : les voitures, les décorations intérieures, les tenues vestimentaires, les accessoires comme la machine à écrire. Elle effectue un dosage parfaitement équilibré de la quantité de détails par scène. Cela peut aller d’une représentation détaillée des façades au droit du Moulin Rouge boulevard de Clichy, à juste des personnages sur fond blanc, de la gare de Louveciennes reproduite avec exactitude à la texture du manteau de fourrure de June Miller, en passant par des scènes oniriques ou métaphoriques où l’imaginaire l’emporte. La tempête en ouverture est magnifique avec les éléments déchainés. À la fin de ce premier chapitre, Anaïs Nin marche pied nu dans un désert avec des cactus, et des cristaux sur le sol, vers une silhouette à contre-jour. La première vision qu’elle a de June Miller se fait avec un décor de fleurs. Plus loin, Arthur Miller épingle son épouse au mur, comme un papillon, sa robe ouverte donnant l’impression d’aile, et il lui ouvre le ventre pour dérouler ses intestins dans la page suivante dans une vraie vision d’horreur. Quelque temps plus tard, Anaïs s’imagine glissant dans une eau habitée par des plantes aquatiques douces et sensuelles. Indépendamment de l’esthétique choisie, la narration visuelle met en œuvre des dispositifs variés bien choisis.
En page 17, le lecteur découvre que les deux tiers inférieurs de la page sont occupés par une dizaine de silhouettes juste détourées, d’une femme en train de danser le flamenco pour un résultat très parlant. En page 37, les feuilles de papier volètent autour d’Arthur Miller et Anaïs Nin assis à une table de jardin, comme emportées par le vent, mais aussi animées par l’esprit de création des deux auteurs. En pages 92 & 93, Léonie Bischoff raconte uniquement avec les images, sans aucun mot, avec une disposition de page originale : deux colonnes de quatre cases de part et d’autre de la page, et une image de la hauteur de la page qui les sépare : un voyage en train avec une arrivée le matin, et un départ le soir pour évoquer le mouvement de va-et-vient dans la relation entre Arthur et elle. Dans le chapitre quatre, Anaïs enfant voit apparaître un homme en costume descendant du ciel entre les immeubles, avec un soleil à la place de la tête, une métaphore qui prend tous ses sens par la suite. Avec toutes ces qualités de mise en scène en tête, le lecteur se dit que le choix d’avoir régulièrement des personnages en train de dialoguer avec un fond de case vide relève lui aussi d’une mise en scène conceptuelle : des personnages sur une scène de théâtre, une focalisation sur le langage corporel et sur les phrases, les mots, une évidence pour la biographie d’une écrivaine. Il prête alors une égale attention aux dessins en tête de chaque chapitre et au sens qu’ils revêtent par rapport au développement de la personnalité d’Anaïs Nin : un papillon aux ailes repliées, un éventail ouvert, des nuages masquant le soleil, un papillon aux ailes déployées, un soleil radieux à la fin de la pluie, un labyrinthe, des fleurs écloses.
Anaïs Nin étant le point focal de chaque scène, majoritairement accompagné de ses pensées, le lecteur adopte tout naturellement son point de vue. Elle n’en devient pas une héroïne, mais le personnage principal. Il ressent son expérience de la vie par son point de vue, au travers de ses émotions. D’une certaine manière, l’autrice la présente comme l’héroïne de sa propre vie, ce qui induit que le lecteur prenne parti pour elle, même si son système de valeurs diffère, même s’il conserve un regard critique sur le comportement de cette jeune femme. Léonie Bischoff a choisi de montrer la transformation de l’écrivaine, d’épouse modèle, en une femme épanouie. Elle découvre progressivement son attachement aux plaisirs des sens, la volupté de la sensualité, ses besoins en la matière et le fonctionnement de son système psychique. L’autrice en brosse un tableau d’une finesse remarquable, incorporant la pression et les attendus sociaux de l’époque, l’enfance et l’éducation d’Anaïs Nin, ses traumatismes, son effet inconscient sur les hommes, ses appétits sensuels, sa vocation d’écrivaine, ses doutes, sa façon de s’adapter aux attentes des hommes.
