Joan Baez par Stan Cuesta
Propos recueillis par BRUCE LIT
VF : Les Indociles
Ado, je dévorais les articles de Rock’nFolk : Manoeuvre bien sûr, Eudeline, Soligny mais aussi Stan Cuesta qui en assurait la rubrique rééditions.
C’est avec un grand plaisir que je le reçois aujourd’hui chez Bruce Lit pour vous faire découvrir un livre magnifique sur Joan Baez paru aux éditions Les Indociles et disponible à l’achat ICI.
Bonjour Stan. Tu as déclaré avoir créé les éditions INDOCILES pour écrire sur Joan Baez. Peux-tu nous présenter cette collection et que représente cette artiste pour toi ?
Bonjour Bruce. J’ai créé la collection Les Indociles en 2019 avec Line Karoubi, qui était alors responsable des Beaux Livres chez Gallimard et directrice de Hoebeke, une maison d’édition à l’origine indépendante qui venait d’être rachetée par Gallimard.
L’idée était de s’écarter un peu des biographies classiques, de plusieurs façons, tout d’abord en faisant appel à des auteurs ne venant pas du microcosme du journalisme musical : des écrivains, poètes, musiciens, photographes, etc. Bref des artistes ayant un regard différent et non journalistique, avec une qualité d’écriture littéraire, et un rapport affectif ou réel avec le personnage sur lequel je leur demandais d’écrire. Ainsi, Nicolas Comment, auteur du JACQUES HIGELIN, avait travaillé avec le chanteur en studio, l’avait photographié et avait développé avec lui une relation à la fois professionnelle et amicale. Ça a donné un texte complètement original, personnel, subjectif et différent de tout ce qu’on avait déjà pu lire sur Higelin.
Car l’autre idée directrice est celle-ci : à l’époque d’internet, on ne peut plus écrire de biographies – ni d’articles de presse, mais c’est un autre sujet – comme on en écrivait au XXème siècle. Le livre n’est plus là pour délivrer une information, du moins plus seulement. L’information est partout, tout le monde « sait » tout. Il faut innover, apporter quelque chose de plus. L’innovation, pour nous, c’est donc un choix d’auteurs originaux, mais aussi le traitement même des biographies : chaque auteur choisit dix événements qui le touchent dans la vie de l’artiste et brode un chapitre autour en toute liberté. Il bénéficie aussi d’un chapitre bonus, entièrement de son choix, comme par exemple une interview exclusive de Catherine Ringer, un texte inédit de Jacques Higelin, etc. Et on trouve une discographie complète en fin d’ouvrage. Enfin, les livres sont richement illustrés de photos rares, voire inédites, et leur maquette particulièrement soignée.
Les artistes auxquels s’attache la collection sont des « indociles », à savoir des personnalités fortes, qui ne s’en laissent pas compter et qui ont un parcours original et libre. A ce titre, par goût personnel, parce que je l’avais déjà interviewée et parce qu’il n’existait quasiment aucun ouvrage sur elle en français, j’avais effectivement envie de lancer la collection avec un livre sur Joan Baez. Ici, l’histoire se complique et prend un tour amusant. Pour diverses raisons, Gallimard demande l’autorisation aux artistes ou à leurs ayants-droits d’écrire un livre sur eux. Je me suis donc mis en contact avec Mark Spector, le très redouté manager de Joan, qui a refusé tout net, avec cette réponse sibylline : « Je ne le sens pas » ! J’ai donc lancé la collection avec deux français, ce qui était finalement une bonne idée, puisque les deux livres ont bien marché : JACQUES HIGELIN, écrit par Nicolas Comment, et CATHERINE RINGER, que je voulais également écrire depuis un certain temps – exactement pour les mêmes raisons que le Joan Baez : aussi incroyable que ça puisse paraître, il n’existait rien sur elle…
Mais je n’ai pas lâché l’affaire Joan Baez. A l’occasion de sa venue à l’Olympia pour sa dernière tournée, début 2019, j’ai demandé et obtenu une interview d’elle pour le magazine Rolling Stone – toujours un bon plan pour séduire les managers américains ; autant ils ignorent tout de la presse française, même des titres beaucoup plus importants, autant dès qu’on dit « Rolling Stone », les portes s’ouvrent. Bref, Mark a dû apprécier mon opiniâtreté, nous nous sommes rencontrés, il a vu ce que j’avais déjà publié, il a lu mon article sur Joan et il a fini par accepter le livre. Depuis, je l’ai revu pour Suzanne Vega, dont il s’occupe également, que j’ai interviewée, été voir en concert, et c’est devenu mon pote, ah ah !
