LE PIEGE DIABOLIQUE par Edgar P. Jacobs
Par TORNADOVF : Les Editions Blake & Mortimer (anciennement Le Lombard, puis Dargaud)
Le pitch : De passage à Paris, le professeur Mortimer est convoqué chez un notaire qui lui remet une lettre de son ennemi le professeur Miloch (le grand méchant de S.O.S METEORES, aventure publiée dans le tome précédent). Celui-ci, avant de mourir, a légué à son plus « estimé adversaire » son invention la plus aboutie : Une machine à explorer le temps !
Suivant les directives, Mortimer se rend au bourg de La Roche-Guyon. Là, Miloch a dissimulé son repaire sous les ruines du vieux donjon qui surplombe la vallée. Une fois installé aux commandes de la machine, le professeur va s’apercevoir que Miloch lui a tendu un piège, car l’appareil a été détraqué de façon à le garder éternellement prisonnier dans le temps ! Propulsé d’abord dans la préhistoire, puis au moyen-âge et ensuite dans un lointain futur post-atomique, saura-t-il trouver les ressources afin de revenir à son époque ?
J’avais 18 ans. Tout juste.
J’étais malade, grippé et alité. Entre deux passages de fièvre tonitruante, j’ôtai le gant humide de mon front et je tendais fébrilement la main en attrapant cette bande-dessinée récemment acquise chez un bouquiniste dans sa vieillie édition du Lombard (un format moyen, encore serti du sceau de la bibliothèque du Carré Officier du sous-marin Casablanca !). Une lecture en pointillés, dans laquelle je me plongeais dès que je reprenais quelques forces, avant de repartir dans les méandres du mal (de tête).
A cette époque, déjà familier des aventures de BLAKE & MORTIMER, j’avais été à la fois fasciné et exaspéré par cette nouvelle histoire (j’avais lâché le duo après le pénible ENIGME DE L’ATLANTIDE, zappant de ce fait S.O.S METEORES). Fasciné par cette course effrénée, presque une fuite en avant dans les couloirs du temps. Mais également exaspéré par cette narration à la densité pesante, aux planches bourrées à craquer de cellules de texte souvent inutiles (une constante chez Jacobs : Accompagner l’action par des cellules de parlotte répétant inutilement ce que l’on voit déjà dans les vignettes (pourquoi diantre nous expliquer que le personnage se met soudain à courir, quand on voit bien, du premier coup d’œil, qu’il… se met soudain à courir !)). Car depuis LA MARQUE JAUNE, son chef d’œuvre définitif, Jacobs a quelque peu fait évoluer son style. Jadis relativement épuré (voir les planches étonnamment aérées du RAYON ‘U’), le travail de l’ancien collaborateur N°1 d’Hergé s’est peu à peu alourdi d’une surenchère de détails descriptifs, techniques et scientifiques venus envahir les planches par le truchement d’une avalanche de texte, là où Hergé avait su au contraire s’en débarrasser en trouvant sans cesse de nouvelles idées pour les traduire en image claires et concises. Si LE SECRET DE L’ESPADON, LE MYSTERE DE LA GRANDE PYRAMIDE et LA MARQUE JAUNE n’étaient déjà pas des parangons de légèreté, ce défaut narratif de taille s’était sérieusement aggravé à partir de L’ENIGME DE L’ATLANTIDE, le tout appesanti encore par des dialogues ampoulés et empruntés, sans humour ou presque, d’autant plus datés aujourd’hui.
Le même paradoxe m’a ainsi saisi il y a quelques jours, lorsque, de nouveau envahi par un état grippal me clouant au lit, j’ai eu envie de retrouver ces sensations de jadis, plus de trente ans après…
Passé le plaisir immédiat de retrouver cette atmosphère rétro-futuriste si agréable qui émane des planches de Jacobs, j’ai néanmoins été surpris de constater que les images qui étaient restées gravées dans ma mémoire (par exemple celle que l’on peut voir ci-dessus, lorsque Mortimer découvre l’antédiluvien paysage préhistorique marécageux), étaient en fait des vignettes d’une taille relativement petite, se détachant presque laborieusement de leurs planches trop remplies. Aujourd’hui, un auteur contemporain nous lancerait ce genre d’image à la face en couvrant toute une double-page. Et dans ma mémoire obstruée pas le temps et la fièvre, cette vignette avait d’ailleurs approximativement cette taille-là !
Ailleurs dans l’album, Jacobs aggravera encore ce déséquilibre des forces en donnant toute la place aux cellules de texte, ne laissant aux images qu’un rôle presque secondaire.
Lorsque je fais remarquer ce genre de choses, je me sens presque obligé de me justifier quant au fait que je ne suis pas un fainéant réfractaire à la lecture. D’autant que nous sommes là (au tout début des années 60) à une époque où les éditeurs font encore pression sur les auteurs de bande-dessinée afin qu’ils ajoutent du texte à leurs planches, histoire de flirter laborieusement avec le médium de la littérature, derrière lequel celui de l’art séquentiel semble destiné à errer dans l’ombre… Mais c’est justement la raison pour laquelle il faut s’en plaindre : En mettant ostentatoirement trop de texte au détriment des images, ce n’est pas tant que l’ensemble devient fatiguant à lire, mais surtout que l’équilibre de la narration s’en trouve complètement abêti tant il s’agit d’un médium dont le système narratif est pensé par l’image, avant tout (au même titre que le cinéma et même davantage, puisqu’il n’y a pas l’ajout du son dans la bande-dessinée).
C’est d’autant plus paradoxal lorsque l’on regarde attentivement les dessins de Jacobs, qui fourmillent de détails dans les moindres recoins, l’auteur devenant de plus en plus maniaque au fur et à mesure qu’il dessine ses planches. Ainsi, si un bon quart des planches en question nous montre encore moult vignettes dans lesquelles une seule tête surnage au milieu du texte, les autres sont quand même dévolues à des illustrations infiniment détaillées, telles des enluminures finement ornementées, aussi petite soit leur taille.