Cette femme dispose d’une sécurité économique assurée par son époux Hugh Parker Guiler (1898-1985), et recherche une âme sœur en littérature qu’elle trouve en la personne d’Arthur Miller (1891-1980) qui a séjourné à Paris de 1930 à 1939. Elle rencontre ainsi son épouse June Miller (1902-1979), une femme beaucoup plus libre qu’elle. Par la suite, le lecteur découvre sa relation avec son cousin Eduardo Sanchez, avec le psychiatre Docteur René Allendy (1889-1942), avec son deuxième psychiatre Otto Rank, et d’autres. L’autrice le laisse libre de porter son propre jugement valeur sur la dynamique de ces relations, sur la personnalité d’Anaïs Nin et ses choix de vie. Il ne s’attend pas aux deux traumatismes survenant en fin de récit. Il découvre sa relation avec son père Joaquín Nin, puis son avortement. Ces deux séquences le laissent sans voix, en train de chercher sa respiration, tellement il en fait l’expérience comme s’il était lui-même ou elle-même Anaïs Nin, deux moments de bande dessinée exceptionnels.
Raconter la vie d’une écrivaine ayant fait date dans l’histoire de la littérature présente plusieurs défis : celui des faits biographiques, celui d’une ligne directrice, et celui de respecter son œuvre, voire d’en intégrer l’essence. Léonie Bischoff parvient à combler tous ces enjeux de l’horizon d’attente du lecteur, avec une élégance tout en douceur, y compris dans les pires moments, une sensibilité en phase parfaite avec celle de son sujet, un point de vue qui fait corps avec celui d’Anaïs Nin, et une narration visuelle enchanteresse. Chef d’œuvre.
BO :
Meilleure lecture bd de 2020. Pur chef d’oeuvre. Un album magique.
Je manque de superlatifs pour décrire la force incroyable de cet album.
Merci pour ta chronique.
Mangez-en.
Merci pour ce retour dithyrambique. Je n’ai pas tenté la surenchère de superlatifs : je ne m’en sentais pas de lancer ce défi.
Bonjour.
tout a fait d’accord avec Zen Arcade. Il me semble l’avoir découvert à l’été 2021 de mon côté. Découverte et fascination totale pour Anais Nin derrière, surtout ma femme. On a acheté des livres de Anais Nin en suivant.
L’autrice en brosse un tableau d’une finesse remarquable, incorporant la pression et les attendus sociaux de l’époque, l’enfance et l’éducation d’Anaïs Nin, ses traumatismes, son effet inconscient sur les hommes, ses appétits sensuels, sa vocation d’écrivaine, ses doutes, sa façon de s’adapter aux attentes des hommes. très belle analyse.
y compris dans les pires moments en effet c’est ce qui m’a plu également, le fait de ne pas faire un portrait 100% enchanteur.
Un beau portrait de femme, porté par un graphisme magnifique, vivant, étonnant, sensuel.
Les pires moments : je pensais également à sa relation avec son père…
Bonjour Présence,
Une chronique qui conclut de très belle manière la bonne initiative de mettre en avant le genre féminin pendant une semaine sur le blog 👍.
Il y a eu le 08 mars la journée de la femme. Pour ma part, je considère que cette journée devrait être tous les jours 😉.
Je peux honnêtement affirmer que je ne connais pas Anaïs Nin car je n’ai lu aucun roman de l’autrice.
L’érotisme n’étant pas un genre qui me passionne en littérature.
Par contre la biographie de cette romancière m’intéresse un peu plus car elle est un exemple d’émancipation d’une femme à une époque difficile.
Cette BD a l’air passionnante et tu as piqué ma curiosité en évoquant les 2 séquences qui laissent sans voix et qui sont des moments exceptionnels de bande dessinée 😯. Je veux en savoir plus…
Graphiquement je suis charmé par les visuels que tu proposes. Ces dessins aux teintes pastel effectués aux crayons de couleur gras sont très beaux 👍.