Entretemps, en 2020, nous avons sorti deux autres livres, JANIS JOPLIN par Nathalie Yot, qui livre sa vision originale et passionnante de femme poète et romancière de la chanteuse, et JIM MORRISON par Patrick Coutin, qu’on ne présente plus – mais dont beaucoup de gens ignorent qu’avant de chanter « J’aime regarder les filles », il était journaliste à Rock & Folk… Comme moi, mais vingt ans plus tôt.
Après, ce que Joan Baez représente pour moi… Beaucoup de choses, principalement liées à mon enfance. J’étais gamin dans les années soixante et soixante-dix, mes parents l’écoutaient, en la comparant à Nana Mouskouri pour la pureté de sa voix, ce qui m’énervait ! J’ai appris depuis qu’elles étaient amies… J’aimais sa voix, et je me souviens d’avoir vu en direct, émerveillé, le Grand Echiquier de 1973 qui lui était consacré, un modèle d’émission de télévision comme on n’en fait plus. A l’époque, j’aimais tout, Maxime Le Forestier et Joan Baez autant que David Bowie et les Rolling Stones. Plus tard, je suis devenu légèrement intégriste, comme beaucoup de rockers, mais mon éclectisme a fini par reprendre le dessus, heureusement, et j’ai entre autres redécouvert Joan Baez. Et puis, en inconditionnel de Dylan, je ne pouvais pas l’ignorer, bien sûr, même si je déplore qu’on la réduise trop souvent à cette relation !
Ta préface insiste sur les talents de guitariste de Joan Baez qui auraient laissé Bob Dylan pantois.
Oui, comme beaucoup d’amoureux de la musique, je suis aussi musicien, j’ai joué de la guitare et souffert sur les tablatures de picking de Marcel Dadi, sans jamais vraiment bien maîtriser cette technique… Donc je comprends ce que fait Joan Baez et je sais combien c’est difficile, surtout en chantant aussi merveilleusement, et avec cette apparente facilité, ce qui n’en est que plus incroyable. Et Dylan le sait aussi, comme il l’a dit plusieurs fois, et notamment dans une fameuse interview filmée, si mes souvenirs sont bons, par Martin Scorsese, et reprise dans le superbe documentaire consacré à Joan, HOW SWEET THE SOUND.
Tu le rappelles, Joan Baez est métisse et victime de racisme dans l’Amérique blanche des années 1950. C’est en chantant et en jouant de la guitare qu’elle se fait accepter.
Oui, son père est mexicain, elle a la peau très mate, elle est très brune et ressemble à une petite mexicaine ou même à une petite indienne. Ce qui, dans la Californie hyper blanche et aseptisée des années 1950, est assez rare et source de moqueries de la part de ses petits camarades américains très moyens du collège et du lycée. Plutôt que de les affronter violemment, ce qui annonce ce qu’elle sera et fera à l’âge adulte, elle entreprend de les séduire en chantant et en jouant (du ukulélé, au début). Et elle y réussit parfaitement : ils en oublient la couleur de sa peau.
Par rapport à des artistes qui ont connu des années de vache maigre, le succès de Joan est fulgurant…
Oui, c’est vrai, puisqu’elle atteint une très grande notoriété au premier festival folk de Newport – mon premier chapitre – en 1959 à l’âge de 18 ans, et ensuite devient une immense vedette à vingt ans à peine. Mais quelques années plus tard, Dylan lui aussi va exploser très jeune. Il n’y a pas de secret : à l’époque, tout était plus facile qu’aujourd’hui, les artistes immensément doués ne connaissaient pas ces « années de vaches maigres » à leurs débuts. Quand on réécoute tous les chanteurs de cette vague du « folk boom » du début des sixties (je l’ai fait !), il faut être honnête : les autres – dont certains sont bons, d’autres un peu moins – sont tous très loin derrière… Que mon ami Jacques Vassal – auteur du mythique FOLKSONG qui vient de fêter ses 50 ans et d’être réédité en version augmentée – me pardonne cette opinion tranchée qu’il ne partage probablement pas !
En stipulant dans ses contrats que les Noirs et les Blancs devaient être également admis à ses concerts, Baez adopte une attitude révolutionnaire et courageuse pour l’époque. Que risquait-elle ?