Récemment, en contemplant les planches extraordinaires de Jack Kirby (voir par exemple cet article), il m’a paru évident que ces deux auteurs, Kirby et Jacobs, avaient quelque chose en commun : Une même puissance iconique, une même vision science-fictionnelle naïve mais universelle ; des images saisissantes et fédératrices conçues à la même époque (ils étaient parfaitement contemporains) avec, dans les deux cas, de sérieuses carences narratives (bien que différentes) contrebalancées par un amour sincère pour leurs univers de papier et une mise en image d’un merveilleux hors du commun.
Alors que l’un était verbeux, l’autre n’osait pas l’être, mais tous deux étaient maladroits avec la narration, souvent patauds et grandiloquents.
Mais peu à peu, Kirby avait choisi de mettre en avant la puissance de son imagination et de ses compositions dantesques, tandis que Jacobs pensait être un lettré érudit dont les dessins viendraient simplement habiller le récit. On peut ainsi regretter ce parti-pris à la lecture du PIEGE DIABOLIQUE, lorsque l’on scrute les hallucinantes vignettes gorgées de détails foisonnants qui tentent désespérément d’exister sous les envahissantes cellules de texte.
Il ne faudrait pas pour autant nier le talent de Jacobs en matière d’anticipation. Nous l’avons déjà évoqué dans les articles dévolus au MYSTERE DE LA GRANDE PYRAMIDE et à LA MARQUE JAUNE : Le créateur de BLAKE & MORTIMER était un auteur postmoderne avant l’heure. Sous sa plume et ses pinceaux, ce sont toutes les fictions croisées de Jules Verne, d’H.G. Wells, d’Arthur Conan Doyle, d’Edgar Rice Burroughs et de H. Rider Haggard qui fusionnent en un univers cohérent, comme une compilation harmonieuse et accomplie. Et Jacobs ne fait pas que compiler, il emboite le pas de ses ainés en se montrant lui-même visionnaire.
Dans LE PIEGE DIABOLIQUE, l’ancien comparse d’Hergé étonne par sa vision du futur. Un futur apocalyptique et pessimiste, certes, mais fondé sur une prémonition qui monte en puissance au fur et à mesure que le temps passe. Il faut voir ce monde futuriste dont les quelques dominants (qui vivent à la surface, et qu’on ne voit jamais) imposent leur dictature au reste de l’humanité, condamné à vivre sous terre à l’état de simple « homme fonctionnel », humanité qui a tellement regressé qu’il a fallu réformer l’écriture à la manière des plus succincts SMS ! Et l’on ne parle pas de ces boyaux de métro désaffectés (pour aller où ?), de ces procédés de lobotomisation (idées que l’on retrouve plus tard chez Hayao Miyasaki dans la série CONAN LE FILS DU FUTUR) et de cette scène incroyable et surréaliste, dans laquelle un vieil hologramme s’anime soudain face à un Mortimer médusé, qui observe une grosse baudruche à lunettes lui déblatérer un discours de rhétorique politique inepte que ne pourraient pas renier nos actuels dirigeants ! Un constat absolument cauchemardesque pour le lecteur !
Pour couronner le tout, Jacobs fait montre d’une belle épaisseur philosophique en introduction et en conclusion (dans les seules scènes où apparait le Capitaine Blake), par un discours sur les époques, alors que nous sommes justement en plein cœur des Trente Glorieuses, évoquant l’idée qu’il est bien vain de se plaindre de son temps en geignant que « c’était mieux avant », ou en espérant que « l’avenir sera meilleur », alors qu’il vaudrait mieux profiter de celui qui nous est dévolu, en savourant ses bienfaits…
Afin de donner encore plus de consistance à sa démarche, Jacobs va également regarder du côté des grands créateurs plasticiens du XXème siècle. S’il joue de la métaphore avec le GUERNICA de Picasso pour évoquer les affres de la guerre civile (l’humain contre l’humain, y compris dans sa propre patrie), il puise également son inspiration dans le mouvement futuriste du premier tiers du XXème siècle, qui avait foi dans le progrès et glorifiait l’avènement de l’industrie et de la machine, retournant complètement la situation puisque c’est au final ce progrès qui aura mené l’humanité à sa perte. Encore une parabole de la science exercée sans conscience, qui opère ici une mise en abîme sous le titre de l’album…
LE PIEGE DIABOLIQUE est enfin un album à part dans la série des BLAKE & MORTIMER. Le seul où Blake ne fait pas partie de l’aventure. Le seul où le colonel Olrik, la némésis des deux héros, est absent (quelle idée ridicule, d’ailleurs, d’avoir fait apparaitre systématiquement ce méchant aux quatre coins du monde dans des aventures n’entretenant aucun rapport entre elles…). Le seul où l’on peut voir une femme dans un rôle secondaire (dans le passage se déroulant au moyen-âge).
Pour le reste, on retrouve tous les thèmes chers à Jacobs (postmodernisme, science exercée sans conscience et paradoxes du progrès, conflits à grande échelle, hiérarchies corrompues, possession des esprits), ainsi que tous ses motifs (engins volants, cités sous-terraines, machines et inventions rétro-futuristes), pour une nouvelle aventure certes un peu ampoulée, mais qui tient la dragée haute à tous les classiques du genre consacré de la littérature science-fictionnelle.
BO : Blur : OUT OF TIME
Bah merde alors !
ça fait longtemps que je l’ai lu celui là, et j’avais oublié cette histoire du langage qui régresse, je n’avais pas fait le parallèle avec les SMS (enfin j’ai du lire ça quand ça faisait 1 an que j’avais un portable…à la fin du collège)
Je m’étais dit à l’époque que cet album n’était pas super, trop bizarre, très éloigné des autres Blake et Mortimer, comme un OVNI.
Il semblerait qu’il soit super intéressant en fait. Lecture à réévaluer.
Super intéressant, oui, impressionnant sur bien des points ; mais hélas laborieux et hyper-lourd dans la narration. J’ai aussi regardé l’adaptation animée. C’est assez médiocre, avec moult passages passés à la trappe et ue intrigue complètement transformée.
Ce n’est pas un peu toujours le cas ?
ça fait longtemps que je n’ai pas ouvert les autres albums. Mais il me semble que ça a toujours été verbeux
Oui, et de plus en plus après LA MARQUE JAUNE. Cela fait longtemps que je n’ai pas relu L’ÉNIGME DE L’ATLANTIDE, mais dans mon souvenir c’est un supplice…
Tiens, vendredi sort Avant Blake et Mortimer – Le RAYON ‘U’ Tome 2 – La Flèche ardente », scénarisé par Jean Van-Hamme ! Je suis quand même très curieux de lire ça !
dargaud.com/actualites/la-fleche-ardente-la-suite-du-rayon-u-photo
J’espère bien que tu nous feras un article sur La flèche ardente.
Passionnant de bout en bout ces allers et retours entre souvenirs d’enfance et retour au présent, intentions, coulisses et résultats de l’auteur.
Naturellement les pages de 10 kilos ne m’inciteront pas à sauter le pas. Ces pavés de textes c’est épouvantable, tiens pour le coup, je trouve que ça défigure une page bien plus qu’une bulle de pensée.
J’en avais déjà parlé ailleurs : faut-il y voir le complexe de l’art mineur ? En ce temps, montrer que la BD savait tout aussi bien s’exprimer que dans un roman.
La BO : Très bonne chanson d’un groupe irréprochable. C’est rare qu’on soit d’accord 😉
« J’en avais déjà parlé ailleurs : faut-il y voir le complexe de l’art mineur ? En ce temps, montrer que la BD savait tout aussi bien s’exprimer que dans un roman. »
Peut être un peu, mais peut être aussi des contraintes de pages. Tu écris les mêmes pavés en roman et ça ne choque personne. Mais en BD c’est compliqué de faire une scène d’exposition et de dialogue, et frustrant si tu dois tout élaguer pour aérer et donc renoncer au discours que tu voulais faire.
A titre perso les premieres BD que je faisais par loisir, je me retrouvais avec des pavés comme ça aussi…
En fait t’as envie de développer une pensée, de faire un exposé d’un truc, mais t’es censé faire un truc dynamique, montrer les persos qui parlent et que ce soit un minimum intéressant visuellement. Et c’est une contrainte qui n’existe pas dans le roman. C’est galère.
Il est admis qu’à une certaine époque les éditeurs faisaient pression sur les auteurs de BD pour qu’ils « chargent » leurs planches de texte afin de créer une illusion littéraire sur le lectorat grand public. C’était une erreur de taille quand même : La BD a son langage propre. Et ce n’est pas dans le texte que tout se joue. À force d’étudier Hergé, je me rends compte comme c’est dur à obtenir et comme c’est inoui : Épurer sans cesse, enlever tout ce qui dépasse, puis revenir sans cesse en arrière pour affiner, aller à l’essentiel, puis refaire, et refaire encore, jusqu’à ce que la moindre parcelle de dialogue, le moindre espace de la vignette, le moindre effet de mouvement, le moindre enchainement en dise le maximum, tout en écrivant le minimum de texte. L’art séquentiel.
Oui mais bon…ce n’est pas SI simple que ça.
Sinon Alan Moore il est nul en art séquentiel hein^^ Parce que épurer le blabla c’est pas son truc.
Alors je suis d’accord parce que le seul truc qui m’a toujours gêné avec Moore, en tout cas le seul défaut que je lui reproche vraiment, c’est qu’il ne sait pas toujours faire de la BD sans parlotte.
Il a d’autres défauts (parfois trop cryptique, surtout ces dernières années, parfois trop perché, parfois trop porté sur les drogues ou sur les accointances malsaines (être fan de Charles Manson, ou même être seulement fasciné par cette merde, ça m’a quand même toujours franchement révulsé)), mais je veux bien les lui pardonner au vu des autres multiples qualités et de son génie. Mais par contre, ne pas arriver à faire de la BD sans pavés de texte, ça c’est un VRAI défaut professionnel.
Il me reste encore beaucoup d’articles TINTIN à écrire. On reparlera à ce moment-là du génie d’Hergé en la matière. Arguments à l’appui… 🙂
Après comment peux tu développer un propo philosophique sans un peu de parlotte ?
Ou alors ça veut dire que la BD n’est pas un medium adapté à des sujets complexes, si tu dois toujours pouvoir faire passer le message par l’image.
Comme je le dis souvent, je recherche une BD qui raconte d’abord une bonne histoire. Ensuite je la trouve encore meilleure si, derrière cette histoire, se dissimule des questionnements intéressants qui en prolongent le plaisir (si une histoire invite à réfléchir). C’est le rapport entre le texte et le sous-texte.
Je n’aime pas lorsq’une histoire n’est qu’un prétexte pour philosopher. Je déteste lorsque Grant Morrison, par exemple, parle de l’histoire éditoriale DC et qu’il torche un récit ciomplètement bidon/prétexte pour le coller par dessus. Je déteste également lorsqu’un réalisateur se masturbe sur un thème en filmant des images en vrac sans prendre le temps de raconter une histoire qui tienne la route.
Je préfère (c’est personnel), que quelqu’un me raconte d’abord une excellente histoire, puis qu’il y dissimule derrière quelques pistes de réflexion. Qu’il soulève juste quelques questions, sans forcément y apporter quelques réponses (ce que de toute manière personne n’est capable de faire (qui donc possède les clés de la connaissance ?)). Ça suffit largement. Parce que son boulot c’est quand même avant tout de raconter une histoire quand il aborde un médium qui promet d’en raconter une.
Je trouve que la BD, comme le cinéma, surtout lorsqu’elle est axéé sur la narration, ce n’est pas forcément le meilleur médium pour faire de la pure philo. C’est un médium qui se prête mieux au divertissement. Du coup, je préfère lorsqu’un auteur, (c’est le cas aussi au cinéma), arrive à faire passer des idées de manière fluide, en sous-texte.
En fait, je préfère 100 fois une oeuvre qui raconte une histoire forte avant tout, qui fait réfléchir naturellement (HARRY POTTER fonctionne parfaitement dans le genre), plutôt qu’un auteur qui veut absolument disserter, et qui brode une histoire à la noix pour essayer de faire passer son message.
« Comme je le dis souvent, je recherche une BD qui raconte d’abord une bonne histoire. »
Tout le monde sera d’accord avec ça.