La BO: je n’ai jamais été captivé par Mylène Farmer et sa musique ☹️.
Tu aurais pu choisir « THE SPY » une chanson des DOORS qui est une référence à un roman de l’autrice😉
Bonjour Surfer,
à la parution de cette BD, elle n’avait pas retenu mon attention et je ne l’avais pas acheté. Mais l’accumulation de critiques élogieuses et une nouvelle édition grand format ont eut raison de mes réticences.
Si je ne craignais pas de commettre une maladresse politiquement incorrecte, je dirais que la narration visuelle présente une sensibilité féminine très juste donnant à voir les sensations d’Anaïs Nin avec une expressivité remarquable.
Ici, je ne qualifierais pas cette bande dessinée d’érotique : pour moi, le sujet principal est celui de la création littéraire, et il se trouve qu’elle s’exprime avec une composante érotique, Anaïs Nin écrivant sur cette dimension de son expérience de vie.
La BO : merci pour cette information concernant The Spy, car je ne suis pas familier de la discographie de The Doors.
Je ne connais pas NIN et cet article me l’a fait découvrir.
Par contre je connais bien Leonie que j’avais découverte ici : https://www.brucetringale.com/allumettes-suedoises-camilla-lackberg/
Elle en reprend notamment l’architecture de ses couvertures en miroir inversé.
Je suis assez fan de son trait mais l’édition est très volumineuse et il ne faudrait n’acheter que ça lorsque je vais à Paris.
Mais clairement ça fait envie.
Je me souvenais de cet article d’un précédent ouvrage de Léonie Bischoff sur le site.
Je ne suis pas très client de tout ce qui est biographie, mais je trouve très intéressant la diversité graphique de l’album (La première page proposée ne serait-elle pas une variation sur la Grande Vague de Kanagawa ?)
Petit à petit, je me laisse tenter par des biographies et je découvre des bédéistes de grand talent, capables de réaliser une reconstitution historique de qualité, s’entremêlant à une évocation éclairant de l’œuvre.
Une variation de la grande vague : peut-être, je ne saurais dire. J’y est vu la métaphore très classique du plaisir féminin.
je me laisse tenter par des biographies et je découvre des bédéistes de grand talent, capables de réaliser une reconstitution historique de qualité, s’entremêlant à une évocation éclairant de l’œuvre. j’ai lu cette semaine le Baudelaire de Yslaire : excellent, dans la même veine.
J’ai également lu Mademoiselle Baudelaire d’Yslaire, très bonne lecture :
https://les-bd-de-presence.blogspot.com/2022/05/mademoiselle-baudelaire.html
En fin d’année dernière, une BD sur le douanier Rousseau, par Mathieu Siam et Thibaut Lambert :
https://les-bd-de-presence.blogspot.com/2022/12/les-frontieres-du-douanier-rousseau.html
Plus récemment une anthologie de scénettes sur des philosophes par Catherine Meurisse :
https://les-bd-de-presence.blogspot.com/2023/03/humaine-trop-humaine.html
Je ne connaissais pas du tout le nom d’Anaïs Nin. Ta curiosité pour explorer des tas de genres d’histoires différentes m’impressionne toujours.
Il y a quelques années, lorsque j’allais plus régulièrement en médiathèque, je pouvais me laisser surprendre par des récits piochés un peu au hasard.
Actuellement, ce n’est plus le cas. Je suis dans une phase où j’ai moins de temps de lecture et, je dois l’admettre, moins de curiosité. Ca reviendra peut-être. En attendant, je passe mon chemin car je ne pense pas avoir le bon état d’esprit pour tenter un récit de ce genre en ce moment.
Tout pareil que JP.
Je ne connaissais absolument pas cet écrivain. Encore moins cette BD.
La première planche est vraiment magnifique avec ces nuages qui évoquent les cheveux de l’héroine et introduisent sa sensualité féminine dès le départ.