Beaucoup de choses. D’abord que ça ne marche pas : que l’une ou l’autre de ces deux communautés, ou les deux, ne vienne pas à ses concerts. Mais surtout que des ligues racistes d’extrême droite comme le Klu-Klux Klan s’en prennent physiquement à elle, ce qui est d’ailleurs arrivé lorsqu’elle a soutenu une école prônant l’intégration et accueillant les enfants noirs dans le Sud. Pour permettre à ces enfants d’effectuer leur rentrée scolaire, elle les accompagnés à pied jusqu’à l’école, avec Martin Luther King, sous la menace des extrémistes blancs qui leur jetaient des pierres. Et c’est peu dire que la police locale n’a pas fait de zèle pour les protéger. Ils n’ont dû leur salut qu’à la présence de journalistes et notamment de caméras de télévision… Voilà une image concrète de l’engagement de Joan Baez – et il y en aura bien d’autres tout au long de sa vie : ce n’est pas une théoricienne qui offre son soutien en signant des pétitions, mais quelqu’un qui va sur le terrain, à la rencontre des gens qu’elle veut aider, quitte à se mettre en danger.
La relation entre elle et Dylan est légendaire. Apparemment c’était un vrai clodo au moment de leur rencontre !
« The Unwashed Phenomenom », comme elle l’appelle dans sa plus belle chanson, « Diamonds and Rust ». Elle l’a beaucoup aidé, oui, en le prenant en première partie de ses concerts, en l’imposant à son public, en reprenant ses chansons, mais aussi matériellement, en l’invitant chez elle, en l’hébergeant, en lui offrant le gîte et le couvert – et son lit aussi, bien sûr -, tandis qu’il se « contentait » de taper à la machine jour et nuit et d’écrire ses plus grands chefs-d’œuvre…
Elle fait une tournée commune avec Les Beatles. On sait l’importance de Dylan sur leur répertoire. Peut-on y trouver celle de Baez ?
Ils étaient plus ou moins tous amoureux d’elle. C’étaient des petits gamins anglais machos habitués aux groupies, mais pas tellement aux femmes artistes, talentueuses et indépendantes. Ça a dû leur faire un choc. Après, son influence sur leurs chansons est indiscernable. Ou plutôt indiscernable de celle de Dylan. Il y a une photo étonnante d’elle avec Lennon et Ira Sandperl en Californie, que m’a passée Bernard Plossu, mais qui circule aussi sur le net. Sinon, on ne sait pas grand-chose. Il y a eu une ou plusieurs aventures entre Joan et les Beatles, mais ils ont tous toujours nié publiquement, évidemment. Et ça ne m’intéresse pas particulièrement de dévoiler des secrets d’alcôve, comme on dit.
Lors de leur dernière tournée commune, Dylan se comporte de manière odieuse avec elle. Sait-on exactement pourquoi ?
Non, pas vraiment. Même chose que pour la question précédente. On n’y était pas et on n’en saura pas beaucoup plus. Ce qui est probable, c’est que Bob avait déjà rencontré sa future femme, Sara, et qu’il ne savait pas comment se débarrasser de Joan. Elle a raconté de façon assez elliptique ce qui s’est passé à Yves Bigot, ou c’est lui qui me l’a raconté de façon elliptique… Je cite ses propos dans le livre.
On ressort toujours par paresse la phrase de Lennon pour invoquer la pauvreté de la participation de la France au Rock’nFolk mondial. Pourtant ton livre le rappelle : Joan Baez a repris une dizaine de nos auteurs allant de Brel à Ferré.
Oui, mais elle ne le fait pas qu’en France. J’ai parlé de ça avec Maxime Le Forestier et il m’a répondu : « C’est une vraie chanteuse folk. Partout où elle va dans le monde, elle écoute et apprend des chansons du pays, traditionnelles ou non, et les ajoute à son répertoire. » Et donc, quand elle monte sur scène dans n’importe quel pays, elle interprète au moins une chanson locale, qu’elle fait de plus l’effort de présenter dans la langue de ce pays. Gros succès assuré, évidemment, mais c’est plus qu’un « truc », c’est un réel intérêt pour la diversité des cultures du monde entier. Elle l’a fait en espagnol, bien sûr, elle a même enregistré un album entièrement dans cette langue, GRACIAS A LA VIDA, en 1974, mais aussi en allemand, italien, français et même… japonais.
En français, elle a repris énormément de chansons, le fait de comprendre et de parler la langue ayant été primordial : « Plaisir d’amour », « Pauvre Rutebeuf » de Léo Ferré, « Parachutiste » de Maxime Le Forestier, « La Colombe » de Jacques Brel ou « L’Auvergnat » de Georges Brassens pour ne citer que les plus illustres (mais aussi Gabriel Yacoub, les Gipsy Kings, Yves Duteil, et bien d’autres).
