Le chalet Bleu par Jean-Claude Servais
Un article de PRESENCEVF : Aire Libre / Dupuis
Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il est initialement paru en 2018, écrit et dessiné par Jean-Claude Servais, avec une mise en couleur semi-directe réalisée par Raives (de son vrai nom Guy Servais). Il commence avec une page de bibliographie (recensant 10 ouvrages et un film), puis avec une introduction d’une page écrite par JC Servais où il évoque l’ouvrage Psychanalyse des contes de Fées (1976) de Bruno Bettelheim (1903-1990), et Les âges de la vie (1983) de Christiane Singer (1943-2007). Cette bande dessinée compte 72 pages en couleurs, structurée sous la forme d’un prologue, d’un chapitre pour chacune des 4 saisons et d’un épilogue. le tome se termine avec une postface de 3 pages rédigées par Cécile Bolly, racontant son expérience de faire découvrir la nature au travers de promenade en forêt, ainsi que son potentiel psychothérapeutique, en évoquant le bain de forêt Shinrin Yoku (forme de sylvothérapie japonaise) ainsi que les travaux de François Terrasson (1939-2006), géonome, écrivain et naturaliste français.
Le 20 novembre 1947, dans le pays de la Gaume (partie romane de la Lorraine belge), une mère et un père demandent à leurs 3 enfants d’aller se coucher, sans oublier de dire leurs prières, pendant que le commentateur de radio évoque le mariage de la princesse Elizabeth avec le duc d’Édimbourg. En se dirigeant vers sa chambre, Alice en profite pour récupérer le livre de contes de son grand-père, ses 2 frères menaçant à moitié de la dénoncer à leurs parents. Dans sa chambre, elle lit le conte qui raconte l’histoire du berger Attis aimé de la déesse Cybèle régnant sur la Vallées aux Loups, et comment il fut transformé en chêne. Le lendemain, les 3 enfants vont se promener en forêt, apercevant plusieurs représentants de la faune, comme des lapins de Garenne, un renard, un mulot. Les garçons se montrent assez agressifs, s’en prenant aux fourmis d’un terrier, aux abeilles dans un tronc, et à un canard qu’ils auraient bien mangé, n’eut été l’intervention de leur sœur. Le soleil déclinant, perdus, ils se rendent compte qu’ils sont bons pour passer une nuit dans la forêt, avant de retrouver leur chemin le lendemain. Le lendemain, Alice découvre qu’ils sont au pied d’un chêne sur une pierre sacrée, c’est-à-dire le berger Attis transformé par la déesse Cybèle : ils sont dans la Vallée aux Loups.
Les 3 enfants commencent à se remettre en marche pour retrouver leur chemin, mais ils se heurtent à une barrière invisible. Ils sont sur le domaine de la déesse Cybèle et elle impose une épreuve à chacun pour accepter de les libérer : ramasser mille perles (de rosée) dans la forêt, aller chercher au fond de la mare la clé du coffre des songes, choisir parmi 3 fleurs, celle qui est la plus belle à ses yeux. Seule Alice réussit son épreuve et peut s’enfoncer plus profond dans la Vallée aux Loups. Elle y croise un citron (un papillon), une grenouille, une biche et un groupe de petits lutins. Elle parle à chacun d’eux et ils lui répondent de manière intelligible. Elle voit un garçon s’enfuir dans les bois. Elle l’interpelle mais il continue à courir. Elle prend la même direction que lui et finit par aboutir devant une mare, avec une maison et un petit ponton. Elle reconnaît immédiatement le chalet bleu dont a lui souvent parlé son grand-père. Il y a une sculpture en bois (Le prince de la forêt) sur le ponton qui semble parler à haute voix et s’adresser à elle.
Jean-Claude Servais a réalisé cet album à 62 ans, après 4 tomes de la série LES CHEMINS DE COMPOSTELLE. Il s’est fait connaître avec la série TENDRE VIOLETTE. Il a également réalisé de nombreux récits complets, certains regroupés sous le titre de La mémoire des arbres, d’autres indépendants comme Le dernier brame. C’est un artiste réputé, entre autres, pour ses descriptions de la faune et de la flore en particulier celle des forêts de sa région. Dans l’introduction il annonce clairement qu’il a conçu un récit sur la base d’un conte de la région de Nice qu’il a transposé à la région de la Gaume. Il explicite ses intentions en indiquant qu’il a souhaité entremêler à son récit la dimension psychanalytique des contes de fée, ainsi que la conscience que chaque âge de la vie apporte ses richesses. Le lecteur plonge donc une bande dessinée avec de beaux dessins, rehaussés par une mise en couleurs sensible, un récit s’apparentant à un conte conscient de sa nature, avec des prises de recul sur les mécanismes du conte, et sur les prises de conscience de la nature de l’existence.