L’évocation de toute une « belle » époque est également très attirante. Sans parler des parti-pris et des trouvailles visuelles de l’autrice qui sont remarquables (chaque scan montre une idée de mise en scène originale).
Je me suis pris le MADEMOISELLE BAUDELAIRE d’Yslaire par contre (pour rebondir sur le post de JB). Mais je ne l’ai pas encore lu…
@Tornado
Si mes souvenirs sont bons, il devait y avoir un des livres d’Anaïs Nin dans la bibliothèque de mes parents, mais je ne l’ai jamais ouvert. J’ai ensuite croisé le nom de cette autrice dans une chanson de Juliette Noureddine : Rimes féminines, extrait de l’album du même nom, 1996.
J’ai également lu Mademoiselle Baudelaire (commentaire sur mon site) et j’en avais envoyé le commentaire à Bruce.
youtube.com/watch?v=zMaZvBG3UaA
Dans un corps vide entrer mon âme
Tout à coup être une autre femme
Et que Juliette Noureddine
En l’une ou l’autre s’enracine
Élire parmi les éminentes
Celle qui me ferait frissonnante
Parmi toutes celles qui surent s’ébattre
Qui surent aimer, qui surent se battre
Mes sœurs innées, mes philippines
Mes savantes et mes Bécassines
Julie, Juliette ou bien Justine
Toutes mes rimes féminines
Clara Zetkin
Anaïs Nin
Ou Garbo dans La Reine Christine
Sur le céleste carrousel
Choisir entre ces demoiselles
Camille Claudel
Mamzelle Chanel
Ou l’enragée Louise Michel
Vivre encore colombe ou rapace
Écrire chanter ou faire des passes
Margot Duras
Maria Callas
Ou bien Kiki de Montparnasse
Naître demain, renaître hier
En marche avant, en marche arrière
M’incarner dans ces divergences
Ces beautés, ces intelligences
Et jouir du bienheureux trépas
Pour dans leurs pas mettre mes pas
Musidora
La Pavlova
Ou mon aïeule la grande gueule Thérésa
Que j’en aie l’esprit ou l’aspect
Ou bien même les deux s’il vous plaît
Juliette Drouet
La Signoret
Ou la grande Billie Holiday
Tous voiles dehors et en chantant
Avec l’une d’elles me révoltant
Flora Tristan
Yvonne Printemps
La farouche Isadora Duncan
Pour toute arme ayant leur fierté
Et pour amante la liberté
Les sœurs Brontë
Loyse Labé
Ou Lou-Andréas Salomé
Même s’il faut en payer le prix
Être la fleur, être le fruit
Être Alice Guy
Être Arletty
Marie Dubas, Marie Curie
Mais s’il vous plaît point de naissance
De jeunesse, ni d’adolescence
Épargnez-moi la chambre rose
Soyez bonne, ô métempsycose
Permettez à votre Juliette
De ne point mûrir en minette
Mais en Colette
En Mistinguette
Ou pourquoi pas madame de Lafayette
Mettez-moi, je vous le demande
Instamment, dans la cour des grandes
Judy Garland
Barbara Streisand
Ou cette bonne dame de George Sand
Placez-moi du côté du cœur
Côté talent, côté bonheur
Loïe Fuller
Dottie Parker
Ou Sainte Joséphine Baker
Oui tout de suite les feux d’la gloire
Les feux d’la rampe et de l’Histoire
La Yourcenar
Sarah Bernhardt
Ou la très sage Simone de Beauvoir
Une voix d’argent au fond d’un port
Une plume d’acier ou un cœur d’or
La Solidor
Christiane Rochefort
Ou Marceline Desbordes-Valmore
Les belles sans peur et sans marmaille
Toutes nues au fort de la mitraille
Sylvia Bataille
Anna de Noailles
Camarade Alexandra Kollontaï
Et les agitatrices de bouges
Brandissant l’espoir et la gouge
Olympe de Gouges
Rosa-la-Rouge
Et la vieille Germaine de Montrouge
La lignée des dominatrices
Ladies, madames, donas ou misses
Comme Cariathys
Ou Leda Gys
Angela et Bette Davis
Le train du diable et ses diablesses
Les vénéneuses et les tigresses
Lola Montès
Gina Manès
