Punisher : Soviet par Garth Ennis et Jacen Burrows
1ère publication le 2/02/21 – MAJ le 22/12/21
Un article du Soviet Supreme BRUCE LITVO : Marvel
VF : Panini
PUNISHER : SOVIET est une mini série en 6 épisodes scénarisée par Garth Ennis et illustrée par Jacen Burrows. Il s’agit d’une histoire complète, indépendante de toute continuité, accessible à la fois aux nouveaux et aux anciens lecteurs, notamment ceux qui considèrent le travail de Garth Ennis pour le Punisher comme équivalent à celui de Frank Miller sur DAREDEVIL.
Si le run de Ennis sur le personnage s’est bel et bien terminé avec VALLEY FORGE, VALLEY FORGE, le scénariste revient de temps à autre saluer Frank Castle dans des récits terriblement violents : PLATOON (2017) et ce SOVIET donc.
De temps à autre, des spoilers mineurs viendront honorer leurs Kalashs !
Comment fait-il ?
Comment ce Diable de Garth Ennis fait-il pour tenir la cadence d’une oeuvre monumentale (dont à peine la moitié est traduite en VF !) dans tous les sens du terme : quantité et qualité ?
Comment parvient-il à avoir encore des choses à raconter sur Frank Castle, 20 ans après ses débuts quand les plus grands, de Frank Miller à Chris Claremont multiplient les come back foireux et les tours de piste orientation oubliettes ?
On parle tout de même d’un personnage monolithique qui ne fait que se tuer à petit feu en tuant à grand feux d’irrécupérables raclures. Une humanité détruite, une vie privée sacrifiée sur l’autel d’une guerre éternelle, un humour aussi noir que son âme, une vie de fami….euh…rien…
Qu’a t-il que les autres scénaristes n’ont pas ? Pourquoi même les plus chevronnés comme Jason Aaaron font forcément moins bien et moins fort ? Comment faire comprendre aux adorateurs de la version Dumbo à tête de mort de Netflix à quel point on leur vend un produit frelaté et que si Marvel peut encore se targuer d’un peu de grandeur et d’intégrité, c’est encore dans ces pages !
Pourtant, qu’il commençait mal ce SOVIET. Au point où il en est Garth Ennis pourrait se viander, qu’on ne lui en voudrait pas plus que ça. Et ce 1er chapitre figure certainement parmi le plus mauvais de la carrière du Punisher tant en terme d’intérêt que de style.
Frank Castle va rencontrer un Punisher version soviétique sur les traces d’un parrain de la Mafia. Après lui avoir -longuement- raconté sa guerre en Afghanistan, les deux hommes transforment en chair à saucisse tous les sbires qui leur tombent dessus avant le face à face attendu avec le grand méchant dans le dernier chapitre.
Bon…, on a déjà lu ça 1000 fois et l’on sait que Ennis aime confronter le justicier à tête de mort à des antagonistes au parcours analogue pour mieux souligner la pureté du personnage.
Le savoir faire du scénariste est là : chaque chapitre illustré avec un nom de chanson (le dernier empruntant les paroles de FIRST WE TAKE MANHATAN de Leonard Cohen) a une fonction : introduction et conclusion (1 et 6), conversations et camaraderie virile (2 et 4), interrogatoire d’une femme forte comme Ennis les affectionne (3). Il faut attendre le chapitre 5 pour que les personnages actionnent leurs gâchettes.
Oh il y a bien ces moments Ennis, ces instants d’une extrême brutalité qui viennent vous mordre aussi brutalement que le crotale : ces soldats russes victimes de Moudjahidines aveuglés, sans bras ni jambes qui implorent la mort, l’horreur effroyablement rendue par Burrows d’hommes dépecés vivants qui attendent la mort dans d’atroces souffrances.
Le parrain russe est certainement le Don le moins mémorable que Castle doit dézinguer et que ce 1er épisode est bavard, fastidieux, allez, disons-le : chiant ! Pour qui voudrait voir de l’action, ces 22 pages sont interminables avec des dialogues assez gratuits même pas rehaussés par le célèbre lettrage noir du justicier.
Armements, politique, tactiques, stratégie même la topographie, Ennis donne parfois l’impression de se dédoubler et de posséder toutes les qualités de Frank Castle avant de se lancer dans l’écriture de son scénario : préparation, méthode et discipline, ne rien laisser au hasard, de distiller par à coups ou par rafales ce que le lecteur attend de lui tout en le prenant en embuscade.