Pour commencer, le lecteur est très sensible à l’honnêteté de l’auteur qui explicite sa démarche et qui cite ses sources, qu’il s’agisse d’ouvrages, d’auteurs, ou de la sculpture qui figure en couverture, une sculpture sur bois appelée Le prince de la forêt, et réalisée par Claude Grandjean artiste vivant à Gérardmer. Il y voit une volonté de transparence, d’indiquer ce qu’il doit à d’autres créateurs, mais aussi d’ouverture à d’autres créateurs. Ensuite, il découvre des pages dont le rendu et le degré de finition sont à l’identique de ceux de la couverture. L’artiste réalise des dessins en détourant les formes avec un tait fin et souple, intégrant quelques traits fins dans les formes pour leur apporter un peu de texture et de relief. Quelques soient les éléments représentés, il s’attache à les montrer d’une manière réaliste et descriptive, avec précision. Le lecteur peut déceler de légères touches romantiques dans la manière dont les êtres humains se tiennent dans des postures gracieuses, ou dans leurs vêtements (à commencer par le blanc virginal pour les tenues de Rose). Il peut aussi s’interroger sur l’absence de difficultés matérielles pour la vie au chalet bleu, ou d’autres éléments qui ne lui semblent pas réalistes. Il doit garder à l’esprit qu’il s’agit d’un conte, et pas d’un récit réaliste, comme en atteste l’intervention d’une déesse, la présence de petits lutins, ou une sculpture en bois qui semble omnisciente.
Avec la première page, le lecteur prend la mesure de la qualité de la reconstitution historique : les meubles et l’aménagement du pavillon, les vêtements des enfants. Il apprécie à leur juste valeur les culottes courtes des garçons et leurs chaussettes montantes, ainsi que le modèle de leur sac-à-dos, garanti d’époque. Avec le même regard, il observe le mobilier du chalet bleu, ainsi que ses murs en bois, comme une construction réelle, sans pour autant obérer sa dimension utopique. Avec le chapitre Automne, le lecteur commence à se repaître des représentations de la faune et de la flore. Jean-Claude Servais est un dessinateur animalier remarquable, et il représente les paysages naturels avec une grande minutie, sans pour autant faire un travail de dessinateur botaniste. Les dessins offrent au lecteur une promenade en forêt, en bénéficiant du regard d’un connaisseur, sachant voir la diversité des spectacles qu’elle offre, sachant orienter son regard au bon endroit pour voir un animal ou un insecte. Ainsi, le lecteur peut apercevoir plusieurs animaux comme lapin de garenne, renard, mulot, papillon citron, grenouille, biche, hibou, libellule, sanglier, geai, et d’autres encore. L’artiste ne propose pas une version romantique de la forêt, mais une version naturaliste. De temps à autre, il fait usage de la licence artistique, par exemple quand Alice s’adresse à un animal. Ces moments-là relèvent de la forme du conte.
Le lecteur prend donc un énorme plaisir à pouvoir marcher tranquillement en forêt, à acquérir une familiarité avec plusieurs endroits, le chalet bleu et ses alentours bien sûr, mais aussi l’immense rocher situé au niveau du passage vers la Vallée aux Loups. Il observe le passage des saisons dans ces endroits, puisque le récit comprend un chapitre pour chaque saison, ainsi que les transformations qui s’opèrent sur les plantes et les arbres. À nouveau pour cette bande dessinée, Jean-Claude Servais a collaboré Raives pour la mise en couleurs. Ce dernier effectue un travail tout aussi extraordinaire que le dessinateur. Pour commencer, s’il n’y a pas prêté attention, le lecteur ne s’aperçoit pas que les planches sont le fruit de la collaboration entre 2 artistes différents. Ensuite, la mise en couleurs donne l’impression d’avoir été faite en couleur directe, évoquant parfois l’aquarelle. Comme Servais, Raives adopte une approche naturaliste, rendant compte de la couleur de chaque chose, avec des variations en fonction de l’ambiance lumineuse. Aux dessins, il ajoute l’impression lumineuse des éléments comme le brun de la terre, ou les différentes teintes de vert de l’herbe, des feuilles de la mousse. Bien sûr, les teintes de vert varient en fonction des saisons, plus vives au printemps, plus riches à l’été, déjà palissant à l’automne, et ayant disparu à l’hiver. S’il en éprouve de la curiosité, le lecteur peut regarder dans le détail comment Raives a pensé sa mise en couleurs pour atteindre cet équilibre merveilleux entre naturalisme et impressionnisme.
