MIRACLEMAN TOME 2, par Alan Moore, Alan Davis & collectif
Par TORNADO
VO : Marvel Comics
VF : Panini Comics
Cet article porte sur le second tome de la magnifique réédition dédiée à MIRACLEMAN, le premier super-héros du Dark Age dans sa version réinventée par Alan Moore (d’après une série originelle créée par Mick Anglo dans les années 50).
Vous trouverez ici l’article sur le premier tome. D’autres suivront à propos des tomes 3 (le dernier d’Alan Moore) et 4 (le premier de Neil Gaiman).
Ce second recueil regroupe le deuxième arc narratif réalisé initialement entre 1983 et 1986 (épisodes #5 à 10), divisé en une quinzaine de segments de six à douze pages chacun, publiés à l’origine dans le magazine anglais Warrior, puis dans le magazine américain Eclipse Comics.
Les dessins sont réalisés par divers artistes successifs, à commencer par Alan Davis, suivi de John Ridgway, Chuck Austen, Rick Bryant et Al Gordon.
Le pitch : Miracleman semble avoir pris le dessus. C’est désormais lui qui couche avec sa femme, Liz, et qui réussit à la mettre enceinte, ce que son avatar sans pouvoirs Michael Moran n’avait jamais réussi à faire. Mais, du coup, le bébé à naitre ne sera certainement pas comme les autres. Il n’en faut pas plus pour déclencher une série d’événements, à commencer par le kidnapping de Liz par l’infâme Dr Gargunza détenteur des secrets de la création du surhomme. Des événements qui vont rapidement bouleverser la vie de cette famille en quête de sa propre réalité, tandis que nous plongeons encore plus loin dans les origines mystérieuse de Miracleman. Car jusqu’ici, tout ne nous avait pas encore été révélé…
Nous avions exploré l’essentiel du concept de la série lors de l’article précédent, consacré au premier tome. Nous savons désormais tout de sa genèse et de son apport révolutionnaire au monde jusque-là cloisonné et enfantin des comics de super-héros (pour mémoire, la reprise de la série MIRACLEMAN par Alan Moore correspond au moment où le Comics Code Authority commence à perdre une grande partie de son influence).
Les premiers épisodes donnaient le ton avec une approche extrêmement mature et adulte du medium, avec un point de vue grave et inédit sur le sujet, appuyé par une narration tout aussi novatrice, qui teintait le récit d’une dimension philosophique incomparable, avec un sens de la mise en scène quasi-cinématographique, dominée par des soliloques inspirés (s’il existait encore quelques bulles de pensée dans les premiers épisodes, elles ont ici complètement disparu !), qui fait encore école aujourd’hui.
Ce second arc narratif enfonce le clou en plongeant le lecteur et tous les personnages de la série dans un bain de sang et de folie, dans une ambiance glauque et malsaine encore assez édifiante trente ans plus tard. Il apparait désormais évident que le scénariste, dans son entreprise visant à explorer toutes les notions jusque-là interdites aux histoires de super-héros (la violence littérale, la nudité crue de la chair laide, la folie et la cruauté psychotique), a tenté d’aller au bout de ses expérimentations. Et l’on peut ainsi s’attendre, sachant qu’il reste encore un troisième tome écrit par Alan Moore (regroupant les épisodes #11 à 16), à ce que les aventures de Michael Moran nous entraînent toujours plus loin dans cette exploration narrative inédite.
A l’arrivée, notre série est l’une des premières à s’émanciper des carcans manichéens des comics de super-héros standards et elle explore sans complexe de nouveaux horizons : Miracleman n’est pas un héros. C’est un homme normal qui s’est retrouvé affublé de superpouvoirs. Et lorsqu’il doit affronter ses ennemis et sauver sa femme, son comportement n’a rien d’héroïque, tandis que ses capacités hors du commun stimulent son agressivité et sa violence animale et instinctive. Le résultat n’est pas, comme dans les comics habituels, inoffensif et cathartique, mais au contraire choquant, malsain et dérangeant.
Pour ceux qui le connaissent, le style du scénariste est immédiatement reconnaissable et il est toujours aussi impressionnant de constater l’avance qu’il possédait, à l’époque, sur l’ensemble de la profession en matière de technique narrative, tout en maîtrisant comme personne l’art de manipuler les concepts.
Et c’est d’ailleurs directement à l’issue de ces épisodes qu’il réalisera ceux du mythique WATCHMEN.
Certains lecteurs pourront sans doute pinailler sur l’aspect un peu vieillot de l’ensemble (ce que je trouverais étonnant dans la mesure où ces mêmes lecteurs ne pinaillent étrangement jamais à propos des vieilleries de chez Marvel et DC Comics !), et surtout sur la laideur relative des dessins, et ce malgré la remastérisation des planches bénéficiant d’une toute nouvelle colorisation (mais là, pour le coup, ce sont les puristes qui viennent pinailler !). Il est vrai que les dessins ne sont pas très jolis, pas même ceux des premiers épisodes réalisés par le grand Alan Davis. D’un point de vue graphique et esthétique, c’est effectivement daté et très inégal.