Là où ça diverge, c’est que chacun aura son idée sur ce que c’est qu’une « bonne histoire ».
Une bonne histoire, ça me parait receler des potentialités beaucoup plus diverses que quelque chose qu’on pourrait rapidement qualifier de « récit intéressant bien raconté ».
« Parce que son boulot c’est quand même avant tout de raconter une histoire quand il aborde un médium qui promet d’en raconter une. »
Une promesse que tu sembles considérer comme allant de soi mais qui, en ce qui me concerne ne me semble pas a priori acquise, sauf si l’on considère que raconter une histoire, c’est se plier à un certain ordre narratif.
« En fait, je préfère 100 fois une oeuvre qui raconte une histoire forte avant tout, qui fait réfléchir naturellement (HARRY POTTER fonctionne parfaitement dans le genre), plutôt qu’un auteur qui veut absolument disserter, et qui brode une histoire à la noix pour essayer de faire passer son message. »
Je ne pense pas en ces termes.
L’art militant, celui qui subordonne tout derrière un message à faire passer m’irrite le plus souvent au plus haut point. L’art sert à montrer bien plus qu’à démontrer.
Moi, je pense juste qu’un artiste, c’est quelqu’un qui possède une vision de son art qu’il articule autour d’une vision du monde. Pas plus, mais pas moins.
Les grands artistes, ce sont ceux qui parviennent à intriquer ces deux pôles de la manière la plus riche, que ce soit sous une forme que l’on pourra de manière schématique rapprocher du « divertissement » ou pas.
« Je trouve que la BD, comme le cinéma, surtout lorsqu’elle est axéé sur la narration, ce n’est pas forcément le meilleur médium pour faire de la pure philo. C’est un médium qui se prête mieux au divertissement. »
Je n’aime pas ce terme de divertissement.
On l’utilise beaucoup trop pour désigner quelque chose qui serait marqué par l’inconséquence face à des propositions plus « nobles » qui seraient les seules à permettre la réflexion (propositions qualifiées par certains d’intello-chiantes ou autres termes dédaigneux répondant au dédain que d’autres accolent au « divertissement »). Tout ceci n’a aucun intérêt à mes yeux. Cette dichotomie me gave et c’est pourquoi je rechigne à parler de divertissement.
Je crois que quelqu’un qui aime vraiment le cinéma ne se limite jamais à cette distinction. Après, on peut juste aimer regarder des films, et pour moi ce n’est pas la même chose qu’aimer le cinéma, et en rester là, ça ne me dérange pas, chacun fait comme il veut.
Olala… Tu prêtes bien des extensions à mes propos… Parce qu’en fait je suis à peu-près d’accord avec tout ce que tu dis…
Tout simplement (par rapport à ce que je répondais à Matt) :
1) La pure philo, ça passe plutôt par le langage des mots. Par la dissertation. Le langage des images, c’est un peu moins approprié.
2) Lire une BD ou regarder un film qui raconte d’abord une bonne histoire, de préférence avec un sous-texte discret, c’est juste ce que moi je préfère, pas la généralité.
Tu trouveras de nombreuses discussions passées sur le blog où je défendais l’idée que toute forme d’art doit rester libre de tout explorer et que c’est très bien comme ça. Soit excatement le sujet de mes études.
« Olala… Tu prêtes bien des extensions à mes propos… Parce qu’en fait je suis à peu-près d’accord avec tout ce que tu dis… »
Nan mais, si je rebondis juste sur certains de tes propos, ce n’est pas pour m’y opposer mais pour le plaisir de discuter, hein… 😉
Je vois bien qu’on est plutôt en accord. 🙂
Je dois avouer que j’ai toujours eu beaucoup de mal avec les murs de textes de BLAKE ET MORTIMER, ce qui m’a régulièrement tenu à l’écart de cette série.
Pour le langage « SMS » que découvre le héros, pour avoir fait de l’ancien français et travaillé sur l’étymologie, il me semble que ce n’est guère qu’une évolution assez naturelle de la langue, dont l’orthographe et la grammaire suivent l’évolution de la prononciation et des contractions.
Dans cette histoire en particulier, je pense que Jacobs veut plutôt raconter que l’humanité a regressé.
ça m’évoque aussi le film LA MACHINE À REMONTER LE TEMPS de George Pal où le héros engueule les Elois pour avoir négligé les livres (ils ne savent plus lire, les documents des bibliothèques s’émiettent lorsque le protagoniste les ouvre). Je ne sais pas si c’est également dans le roman d’HG Wells ou si c’est une spécificité de cette adaptation
Bonjour Tornado.
J’ai découvert BeM à 10 ans. J’étais (et je suis resté) un grand lecteur. Ceci doit expliquer cela et le fait que ces albums me fascinaient et les pavés de textes ne me gênaient pas.
Je garde un grand souvenir du Piège Diabolique, mon préféré à cause du voyage dans le temps (pourtant depuis la SF est le genre que je lis le moins, comme quoi).
J’y vois du HG Wells évidemment, notamment les Morlocks vivant sous terre. Je n’ai jamais lu de lien évoqué, mais je me demande quand même si Stanley Kubrick n’avait pas un exemplaire à portée de main du PIEGE DIABOLIQUE quand il a tourné 2001, A SPACE ODYSSEY.
Et oui cela reste verbeux. J’ai beaucoup de mal à les relire. D’ailleurs je reste globalement déçu des albums qui ont suivi la mort de Jacobs car ils reprennent tous ces défauts (sauf LE DERNIER PHARAON que je trouve raté par contre au niveau du scénario).
Bon article, fluide, avec son lots de référence bienvenues que je ré découvre ou découvre tout simplement (je n’avais pas fait attention pour GUERNICA). Le blog s’étoffe encore. Il devient une véritable bibliothèque de référence.
La BO : j’ai crains le pire car je suis du clan OASIS. Une introduction longue et puis je me rends compte que je connais ce titre, et que je l’apprécie. Je croyais en fait qu’il était sur un album de GORILLAZ ou solo de Damon Albarn.
Je n’ai pas lu le roman de Wells, je connais juste le film par coeur et j’ai lu une ou deux adaptations en BD. Je ne sais pas si le film est plus ou moins fidèle mais il est contemporain du PIÈGE DIABOLIQUE (le film est réalisé en 1960, la BD est publiée intialement en 1962, ce qui laisse à penser que le film a pu influencer un peu la BD).
Je préfère également Oasis à Blur et je trouve que dire que « Blur c’est mieux qu’Oasis » est une litanie ridicule de rocker qui veut paraitre crédible (surtout parce que c’est moins grand public). On avait eu pareil avec les Stones Vs les Beatles jadis et aujourd’hui tout le monde s’en fout, aime généralement les deux tout en reconnaissant quand même un surplus de génie aux FAB4. Mais j’aime Blur aussi et surtout l’album idoine. AMBULANCE est ma chanson préférée du groupe.
L’opposition entre Oasis et Blur, c’est surtout du marketing et une construction médiatique.
Ca n’a pas beaucoup d’intérêt.
Bon, moi, je suis plus attiré par Blur et je trouve que le parcours de Damon Albarn a quand même plus de gueule que celui des frères Gallagher.
Sinon, si je devais rapprocher Blur d’un groupe 60’s, je ne choisirais ni les Beatles ni les Stones mais plutôt les Kinks. Comme chez les Kinks, il y a un côté tellement british chez Blur (même dans leurs albums plus « américains ») alors que Oasis, c’est plus passe-partout, d’où sans doute leur côté plus grand public, en tout cas hors de Grande-Bretagne.
Et puis, dans un grand geste puriste qui va vous agacer, je vais dire qu’Oasis, ça n’a jamais été que l’ombre des Stones Roses et que le premier album des Stone Roses, c’est le chef d’oeuvre qu’Oasis n’a jamais réussi à égaler. Bon, je dis ça, mais je m’en fous en fait. C’était juste pour placer le nom des Stone Roses. 🙂
Sinon, E.P. Jacobs et Blake et Mortimer, ça me gave. Je déteste.
Et il y a de sublimes planches muettes chez Alan Moore. Par exemple, la planche qui suit la décision d’Evey de ne pas regarder sous le masque de V après sa mort et où elle décide qui doit être V.. Alan Moore est tout à fait capable quand il le décide d’être économe au niveau des textes.
« Bon, je dis ça, mais je m’en fous en fait. C’était juste pour placer le nom des Stone Roses. 🙂 »
Bon, s’il faut placer un nom… je placerais THE LA’S alors ! Ils n’ont fait qu’un album…Mais quel album !!! Le 1er dans le genre BRITPOP 😉.
THE KINKS …so british…effectivement 😉
Ah oui, The La’s, très beau souvenir. Un énorme talent et puis plus rien.
Beau souvenir de les avoir vu sur scène, aussi.
Je suis fan ultime d’Alan Moore qui est pour moi le plus grand scénariste de tous les temps. Un génie authentique. Mais il a vraiment le défaut d’être verbeux et ne sait pas toujours le contrebalancer (il s’en fout aussi, c’est probable).
Certes, V FOR VENDETTA est un chef d’oeuvre de narration séquentielle indépassable mais, quelque part, c’est une oeuvre relativement linéaire qui représente presque une source à elle seule. En revanche, lorsque Moore veut faire dans la réferénce et placer son récit dans un certain héritage, là il ne sait pas faire sans texte. Tous les comics qu’il place dans le giron de la littérature ou de l’héritage, de PROMETHEA à PROVIDENCE, de TOM STRONG à LOEG en passant par CINEMA PURGATORIO, sont très verbeux. Alors certes, il trouve plein d’idées super pour y mettre son texte (des journaux de bords, des hors-séries, des enquêtes parallèles, des coupures fictives, des fausses BDs dans des vraies BDs), mais ça reste du texte injecté au forceps dans de la BD.
« Et puis, dans un grand geste puriste qui va vous agacer, je vais dire qu’Oasis, ça n’a jamais été que l’ombre des Stones Roses et que le premier album des Stone Roses, c’est le chef d’oeuvre qu’Oasis n’a jamais réussi à égaler. »
Pour avoir réécouté les Stone Roses récemment, et connaissant l’adoration de Noel Gallagher pour ce groupe, je suis d’accord avec toi. A l’époque, je préférais le second album des Stone Roses, maintenant je préfère de loin le premier.
Assez d’accord aussi pour les Kinks, mais Blur a allégrement pioché partout aussi avant de se transformer. C’est particulièrement visible dans PARKLIFE où chaque titre essaie de proposer une facette de la musique anglaise.
Je te recommande un excellent article sur Le dernier pharaon, en toute modestie, bien sûr. 😀
https://www.brucetringale.com/rien-de-plus-effrayant-que-linconnu-rien-de-plus-dangereux-que-lignorance-une-aventure-de-blake-et-mortimer-le-dernier-pharaon/
Salut Tornado,
De Jacobs je n’ai lu que la marque jaune ( comme la plupart des gens je suppose). Je connais donc très mal cet auteur.
Ta comparaison avec KIRBY est intéressante 👍.
Le King à toujours considéré l’art séquentiel comme un mode d’expression visuel et non verbal .
« en plein cœur des Trente Glorieuses, évoquant l’idée qu’il est bien vain de se plaindre de son temps en geignant que « c’était mieux avant », ou en espérant que « l’avenir sera meilleur », alors qu’il vaudrait mieux profiter de celui qui nous est dévolu, en savourant ses bienfaits… »
Tout à fait d’accord avec ça ! il faut vivre l’instant présent et en profiter au Max : le « c’était mieux avant » est passé et on ne saura jamais de quoi sera fait le futur. Même si on espère que « l’avenir sera meilleur » 🙂
Après cette réflexion philosophique de comptoir . Je prends mon surf et je m’envole vers l’espace infini pour méditer 😀😀😀.
La BO : Comme Fletch je suis plus du clan OASIS… mais de façon générale j’aime bien toute la BRITPOP. Le titre que tu nous présentes aujourd’hui est sympa !😉
Aaaaah ! Le retour de Tornado et Jabobs : ça faisait longtemps.
La Roche-Guyon : je n’avais jamais fait attention au fait qu’il avait choisi une ville qui existe vraiment.
Les planches étonnamment aérées du Rayon U : je viens d’aller revoir ton article sur ce tome et les planches correspondantes, tout est relatif. 🙂
J’ai néanmoins été surpris de constater que les images qui étaient restées gravées dans ma mémoire étaient en fait des vignettes d’une taille relativement petite : les tromperies de la mémoire superbement explicitées par cet exemple où je me retrouve parfaitement car j’en ai déjà fait l’expérience.
Kirby et Jacobs, avaient quelque chose en commun : Une même puissance iconique, une même vision science-fictionnelle naïve mais universelle ; des images saisissantes et fédératrices conçues à la même époque (ils étaient parfaitement contemporains) avec, dans les deux cas, de sérieuses carences narratives (bien que différentes) contrebalancées par un amour sincère pour leurs univers de papier et une mise en image d’un merveilleux hors du commun. – Magnifique développement, rapprochement pertinent que j’aurais bien été incapable de faire, et pourtant tellement évident maintenant que je l’ai lu.
Un discours de rhétorique politique inepte que ne pourraient pas renier nos actuels dirigeants : la science-fiction dans toute sa splendeur quand elle permet de faire ressortir un comportement ou un système grâce à un contexte imaginaire.
Il puise son inspiration dans le futurisme : merci pour cet éclairage car je me suis déjà demandé de quelles sources Jacobs pouvait s’inspirer.
Le seul album où l’on peut voir une femme dans un rôle secondaire : j’avais conservé l’impression qu’il y avait peu de femmes, mais je ne pensais que c’était à ce point-là !
Un superbe article qui me permet de relire cet album par les yeux d’un autre, alors que je n’aurais pas le courage d’affronter le volume de textes par moi-même.
Merci pour ton retour chaleureux (comme d’hab). J’ai vraiment été impressionné par le passage de l’hologramme à « la rhétorique politique inepte que ne pourraient pas renier nos actuels dirigeants ». Franchement, c’est incroyable. C’est probablement le passage le plus visonnaire d’un album qui (malgré ses défauts réels) n’en manque pourtant pas. Aujourd’hui, tous ces p…..s de politiciens me paraissent ressembler trait pour trait à cette baudruche d’opérette. Vision de génie ! Vraiment étonnant. Voici la planche en question :
lafrancebyzantine.blogspot.com/2017/04/hologramme.html
Comme Présence, j’ai beaucoup apprécié ton comparatif très bien argumenté entre Jacobs et Kirby.
Je suis clairement dans le team Kirby.
Gamin, vers 10-12 ans, j’étais gros lecteur de Blake et Mortimer, et j’avais adoré le Piège Diabolique, (ainsi que l’Enigme de l’Atlantide que tu trouves pénible).
sur ses pavés de texte, il y a eu une initiative rigolote il y a quelques temps : un petit éditeur a sorti une édition de ceux de la Marque Jaune. En ne conservant que dialogues et didascalies, on obtient un petit roman pulp et efficace.
Oups, sur BLAKE & MORTIMER (ou, ici Mortimer sans Blake), je suis assez loin de ma zone de confort, alors je n’aurais pas grand chose à dire si ce n’est que…
curieusement, sur certaines cases, je me dis que Mortimer pourrait être porté à l’écran sous les traits de… Hugh Jackman ! Ca doit être lié au style de barbe…
La vache je n’ai plus relu cette bd depuis …hum… trèèès longtemps ! En revoyant les scans, comme tu le soulignes, je trouve les cases incroyablement étouffantes ^^ Peu de chance que je me retape cette BD de nos jours, mais en tous cas à l’époque c’était ma préférée de B&M car la plus Science Fictionnelle ! Le reste me paraissait trop terre à terre à mon goût…
En tous cas ton rapprochement avec Kirby est tout a fait pertinent ! Well done 😉
Avec Wells en référence il y a aussi beaucoup de similitude avec le film de 1960 La machine à remonter le temps, l’un de mes films favoris 😉
Vu que tu n’es pas le premier à faire le lien avec le film de George Pal (dont je parlais dans le team-up sur Ray Harryhausen et qui est également un de mes films de chevet 🙂 ), je m’en veux de ne pas l’avoir cité dans l’article ! Parfois les choses sont tellement évidentes, qu’on les oublie au passage ! 😀
Un film d’enfance et de cœur pour moi, l’une des premières VHS dont je me rappelle (je me souviens avec un sourire de l’un des amis du héros qui explique les 3 dimensions avec force gesticulations, ou avec émotion de celui qui croit en l’existence de la machine et supplie le protagoniste de la détruire)
Salut Tornado.
Je reconnais volontiers la franchise de ton point de vue.
Mais je ne m’y retrouve pas ; enfin, pas dans tout.
« L’Énigme de l’Atlantide » est un brin pénible, je suis d’accord ; c’est long, ça traîne, il y a trop de rebondissements.
Mais j’ai lu « Le Piège » un nombre incalculable de fois, et encore aujourd’hui, quelque chose comme trente-cinq ans après ma première lecture, c’est pour moi un très grand album, que je place au même niveau que « La Marque jaune ». C’est surtout l’album de la série que j’ai systématiquement le plus envie de relire. Focas, les croquants, et Miloch malade et ricanant m’ont marqué à vie.
Pour moi, peu importe la longueur ou la densité du texte s’il est de qualité. Or, personne n’écrit comme Jacobs, et ce ne sont pas les artistes de la reprise qui vont prétendre l’inverse, étant donné que tous s’y sont essayés sans qu’aucun n’y soit parvenu (d’autres scénaristes de l’école de Bruxelles ont également tenté de copier le modèle, sans succès ; je pense à Christian Vanderhaeghe). Jacobs, c’était l’art et l’intelligence de rendre compréhensible et de simplifier (de vulgariser) quelque chose de complexe. Loin d’être inutile, son texte accompagne l’action et la rend encore plus réelle.