Servais & Raives offrent donc des promenades extraordinaires au lecteur, au fil d’une histoire sortant tout autant de l’ordinaire. Au premier niveau, il s’agit de l’histoire d’une jeune fille tout juste adolescente, qui passe de l’autre côté d’une barrière, pour accéder à la Vallée aux Loups, un lieu de légende. En toute transparence, le scénariste fait référence de manière explicite à la traversée d’Alice au pays des merveilles (1865) de Lewis Carroll (1832-1898). Au fil de l’histoire, d’autres contes sont cités : celui de Cybèle bien sûr, mais aussi le petit chaperon rouge, le Petit Poucet, La Belle et la Bête. Le lecteur découvre donc la trajectoire de vie d’Alice et de Jeantou, ainsi que de leur fille Rose, dans une relation en aller-retour entre le monde réel et cette Vallée aux Loups à l’écart du tumulte moderne. Il s’attend bien aux points de contact entre ces 2 réalités, et au passage de l’une à l’autre, mais pas forcément à la participation active de la déesse Cybèle, ou à un voyage jusqu’à un lieu de guerre bien réelle. Il y a donc bien une intrigue au sein de ce conte, avec des développements inattendus.
En auteur ambitieux, Jean-Claude Servais développe et entrelace dans son récit les 2 thèmes qu’il a annoncés : la puissance métaphorique des contes et les différents élans vitaux correspondant à des âges de la vie différents. Pour pouvoir apprécier ces thèmes, le lecteur doit faire confiance à l’auteur, en considérant que chaque développement participe à brosser un tableau cohérent de grande ampleur. Il peut être surpris quand Servais intègre des remarques explicites formulées par la sculpture exposant l’image psychanalytique que véhicule telle ou telle situation ou élément d’un conte (une fleur coupée par exemple, ou encore le conte dans le conte de la princesse, la balle en or et la grenouille, expliqué avec facétie). C’est comme si la voix de l’auteur intervenait par l’artifice de la sculpture pour expliquer la figure de style. Dans le même temps ce mécanisme permet au lecteur de mieux comprendre ce qui est en train de se jouer dans l’intrigue. Il bénéficie à la fois d’une remarque pédagogique et d’une meilleure compréhension de ce qu’il lit. De la même manière, il peut trouver étrange que la présence de l’image d’une vieille femme observant la jeune Alice, sans interagir avec elle, comme un spectre invisible. Le scénariste utilise à nouveau les libertés données par la forme du conte pour mettre en scène l’idée d’un temps cyclique, sans pour autant enfermer ses personnages dans un destin écrit à l’avance. Il sait de manière très élégante faire coexister les caractéristiques intangibles des phases de la vie humaine avec l’impermanence des choses, la dimension éphémère des idées et des projets, la finitude du corps.
L’intrigue et les deux thèmes servent également de terreau pour d’autres réflexions. Au fil des pages, Jean-Claude Servais évoque la force des rites initiatiques, l’élan naturel de chaque individu à aller chercher le bonheur ailleurs, la nature de l’amour et du sexe, les aphrodisiaques masculins naturels, la relation entre l’être humain et les créatures mythologiques (avec l’apparition d’une licorne). Le lecteur est donc régulièrement surpris par une réflexion ou une situation inattendue, qui viennent enrichir la narration, non pas de manière linéaire, mais comme des rameaux venant apparaissant progressivement dans la vie du récit. Ces considérations ne relèvent pas d’une démarche New Age pour une spiritualité prête à penser en toc, faite de bric et de broc. Il s’agit plutôt du ressenti d’une personne ayant fait l’expérience de la vie, sensible aux forces qui modèlent la vie de l’individu au-delà de la matérialité et du matérialisme.
Le lecteur ressort de ce tome enchanté. Il a eu le plaisir d’observer la nature dans ce qu’elle a de vivant, sous la forme d’une forêt en région wallonne, avec un guide attentif, prévenant et bienveillant. Les dessins montrent avec délicatesse et précision la faune et la flore de cette région. Il a suivi des personnages touchants dans un conte organique évoquant différents aspects de la vie humaine. Il a bénéficié d’une réflexion organique sur les mécanismes psychologiques des contes, et sur le cycle de la vie humaine. Il a éprouvé la sensation d’écouter une personne sage, sans prétention, honnête jusqu’à citer les personnes ayant nourri sa réflexion, humble jusqu’à s’effacer derrière l’histoire qu’il conte, captivant par ses idées au détour d’une scène, comme autant de touches furtives participant à une peinture d’une grande richesse.
Jean-Claude Servais est un conteur merveilleux, associant le fond à la forme, avec autant d’élégance que de sensibilité. le texte final de Cécile Bolly permet de prolonger un peu la balade, en restant au rythme de la forêt.
La BO du jour
Pas trop dur…
Encore un coup réussi pour Présence…
fantastique article,
je vais Etre franc, dans les rayons BD, les œuvres de certains artiste me passent totalement au dessus du radar, la faut à un graphisme que je ne parvient pas à apprécier, parce que je le trouve froid et atone.
c’est d’ailleurs je pense une des raisons pour les quelles j’ai adoré les comics: l’encrage très particulier qui soulignent souvent les ombres.
C’est pour ça qu’il faut des critiques comme celles-ci, pour me forcer à ouvrir le livre qui comme l’explicite Présence se passe dans la Gaume, région magnifique voisine des Ardennes…rien que pour la mise en lumière de cette région, me vaudrait une raison d’acheter.
dans un tout autre ordre d’idée, ça me fait penser au travail de Comès, qui a souvent dessiné la nature wallonne aussi.
Bon je suis par contre plus prudent sur les sous-textes psychanalytiques des contes, Bettelheim ne m’ayant jamais convaincu et cela malgré les efforts de ma famille d’éducateurs spécialisés nourris au Dolto et aux pétards…
métaphore oui, psy…non
C’est drôle que tu parles de Comès, c’est exactement à lui que j’ai pensé en lisant l’article. Zone géographique proche, contemplation de la nature, référence aux traditions de nos campagnes (bien marqué seventies, tout de même, en mode Arts et Traditions Populaires), un brin de fantastique. Mais à l’inverse du sens de l’article, pour me dire que l’album chroniqué ne m’attirait pas du tout, en raison de son dessin trop sage, trop lisse, joli certes, mais à mes yeux sans âme. Tu emploie le terme « atone », c’est exactement cela. Tout le contraire de celui de Comès, justement.
@Bob Marone – J’ai conscience qu’on est sur les ressentis et que le mien m’est propre : pour ces pages présentes ici, je trouve qu’elles ont une âme car elles portent la personnalité du regard de l’auteur, sa façon de percevoir la nature environnante, sa familiarité avec elle qui lui permet de la reproduire avec conviction pour le lecteur. J’apprécie cette dimension descriptive que je trouve vivante. Dans le même temps, j’apprécie ton observation car grâce à elle, je peux voir comment ces mêmes dessins peuvent être perçus comme trop sages ou trop lisses.
@Eddy Vanleffe – Merci pour le compliment.
L’encrage très particulier des comics : 100% d’accord avec toi. Les américains ont l’art et la manière de tout transformer en spectacle, rendant tout plus dynamique, avec plus de relief, exagérant les enjeux, etc.
Je crois qu’il va falloir que je pense à des vacances pour aller visiter cette région la Gaume.
Jean-Claude Servais est à l’évidence un grand nom de la bande-dessinée franco-belge. Il n’est nullement question de le remettre en cause. Ceci dit, je suis personnellement assez peu sensible à son association entre dessin réaliste et ancrage régionaliste, d’autant plus quand il se mâtine de références au folklore et incorpore des éléments fantastiques ou merveilleux.
J’ai pourtant passé toute ma jeunesse dans la profonde campagne belge (mais pas en Gaume) mais ça ne me parle pas.
Ceci dit, cet article très fouillé m’a beaucoup intéressé et je ne manquerai pas de lire cet album pour me faire mon propre avis.
Je reconnais bien volontiers que ce genre de bande dessinée comporte une forme d’exotisme pour le citadin que je suis.