Il n’en demeure pas moins que ces épisodes, bien que légèrement en dessous de ceux du premier tome car ils étirent peut-être un peu trop le même concept, possèdent une classe narrative et un art du découpage, une profondeur et une toile de fond d’une richesse telle, qu’elle les destine à trôner à des années lumières célestes au-dessus du tout-venant de la production de comics super-héroïques. Et s’ils sont sans doute moins directement séduisants et divertissants, ils sont, aujourd’hui encore, nettement plus novateurs, matures, profonds et intéressants que 99% de ce que le médium est arrivé à nous proposer depuis sa création. C’est en tout cas cette sensation qui nous submerge à l’issue de cette lecture, lorsque l’on prend conscience que l’on vient de découvrir quelque chose d’une qualité supérieure à la moyenne, qui, en plus, ne nous a pas déjà été raconté un bon millier de fois…
Cette collection (qui reprend le modèle américain) est décidément une aubaine et un bonheur pour les fans. En format deluxe (la couverture est superbe), elle ajoute en fin de recueil un certain nombre de bonus, avec un court épisode amusant de quatre pages effectué par un collaborateur du journal Eclipse Comics, une très belle galerie de croquis, de planches en noir et blanc et d’illustrations diverses.
Rendez-vous au prochain tome !
La BO du jour BO :
Quand la lecture d’un comic-book devient un sale trip, mais que c’est trop bon (et que plane l’ombre de Gainsbourg)…
Ah ben zut, j’attendais un petit développement sur les dessins de Chuck Austen, qui a depuis fait l’unanimité en tant que scénariste. 🙂 C’est très plaisant de replonger ainsi dans ces épisodes mémorables.
J’aurais bien fait partie des puristes râlant sur la recolorisation, mais un article m’avait fait reconsidérer mon jugement de valeur. Le commentateur faisait observer que lors de la parution originale, les limitations techniques d’impression faisait que les couleurs ne correspondaient déjà pas aux envies du dessinateur, et pas forcément à la vision du coloriste, sans parler du nuancier également limité par la technologie.
Une narration qui fait encore école aujourd’hui : oui, formulé comme ça, ça fait mal pour les suivants, toujours au même niveau 30 ans plus tard, quand ils arrivent à ce niveau…
Ce n’est pas un héros, c’est un homme normal : je me souviens encore de cette sensation d’être dépassé par MarvelMan, la nostalgie de l’individu qui se sait obsolète.
J’ai l’impression de m’être un peu fait avoir avec la collection Miracleman : chaque livre est cher et contient 50% de bonus inutiles. Un bon moyen de pomper le plus de pognon possible aux lecteurs désireux de connaître enfin ce run légendaire d’Alan M… pardon, « the original author ».
L’édition VO est à l’identique de l’édition VF, avec le même constat que celui que tu fais : je n’avais pas non plus une grande envie d’avoir tous ces bonus. On peut supposer que Marvel a tout fait pour rentabiliser son investissement de rachat des droits des personnages, et de reconnaissance du créateur en Mick Anglo en rééditant une partie des aventures originelles de Marvel Man, recueils qui n’ont pas dû se vendre beaucoup.
Les albums sont certes bourrés de bonus pas toujours intéressants, mais la maquette est quand même sacrément jolie. Pour un fan de la série, c’est super je trouve. Pour un lecteur occasionnel, sûrement moins.
Marvel est une machine à faire du pognon, voilà tout. Rien à voir avec le plaisir de lire des comics.
alors je suis assez d’accord…Par contre dans cette logique là, Panini ne fait que s’adapter…
Finalement, c’est un des derniers Alan Moore que j’ai découvert… La lecture est incroyable mais pas forcément toujours agréable. si je poussais le bouchon, je dirais qu’en « post-moderne » cette oeuvre contient déjà tout et que le reste est déjà répétitif…
très bonne analyse en effet concernant le rejet de la beauté formelle, la chair laide… bonne formule.
Je ne ressens pas vraiment d’intérêt pour ce comics. Alan Moore ou non.
Je suis plus intéressé par le tome 3 de Swamp Thing qui et sorti fin aout^^
Enfin…j’ai toujours pas pris le tome 2
Mais j’ai plus trop la place de stocker ces énormes bouquins, Urban !
J’ai compris pourquoi votre logo c’est des immeubles ! Chaque bouquin est un parpaing !
Matt tu tiens là une vraie punchline!
Vend là à Panini, ils pourront enfin répliquer sous les trolls…
Plusseeddy
Si l’occasion se présente pourquoi pas, mais comme je l’avais signifié pour le premier volume pas sûr que cet univers m’intéresse. Je ne trouve pas les dessins laids, on est sur du protoWatchmen et dans la construction de ce qui te tient à coeur : la construction du comic book mature et sans concession.
Je bloque complètement sur la première histoire du deuxième tome de Swamp Thing tome 2 et me demande même si j’ai envie de poursuivre cette lecture.
Le final de l’arc American Gothic de Swamp Thing (celui sur lequel tu bloques) est éblouissant. Il y a un passage à vide à un moment, mais le dénouement en vaut la peine.
Ce qui me bloque un peu pour continuer moi, c’est que j’ai lu le commentaire de Présence sur les épisodes du tome 3…et apparemment Moore ramène des super slips, Batman, tout ça…
Et c’est ce qui me gonflait dans le tome 1 : on n’a vraiment pas besoin d’eux !
J’ai acheté les trois tomes. Pas lu un seul. D’ailleurs je dois lire la réédition de Len Wein sur le même personnage d’abord.
Comme promis : je vais lire le tome 3, et je ferai l’article après…
Une œuvre de Alan Moore que je n’ai pas lu.
Je la découvre en lisant ces lignes.
Malgré les qualités évidentes mises en avant, je n’ai pas envie de découvrir cet univers.
J’entends bien l’apport révolutionnaire qu’à eu ce comic. Mais, je ne lis du Old School de Super Héros que si et seulement si, il fait écho à mon enfance.
Ce que je recherche avant tout, c’est l’effet nostalgique.
D’autant plus que je ne suis pas sûr que ce soit l’univers MIRACLEMÀN qui ai apporté cet apport révolutionnaire. Mais plutôt l’écriture de Moore.
Et Alan Moore a écrit d’autres choses qui me semblent plus intéressantes à posséder.
Je suis fan d’Alan Moore et je pense que ça se voit. Je considère Miracleman comme un incontournable absolu de son oeuvre. Un truc énorme. Nécessaire. Ce n’est justement pas du old-school, mais l’élévation du medium super-héroïque. Après c’est plutôt glauque, là où un Tom Strong sera plus fun. Faut adhérer.
Oui ça se voit 😉
Moi aussi je suis fan.
Et, Je me trompe peut-être avec MIRACLE MAN, j’ai probablement tort de ne pas m’intéresser.
En fait je n’ai jamais franchi le pas car je pense que Watchmen est son œuvre ultime sur les Super héros. Donc, tout ce qui traite du même thème écrit par Moore ne m’attire pas.
Je préfère le voir dans d’autres Univers.
Lorsque je parlais de Old School je pensais à tout ce qui a été fait avant l’âge moderne des Comics (1986 je crois.)
Évidemment que Moore n’a pas une écriture vieillotte. Sa narration est moderne et adulte.
Tout comme Invincible, je veux bien lire tout ça si on me les prête. Les dessins ont l’air effectivement assez laids, et ton résumé du ton de la bd me rappelle ce qu’ont pu faire Veitch avec Brat Pack (jamais lu mais je flabme parce que je me souviens de l’article de Présence) ou Ennis avec The Boys (itou, mais là parce que je dois mater la saison 2 sur Amazon Prime).
Novateur donc, je veux bien te croire. Mais il y a pas mal d’autres Moore que je n’ai pas lu. Un jour, je trouverai les Liberty (avec Dave Gibbons) qui m’étaient passés sous le nez à l’époque.
Merci en tout cas pour le rapide tour d’horizon !
La BO : le seul disque de ce groupe que j’aime vraiment (mais je n’ai pas tout tenté non plus). Il faudrait que je revoie le film, j’avais bien aimé, tout comme le roman.
Tu aimerais Miracleman. A coup sûr (à 99% (sûr) (parce que tu m’étonneras toujours)). C’est dans tes cordes.
Air : J’aime beaucoup PREMIERS SYMPTÔMES, MOON SAFARI et surtout POCKET SYMPHONY.
10000 Hz LEGEND et MUSCLE MUSEUM sont pour moi inécoutables. Donc à priori ils devraient te plaire ! 😀
(pardon c’est MUSIC FOR MUSEUM, j’ai confondu avec Muse !)
J’ai cru comprendre oui ^^
Moon Safari est sympa mais pas transcendant. 10000 HZ m’a bien ennuyé, les autres pas essayé je crois.
Au fait, je n’ai pas compris. Il y a un délire à la Prince / Love Symbol avec Moore ? Il ne faut plus prononcer son nom ?
La grossesse de la femme de MIRACLE MAN : c’est à cela que se réfère Gaiman dans son deuxième arc pour SANDMAN ?
Pour Sandman je ne sais pas, je ne l’ai jamais lu (pas encore) ^^.
Pour Alan Moore c’est très simple : Brouillé avec Marvel (et DC), il refuse, après procès, que son nom apparaisse sur les rééditions de ses travaux. Sur sa décision, tout l’argent qui doit lui revenir est reversé aux dessinateurs.
J’avais emprunté le un en médiathèque et peut-être aussi feuilleté voire lu celui-là aussi mais je n’en garde pas grand souvenir, à part un côté très glauque qui ne m’incite pas vraiment à y revenir…