Destroy All Monsters: A Reckless Book, par Ed Brubaker, Sean Phillips, Jacob Phillips
Un article de PRESENCEVO : Image Comics
VF : Delcourt
1ère publication le 7/09/22 – MAJ le 21/12/22
Ce tome fait suite à RECKLESS: L’ENVOYé DU DIABLE (2021) des mêmes auteurs. Il n’est pas indispensable de l’avoir lu avant, car les auteurs rappellent les éléments indispensables à la compréhension, en cours de route. Pour autant ce tome exhale plus de saveurs si le lecteur a lu les deux premiers. Il est paru sans prépublication initiale en chapitre, en 2021. Il a été réalisé par Ed Brubaker pour le scénario, Sean Phillips pour les dessins et l’encrage et les couleurs sont l’œuvre de Jacob Phillips. La quatrième de couverture comprend des commentaires élogieux Publishers Weekly, Patton Oswald, et de Joe Hill. Il se termine avec une postface d’une page rédigée par le scénariste.
1988 : c’est l’année où Ethan Reckless a commencé à se sentir vieux. Il avait alors trente-sept ans, et chaque matin il éprouvait des raideurs et des douleurs dans plusieurs endroits de son corps, de vieilles blessures. Sa routine matinale commençant par une demi-heure d’étirements. Il était comme une voiture ayant subi un accident, ayant été réparée, mais ne fonctionnant plus exactement comme avant. Ce jour de 1988, un incendie s’est déclaré au premier étage du bâtiment qui abrite le cinéma El Ricardo dont il est propriétaire. Reckless pénètre dans la salle de visionnage, l’extincteur à la main. Il appelle son assistante Anna. Elle n’est pas là. Il se rend alors dans la cabine de projection : personne. Puis il va dans la réserve où le feu est en train de se propager aux bobines de film : il commence à faire usage de l’extincteur. Quelqu’un lui assène un coup de pied de biche sur la joue gauche, et il tombe à terre. L’agresseur porte un masque à gaz à cartouche, et il répond qu’il n’est pas Anna. 1988 : c’est l’année où Ethan a bien foiré.
Quatre mois auparavant, en avril 1988, Ethan vient de garer son mini-van Dodge devant la boutique où il s’approvisionne en bobines de copie de film. Il vient chercher le cadeau qu’il a commandé pour l’anniversaire d’Anna, espérant qu’elle acceptera de le pardonner pour ses propos très critiques sur son petit copain. Il rentre dans la boutique et salue le propriétaire Byron. Celui-ci lui indique qu’il allait justement le contacter car il a reçu sa commande. Il est assez surpris car il n’aurait jamais imaginé qu’un tel film soit du goût d’Ethan, sauf évidemment si celui-ci voue une passion à Judy Garland. Cela fait lui penser à la manière dont il a rencontré Anna. C’était en 1979, et il venait d’entrer en possession du cinéma El Ricardo. Il avait occupé son premier mois à effectuer lui-même de menus travaux de réparation pour le remettre en état. Régulièrement quand il arrivait le matin, il trouvait un grand A dans un cercle tracé à la bombe de peinture sur la double porte vitrée d’entrée. Il sortait alors les chiffons et le dissolvant pour enlever la peinture. Mais quelques jours plus tard, il retrouvait le symbole Anarchie à l’identique. Finissant par trouver la blague lassante, Ethan avait passé une nuit à attendre pour surprendre le petit malin en flagrant délit. Il avait observé une jeune fille peindre le A, puis pénétrer dans le bâtiment avec ses clés.
Le lecteur achète ce tome les yeux fermés et s’y plonge avec délice, en ayant pris bien soin de ne pas être dérangé. Comme il s’y attend, les auteurs commencent par une scène d’action de 4 pages, présentant la phase la plus violente de l’enquête. Il retrouve immédiatement cette sensation unique à la découverte des dessins : un équilibre extraordinaire entre des éléments représentés avec un détail minutieux, et des éléments esquissés pour ne pas alourdir les cases. Dans le premier registre se trouvent la façade extérieure du cinéma ainsi que les deux projecteurs de film dans la salle attitrée. Dans le second registre se trouvent les fauteuils de la salle, les bobines de film, ou encore la tenue de l’agresseur. Le lecteur éprouve la sensation de s’y trouver : la chaleur des flammes sinistres, grâce à la mise en couleurs, la fumée noirâtre qui commence à envahir les pièces, dans un noir profond et des formes irrégulières qui se confondent avec l’ombre des pièces non éclairées, sauf par les flammes de l’incendie. Le lecteur retrouve cette approche sophistiquée de la représentation descriptive dans la suite de l’ouvrage.
Sean Phillips maîtrise à la perfection le dosage entre ce qu’il représente avec précision, et ce qu’il représente de manière plus lâche en laissant l’imagination du lecteur projeter le reste des caractéristiques et des textures. Une fois passée l’introduction de l’incendie du cinéma, la première page montre la vue du personnage principal sortant de son combi Dodge : la plage, avec une longue jetée de bois. Le lecteur identifie immédiatement ces éléments dans la case supérieure de la largeur de la page, et il passe à la deuxième image qui occupe la largeur du deuxième tiers de la page, puis à la dernière qui occupe également la largeur du dernier tiers. Il se souvient que l’artiste a pris le parti de se tenir à ce découpage très rigoureux : 3 bandes pour chaque tiers de page. Le lecteur rejette un coup d’œil à cette page pour mieux s’imprégner de l’atmosphère, et il remarque la complémentarité remarquable entre les traits encrés et les couleurs. En particulier, il se rend compte qu’il voit plutôt l’impression que donne la vue sur l’océan, qu’une description photographique. Avec des traits encrés irréguliers, Phillips fait apparaître la jetée avec ses pilotis irréguliers un peu de guingois, les vagues également rendues apparentes par de simples traits noirs irréguliers, et c’est quasiment tout. Avec ce qui pourrait s’apparenter à des coups de pinceau irréguliers, son fils Jacob esquisse des masses nuageuses, les dernières lueurs d’un coucher de soleil maussade, l’eau sombre de l’océan, l’irrégularité du sable, comme ça, de manière aussi naturelle que grossière, pour un résultat évident pour l’esprit du lecteur qui voit aussi bien des détails qui n’y sont pas, qu’il se prend à humer l’air pour essayer d’y déceler l’odeur du sel.
À chaque page, le lecteur retrouve ce dosage incroyable entre ce qui est représenté finement, et ce qui est plus esquissé, ainsi que cette complémentarité si sophistiquée qu’elle en devient invisible, entre les dessins et les couleurs. En fonction de ses envies et de ses inclinations, il ralentit pour mieux apprécier telle ou telle composante du dessin. Il voit bien que chaque personnage dispose d’une forte personnalité graphique cohérente du début jusqu’à la fin, même si en apparence ils semblent plus croqués que dessinés dans le détail. Il voit l’âge et l’expérience d’Ethan Reckless, la jeunesse et le solide caractère d’Anna, le sérieux un peu figé d’Isaac Presley, la morgue méprisante de Gerard Runyan. Ils ont des postures et des comportements d’adulte, sans exagérations de mouvements ou d’expression de visage. Les décors s’inscrivent également dans une veine naturaliste, recréant des endroits de cette zone de Los Angeles dans la fin des années 1980 : les rues avec des immeubles ou des pavillons suivant les quartiers, une zone en déshérence et malfamée, un diner tout-venant, un club huppé, une salle de stockage, et bien sûr plusieurs pièces du cinéma El Ricardo.
L’artiste continue de doser la densité d’informations visuelles avec élégance et justesse, tout en recréant ces lieux et leur ambiance. Il fait en sorte de se montrer cohérent avec les modèles de voiture de l’époque, et représente même un personnage utilisant un des tous premiers téléphones portables on disait plutôt portatif à l’époque. De son côté, le scénariste intègre également des marqueurs temporels dans les conversations, avec parcimonie, comme la chanson YOUR SONG (1970) d’Elton John. Il intègre également ses propres goûts de l’époque au travers des personnages avec leurs films préférés : BEYOND THE VALLEY OF THE DOLLS (1970) de Russ Meyer, BLOW OUT (1981) de Brian de Palma, THE EASTER PARADE (1948) de Charles Walters, avec Judy Garland.
Le lecteur entame ce troisième tome de la série en sachant qu’il sera narré par Ethan Reckless âgé d’environ 70 ans au temps présent, et évoquant son passé. Cela confère une impression un peu étrange : le temps présent du récit est déjà un passé inscrit dans le marbre, et le personnage principal a survécu à l’évidence, ce qui amoindrit d’autant la tension dramatique. Il flotte également un état d’esprit mélancolique : le narrateur se souvient de cette époque avec les regrets des erreurs commises, comme d’un temps qui ne reviendra plus. Mais, par contraste avec les deux premiers tomes, l’auteur insiste plus sur la relation unissant Ethan à Anna, et à la trajectoire de vie de cette dernière. Cela apporte une chaleur humaine qui faisait un peu défait dans les deux premiers tomes. Le lecteur se sent ainsi plus impliqué, et il y a plus de surprises émotionnelles car Anna est plus jeune (à peu près vingt ans) et moins blasée, moins anesthésiée qu’Ethan. L’intrigue repose sur de gros enjeux financiers, l’enquêteur allant fourrer son nez dans les affaires très sales de gens puissants, tout en côtoyant des individus d’autres strates de la société. Brubaker utilise avec un art consommé les conventions et les figures du polar, les mettant au service de son histoire, en adoptant le point de vue spécifique de son personnage, une maîtrise totale du genre. Comme tout polar qui se respecte, l’enquête met en lumière des fonctionnements de la société peu reluisants, des conflits d’intérêt financiers, mais aussi de valeurs, et des motivations qui exposent la noirceur de l’âme humaine.
Il est possible que le lecteur soit aussi blasé qu’Ethan Reckless en entamant sa lecture : forcément encore une réussite d’Ed Brubaker & Sean Phillips, peut-être pas beaucoup de neuf ou une implication émotionnelle émoussée. Effectivement, il y a de cela, et c’est confortable et agréable de retrouver le savoir-faire de ces deux créateurs arrivés à un si haut niveau, et une telle complémentarité. Mais cette histoire révèle plus de saveurs que les deux précédents, une émotion plus profonde, un enquêteur plus conscient de ce qui est important dans sa vie, une jeune femme plus enjouée et parfois espiègle, un regard sur la vie désabusé mais pas déprimé.
Présence serait-il fan du travail de Sean Phillips ? 😀
Je fais partie de ceux qui achètent encore les comics signés Brubaker/Philips les yeux fermés. Cela-dit je n’ai toujours pas commencé cette série…
Il y a tout de même encore quelques auteurs de comics dont je reste accroché aux creators own : Rick Remender, Joe Hill, Garth Ennis bien sûr, et il y aurait aussi volontiers Jason Aaron s’il arrivait à se barrer de chez les slips…
Je ne suis pas certain d’avoir saisi le sens du titre original DESTROY ALLL MONSTERS. Je n’ai vu ni créature de Frankenstein, ni vampire, ni loup-garou, ni même aucun gaïju…
Moi, fan de Sean Phillips ? à peine. 🙂 Il y a quand même quelques œuvres plus anciennes où je suis moins dithyrambique, par exemple ses épisodes de Hellblazer. Je trouve que plus récemment il a réussi à développer un collaboration personnelle avec ses metteurs en couleurs, pour une belle complémentarité, et une approche très personnelle, une façon de faire que je n’ai pas retrouvé chez d’autres artistes.
Les références cinématographiques de Brubaker dans cette série sont effectivement moins geek que les monstres Universal ou Hammer.
J’ai aussi été plus modéré sur certains travaux de Phillips, notamment la mini-série sur LE CAID (avec Bruce Jones). Je vais bientôt découvrir son travail sur HELLBLAZER puisque Urban publie enfin le run de Paul Jenkins en fin d’année !
J’avais compris. Je provoquais… 🙂
Je sais que tu avais été très tiède sur ce run de Jenkins. Vu que j’adore ce scénariste, on verra effectivement si ça déclenche un article…
Bel éloge/article
Je pense avoir à peu près tout ce que Sean Phillips a fait (pas tout du même niveau) et le duo (trio même avec la couleur) est brillant depuis des années
Les tics de Phillips m’agacent régulièrement, surtout cette utilisation systématique des postures photos pour les perso, mais c’est sa marque de fabrique, il la revendique (son blog grouillait de photos et de ref) et ca lui permet d’aller vite
En revanche je reste fan de sa narration, de leur narration maintenant que c’est un duo, et surtout de ses ambiances Et là tu mets très bien le doigt sur l’essentiel : le dosage de détails pour aller plus vers l’impression que le rendu détaillé
Le géant Joe Kubert en parlait très bien, disant qu’il faut donner assez au lecteur dans le dessin pour qu’il sache ce qui se passe, mais ne pas en mettre trop pour le laisser travailler, imaginer, et c’est ce que j’aime dans la bd, cet équilibre si précieux
Les tics de Phillips : j’aurais exactement dit ça, c’est-à-dire c’est sa marque de fabrique.
Le dosage de détails : quand je prends le temps d’écrire un article/éloge, je m’attarde sur les dessins, et je suis à chaque fois épaté par cette science du dosage acquise au cours d’une longue pratique. Pour reprendre l’exemple de Joe Kubert, je trouvais certains de ses cases, et parfois de ses pages un peu vides, laissant trop de choses à l’imagination du lecteur.
J’ai oublié de te dire à quel point ton paragraphe sur l’aération du dessin de Philips est grandiose.
Bonjour Présence,
peu de commentaire j’ai pris un sacré retard sur la production Brubaker/Philips. Le dernier « récent » que j’ai lu doit être PULP, que j’ai moyennement apprécié pour une fois. J’en ai lu la critique ici (je crois même avoir mis un commentaire).
Je reste donc sur deux de leurs excellentes productions : THE FADE OUT et surtout KILL or BE KILLED.
Belle analyse de la partie graphique. Je viens de m’enquiller les Uncanny X-Men de Philips (pour la bonne cause) et c’est en effet un sacré dessinateur. Moins hype, moins blockbuster que les Jim Lee ou Ivan Reis il possède une réelle identité graphique. Intéressant également ton analyse sur la colorisation, dont l’apport est clairement complémentaire au trait de Sean Philips.
Bon il va falloir que je craque mon PEL, encore…..
Et bravo à Alex pour la traduction au passage.
Pareil, Pulp m’avait un peu moins parlé que les précédents.
En revanche je tiens Killed or be killed et The fade out, en très, très, très, très, très, très, très, très, très, très, très, très… très haute estime. Deux tours de force.
Tous les tomes de Rekless ne sont pas au même niveau, par rapport à mes goûts personnels. Mais celui-ci et le suivant sont d’excellents crus.
THE FADE OUT est juste excellent. J’ai lu KILL OR BE KILLED mais pour moi c’est un poil en dessous. Mais c’est purement pas goût personnel, c’est le côté thématique super héros qui ne m’intéressait pas des masses chez ce duo d’auteur, même si c’est super bien fait.
J’ai également une préférence pour The fade out, peut-être plus subtil, moins dans l’agressivité frontale.
Tiens s’il fallait faire un top 5 des séries de ce duo, ce serait quoi pour toi ?
Mon Top 5 personnel qui n’engage que moi : The fade out, Kill or be Killed, Sleeper (ça ne me dérange pas d’avoir deux saisons sans fin définitive et l’ambiance paranoïaque était incroyable), Bad weekend, Le dernier des innocents.
« Il est possible que le lecteur soit aussi blasé qu’Ethan Reckless en entamant sa lecture : forcément encore une réussite d’Ed Brubaker & Sean Phillips, »
Je connais bien le duo, même si je ne suis pas totalement à jour de toutes leurs prods. Et même pour un lecteur habitué comme moi, ton article donne envie de se plonger dans cette lecture, voire toute la série. Après toutes ces reviews, toi non plus tu n’es pas blasé et tu arrives à appâter même les vieux grincheux dans mon genre : quel talent, Monsieur Présence !
Il est possible que le lecteur soit aussi blasé qu’Ethan Reckless en entamant sa lecture : j’ai écrit ça, parce que je me suis rendu compte que c’était mon état d’esprit. Après Sleeper, Incognito, The fade out, Fatale, Criminal, Kill or be killed, Bad week-end (la vache, quel palmarès), c’est vrai que j’ai eu la faiblesse de me dire : encore un Brubaker & Phillips de plus. Mes la lecture a vite modifié mon état d’esprit.
Oui, même cette semaine je crois bien. Comme je n’ai encore lu aucun Reckless, je reviendrais lire une fois les trois tomes lus, Présence 😉
Rien à voir, j’ai écouté le podcast Blockbuster sur Lovecraft qui date de 2021 je crois (version longue) avec toi-même, sieur Nikolavitch, en invité et c’était passionnant.
ben faut dire que les intervenants étaient de haute volée : Louinet est une pointure, et Barranger un artiste de gros niveau. Et on sent très bien que Sigrist connaît et apprécie son sujet.
Ce duo d’auteurs aussi talentueux et productif qu’il soit ne m’a jamais accroché.
je referme les livres avec le sentiment que je viens de lire un bonne bd que je ne lirais plus jamais de ma vie et que j’oublierai d’ici six mois.
La preuve je suis loin d’avoir tout lu mais je suis incapable de m’y retrouver qu’est-ce qui est connecté à CRIMINAL ou non, tout m’a l’air un peu pareil sauf FATALE qui est bien cool de par son parfum lovecraftien
The fade out et Kill or be killed ne se réduisent pas à de bons polars avec une intrigue tordue : il y a une progression dans l’état d’esprit du personnage principale, dans ses réflexions, qui transforme son expérience du monde. Oui : je suis fan.
oui, et Fade Out (tout comme Pulp, d’ailleurs) se double d’un portrait d’une époque, de ses obsessions et travers.
Avec tout le respect que je te dois, je me suis permis de lire ce tome en VO. 🙂
Pour la date de sortie, je me suis calé sur amazon qui affiche aujourd’hui encore le 07/09/22.
Comme toi, je trouve dommage que la narration émousse le suspense puisque Reckless est toujours vivant pour raconter ces évènements. Je déteste les films qui commence par la fin.
C’était un très bon album mais effectivement j’en ai un peu de souvenirs. Il faut dire que les covers n’aident pas en gardant la même trame. Rien ne m’empêchera de relire ça ce soir.
Je partage ton avis sur ces couvertures à la manière de…, à la manière d’un roman mi polar, mi action , qui malgré la qualité de leur exécution laisse une impression de fadeur générique. D’un autre côté, nous avons tous appris à ne pas juger un livre sur sa couverture.
Profité de cette chronique pour relire les deux premiers volumes et découvrir ce troisième.