J’apprécie de découvrir par cette BD (et d’autres du même auteur) une personne avec un savoir-faire de dessins qui m’épate, et une vision de al vie très personnelle, bien argumentée, bien présentée, même si je ne la partage pas en entier.
Bon sinon, San Francisco en BO, vous déconnez un peu, là. 🙂 🙂 🙂
Julos Beaucarne s’imposait.
https://www.youtube.com/watch?v=ByIrsB97_n8
Je connais plutôt bien tout l’album MON FRERE de Maxime le Forestier, le seul que je connais en fait, et je l’aime beaucoup. Même si en effet San Francisco nous a été un peu trop souvent imposé.
Je ne connais pas Julos Beaucarné, mais pas sûr que j’ai envie de m’y intéresser 😊
Julos Beaucarne est malheureusement récemment décédé. C’était un proche de Jean-Claude Servais qui a, tout comme lui, porté haut et fort les beautés de la Wallonie, de sa poésie, de sa nature et de ses habitants.
Je ne me sens pas proche de sa musique, même si certaines de ses chansons ont bercé mon enfance, mais c’était indéniablement, tout comme Jean-Claude Servais, une belle personne.
Très bel article Présence, j’ai particulièrement apprécié le passage sur les couleurs, c’est un vrai défi de se rapprocher de manière réaliste de la nature elle-même.
Je suis certain que la lecture de cette bd me plairait mais je ne suis toujours pas fan du trait de Servais. Il y a un aspect figé, qui me rappelle sans doute des illustrations de mon enfance je ne sais pas, qui font que je trouve ça un peu irréaliste, alors qu’objectivement c’est beau. J’ai le même souci avec le dessinateur Leo (ALDEBARAN) et la série DE CAPES ET DE CROCS.
Mais merci pour la balade, j’adore la couverture.
Leo, c’est pire que figé, c’est raide. Je trouve ça horrible.
Est-ce que tu rapprocherais cette forme de rigidité du trait de LEO, de celle de Steve Dillon ?
Steve Dillon, je l’ai beaucoup lu via ses travaux en Angleterre notamment pour le magazine 2000AD et je trouve qu’à cette époque, il avait un trait à la fois plus dynamique et plus détaillé, beaucoup plus vivant que celui qu’il a adopté quand il a commencé à majoritairement travailler pour le marché US (sans doute pour des raisons de délais).
Il suffit de voir ses Dredd, ses Rogue Trooper ou Laser Eraser & Pressbutton pour voir qu’il peut y avoir beaucoup de vie dans les dessins de Steve Dillon et que ce n’est pas rigide.
J’ai toujours tendance à évaluer le bonhomme à l’aune de ces travaux-là.
il me semble avoir une histoire avec un Juge irlandais, écrit par Ennis et dessiné par Dillon, en effet, son graphisme fait un petit peu plus caricatural et donc plus en mouvement et la colorisation très chaude lui allait super bien.
@zen arcade – Merci beaucoup pour cette réponse car je ne connais pas la période 2000AD de Dillon.
@Eddy : le Dredd de Dillon avec Ennis, c’est déjà assez tardif. Ce n’est pas à cette période que je fais référence mais à la période où 2000AD était publié en n/b.
J’ai adoré le premier cycle Aldébaran, j’ai pas fait gaffe aux dessin pour le coup…mais ce ne sont pas les humains qui m’ont séduit c’est clair. j’ai bien aimé cette ambiance à mi chemin entre Moebius et Ghibli…
DE CAPE ET DE CROCS c’est sans doute la meilleur bd franco belge de tous les temps en matière d’intertextualité, pour moi ça ravale tous les trucs comme ligue des gentlemen extraordinaires ou Brigade chimérique au rang de bricolage laborieux
J’attends avec impatience la réédition du premier cycle d’Aldébaran pour pouvoir me replonger dans sa lecture. Je me souviens que les personnages avaient des postures parfois un peu posées.
Ah mais j’ai l’intégrale de ALDEBARAN, j’ai adoré aussi, surtout pour le bestiaire et la vision un peu naturaliste de la SF. Par contre je n’ai rien tenté d’autre de lui…
Je suis assez d’accord avec l’impression d’illustration plus que de dessins pour une narration dans le mouvement. Pour autant quand je repense à l’art invisible de Scott McCloud, je me dis que c’est bien de la narration séquentielle, et pas juste un texte illustré avec des cases en bande pour donner l’impression de BD.