Une impression aussi séduisante que parfois urticante, car il est possible que le lecteur se sente l’otage de ce grand manipulateur. En fait d’une aventure du Punisher, Ennis raconte en fait un récit de guerre comme il les affectionne où le Punisher n’est que la plupart du temps que l’écoutant silencieux du bourbier soviétique, facilement assimilable au Vietnam américain.
C’est là que Ennis est grand : décrire la souffrance de deux soldats de deux nations si opposées l’une à l’autre et en faire des frères d’armes. Ecrire leurs blessures sans cautionner leur violence. Montrer les exactions des deux camps sans ignorer l’horrible réalité des civils. En gros, Ennis maîtrise son récit de guerre et distille une dose suffisante de Punisher à chaque fois qu’il menace de perdre son lecteur : Les Etats-Unis ont financé le rêve en déclenchant d’autres guerres à travers le monde. Des guerres dont la violence est le SAV assuré par Le Punisher, produit et incarnation de ces guerres.
Mais ce qui distingue Ennis, outre sa capacité à surprendre son lecteur en terrain connu, c’est sa magnificence à écrire des fins mémorables, et SOVIET contient sans doute une des conclusions les plus belles de la série avec un Frank Castle brutal puis fraternel, distant et compatissant avec son homologue soviétique.
Quel salaud ! Il l’a encore fait ! Donner une leçon d’histoire et de narration tout en divertissant les lecteurs de la maison des idées n’est pas à la portée de tous. Transformer Frank Castle en témoin silencieux mais proactif des grandes boucheries du siècle dernier, non plus. Au terme de cette nouvelle aventure du PUNISHER, Garth Ennis achève de transformer son vigilant en Soldat Très Connu. Mais, franchement, c’est ce putain de scénariste qui la mérite la médaille !
La BO du jour
Yes !!! Je ne l’ai pas encore lu mais tu prêches tellement un convaincu que je ne regrette pas de l’avoir acheté les yeux fermés (et je suis désormais tellement familier d’Ennis et de son Frank que j’avais l’impression d’y être en dévorant ton article).
Il y a deux Marvel que j’ai envie de lire aujourd’hui : Celui-là, adulte et détaché des super-héros. Une relecture définitivement mature et trash des anciennes icones. Et l’autre versant, tout aussi autonome, que sont les mini-séries qui assument leur amour pour les personnages canoniques tout en offrant également des relectures auto-contenues (le SYMBIOTE SPIDERMAN de Peter David par exemple). Le reste. Nan.
La BO : Ouh pinaise tu t’es pas foulé ! 😅
jolie prose engagée,
Merci de me confirmer que ce n’est pas pour moi ou plutôt je ne suis pas compatible avec le combo Punisher/Ennis…
@Tornado : nous avons désormais peu ou prou la même grille de lecture à la différence que je suis encore capable d’apprécier du old school.
La BO : décidée au dernier moment. J’aurais pu mettre du Leonard Cohen à la place certes.
Oui mais là comparer Ennis à du old school j’ai un peu l’impression qu’on compare le REQUIEM de Mozart à la DANSE DES CANARDS, hein… 😆
Pour la BO : Les Beatles (Back in the USSR) ? RASPUTIN de Boney M ? 🙂
Oh comme tu y vas…
Je dirai plus un vieux bluesman et un disque des Stones.
Je relis actuellement du vieux Lobdell et Nicieza et je trouve ça encore mieux que dans mon souvenir.
Surprise, je lis pour la première fois Magneto War..; et c’est très plaisant finalement. c’est plein de bons sentiments certes (avec des X-Men qui sauvent les bébés d’un hôpital) mais c’est quand même autre chose que le régiment de SS qu’ils sont devenus… (oui la comparaison est exagérée, je sais…^^)
N’ayant toujours aucune vélléité de lire du Punisher, fusse-t-il écrit par Ennis, je passe aisément malgré les qualités que tu soulignes. Il faut dire aussi que je te connais et ce que tu trouveras génial ne sera peut-être pour moi que très bien ou sans plus. J’ai deux histoires du Punisher : La fin et Platoon (je crois), celle chroniquée par Présence, qui est un pur récit de guerre.
Très bon titre encore une fois.
La BO : j’adore. On l’avait étudiée, au collège…
Bigre serais-je devenu un critère de sélection malgré moi (s’il aime, j’aimerai pas ?)
Sur certains sujets, c’est tout à fait possible. Note bien que j’ai aimé les Punisher que j’ai lus, mais aussi la série Netflix, qui est en fait une sorte de préquelle à tout ça, y compris au run de Ennis (enfin c’est comme ça que je l’imagine).
Un intense plaisir que la lecture de cet article qui me permet de redécouvrir cette histoire avec d’autres yeux.
Qu’a t-il que les autres scénaristes n’ont pas ? Pourquoi même les plus chevronnés comme Jason Aaaron font forcément moins bien et moins fort ? – Des questions qui me confortent dans l’idée que ce n’est pas de sitôt qu’un scénariste pourra détrôner Garth Ennis pour ce personnage.
Des moments Ennis […] : ces soldats russes victimes de Moudjahidines aveuglés, sans bras ni jambes qui implorent la mort. En lisant ce passage, dans le contexte de cette histoire, je me suis demandé si ce n’était pas tiré de faits réels… je n’ai pas eu le courage d’aller vérifier.
Il est possible que le lecteur se sente l’otage de ce grand manipulateur : pas en ce qui me concerne. D’une part, il est possible de mettre fin à cette situation à tout moment en reposant l’ouvrage, liberté qui n’est pas donnée aux otages. En plus, c’est exactement une des choses que j’attends d’un bon auteur : être convaincant au point d’emporter l’adhésion du lecteur, de l’embarquer dans son histoire.
J’ai également beaucoup aimé le commentaire sur l’évolution de l’organisation des entreprises. Castle a constaté que Konstantin Pronchenko a gagné en finesse dans ses méthodes, et même en intelligence : il a recours à des professionnels compétents. Impossible de ne pas y voir un commentaire sur la spécialisation des métiers et sur le recours à des consultants, et même à une organisation du travail fondée sur l’externalisation.
Ce passage avec les soldats russes mutilés m’a surtout fait penser au film de Dalton Trumbo « Jonnny got his gun ». Le malheureux protagoniste y est mutilé identiquement, mais par un obus… C’est à mon avis assez typique du travail de Garth Ennis, il s’inspire puis combine dans ses scénarios de plusieurs idées/souvenirs/lectures/références dérangeants qu’il agglomère dans des scènes choc. Le résultat est un concentré de noirceur bien crade. Mais je trouve qu’il en fait toujours un peu trop. C’est toujours un peu outrancier, voire grotesque. Et parfois ça casse un peu l’effet recherché. C’est son côté « sale gosse qui ne sait pas s’arrêter » (je sens que je vais me faire des amis en parlant ainsi du bonhomme…).
C’est justement son effet sale gosse que j’adore chez lui. Bien vu pour Johnny.
« Il est possible que le lecteur se sente l’otage de ce grand manipulateur : » au vu des dernières années, on peut plus certes employer ce mot à la légère.
« J’ai également beaucoup aimé le commentaire sur l’évolution de l’organisation des entreprises. Castle a constaté que Konstantin Pronchenko a gagné en finesse dans ses méthodes, et même en intelligence : il a recours à des professionnels compétents. Impossible de ne pas y voir un commentaire sur la spécialisation des métiers et sur le recours à des consultants, et même à une organisation du travail fondée sur l’externalisation. »
Cet aspect m’est passé complétement au dessus de la tête
Je n’ai pas encore lu ce SOVIET, mais cela ne saurait tarder 😉
C’est vrai que le run de Ennis sur le PUNISHER s’est bel et bien terminé avec VALLEY FORGE, VALLEY FORGE, mais lorsque le scénariste revient sur le personnage c’est toujours bienvenu et enrichissant.
THE PLATOON par exemple est important pour nous éclairer sur le passé du personnage et mieux comprendre sa caractérisation. Il complète parfaitement BORN et VALLEY FORGE justement.
J’ai toujours été épaté par ENNIS il connaît parfaitement l’histoire et se base bien souvent sur des faits historiques qui ont eu lieu.
Que ce soit avec le PUNISHER ou avec NICK FURY non seulement on se divertit avec ses histoires mais on s’instruit aussi avec les événements historiques relatés qui eux sont bien réels.
La BO: Ce morceau est sorti pendant là guerre froide au milieu des années 80. J’étais ado et à l’époque j’essayais déjà de comprendre les paroles.
Par contre pour la composition musicale STING ne s’est pas foulé : il a emprunté la mélodie à un air de musique classique (un thème de PROKOFIEV).
Mais bon ce n’est pas le seul à reprendre de la musique classique GAINSBOURG l’a aussi fait😉
Je ne connais pas ce morceau de Prokofiev. Je suis pas fan de Sting mais ce morecau est celui que je préfère de lui. J’ai essayé de me remettre son triple album NOTHING LIKE THE SUN que j’avais acheté ado et j’ai souffert.
Il me semble que NOTHING LIKE SUN est un double album. Je l’ai en vinyle et il n’y a que 2 LP dans la pochette.
Cela fait un moment que je ne l’ai pas écouté.
J’ai aussi THE DREAM OF THE BLUE TURTLES ( en disque vinyle également) . L’album où figure Russians.
Ils font partie des disques de mon adolescence qui ont traversé tous mes déménagements.
Je les ai gardé car j’aime bien STING et je trouve que sa musique n’a pas trop mal vieilli.
Mais, je préfère et de loin sa période POLICE. Un groupe que j’apprécie énormément.
J’ai le l’album entre les mains et je n’y trouve que 2 vinyles !!!
Damned aurais-je perdu un disque ?!!!😀😀😀
Existe-t-il plusieurs versions?!!
As-tu le CD ou le vinyl?
Je m’incline. Après c’était si ch*** comme disque que c’était probablement aussi long qu’un triple album !
Dans mon souvenir la pochette n’était pas double ce qui explique aussi ma confusion.
Oui pochette simple avec 2 disques dedans 😉
Je l’avais en CD. C’était un seul disque ^^
Je ne les ai pas gardés, mais j’ai encore The Soul Cages, sans doute son meilleur album, et Ten Summoner’s Tales, je ne sais pas pourquoi, mais je me suis juré de le réécouter un jour celui-là.
Je crois que c’est dans Nothing Like The Sun qu’il y a Moon Over Bourbon Street que j’adore (tout comme The Secret Marriage tiens), mais aussi une reprise calamiteuse de Little Wing de Hendrix.
De NOTHING LIKE HE SUN je ne retiens que ses morceaux éthérés et envoûtants : Fragile, They Dance Alone et Sister Moon. Le reste effectivement, c’est pas mon truc du tout (chiant).
Oui, il est possible que pour la version CD il n’y ait qu’un seul disque.
Au final, il n’y a pas beaucoup de morceaux et je pense que toutes les pistes peuvent tenir sans problème sur un CD.
Sinon, globalement je suis assez d’accord sur votre constat. Ce n’est pas un grand album.
Reprendre Little Wing n’est pas facile. Ce qui fait la force de ce morceau c’est le son de guitare si particulier de HENDRIX (Inimitable). Sans cela la chanson est banale.
Malgré tout, les arrangements de cet album sont au top. Si l’on regarde les crédits : ERIC CLAPTON et MARK KNOPFLER à la guitare sur certains morceaux. MANU KATCHÉ à la batterie, ANNIE LENNOX dans les cœurs d’une chanson…. Excusez du peu !
C’est vrai que They Dance Alone est super. Cela dit, Surfer, je ne suis pas friand de ce name dropping, souvent ce genre de collaboration n’est pas si fructueuse ou pertinente. J’ai écouté un album solo de Phyl Lynott de la même époque avec Mark Knopfler, on dirait du Dire Straits.
Et comme je le dis sur mon article de Phil Collins, à l’époque, ces types et ces filles étaient partout, ils prenaient toute la place. Pareil pour Manu Katché qui a beaucoup joué avec Peter Gabriel (il était là la seule fois oàù j’ai vu Gabriel en concert, vers 1995, sur la tournée US).
J’ai lu cet arc. Je l’ai pris comme un bonus track. Si on aime le Run Max, c’est comme de revenir chez soi. Sauf que Burrows, sans être moche, est moins bon que Leandro Fernández et beaucoup moins savoureux que Parlov.
Une lecture comparable à un whisky. Assez âpre et qui ne plaira pas à tout le monde. Dans mon classement perso des Punisher de Garth Ennis, je ne le mettrais pas dans les grands crus mais c’est un apero solide.
Moi j ai trouvé le tout planplan.. Du ennis sur Punisher… et pour moi Born est un peu DKIII de Miller… donc bon..Là on est sur All Star Batman & robin quoi.. toujours quelques idées interessantes mais planplan et facile.
J’échange tout Hickman contre ces 120 pages planplan moi.
Tu m’étonnes…