Son rapport avec la France est privilégié, c’est ce que j’ai voulu mettre en avant dans mon livre, pour faire quelque chose de différent de ce que pourraient faire les Américains, montrer une autre Joan. J’ai donc fait témoigner des personnalités françaises qui l’ont bien connue : le grand photographe Bernard Plossu, qui l’a connue en Californie en 1966, qui a été avec Alain Dister le premier Français à découvrir les hippies (et a même signé un superbe reportage sur le sujet dans un des tous premiers numéros de Rock & Folk) (ce qui lui permet de m’appeler malicieusement « confrère »), et qui signe la superbe photo de couverture – ainsi que deux autres dans le livre ; Maxime, bien sûr ; Yves Bigot, qui a été son amoureux ; le regretté Gérard Drouot qui a été son tourneur pendant vingt-cinq ans et l’a aidée à remonter tout en haut de l’affiche, et que j’ai rencontré peu de temps avant son décès ; Marianne Aya Omac, une chanteuse de Montpellier qui a eu une longue et superbe histoire avec elle ; et Yazid Manou, qui a été son attaché de presse en 2018/19 mais aussi son accompagnateur lors de ses sorties nocturnes parisiennes en quête d’endroits où danser !
La rencontre entre Baez et Maxime Le Forestier est à mourir de rire !
C’est assez rocambolesque, oui, mais je ne vais pas la raconter ici, ça serait trop long… En tout cas, cela m’a permis de rencontrer Maxime, qui m’a immédiatement dit oui, « je dois bien ça à Joan, elle a été ma marraine dans la chanson », m’a invité chez lui à la campagne, m’a invité à manger (et à boire) et avec qui j’ai passé l’après-midi dans son salon de musique, à l’écouter égrener ses souvenirs et rechercher des enregistrements divers pour me les passer à fond sur ses excellentes enceintes, notamment des duos inédits avec Joan. On était tellement bien que j’ai failli rater mon train de retour. Maxime m’a alors conduit lui-même à la gare en fonçant à toute blinde sur les routes désertes du Vendômois, au mépris de toutes limitations de vitesse. Je me suis un instant dit que mourir dans un accident de voiture conduite par Maxime le Forestier serait probablement le sommet de ma carrière, mais nous sommes malheureusement arrivés sans encombre et à l’heure à la gare. Cette journée entière a été un moment merveilleux, comme seul ce métier peut en procurer, bien plus satisfaisant en ce qui me concerne que d’éventuelles bonnes ventes de livres – qui ne le sont de toutes façons jamais, ou jamais assez.
Après 10 ans de séparation, elle remonte sur scène avec Dylan pour la ROLLING THUNDER REVUE. Il lui demande de chanter « Diamonds and Rust » qui parle…de leur rupture.
Oui, c’est une chanson magnifique, sa plus belle – c’est elle qui le dit, ainsi que… Dylan lui-même, qui n’en est toujours pas revenu. A l’époque, sur la tournée, il lui demande de chanter cette chanson, en restant assez vague et elle lui répond, avec son humour coutumier, qui peut être assez cinglant, « Ah oui, tu veux dire cette chanson sur mon ex-mari ? »
Dans les années 1980, Baez devient cette artiste sans maison de disques qui tourne en permanence pour des concerts humanitaires… N’a-t-elle jamais douté ou été fatiguée par le militantisme ?
Elle a douté de sa capacité à continuer à « rester dans le coup » musicalement, ça c’est sûr, mais comme à peu près tous les artistes de sa génération quand sont arrivées les affreuses années 1980, avec leur clinquant ringard à tous les niveaux (sonore, visuel, affairiste). C’est d’ailleurs une époque où ce que tu appelles son « militantisme » (je n’utiliserais pas ce mot, personnellement) a été plus important que sa carrière musicale. Elle s’est ainsi engagée de façon très concrète, en donnant de son temps et de son argent, dans Amnesty International, dans sa propre organisation, Humanitas, et dans de nombreux combats contre la guerre, mais aussi pour les droits des gays, entre autres choses. A tel point que quand elle a voulu « revenir » à la musique (elle n’a jamais vraiment complètement arrêté), dans les années 1990, elle a dû faire un choix, et réduire ces engagements. Ce que certains lui ont reproché, évidemment. Mais il n’y a pas de raison que ce soient toujours les mêmes qui fassent le sale boulot.
La légende de Joan Baez est finalement bizarrement construite : davantage sur ses concerts que par des disques dont la plupart sont des reprises. Elle est finalement le miroir inversé de Dylan qui a abandonné le militantisme pour la composition non ?
Je ne suis pas d’accord du tout. Les disques de Joan Baez sont en grande majorité magnifiques et méritent d’être redécouverts. Ou plutôt découverts, car en fait on ne connait généralement que la partie émergée de son œuvre. Ce qui est vrai, c’est que même lors de sa « traversée du désert » discographique, elle a toujours donné des concerts devant des foules enthousiastes, notamment en France.