D’un côté la case avec les canards en train de s’envoler : du travail d’illustrateur animalier, détachable de toute narration. La fillette en train de lire : ça pourrait être une illustration dans un livre jeunesse. De l’autre côté, je ressens une réelle sensation de balade en forêt, avec déplacement, mouvement, rapprochement d’observations en tournant la tête à gauche à droite.
LEO (Luiz Eduardo de Oliveira) : je ressens aussi cette impression figée pour ses dessins, mais je me laisse emporter par les environnements dépaysants, et la faune spectaculaire.
J’adore LEO de mon côté : son trait, l’imagination déployée dans ses ouvrages et ses récits. De la green SF dont je suis fan depuis le premier album d’ALDEBARAN mais également ses TRENT ou ses autres œuvres dont il n’est que scénariste.
D’ailleurs le premier tome de NEPTUNE, suite de RETOUR A ALDEBARAN vient de sortir.
Leo, il est incapable de dessiner un être humain sans que tu aies l’impression qu’il s’agit d’une marionnette.
En te lisant, Présence, je suis d’accord avec toi, la différence tenant à un attrait plus ou moins prononcé pour le dessin, mais je vois totalement ce que tu veux dire en parlant de balade en forêt.
Analyse pointue sur les thèmes d’une BD qui me parlent.😉
J’ai toujours été sensibilisé par la nature. Elle fait partie de mon quotidien et je lui accorde une très grande importance.
Je fais mes activités sportives en fonction. Je pratique la course à pied ou le VTT régulièrement en forêt.
Et lorsque que je choisi une destination pour mes congés il faut que je puisse y faire soit de la plongée sous-marine soit de la randonnée.👍
Je vois aussi plusieurs niveaux de lecture dans les contes et je trouve intéressant que l’auteur y fasse référence. ALICE AU PAYS DES MERVEILLES et l’un de mes livres préférés tout genre confondu.
De SERVAIS je n’ai lu que TENDRE VIOLETTE… c’est vrai que ses dessins manquent de mouvement et semble figés.
Mais finalement pour une œuvre contemplative comme celle que tu présentes aujourd’hui cela passe plutôt bien. De ce que je vois, la nature est parfaitement représentée.
La BO: LEFORESTIER c’est pas mon truc…j’aurais préféré le SAN FRANSISCO de SCOTT MCKENZIE
Semblent figés *
Juste pour situer chronologiquement : il y a eu deux séries appelées Tendre Violette, une 1ère en 3 tomes de 1982 à 1986, une 2nde de 2000 à 2007, reprenant les chapitres de la première dans les tomes 1 à 4, et de nouvelles histoires dans les tomes 5 à 7.
De mon côté, je suis un citadin habitué au mouvement pendulaire quotidien en métro, et je choisis souvent mes destinations de vacances pour m’aérer en milieu naturel.
Une œuvre contemplative : c’est tout à fait ça, ce n’est pas une BD aventure ou action.
Je suis aussi un citadin j’habite en très proche région parisienne (15 kms de Paris). Mais j’ai la chance d’avoir une forêt a quelques pas de chez moi. 😉
Bonjour Présence,
à la lecture de ton article bucolique je me rends compte que finalement je n’ai jamais ouvert un album de Servais (ou alors je ne m’en rappelle pas). J’ai confondu avec Gibrat.
C’est beau mais trop nature morte pour moi. Je n’arrive pas à retrouver le petit plus que j’attends en bandes dessinés. Pourtant j’aime la nature et surtout ce qui touche aux forets. Etrangement pas plus convaincu que cela non plus par l’histoire et le thème. Peut être n’est ce pas la bonne journée. Pourtant tu as de forts bons arguments et ton article est extrêmement fouillé et intéressant.
Sur des thèmes qui se « rapprochent » je vais plutôt sur les LEGENDES DE LA GARDE, BALADE AU BOUT DU MONDE ou LE VENT DANS LES SAULES,
Le travail coopératif entre le dessinateur et le coloriste m’intéresse plus par contre.
Trop nature morte pour moi : mais non, c’est nature vivante ! 😀
Je garde un extraordinaire souvenir de Le vent dans les saules, que j’avais lu à mon fils.
Les adaptations par Michel Plessix sont extraordinaires
Sur le site, il existe un article de Tornado sur Balade au bout du monde :
http://www.brucetringale.com/place-to-be-or-not-to-be-balade-au-bout-du-monde/
Si mes souvenirs sont bons, je crois bien qu’un dessins de cet album a dû servir d’Avatar à Présence pour un bilan de fin d’année.
