UNE SUICIDE SQUAD PLUS VRAIE QUE NATURE (COPRA)

COPRA par Michel Fiffe

Un article de JB VU VAN

VO : Copra Press et Image Comics

VF : Delirium

1ère publication le 28/09/21- MAJ le 28/05/22

Ne vous méfiez pas des contrefaçons
@ Copra Press, Image Comics

Cet article portera sur les 6 premiers numéros du comic book COPRA par Michel Fiffe, série principalement publiée à compte d’auteur en VO. Ces 6 numéros font l’objet d’une publication VF chez Delirium.

Imaginez une bande de super-criminels rassemblée pour effectuer les missions les plus dangereuses pour le gouvernement américain. Je parle bien entendu de Copra ! Mais si l’équipe obéit habituellement aux ordres d’une femme ressemblant étrangement à Amanda Waller, ces repris de justice effectuent également quelques opérations pour leur propre compte. L’un des membres de Copra, Man-Head, embarque ses équipiers pour une mission personnelle : récupérer un artefact dangereux dans son village natal. Mais l’objet, un crâne traversé d’un éclat, fait l’objet de convoitises. Une équipe adverse, menée par Vidas, un ex-membre de Copra, massacre la plupart de ses anciens collègues et vole le crâne avant de faire exploser le village. Un massacre pour lequel Copra porte le chapeau. Tous ses membres survivants et leur leader deviennent des fugitifs. Ils doivent dès lors retrouver les véritables responsables de cette boucherie…

Si le grand chef a déjà couvert le précédent comic book de Michel Fiffe, PANORAMA, j’ai personnellement découvert l’auteur dans BLOODSTRIKE: THE BRUTALISTS. Artiste complet, Michel Fiffe y rend hommage à une obscure série des débuts d’Image Comics. Plutôt que de moderniser le concept improbable de super-héros morts vivants imaginés par Liefeld, Michel Fiffe embrasse dans cette série toute la violence des comics d’Extreme Studios et explore des intrigues lancées 20 ans auparavant. Si j’en parle, c’est que dans COPRA, Fiffe fait de même avec les comics des années 80.

Une belle bande de vainqueurs. Ne vous attachez pas trop…
@ Copra Press, Image Comics

De toute évidence, Michel Fiffe rend tout d’abord hommage à la série Suicide Squad de 1987. On s’amuse à tenter de reconnaître les personnages à peine retouchés pour éviter tout problème juridique avec DC Comics. Man-Head est une variation sur Bronze Tiger, l’un des rares protagonistes héroïques de la série, mâtinée du vigilante latino nommé Gangbuster. L’équipe qui se fait massacrer compte des similis Docteur Light, Punch et Jewelee. Amanda Waller est représentée sous les traits de Sonia Stone, leader inflexible de cette bande de criminels.

Lorsqu’elle bat le rappel d’anciens membres, on reconnaît des avatars de Deadshot, Captain Boomerang derrière Boomer ou encore le Comte Vertigo. La série se lit ainsi  comme le successeur direct de la SUICIDE SQUAD d’Ostrander. On oublie la version d’Amanda Waller des New52 ou des films, manipulatrice au point de saboter ses propres missions. Sonia, comme la Waller des débuts, tente d’éviter les sacrifices inutiles et déplore la perte de ses équipiers. Même le style de Michel Fiffe rappelle celui de John K. Snyder III, artiste de SUICIDE SQUAD entre 1989 et 1990.

Fiffe ou Snyder ?
@ DC Comics

Mais au-delà de ces clins d’œil, Michel Fiffe montre un véritable amour du medium et une connaissance encyclopédique des comics de l’époque. En effet, Sonia demande l’aide d’un autre membre, un certain Francis Castillo, pastiche du Punisher, qui leur présente un groupe de cyborgs inspiré des Reavers. Hommage à une obscure histoire de 1990 dans laquelle Frank Castle affrontait cette même équipe. Sonia va également consulter un magicien et son apprentie, clairement des Stephen Strange et Cléa de contrebande. Ceux-ci utilisent un objet proprement Ditkoesque pour découvrir les origines du crâne percé d’un éclat. Ils invoquent accidentellement une créature rappelant les Décérébrés qui entourent le royaume de Dormammu, mais aussi une autre création de Ditko, Shade the Changing Man. Une référence à sa période en tant que membre de la Suicide Squad.

Mais COPRA ne se limite pas à une suite de référence. Dans une lettre au lecteur reproduite à la fin de l’album de Delirium, Michel Fiffe décrit son processus créatif : un travail de production sans retouche ni correction, qui suit le fil de l’inspiration de l’auteur. Il ne s’agit pas de bâcler le travail mais surtout de ne pas le remettre en question. Le résultat est un comics débordant d’idées et d’énergie comme on en voit peu en dehors de NEXTWAVE ou de CASANOVA.  Pourquoi tant de pastiches de personnages DC et Marvel ? Pour ne pas s’attarder à détailler les histoires de chacun et pouvoir se concentrer sur l’intrigue ! COPRA est en réalité l’histoire d’un fan qui, avec des figurines de contrefaçon, parvient à écrire un hommage plus vrai que nature.

Le crâne par lequel le malheur arrive
@ Copra Press, Image Comics

16 comments

  • Eddy Vanleffe  

    VENDU!!!!!!!
    J’adore le concept que je range à coté d’Invincible ou du Alan Moore d’ABC voir d’Astro city…

    je pensais m’offrir les Renegades de Taylor, mais ça a l’air vachement plus récréatif et inventif….

    miam miam….

    • JB  

      Pour faire la boucle avec ton article d’hier sur Jack Kirby: The Epic Life of the King of Comics, Michel Fiffe explique que Walt Simonson lui a soufflé cette technique d’écriture nommée « Le mur de Kirby », à savoir ne pas revenir en arrière, ne pas se remettre en question, ne pas corriger. En parcourant The Epic Life of the King of Comics, on retrouve ça dans l’échange entre Kirby et Jack Katz (futur artiste de The First Kingdom). Jack Katz est en retard dans ses deadlines, ce qui conduira à terme à son renvoi. Kirby lui recommande d’être plus rapide et lui avoue qu’il a arrêté d’utiliser ses gommes des années plus tôt.

      • Présence  

        Très intéressant, je ne connaissais pas ce concept de mur de Kirby. J’ai lu les deux premiers tomes de First Kingdom, la suite m’attend dans ma pile de lecture.

  • Tornado  

    Du comics de super-héros indépendant par un auteur, c’est toujours bon à prendre (quand bien-même c’est un hommage aux Big Two). Et du Delirium, ça ne se refuse pas non plus.
    Bon je dis ça mais je ne promets pas de le prendre parce que 1) Je n’ai rien lu de ce à quoi ça rend hommage et 2) J’ai déjà des milliards de trucs à lire… 🙂
    Jolie plume, JB !

  • Jyrille  

    Merci JB pour la présentation ! Je viens de découvrir cette série via un article de Bublle. Ton article tombe donc à pic. Je suis partagé cependant. D’un côté, l’aspect indé de la chose avec un trait brut et des personnages inédits me donnerait envie d’essayer, de l’autre, je ne connais rien de la Suicide Squad et des références que tu cites.

    Pas certain donc que le plaisir soit total pour moi (et puis je n’ai plus de place sur mes étagères). Mais bon à l’occasion, sait-on jamais…

    • JB  

      J’avoue que c’est un défaut que j’ai ressenti lors de la rédaction de cet article, je n’ai pas réussi à me mettre dans la peau d’un lecteur qui découvrirait le medium avec ce comics si empreint de références.

  • Bruce lit  

    Merci pour cet article synthétique.
    Pourquoi pas, même si désormais je me méfie aussi des séries qui commencent en fanfare avant de s’éteindre dans l’indifférence la plus totale. On parle ici de SOUTHERN BASTARDS ou LADY KILLER et bcp d’autres séries Image.

  • JP Nguyen  

    Cet article me rappelle le texte d’Eddy pour son article consacré à l’artbook de Frédéric Steinmetz : de nos jours, tout est fanfic !
    C’est étrange d’avoir choisi de faire une version clandestine de la Suicide Squad. Sur la cover, la référence à Deadshot est tellement évidente que je suis surpris que DC n’ait pas envoyé ses avocats à Mister Fiffe.
    La dernière phrase de l’article me parle forcément…
    Sait-on jamais, si je tombe dessus, un de ces jours…

    • JB  

      Disons que la sortie de cet ouvrage si peu de temps après celle de THE SUICIDE SQUAD au ciné ne me semble pas être une coïncidence ^^

  • Kaori  

    Je ne connaissais pas du tout Michel Fiffe, et avec un nom pareil, j’étais persuadée que c’était de la BD franco-belge… Ah les préjugés 😉

    Bon par contre, le dessin, le lettrage, ne m’attirent pas du tout.
    Mais j’aime cette façon de présenter l’oeuvre, merci JB !

    PS : pas de BO ? ou alors j’ai raté un truc ?

  • Présence  

    J’ai donc changé d’avis et mis ce tome dans ma liste de lecture. J’y ai bien retrouvé tout ce que tu énonces.

    Mon avis version courte – Voilà un premier tome bien étrange, pour une série très originale. Michel Fiffe réalise un hommage transparent et entièrement assumé à la version de 1987 de Suicide Squad par Ostrander & McDonnell, en ajoutant quelques personnages comme bon lui semble, au travers d’une narration visuelle parfois mal assurée, ce qui en apparence peu donner l’impression d’un récit amateur (fan fiction). Mais dans le même temps, il crée une œuvre résolument originale qui n’appartient qu’à lui, une sorte de récit de superhéros conceptuel, entièrement tourné vers l’action, les hauts faits et le spectaculaire, sans contrainte de plausibilité ou même de structure narrative trop rigide, ce qui peut s’avérer parfois un peu décontenançant.

    Version longue :

    https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/R38NXL4S5FZIJ7?ref=pf_ov_at_pdctrvw_srp

    Bilan ; je lirai le tome 2. Merci à toi pour cette découverte.

    • JB  

      Si tu ne connais pas la série HAYWIRE de DC Comics, je t’en recommande aussi la lecture pour découvrir l’inspiration derrière le personnage en armure, rare rescapé de l’équipe du début.

        • JB  

          Une de ces séries DC « mature audience » qui précèdent l’avènement de Vertigo, avec un personnage atteint de troubles dissociatifs de l’identité

  • Pingback: COPRA International – Michel Fiffe

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