Récréation (Bloodshot Reborn)

 

Bloodshot Reborn par Jeff Lemire et Collectif

Un article de BRUCE LIT

VO : Valiant

VF : Bliss Comics

1ère publication le 26/11/2020- MAJ le 26/11/22

Spider-Man Bloodshot No More !
©Valiant Comics

BLOODSHOT REBORN est une mini série en 18 épisodes (4 recueils) scénarisée par Jeff Lemire et illustrée très efficacement par Lewis Larosa et Mico Suayan.

Il s’agit d’une histoire accessible au tout venant. Il suffit de savoir que Bloodshot est un super soldat invulnérable qui a perdu ses pouvoirs et qui va progressivement les retrouver au fil de cette renaissance. Tout ça est de toute manière efficacement mis en image pour qu’un lecteur dilettante à l’univers Valiant s’y retrouve.

Attention, les spoilers risquent de voler bas sur la Bloodshot Avenue…

Je vous l’avoue, voici une lecture effectuée plus par curiosité personnelle que par un réél attrait pour cette nouvelle itération du super soldat increvable et tourmenté. Pour ça, on a déjà le Punisher et Wolverine, Captain America, Nuke, Spawn et plein d’autres ; nous verrons que Bloodshot n’apporte pas grand chose à l’édifice en terme d’originalité.

Après un faux départ avec Jeff LEMIRE (ses XMEN calamiteux (l’homme a quand même cosigné l’éprouvant XMEN Vs INHUMANS), son SWEET TOOTH bancal, son PLUTONA sympathique), celui-ci aura su emporter mon adhésion pleine et entière dans sa deuxième partie de carrière : son bouleversant ROYAL CITY, l’angoissant GIDEON FALLS, l’ambitieux BLACK HAMMER, et la curiosité de voir ici comment le canadien mélancolique se débrouillait avec un flingueur bourrin. Les dessins sont aussi formidables que les couvertures, c’est plus que suffisant pour sauter le pas, non ?

En lisant ces 4 aventures, des comparaisons inévitables s’établissent : Bloodshot, ce n’est rien d’autre qu’un Punisher (la ressemblance est flagrante sous son identité civile) qui aurait acquis le Healing Factor de Wolverine et les mêmes implants mémoriels. Ray Garrison est une machine à tuer manipulé par des scientifiques sans scrupules qui en ont fait un morceau de viande juste bon à refroidir son prochain sans états d’âme jusqu’au jour où une super héroïne détecte en lui la capacité à faire le bien et le purger de ses nanites.

Débarrassé de ses pouvoirs, Bloodshot fait dans les clichés en plus du ménage chez une petite vieille à la campagne. Profil bas dans un motel, accompagné de vins mauvais et de remords jusqu’au moment où il va devoir retâter de la gâchette pour obtenir sa rédemption. Ses fameuses nanites jouent les symbiotes et possèdent des civils qui, en commettant Carnage sur Carnage, vont le forcer à troquer sa serpillière pour son fusil à pompe.

Le deuxième arc est à peine plus original puisqu’il s’agit tout simplement d’un remake de OLD MAN LOGAN : 30 ans après, Bloodshot est un vieux fermier qui a enterré armes et munitions pour tenter de mener une vie sans violence dans un future apocalyptique. Le massacre des siens façon MAD MAX va le persuader d’un dernier raid désespéré à la DAYS OF FUTURE PAST en Teamup avec un vieux NINJAK en lieu et place de Hawkeye.

Le dernier arc, BLOODSHOT ISLAND, où coincé sur une île, Bloodshot est traqué par un Predator qui le tue chaque jour jusqu’à sa prochaine résurection est le plus original même si le teamup avec d’autres Bloodshot copies conformes de Captain America flirte dangereusement avec ce Déjà Vu des implants psychiques.

Oh, rien de stigmatisant. Tous les éditeurs indépendants ont eu leur itération des personnages DC/ Marvel censés vivre des aventures dégagées des contraintes éditoriales et des parts de marchés des Big Two. Il s’agit pour ces compagnies d’attirer ses lecteurs avec un concept analogue sans avoir à supporter les énièmes morts et résurections de Jean Grey, les éditions Valiant n’étant ni plus ni moins que l’émanation de Jim Shooter l’éditeur en chef de Marvel après son éviction de la maison des idées.

A ce jeu, Lemire écrit en toute transparence. Il cite ses sources, multiplie les clins d’oeil et fait montre d’une certaine cohérence puisque il écrira à son tour une version nettement plus profonde du OLD MAN LOGAN de Millar.
Son écriture est solide (malgré une faute de script incompréhensible : pourquoi annoncer au lecteur que la rencontre avec Magic est une catastrophe alors que c’est tout le contraire ?), excellemment rythmé avec aucun temps mort. Ces aventures sont haletantes avec un équilibre rigoureux entre les carnages et les introspections du personnage.