Quant à Dylan, il n’a jamais été militant ! Mais cette discussion nous entraînerait trop loin.
Lors de son come-back français en 1997, elle arrive à peine à remplir Le Café de la Danse, une salle de 300 spectateurs !
Oui, c’est la conséquence de ce que j’ai dit plus haut sur ses années où l’engagement humanitaire a été plus important pour elle que sa carrière musicale. En France, c’est Gérard Drouot qui l’a patiemment aidée à remonter tout en haut de l’affiche, comme il me l’a raconté – et comme elle me l’a confirmé. C’est un bel exemple de soutien artistique « à l’ancienne », pariant sur le long terme, fait de respect et d’amour pour les artistes, d’une foi inébranlable et d’un immense professionnalisme.
Baez a toujours eu cette image de Madone. Ton livre raconte que des personnes auraient voulu lui baiser les pieds. Ailleurs on découvre un personnage fantasque qui escalade la statue de Jeanne D’arc à 77 ans à deux heures du matin, adore rigoler et danser. Quels autres traits de caractère as-tu distingué lors de vos rencontres ?
J’ai constaté, ce que tous les témoignages que j’avais rassemblé confirment, qu’elle avait beaucoup d’humour. C’est quelqu’un de très drôle, pas du tout pontifiante ou ennuyeuse, mais très vive, brillante. Elle est aussi assez impressionnante, sans le vouloir et sans jouer la star, car dotée d’une autorité naturelle. C’est une femme qui ne s’en laisse pas conter. Je le savais, mais ça s’est confirmé en la rencontrant.
Tu prépares un livre sur Léonard Cohen. Quel en sera l’angle d’approche ?
Le livre est écrit par Pascal Bouaziz, lui-même auteur de chansons et poète, notamment au sein des groupes Mendelson et Bruit Noir, avec un pied dans la littérature, puisqu’il a aussi adapté A LA LIGNE, le roman du regretté Joseph Pontus, avec Michel Cloup, pour un album et un spectacle qui tourne toujours actuellement. Il a grandi avec Cohen, appris à jouer de la guitare, à écrire des chansons et des poèmes avec lui. Comme j’aime particulièrement son écriture – c’est le plus grand parolier français contemporain, même si on est encore peu à le savoir – c’était l’homme de la situation.
Le livre devait sortir en même temps que mon JOAN BAEZ l’année dernière, ça me paraissait faire un beau couple, à l’image de Ringer/Higelin et Joplin/Morrison – j’essaie toujours de sortir deux livres qui me semblent cohérents ensemble. Pour diverses raisons, il a été retardé d’un an, et il sort le 29 septembre 2022, ce qui n’est pas une si mauvaise nouvelle, puisque la rentrée sera très Leonard Cohen : en octobre sortiront coup sur coup un film documentaire (HALLELUJAH) au cinéma, une compilation chez Sony et un album tribute rassemblant du beau monde chez Blue Note. Si ça peut nous permettre d’en vendre un peu plus, ça fera plaisir à Gallimard et permettra peut-être à la collection de durer. C’est tout ce que je demande.
On pourrait bien sûr en déduire que c’est ma grande science du marketing qui est ici à l’œuvre. Sauf que si j’étais doué en marketing, ça se saurait – notamment dans ma banque. C’est juste un heureux hasard, un parfait coup de bol. Hallelujah !
Très jolie interview émouvante…
JOan Baez je n’ai connu enfant que pour la chanson du film Sacco et Vanzetti.
puis par le truchement de…JUdas PRIEST et de leur reprise de Diamond and rust, l’une des plus belle chanson jamais enregistrée…
Sans être fan, j’ai depuis une estime incroyable pour cette autrice interprète…
Joan Baez = Judas Priest ?
Je n’étais pas prêt ! Il faut que j’écoute ça.
Une interview très vivante et agréable.
Je connais un tout petit peu Joan Baez car mon père l’écoutait sur cassette quand j’étais gosse. A ce jour, la chanson que j’aime le plus chez cette artiste est Farewell, Angelina.
Une superbe chanson signée Bob Dylan.
Une interview passionnante surtout car je ne connais rien de Joan Baez ni de sa relation avec Dylan. J’en apprends de belles sur les Beatles tiens… Et je suis d’accord avec Stan Cuesta, ces histoires ne m’intéressent pas. Par contre les livres ont l’air très beaux et originaux et les photos ici présentes sont toutes très belles. Cela m’a tout l’air d’être un magnifique travail éditorial.
Merci donc à Stan Cuesta pour ses réponses et son travail, j’adore son approche et ses points de vue.
Je connais un peu Mendelson et Bruit Noir, pas le genre de trucs que tu écoutes en boucle mais clairement extrêmement intéressant et gagnant à être connus. Oui, les paroles sont fortes, comme la langue française devrait l’être plus souvent.
Je ne connaissais pas les chansons à part celle de Dylan, la version de Blowin in the wind me semble plus intéressante comme témoignage qu’un titre abouti, mais Diamonds and Rust est splendide, elle brille. Je ne connais qu’un seul album de Maxime Le Forestier, celui où il y a Parachutiste justement, et je l’aime de tout mon coeur de A à Z. La version de Baez tue.
Le fait que Baez reprenne des titres d’autres pays est clairement éclairant sur sa vision et son ouverture, ce qui la rend fatalement attachante tout de suite. Une très belle interview, merci encore à vous deux.
Depuis le film BACKBEAT, je savais que les Beatles n’étaient pas les 1ers de la classe qu’Epstein essayait de nous vendre.
Les Indociles proposent effectivement des ouvrages aussi bien bien maquettés qu’écrits. La couverture de cette bio est splendide et rappelle que Baez avait tout pour elle : cette adéquation entre beauté physique et pureté de la voix.
J’aime bien Maxime Le Forestier pour une raison purement personnelle : c’est le sosie de mon papa.
Merci pour ce retour Cyrille.
Ah et très bon titre qui se réfère à un groupe que je n’ai jamais écouté.
Merci de cette remarque.
Je suis assez fier de ce titre.
bonjour Bruce,
interview agréable, posé et passionnante sur une femme que j’apprécie énormément.
Je découvre l’originalité de l’approche de la collection INDOCILES. Le Jim Morrison me fait de l’oeil et que dire de ce qui se prépare sur Leonard Cohen. J’en salive d’avance.
Pour en revenir à l’éternelle Joan Baez (elle ne vieillit pas, c’est dingue), sa vie méritait bien en effet un tel opus et écrin. Elle continue à me fasciner pas ses engagements mais aussi sa simplicité apparente que l’interview semble retranscrire.
A propos de ces terribles années 80, on notera qu’elle croquera aussi une belle pomme, ajoutant un peu plus à sa légende.
Je me suis retrouvé dans beaucoup de propos de Stan Cuesta : sur les années 80, sur le militatisme de Dylan, sur la répartie de Joan, les talents de guitaristes de Joan.
Les BO : très bon choix. Je ne connaissais pas sa reprise de Maxime Le Forestier. Impressionnant jeu de la main droite.
Et le clou de ton interview : la citation de A LA LIGNE de Joseph Pontus. On doit lire ce livre. C’est un devoir et c’est une référence parfaite pour un article autour de Joan Baez.
Bien joué, Bruce.
Oui, il faut que je me procure le Morrison écrit par Patrick Coutin, quoi !
Il s’agit effectivement du 1er ouvrage français sur Joan Baez, ce qui est fou quand on y pense.
Stan Cuesta rappelle qu’elle est une sorte d’exception dans le paysage musical de l’époque : pas de trash, de destroy, de drogues ou de décadence dans son parcours.
j’adore beaucoup de ses chansons.
Le seul problème que j’aie avec elle est une certaine linéarité dans le chant. Sur tout un album, sa voix me lasse. Sans doute que mon oreille a besoin de davantage d’imperfection, d’accidents.
Je n’ai pas ce problème avec Dylan qui-pour moi- chante mieux.
Merci de ce retour enthousiaste.
Ma femme a la même approche que toi sur la voix de Joan Baez. Je mets souvent ses disques ou CD quand je suis seul à la maison.
On pourrait écrire un roman sur la voix de Dylan, n’en déplaise aux facheux.
Oui, cet article sur la voix de Dylan, j’y pense souvent. Il est époustouflant.
« quand sont arrivées les affreuses années 1980, avec leur clinquant ringard à tous les niveaux (sonore, visuel, affairiste) » :
Dans mes bras !!! Ça restera toujours la pire décennie musicale de ma vie. Heureusement qu’il y avait le cinéma à la même époque !
« Les disques de Joan Baez sont en grande majorité magnifiques et méritent d’être redécouverts. Ou plutôt découverts, car en fait on ne connait généralement que la partie émergée de son œuvre. » :
Oh mais carrément puisque je n’en connais aucun ! J’ai toujours eu un apriori négatif sur cette chanteuse qui était effectivement pour moi une sorte de « Nana Mouskouri amerloque » fatigante avec ses causes perdues (sans doute à cause de la blague de Coluche dans son sketch J’M’EN FOUS). Pour moi elle avait montré la voix à tous ces hypocrites qui viennent montrer leur gueule dans des machins de type LES ENFOIRÊS (Bruel, Pagny, Maé et toute la clique) pour se faire de la pub et dorer leur image.
Comme quoi je ne connaissais rien de cette artiste. Faut dire que je n’aime pas le folk, auquel je préfère un trillion de fois le folk-rock (et d’ailleurs je n’aime aucun album de Dylan de sa période folk). Du coup je découvre aujourd’hui DIAMONDS AND RUST que je ne connaissais pas du tout et c’est très beau (ben c’est folk-rock, du coup !).
Je suis donc triplement étonné après lecture de cette article, quand je prends conscience que j’étais perdu dans les clichés, sur l’artiste, sur ses engagements, et sur un Bruce que je n’aurais jamais cru fan… 😀
De cette collection Gallimard on m’a offert le JIM MORRISON au dernier Noël. Je n’y ai pas appris grand chose mais c’est parce que c’était le quatrième livre que je lisais sur le bonhomme ! En dehors de ça c’est un chouette bouquin, facile à lire, bien fait et superbement illustré. Je l’ai gardé dans ma bibliothèque.
Super ITW. J’ai appris plein de choses, notamment que je suis peut-être prêt à m’ouvrir à l’écoute des albums de Joan Baez. L’air de rien, c’est pas rien…
Rétrospectivement, sur la scène rock indépendante, les années 80 c’était pas si mal.
Comme toi, je ne suis pas fan du rock caritatif. Goldman avait beau écrire « les rockers engagés sont nos derniers des justes, ils nous sauvent peut-être pendant qu’on s’amuse », je n’ai jamais aimé adhérer publiquement à une cause ou à un drapeau. Depuis des années Waters par exemple est devenu un activiste pro-palestinien et vient sermonner tous les artistes qui voudraient se produire en Israel.
J’ai horreur de ça.
Je préfère les artistes dégagés. Waters s’est fait envoyer chier par Nick Cave ou Radiohead. Ils ont eu raison.
Mon rock je le préfère sauvage et échappatoire. Lorsque Waters parle, j’aimerais le voir aborder sa carrière ou Pink Floyd. Ses concerts sont des meetings politiques et même si je suis globalement d’accord avec lui, je n’aime pas l’idée de me sentir endoctriné.
Sting, Bono, Geldof tous ces mecs me saoulent d’une puissance….Pendant le Live 8, il était question de rendre historique la pauvreté…Rien que ça…
Ca n’empêche pas que j’ai de l’admiration pour le parcours de Joan Baez d’être aux côtés de Luther King devant 250 000 personnes.
« quand sont arrivées les affreuses années 1980, avec leur clinquant ringard à tous les niveaux (sonore, visuel, affairiste) »
Y’a la synthwave quand même. Enfin…la synthwave est le nom qu’on donne maintenant à ce revival de la musique electronique comme ce que faisait Carpenter, mais il y avait ce genre de trucs dans les années 80 non ?
Enfin moi je suis fan de ce qu’ils font maintenant.
https://www.youtube.com/watch?v=Qe6kxVtVC7g
https://www.youtube.com/watch?v=A8NHR31TA9E
https://www.youtube.com/watch?v=JazImbEuW7g&list=PLP1lC0FnuI0Jl_yILK2I4Lvu1DfAisnsr
Enfin sans doute que ces sonorités me plaisent aussi en rapport avec les musiques de vieux jeux video qui étaient limités techniquement, mais que ça évoque tout un univers chez moi.
Désolé, je connais pas Joan Baez, je passe juste parler de ça
Salut Matt.
Cool de te voir ici même si le folk n’est pas ta came.
Tes morceaux proposés sont très bons. Le dernier album studio de Carpenter, c’est de la bombe.
Il faut juste que rappeler que cette musique électronique n’était pas mainstream et surtout difficile à faire accepter aux rockers purs et durs pour qui le rock n’était que guitare basse batterie. Il faudra beaucoup de Depeche Mode, Gary Numan, Krawftwerk et NiN pour intégrer ça au binaire. Neil Young essaya un album electro en son temps.
Très bon ton Virtuaverse.
Cool, content que ça plaise.
Je veux bien te croire, au final moi j’ai pas bien connu les années 80, j’étais petit et j’en ai pas de souvenirs.
Oui les « lost themes » de Carpenter c’est top. J’ai du respect pour ce mec, même sans forcément aimer tous ses films. Mais le mec a toujours eu une liberté folle, il a fait ce qu’il a voulu selon sa vision, que ce soit au ciné ou en musique, et il a eu la bonne idée de toujours mettre dans ses titres de films « JOHN CARPENTER’S…quelque chose » Pour ne pas les confondre avec les remakes dont il encaisse les cheques pour les droits en disant qu’il s’en balance, il n’aime pas Hollywood et il a fait ses films, le reste il s’en tape. Il est même intéressé par le jeu vidéo.
Virtuaverse est un jeu vidéo indépendant de type point & click (énigmes) avec une OST de fou, façon vieux jeu aux sonorités un peu limitées mais super bien fichue.
Je ferai peut être un article axé sur des jeux cyberpunk. Même si pour le coup l’univers SF ne sera pas ta came.
https://www.youtube.com/watch?v=BAQl9_PLxEo
Mais j’en ai bouffé quelques uns qui sont super chouettes. Tous inspirés d’univers à la Blade Runner (donc c’est pas non plus de la SF avec des vaisseaux partout, c’est crade, plein de pubs, comme une extension de notre monde actuel mais ou t’aurais des implants de réalité virtuelle qui te spamment de pubs…l’enfer quoi.)
Ou encore ce genre de theme tiré d’un Lucio Fulci :
https://www.youtube.com/watch?v=3YZoBrKkjY8
Bon après voilà moi je connais rien aux groupes de musique des années 80. Je pioche dans des jeux, fillms…et je suis même pas certain que ce ne soit pas un peu plus typé « années 90 » ce genre de musique.
J’aime beaucoup la synthwave. Celle d’aujourd’hui comme celle d’hier. Et même la variété dans les années 80, c’était sympa. Non moi c’est surtout le rock des années 80 que je ne peu pas piffer. Tout l’univers punk/postpunk/indus/cold/bidule c’est un cauchemar absolu pou moi.
Question de goût. Je ne veux pas relancer un débat.
Merci pour cette interview et le récit de cette véritable odyssée pour parvenir à écrire cet ouvrage.
Je dois avouer que je connais surtout Joan Baez pour HERE’S TO YOU, mais je me souviens d’une prof d’anglais qui m’avait raconté un concert auquel elle avait assisté, où Joan Baez avait calmé un public trop turbulant en imposant silencieusement le silence avant de commencer à chanter.
le livre aborde cet aspect de Joan : une force tranquille qui sait se faire écouter.
Il m’a fallu du temps pour découvrir Joan Baez, pour comprendre que c’est elle qui chante sur Nicola and Bart (et encore plus longtemps pour savoir de quoi parle cette chanson). le premier album complet d’elle que j’ai écouté est un live : Ring Them Bells (1995). Puis deux ou trois après ça.
Une excellente interview, passionnante de bout en bout, un exercice que tu mènes de main de maître : total respect. Ce fut un grand plaisir que de retrouver Joan Baez sur ton site. Merci.
Une interview vivante et éducative, tout du moins pour moi, vu que ma connaissance de Joan Baez se limite aux hits (euh peu nombreux d’ailleurs) et aux jeux de mots vaseux sur son nom…
Et puis le côté « artiste engagée » l’a fait sortir de mon champ de vision très tôt… A tort à raison.
Par contre j’ai été surpris dans l’interview de retrouver des noms tels que Mendelson, Bruit Noir ou Michel Cloup Duo, qui me sont déjà nettement plus familiers… Concernant Bruit Noir si je n’aime pas (du tout) leur production studio, j’ai beaucoup aimé leur concert ! J’ai rarement autant ri à un concert ! Le mec est impayable avec son côté Droopy dandy pince sans rire ^^
Je suis tombé sur un texte irrésistibles de Pascal Bouaziz sur l’état de la musique en France. Quiconque dézingue -M et Louise Attaque m’intéresse forcément.
oh cette (Louise) attaque gratuite ….. (sur LA je savais, pas sur M)
Je me languissais de te relire pendant cet été Bruce. Tu réussis indéniablement ton come-back. Je suis très intéressé par le livre sur Léonard Cohen à paraître.
@Seb : merci du vote de confiance.
@Eddy j’ai écouté la reprise de Judas Pries : efficace et plutôt fidèle.
Tiens, je viens de réaliser que j’ai un bouquin de Stan Cuesta dans ma bibli :
https://www.amazon.fr/Young-Crosby-Stephen-Stills-Graham/dp/2915126402/ref=sr_1_4?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=2CVQ4ZSOJD4DP&keywords=david+crosby&qid=1662882056&s=books&sprefix=david+crosby%2Cstripbooks%2C93&sr=1-4
Un très beau livre également, bien illustré, écrit avec les tripes.