Je ne pense pas que Jacobs voulait flirter avec la littérature. De ce que j’ai lu, il considérait de toute façon sa BD déjà comme de la littérature sur laquelle se greffait l’image. Je ne vois là que l’ambition du travail bien fait, rien de plus. Je ne suis donc pas d’accord non plus avec la narration abêtie, surtout si l’on considère que le texte est un vecteur d’imagination qui véhicule ses propres scènes virtuelles. La planche en extrait, où Focas explique son monde, est un exemple parfait.
Quant à comparer Jacobs et Kirby, autant comparer directement la franco-belge avec les comics.
Si l’on exclut « Losers », Kirby, c’est d’abord le mythe interplanétaire, intersidéral, avec des protagonistes plus grands que nature, des conflits qui dépassent le cadre de notre petite humanité. C’est aussi une production industrialisée, ce qui lui a permis d’avoir une carrière presque pléthorique (on parle de 13 000 planches rien que pour Marvel), alors que Jacobs n’a écrit que onze albums en une trentaine d’années (soit un maximum de 600 à 700 planches).
Jacobs est aux antipodes : son héros, c’est l’aventurier bourgeois (attention, sans péjoration aucune de ma part), dans le sens éduqué, universitaire, ici un scientifique et un militaire (un modèle social dans lequel il se retrouvait certainement). Dans la forme, on est dans la tradition, pas dans l’expérimentation débridée ; au fond, son trait a peu évolué, contrairement à celui de Kirby. Le réalisme est très important pour lui, qui passait tant de temps à faire des recherches.
La perception que j’en ai – et qui n’engage que moi – est que de ce côté-ci de l’Atlantique (je sais : c’est culturel), Jacobs est davantage considéré comme un auteur complet que Kirby, auquel on pense souvent plus comme à un dessinateur. Ils n’ont vraiment pas grand-chose à voir l’un avec l’autre, mais on est d’accord sur le fait qu’ils sont tous deux des légendes.
Petit point supplémentaire : j’avais lu que cet album, à sa sortie, avait été éreinté par la critique et avait subi les foudres de la censure.
Merci pour ton retour !
Je pense effectivement que nous ne serons pas d’accord (et c’est pas grave) sur cette perception des cellules de texte. Aujourd’hui, lorsque je lis un album de Jacobs, j’ai pris l’habitude de zapper les didascalies et ça ne change rien à la lecture la plupart du temps ! Ce qui me conforte dans mes impressions.
Sur la comparaison entre Jacops et Kirby, tu pointes les différences (qui sont indiscutables) tandis que je pointais les points communs. Ma comparaison est née d’un déclic en regardant certaines planches de Kirby qui me faisaient penser à celles de Jacobs. J’ai comparé ensuite certaines vignettes (comme celles que j’ai mis dans l’article) et j’ai trouvé des ressemblances saisissantes. C’est un ressenti empirique, je le conçois. Une impression de similtude, davantage dans un « état d’esprit mythologique et esthétique commun » que des ressemblances techniques. Ça ne se ressemble pas « comme deux gouttes d’eau », pas du tout. Mais l’un fait écho à l’autre. L’écho d’une époque commune, d’un intérêt commun pour le même type d’imaginaire, et une même puissance d’expression. deux maitres à l’expression naïve mais puissante, au sein d’un même médium. Et d’un même type de littérature.
Tu me confortes, par contre, dans ma très grande réticence à lire les albums de B&M réalisés par d’autres auteurs. En les feuilletant, je trouve complètement absurde, aujourd’hui, de tomber dans les mêmes travers (pou moi, donc) en surchargeant les planches de cellules de texte.
Je me suis quand même offert L’AFFAIRE FRANCIS BLAKE, LA MACHINATION VORONOV et LE DERNIER PHARAON, parce que j’ai quand même envie de découvrir ce que trois auteurs de cette trempe (Van-Hamme, dont je suis grand fan, Sente et Shuitten) ont été capables de réaliser. Et j’ai aussi une grande envie de céouvrir la suite du RAYON ‘U’ par Van-Hamme qui sort ces jours-ci. Mais je repousse… J’ai peur ! 😀
« L’Affaire Francis Blake » et « La Machination Voronov » sont – à mon avis – les seuls albums véritablement intéressants de la reprise. Récemment, « Huit heures à Berlin » a essayé de leur faire écho : ce n’est qu’à moitié réussi.
Présence a écrit un article élogieux sur « Le Dernier Pharaon » ; c’est un hors-série, je ne l’ai pas lu, peut-être à tort.
J’avais aussi adoré « Le Serment des cinq lords ».
La suite du « Rayon U » : moi aussi, j’avais peur. Bédéthèque propose les six premières planches en avant-première. Je les ai regardées : elles m’ont confirmé que ma peur était parfaitement fondée.
https://www.bdgest.com/preview-3751-BD-le-rayon-u-la-fleche-ardente.html
J’ai vu ces planches. Elles me font peur aussi. Mais connaissant mon admiration sans bornes pour Van-Hamme, je sais que j’essaierai de lire ça un jour ou l’autre…
J’ai lu l’article de Présence sur LE DERNIER PHARAON. C’est lui, le bougre, qui m’a achevé dans l’idée de m’offrir l’album…
Team Schuiten forever !!!
Excellent article Tornado. Ton style aussi évolue avec le temps j’ai l’impression, comme pour nous toutes et tous. J’ai lu quelques Blake et Mortimer mais je n’en suis pas un grand spécialiste. Je n’ai jamais été fan car trop de textes et trop propre, trop proche de Tintin. Pourtant je suis fan de ce genre de récit SF, des polars et des mystères. C’est ce qui m’avait incité à les tenter. Je dois fouiller chez moi, je sais que j’en ai deux ou trois, mais je ne suis pas certain que le fils les ait pris pour les revendre, ces tomes ne faisant pas partie de nos préférences. Pour sûr j’ai lu LA MARQUE JAUNE (y a très longtemps) et je dois avoir les deux tomes de LES TROIS FORMULES DU PROFESSEUR SATO. Si j’en ai lu d’autres, aucun souvenir.
Moi qui ne connaît pas vraiment Kirby, j’accueille ta comparaison avec intérêt.