Comme souvent avec Brubaker, je trouve ça très bien fait, il maîtrise les codes du récit noir à merveille, la mécanique du scénario fonctionne bien, les personnages sont bien campés, il y a de réelles qualités d’écriture mais pour moi ça manque de chair.
Je trouve ça appliqué. Il manque un truc qui sorte du cadre. Le gars, je suis sûr que quand il était gamin, il coloriait tout bien sans que rien ne dépasse.
Mais bon, c’est du bon boulot et je lis cela malgré tout avec beaucoup de plaisir.
Je suis quand même vraiment curieux de lire les prochains volumes avec le personnage principal qui, pour l’instant, vieillit à chaque épisode de plusieurs années. Je suis curieux de voir à quel point ça pourrait entraîner la série sur quelque chose de vraiment mélancolique.
Comme plusieurs l’ont écrit ici, je pense aussi que The fade out est ce qu’il a fait de mieux.
Là, j’ai trouvé qu’il délaissait une part de son application habituelle pour proposer quelque chose de plus incarné.
Je trouve ça appliqué. – Cela exprime bien mon sentiment pour les deux premiers tomes de cette série. Je trouve qu’avec celui-ci et avec le suivant il retrouve sa capacité à apporter un petit plus personnel, ça ne sort pas vraiment du cadre, pas de manière manifeste. Il le fait avec de petites touches.
J’ai lu les trois tomes en VF de RECKLESS assez rapidement : comme tu le dis si bien, une fois lancé, j’ai eu du mal à m’arrêter. Et puis je connais peu cette paire d’artistes, ensemble en tout cas. Je te rejoins sur tous les points : du polar bien maîtrisé avec tous les codes, un dessin incroyable qui joue sur les impressions tout en étant très réaliste, plus d’émotions ici.
J’ai remarqué que dans le premier tome, il y avait une case avec une affiche d’un film appelé DESTROY ALL MONSTERS… j’ai donc eu de la chance de les lire à la suite je trouve. Alors que dans le premier tome on faisait connaissance avec les personnages, ici on les connaît mieux, ça marche encore plus, surtout qu’on suit une trame de polar assez éculée (Brubaker le dit lui-même, ce troisième tome, c’est presque Chinatown, le film de Polanski).
Mais toutes ces histoires le sont. Rien de vraiment neuf, sauf une efficacité terrible. On a tout de la série télé, surtout celle des années 70 et 80, avec les différents petits chapitres, l’introduction qui est toujours un flashback de la fin, et surtout des personnages principaux un peu caricaturaux ayant des caractéristiques très précises. Ethan Reckless, c’est un super-héros : il a un pouvoir (pas de sentiments), une base secrète (le cinéma), un sidekick (Anna), des compétences hors du commun (ancien agent infiltré du FBI), une vie indépendante et libre de toute attache financière, bref, c’est un fantasme vivant. Rien à voir avec la noirceur que j’ai pu déceler dans PULP ou BAD WEEK-END. Et franchement, je trouve ça génial, autant sur la forme que le fond, pourtant je sais que je suis dans une certaine série B qui n’a jamais eu de réalité.
Pas de BO ?
J’ai remarqué que dans le premier tome, il y avait une case avec une affiche d’un film appelé DESTROY ALL MONSTERS : merci pour cette observation, je n’y avais pas prêté attention.
Ici on les connaît mieux : pareil, il m’a fallu deux tomes pour commencer à éprouver de la sympathie pour Ethan Reckless. C’est un fantasme vivant : oui, ça m’a empêché d’éprouver de l’empathie pour lui au début. Dans les notes en fin de tome, Ed Brubaker explique que pour partie, il s’agit de sa propre jeunesse, et je pense que ça transparaît dans ces histoires, ce qui les rend plus personnelles.
Je me rends compte que les 2 premiers tomes n’ont pas été critiqué ici. Je les recommande en tous cas. C’est clairement le haut du panier avec finalement une production en one shot qui sied parfaitement aux histoires.