Et l’empoisonneuse Borgia Lucrèce
Enfin j’ai pour être sincère
Du goût pour les belles harengères
Yvette Guilbert
Claire Brétécher
J’irais même jusqu’à Anne Sinclair
Mais si tant de souhaits vous chagrinent
S’il est contraire à la doctrine
De viser haut dans les karma
Alors faites dans l’anonymat
En attendant que tout bascule
Que Satan ne me congratule
Ou que les anges me fassent la fête
Permettez une ultime requête
Faîtes-la renaître votre frangine
En n’importe qui, en fille d’usine
En fille de rien ou de cuisine
En croate ou en maghrébine
En Éponine
En Clémentine
En Malka Malika ou Marilyn
Et si votre astrale cuisine
Par hasard ne le détermine
J’accepterais par discipline
De revenir en cabotine
En libertine
En gourgandine
Tiens, en Juliette Noureddine
@JP – Moins de curiosité : j’ai été marqué à vie par l’interprétation des paroles écrites par Jean-Jacques Goldman.
Qu’on me donne l’envie,
L’envie d’avoir envie.
C’est toute la force d’un refrain entêtant qui revient en mémoire sans être invité, et dont on s’aperçoit qu’il parle exactement de son propre état d’esprit à ce moment-là. Et voilà, je viens de perdre encore une partie de mon estime en citant Johnny. 😀
Hello Présence,
Tu as été inspiré par Anaïs et Léonie. Je me dis qu’elles seraient touchées par ton empathie critique. J’ai gardé un très bon souvenir de cette lecture et je l’ai partagée avec des amies.Tu donnes envie de la reprendre avec un oeil neuf.
Il y a une correction importante à apporter à ta belle chronique. L’ami et l’amant écrivain d’Anaïs est Henry Miller, auteur notamment de la Crucifixion en rose, et non Arthur.
Bonjour Fusain,
merci de votre retour.
Merci beaucoup de m’avoir signalé ma bourde. Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu écrire une énormité pareille. Et pire encore, je ne m’en suis pas rendu compte à la relecture.
Bonnes lectures
Très beau texte Présence. Je ne connais rien d’Anaïs Nin à part son nom et la période où elle vécut, en gros. La couverture et les dessins sont magnifiques et tu donnes très envie. Je note en tentant de vite la trouver.
Tes descriptions me rappellent ce que j’avais pu lire (et voir) de certaines parties du Journal de Fabrice Neaud : babelio.com/livres/Neaud-Journal-Integrale-tome-1/1388431
Super conclusion. Vraiment, il me la faut.
La BO : elle n’a plus les moyens de se payer des musiciens, Mylène ? Désolé mais j’ai trouvé ça horrible.
La BO : j’assume, c’est mon choix, comme disait Évelyne Thomas.
La BD : si j’osais, je dirais que c’est une narration très féminine, mais je ne suis pas bien sûr que ce soit politiquement correct d’énoncer une remarque aussi genrée. 😀
Quoi qu’il en soit, une belle mise en situation permettant de comprendre et de ressentir en quoi Anaïs Nin n’était pas politiquement correct à son époque.
La BO : note bien que j’aime pas mal de titres de Mylène à ses débuts, enfin dans les années 80-90. Et je comprends aisément que les paroles collent de surcroît au sujet. Et si tu ne le savais pas, il y a quelques années, C’est mon choix était diffusé sur Youtube : ma fille regardait. Elle adorait ça.
La BD : en effet, dirais-tu que la narration de Catherine Meurisse est féminine également (j’ai lu ta chro sur Humaine trop humaine) ? 😀 C’est bien de se poser la question, car le terme t’est venu comme un adjectif naturel, alors qu’il sous-entend en fait un passé macho. Tu me rappelles que j’ai très envie de relire Transat de Aude Picault.