C’est sans doute ici que le bât blesse : on pouvait sans doute attendre autre chose de la part d’un scénariste comme Lemire que ce travail professionnel mais sans réelles surprises. On y trouve bien sa touche : un personnage qui fait beaucoup dans l’auto-apitoiement, un humour inexistant, une mélancolie le disputant à l’auto-dépréciation et le sentiment de ne pas être à la hauteur, des traits de caractère qui, effectivement, peuvent évoquer un Wolverine, époque Claremont qui, malgré le fait de répéter être le meilleur dans sa partie, était intrinsèquement convaincu de ne pas mériter le salut que Charles Xavier lui proposait.

On se rappellera qu’avec une trame de départ caquée sur les X-MEN, Joshua Dysart dépassait avec ses HARBINGER le modèle initial en imposant sa touche faîte d’une solide étude des caractères, d’une histoire passionnante et d’une véritable oeuvre géopolitique. Sans doute aurait-on aimé voir Lemire quitter sa zone de sécurité (des personnages malheureux prisonniers de leur passé hésitant à se diriger vers le futur) pour effectuer un travail plus habité ; il a 18 épisodes pour le faire et a montré avec BLACK HAMMER qu’il pouvait faire des miracles en moins de 400 pages.
Pas ici où son habileté consiste à recycler le technovirus de Cable, les Nanites de Grant Morrison et le caractère indomptable de Frank Castle (on retrouve d’ailleurs avec plaisir Lewis Larosa, le dessinateur de l’inoubliable IN THE BEGINING).

BLOODSHOT REBORN reste un divertissement honnête, un produit impeccablement emballé à défaut d’originalité qui s’accommodera sans problèmes de plusieurs relectures. Une récréation à défaut d’une re-création. Il fait partie de ces comics nécessaires pour se reposer les méninges sans s’avilir pour lire des oeuvres plus ambitieuses : d’autres histoire de Lemire par exemple.


La BO du jour : Un Road movie en solitaire et pourtant….



15 comments

  • Tornado  

    Et bien, quelle déclaration d’admiration à cet auteur !
    Je ressors de la fin de BLACK HAMMER très mitigé. Je trouve qu’il manque franchement un truc à cette série qui parle beaucoup pour ne pas faire grand chose en près de 5 tomes et deux mini-séries satellites.
    Qui plus-est je reste farouchement à l’écart de l’univers Valiant de peur d’approcher de trop près un nouvel univers partagé (non merci).
    Pour le reste je pense que ça pourrait me plaire d’autant qu’effectivement, la partie graphique arrache tout…
    Un jour, peut-être, si j’arrive à finir ma PAL et que Dieu me prête vie…

  • JP Nguyen  

    Content de savoir que Larosa rebosse un peu dans les comics. Il m’avait accordé une courte interview pour Scarce. Ça doit faire 10 ans, déjà. Punaise…
    Valiant : malgré la pub, les comics gratuits et autres, j’ai jamais trop éprouvé d’intérêt jusqu’ici. Trop l’impression du produit de contrefaçon. Ah si, un peu pour Harbinger et Divinity…

  • Bruce lit  

    Oh je suis quand même assez critique sur l’écriture de Lemire qui trouve vite ses limites ici. Je lis souvent ici ou là que Lemire est un génie. Ce en quoi je dis NON. Il est très irrégulier et souvent fade. Mais quand il est bon, il l’est vraiment pour ROYAL CITY ou BLACK HAMMER que je n’ai pas fini. Ces deux productions me font lui pardonner bcp de choses plus conventionnelles comme ce Bloodshot.
    Pour Valiant, je pioche dans ce qui me plait sans attribuer aucune passion pour une quelconque continuité.

    • Présence  

      Parmi les grandes réussites de Jeff Lemire, je ne peux que te recommander chaudement Roughneck (Winter Road en VF) dont je t’ai envoyé l’article.

  • Eddy Vanleffe  

    Valiant a été je trouve très intelligent dans la gestion de leur univers partagé, et Bliss encore plus. chaque volume est assez autonome et contient tous les épisodes nécessaires à la compréhension de l’histoire (si crossover il y a tout est publié dans le volume, pas besoin de chercher à droite à gauche.
    bon le défaut c’est que toutes les fins sont « ouvertes » mais ça…même les films sont comme ça…au cas où….
    perso sur Bloodshot j’aime bien le premier intégrale par Chistos Gage…il est très action et fait son boulot sans péter plus haut que son cul… ce volume là par Lemire est pas mal non plus dans son côté road movie mais oui, il ne faut pas non plus y chercher une « révélation »
    un troisième série est assez plébiscitée également
    le truc c’est qu’on peut les lire à la suite comme les ignorer si on en a envie…

  • Jyrille  

    J’aurais dû le savoir, qui dit Valiant dit Bruce ! Merci pour la présentation et tes conclusions, je ne me jetterai évidemment pas dessus. Par contre, tous les dessins sont impressionnants, et comme tu le dis, au niveau maquette, lettrage, logo, ça a l’air très beau.