« Il faut voir ce monde futuriste dont les quelques dominants (qui vivent à la surface, et qu’on ne voit jamais) imposent leur dictature au reste de l’humanité » A ce sujet, j’ai découvert un roman de Philip K. Dick il y a quelques années (je tente de lire tous ses romans, j’en suis à la moitié environ) que je conseille fortement à tout le monde car c’est un de ses meilleurs travaux pour moi : LA VERITE AVANT-DERNIERE.
Je ne connaissais ni les peintres ni les tableaux que tu mets en illustration, ils sont très beaux et rappellent forcément l’expressionnisme allemand de Fritz Lang. Au final, tu donnes très envie d’essayer car je trouve les dessins très soignés et impressionnants. Bon, je note dans un coin !
La BO : magnifique. Je n’avais jamais vu le clip, il est étonnant, je devrais peut-être me pencher sur les paroles. Beau choix, vraiment, une de mes préférées de Blur (quel grand groupe bordel).
Sur Dick, y a un gros travail de retraduction en cours, et je me suis payé l’intégrale des nouvelles sortie il y a deux ans. Je découvre certains textes (quand d’autres sont des dingueries ayant intégré mon panthéon personnel depuis des décennies)
Oui moi aussi j’ai les deux bouquins d’intégrale des nouvelles sorties y a deux ans 🙂 Reste plus qu’à les lire – relire.
J’ai un rapport très ambivalent avec Jacobs : J’adore autant que je trouve ça pénible…
La BO : Oui cette chanson est assez irrésistible. Et encore une fois issue de l’album qui a fait le déclic pour que j’aime le groupe (ça commence à dater, purée ! 🙁 ).
Blake et Mortimer, je n’ai jamais été attirée et n’ai donc jamais lu aucun de leurs albums.
Tes images montrent bien ce que tu veux démontrer, avec ces cellules qui prennent plus de place que le dessin ! Je n’avais jamais vu ça !
J’aime bien le côté personnel que tu apportes à ton article 🙂
La BO : à l’époque je ne voulais pas choisir de clan, mais rétrospectivement, j’ai apprécié bien plus de chansons de Blur que d’Oasis !!
Oh ! Venant de toi je suis sûr que c’est sincère et que ce n’est pas de la mauvaise foi de puriste à la noix ! 😉
Mais ça m’étonne quand même. Les chansons d’Oasis qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont quand même de sacrées bons sang de bonnes chansons. Je ne m’intéresse pas au fait que les auteurs soient couillons par contre. Sinon, je n’écouterais pas grand chose ! 😆
Oasis a composé une chanson que j’adore toujours, même presque 30 ans plus tard : WHATEVER. C’est vraiment une chanson qui a beaucoup compté pour moi, et que j’écoute encore avec énormément de plaisir et d’émotion. Mais c’est la seule… Je me suis lassée de WONDERWALL qu’on a entendu et qu’on entend encore… Et aucune autre chanson ne me vient à l’esprit… Blur, a contrario, je repense à MR CHARMLESSMAN, je saute et danse toujours en entendant GIRLS AND BOYS, et je me marre toujours de la mélodie approximative chantée par Damon Albarn, je pense à PARKLIFE, à COFFEE AND TV. Même sur Gorillaz, le Damon est bon.
Les frères Gallagher sont de retour, chacun de leur côté. C’est pas mal. Mais ça ne me fait pas sauter au plafond.
Edgard Pierre Jacobs est génie de la BD, sa richesse artistique peut paraitre aujourd’hui trop lourd pour la nouvelle génération qui n’est pas habitué à maintenir son attention plus de 2min. C’est triste !
Un précurseur ce Jacobs qui n’a pas rêvé de voyager dans le temps. j’ai en mémoire l’excellente série américaine Au coeur du temps laquelle était très intéressante car à chaque épisode nous découvrions
un pan d’histoire du passé et un imaginaire du futur.
Alors les gars, la suite de ce Rayon U ?
Sinon, en faisant un peu de rangement, je me suis rendu compte que j’avais 4 tomes de la série : les deux tomes des 3 FORMULES DU PROF SATO, aux éditions Blake et Mortimer, et je me souvenais bien de les avoir, par contre, j’ai également déniché deux tomes aux éditions CITROEN (des tomes publicitaires donc) : L’ENIGME DE L’ATLANTIDE et LE PIEGE DIABOLIQUE ! Et ce qui est sûr, c’est que je ne les avais jamais lus.
Je me suis donc tapé ce PIEGE DIABOLIQUE qui porte bien son nom tant la lecture est pénible. Il n’y a pratiquement pas une case sans texte introductif ou explicatif. Il faut également ajouter des extraits de lettres et de journaux, intégraux. C’est long et absolument pas fluide. Il va se passer du temps avant que je lise ou relise les trois autres en ma possession.
Mais sinon c’est vrai que c’est très bien vu et documenté. Pour l’orthographe du futur, il dit bien que c’est une réforme de la langue, et même les panneaux indicateurs sont orthographiés de cette façon. On voit bien le sérieux de Jacobs, que ce soit dans le dessin très chargé ou dans les explications scientifiques. Il se mord un peu la queue sur la question du voyage dans le temps mais c’est complètement normal : pas besoin de faire passer deux mois depuis le début de la bd, Mortimer aurait pu revenir au moment même de son départ. Je vais relire ton article.
Merci. Surtout dans l’idée de me conforter sur la pénibilité de la lecture.
J’ai feuilleté la suite du RAYON ‘U’ en librairie. Arf. Je ne vais pas l’acheter les yeux fermés… La narration a l’air sérieusement ampoulée comme celle de l’époque. Nul doute que c’est fait exprès. Mais enfin quand même… Je ne comprends pas le concept. C’est pareil avec les albums modernes de B&M : Les scénaristes reprennent le même style chargé et ampoulé que celui de Jacobs. C’est comme si on faisait une suite à un vieux film des années 30 et qu’on reprenait la même grammaire au premier degré. Je trouve l’exercice très régressiste. Je veux dire, on peut rendre hommage à un univers, voire à un style, tout en prenant en compte l’évolution d’un médium. Question d’équilibre, comme dirait l’autre.
Je tenterai plutôt ça en médiathèque…