Je trouve les dessins de la forêt magnifiques. Cette ambiance mi conte mi poésie me parle tout à fait. Je ne connais pas ce monsieur Servais mais je me laisserai bien tenter.
Tes souvenirs sont bons.
Cet auteur a débuté sa carrière en 1982 : il donc 40 ans de carrière, et un article wikipedia assez fourni.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Servais
C’est fou : Je prends conscience que Servais est un nom d’auteur de BD familier pour moi, certainement parce que j’ai dû voir son nom dans toutes les librairies spécialisées, alors que je n’ai jamais rien lu de sa production, et que je suis incapable de citer une de ses BDs !
Comme les copains, j’ai à présent envie de lire cet album. Je le rechercherai en médiathèque.
Je suis assez preneur de ce genre d’univers en BD. J’adore par exemple la collection de chez Glenat dans laquelle on trouvait BALLADE AU BOUT DU MONDE, GRIMION GANT DE CUIR, LES EAUX DE MORTELUNE ou LES VOLEURS D’EMPIRE. D’ailleurs, les planches présentées ici m’ont rappelé un peu celles de GRIMION GANT DE CUIR dans l’ambiance onirique entre conte et naturalisme.
Très bel article, notamment sur l’analyse plastique.
Ce fut mon 2ème ou 3ème album de Jean-Claude Servais dont je n’avais rien lu auparavant, ni dans les années 1980, ou 1990. Sa série disposant de la plus grande renommée reste Tendre Violette.
Par contraste aux séries que tu cites, cette histoire n’est ni dans un registre aventure, ni dans un registre action : il n’y a aucune trace de karaté. 🙂
La couverture de cet album m’avait fait faire un rapprochement inattendu : la présence des libellules en bas à droite, et de l’oiseau m’avait rappelé comme Bissette & Totleben avaient intégré des animaux dans le marais de Swamp Thing.
Maintenant que tu le dis la comparaison avec le Swamp Thing version Bissette & Totleben fait sens, y compris pour les autres scans.
Pour revenir sur ma comparaison, il n’y a pas non plus d’aventure ni de karaté dans GRIMION GANT DE CUIR. 🙂
Je n’ai pas lu Grimion gant de cuir, d’où ma généralisation facile.
Quelle belle promenade tu nous offres Présence ! J’ai beaucoup aimé la présentation et le lien avec la sylviothérapie. Quitte à choquer un peu, je crois que la Nature peut nous apporter beaucoup.
Je me demande si ça pourrait être un album à destination des écoles…
Je pensais que tu avais déjà mis des images de cet album sur Facebook, mais Bruce me fait comprendre que c’était sûrement dans un bilan que j’ai vu ça !
Chouette BO 🙂
Un album à destination des écoles : pas sûr, car il y a une composante sexuelle et de la nudité frontale.
J’avais pris l’image de l’oiseau de la couverture pour le bilan 2018 :
http://www.brucetringale.com/bilan-2018/
Je ne me souviens avoir posté d’autres images de cet auteur (mais j’ai pu oublier).
J’arrive longtemps après tout le monde et je t’avoue que malgré toutes les qualités que tu mets en avant, cette histoire ne provoque pas d’étincelle en moi.
Un peu comme Tornado, le nom de Servais m’est très familier sans que je n’ai rien lu de lui. Au plus, un pote m’aura prêté une de ses BD il y a une dizaine d’années.
Je reste sincèrement admiratif de toutes les BD que tu lis et des belles chroniques que tu en fais, sans jamais paraître blasé.
Je n’ai aucun mérite : j’ai la chance de découvrir des BD extraordinaires, soit pour l’intrigue, soit pour les dessins, soit pour la mise en page, soit pour le thème, soit pour la personnalité de l’auteur. c’est âge d’or pour le lecteur : un ordre de grandeur de 5.000 albums par an, tous genres confondus, dont des rééditions de séries que j’ai rêvé de lire étant jeune, mais je n’avais pas le budget. Je regrette que cette diversité se fasse au détriment des revenus des auteurs, mais dans le même temps, quelle diversité ! Quelle qualité ! Un rêve d’enfant (ou d’adolescent) devenu réalité. Et encore, je manque de temps pour lire.