    As-tu vu le film avec Vin Diesel ? Pour moi c’est un gros gâchis.

    La BO : absente, elle doit être en homeworking…

  • Matt  

    Je ne ressens hélas aucune espèce d’intérêt pour Valiant, pour des héros que je ne connais pas.
    Les super héros en fait ça m’a passé. Je suis attaché à ceux que je connais, mais rien à carrer de ceux que je ne connais pas.
    Quand je ne lis pas du DC ou du Marvel, je cherche tout sauf encore du super bonhomme musclé badass qui tape tout. Je lis du polar, du manga, de la SF, de la fantasy, de l’indépendant, etc.
    Donc là…ça me glisse dessus^^

  • Kaori  

    Bruce modéré ? Je ne m’y attendais tellement pas que j’ai cru que c’était Présence qui s’essayait à un nouveau style ! 😉

    Bon, plus sérieusement, tu parles de 4 aventures, mais tu ne nous fais le résumé que de 3 arcs. Ou alors j’ai mal compris ?

    Moi j’aime bien l’univers Valiant. Comme tu dis, ça marche aussi bien dans l’auto-contenu qu’en tant que continuité. Et il y a une belle exigence au niveau de la charte graphique.

  • Tornado  

    Superbe cette chanson du King. Où as-tu déniché ça ?

    • Bruce lit  

      @Matt : je partage ton overdose de Superhéros estimant que le genre a désormais dit tout ce qu’il avait à dire. Mais parfois, des séries comme INVINCIBLE ressucitent le genre avec brio et je ne m’en prive pas. Ceci dit avec sa trentaine de volume, tu peux t’asseoir dessus.
      @Kaori : Extreme is Bruce Lit. J’ai écrits cet article cet été, je ne m’en souviens plus.
      @Tornado : un morceau tiré d’un coffret introuvable désormais chez les disquaires qui compile des raretés du King. Il est très accesible ailleurs et il en vaut vraiment la peine. Rien que la pochette quoi…

  • Présence  

    3,5 étoiles pour toi, 4 pour moi : nous sommes sur la même longueur d’onde.

    Les dessins sont aussi formidables que les couvertures : je me suis fais la même réflexion.

    Un travail professionnel mais sans réelles surprises (si quelques-unes quand même 🙂 ), un divertissement honnête, un produit impeccablement emballé : tout pareil, je trouve Lemire plus investi dans ses propres créations.

  • Surfer  

    BLOODSHOT REBORN a l’air sympa.
    J’aime beaucoup les dessins et le découpage. Un artiste qui m’avait déjà fait une belle impression sur PUNISHER.
    Malheureusement dans la vie il faut faire des choix. On ne peut pas tout acheter et tout lire.
    Le manque d’originalité du personnage que tu as évoqué en fait une raison suffisante pour que je renonce à cette mini série de 18 épisodes.

    A choisir je préfère me lancer dans GIDEON FALLS du même scénariste. C’est déjà un peu plus original comme concept.

    Pour info, je viens de lire son KILLER SMILE. Je sais que tu avais fait un critique un peu mitigée.
    J’ai, pour ma part, trouvé ce récit excellentissime.

    La BO: je ne connaissais pas ce titre du king. Merci pour la découverte. Sinon Elvis c’est la BASE quoi ! Celui qui a démocratisé le rock et le premier à créer des ponts entre la musique noire et la musique blanche.

    • Bruce lit  

      @Présence : c’est encore à toi que je dois cette découverte. Merci. Tu fais bien de me rappeler l’existence de WINTER ROAD dans les cartons.
      @Surfer : Excellentissime ? Comme tu y vas ! Je réserverai cet terme au Joker de De Matteis. Malheureusement mon activité professionnelle et l’enchainement de l’article Manoeuvre avec le bilan de fin d’année annihile toute velléité de ma part de vous en parler.
      Elvis : vraiment si vous avez l’occasion de vous procurer d’Elvis en lien, faîtes-le. Pour 5€ c’est une tuerie.

  • Flavien  

    Je suis complétement en phase, avec une appréciation spéciale pour la partie sur l’ile. J’ai découvert Lemire parce que Dean Ormston habite pas loin de chez moi et donc ma boutique de comics met en avant tout ce qu’il fait, ainsi que Lemire qui est venu aussi …
    Cela ne m’a pas plus donné envie de plonger dans l’univers Valiant, meme si j’ai quelques figurines a peindre … un jour peut etre …

  • Fletcher Arrowsmith  

    Comme cela me donne envie de relire ce run de Lemire…..

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *