Focus : Les What If consacrés au justicier aveugle
Des devinettes de JP NGUYEN
VO : Marvel Comics
VF : Lug/Semic/Panini
1ère publication le 25/11/2020 – MAJ le 12/08/21
Il y a un bout de temps déjà, je vous avais parlé de : cinq one-shots de Daredevil . J’avais envie de récidiver et je me suis dit…
« Et si… on parlait des What If ? » Vous savez, cette série qui explorait les mondes parallèles où les choses s’étaient déroulées différemment, parfois sur un simple détail, pour faire diverger notablement le cours de l’histoire marvelienne. L’homme sans peur avait eu droit à son lot d’uchronies et je me propose de vous parler de cinq d’entre elles.
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Et si… il y avait des spoilers dans cet article ?
Et si DD était devenu agent du SHIELD ? – 1981
Dans le numéro 28 du premier volume de What If, Mike W Barr et Frank Miller himself explorent cette éventualité, Miller se chargeant aussi des dessins, avec un encrage de Klaus Janson. Le résultat est sympathique mais anecdotique. Le fait de retrouver l’équipe artistique titulaire du titre DAREDEVIL dans ce récit alternatif lui confère un charme supplémentaire alors que les What If n’étaient pas toujours gâtés côté dessins. Ici, on retrouve toute l’énergie et le dynamisme du début du run de Miller/Janson, avec un héros bondissant, adoptant des poses de combat improbables mais produisant un effet immersif certain.
Et comment qu’il rejoint le SHIELD, le petit Murdock ? Ben en fait, juste après l’accident qui lui coûte la vue et lui donne ses pouvoirs, Tony Stark passe par là et, au lieu de l’emmener à l’hosto, le véhicule jusqu’à l’Héliporteur de Tonton Nick (non, pas le Nikolavitch, l’autre, celui qui a un seul œil torve…).
Adoptant un ton léger et nous gratifiant d’une fin heureuse, ce numéro détonne quelque peu dans une série réputée pour ses conclusions pessimistes, postulant souvent que si nous n’eussions point eu droit à la catastrophe X de la continuité classique, c’eusse été encore pire…
Et si Bullseye n’avait pas tué Elektra ? – 1982
Miller récidive dans le numéro 35, encré cette fois par Terry Austin. Je ne suis pas trop fan de cette association. De mon point de vue, Austin enlève trop de punch au trait de Miller. L’histoire s’ouvre sur une référence directe à DAREDEVIL 181, où Bullseye s’imaginait abattre le diable rouge d’une balle en pleine tête. Ici, c’est lui qui reçoit la balle. Et du coup, il ne tue pas Elektra et on a donc droit à une fin alternative du run de Miller sur DD, avec plusieurs autres cases/pages reprises du run original, comme l’exécution avortée de Foggy par Elektra, mais avec un encrage différent…
Ayant peut-être eu un rappel éditorial de la dominante dépressive des What If, le scénariste prend le soin d’habiller son récit par une scène pluvieuse d’un Murdock devant la tombe d’Elektra, avec le Watcher faisant du soutien psychologique pour lui narrer cette autre vie qu’il aurait eu si son égérie grecque avait survécu (oui, il est assez nul, Uatu, en soutien psychologique).
Et si Matt avait tué le Caïd ? – 1989
Dans le 2ème numéro du relaunch de WHAT IF, Danny Fingeroth s’attaque au monument BORN AGAIN . Et si, plutôt que d’attaquer le Caïd avec une matraque et subir une sévère dérouillée, Matt Murdock l’avait froidement exécuté par balle ? Le jeune Greg Capullo et le duo d’encreurs Akin/Garvey illustrent correctement le récit, sans jamais tutoyer les sommets de l’arc original, même si les hommages et les réutilisations de cadrage du récit originel abondent. On y voit défiler le cast marvelien de l’époque de la Guerre de gangs de Spider-Man : tête de toile, donc, mais aussi le Punisher, la Rose et le Super-Bouffon.
Le cahier des charges est cette fois-ci bien respecté : en franchissant la ligne rouge, Matt Murdock se perd et ne trouve la rédemption que dans la mort, où il rejoint Karen Page, exécutée au cours du récit par Paulo, son amont hyper-possessif. Toutefois, une leur d’espoir est amenée en conclusion, puisqu’un successeur inattendu reprendra le billy-club…
Je garde une affection toute particulière pour cette histoire puisque c’est l’un des deux comics que ma sœur ainée m’avait rapporté d’un de ses voyages en… Allemagne ! Hé oui, j’ai lu cette histoire pour la première fois en langue teutonne, et alors même que je n’avais pas encore pu lire BORN AGAIN en intégrale. C’est ainsi que je sus qu’Outre-Rhin, Daredevil était, à l’époque, rebaptisé DER DAMON (bien trouvé, Mein Freund, même pas besoin de changer le logo sur sa poitrine !)
Et si Karen Page avait survécu ? – 2004
Au comptoir d’un bar, Brian Michael Bendis se met en scène pour introduire son histoire, illustrée par Michael Lark. Et ouais, il se prend carrément pour le Watcher, le gars ! En même temps, il a un peu la gueule de l’emploi… Pivotant à partir de la fin de l’arc GUARDIAN DEVIL , Bendis imagine que Bullseye n’a pas tué Karen, à quelques centimètres près.
Enragé, Matt remonte la piste du commanditaire et part se confronter à Wilson Fisk, qu’il tue (encore !), d’un jet bien placé de billy club dans la trachée…
Ah… les années Bendis , ce numéro nous en présente un condensé, avec ses tics d’écriture, son penchant « naturaliste » et ses coups de théâtre sortis du chapeau. Ici, il s’avère que Wilson Fisk avait un dossier tout prêt, en prévision de son décès, à transmettre au FBI pour accuser Matt Murdock/Daredevil (et qu’importe que le Kingpin ait une longue liste d’ennemis dont certains autres héros comme Spider-Man ou le Punisher, non, s’il devait mourir, c’était forcément de la main de DD…)
Et donc, arrestation, procès, prison, le tout traité de façon express puisque le récit ne fait que 21 pages (remarquez, c’est une valeur ajoutée de ce What If : il nous évite la décompression Bendisienne). Au dessin, Lark rend du bon boulot, en s’encrant lui-même, et avec des couleurs de Dave Stewart. C’est antérieur à son run sur la série mais dans la même veine.
L’histoire se termine sur une pleine page inspirée de BORN AGAIN mais avec un Murdock sorti de prison, suite à une réduction de peine mais brisé sentimentalement (Karen l’a quitté) et moralement (il a renié ses valeurs). C’est bon, le Brian a bien suivi les consignes pour un What If déprimant !
The Devil Who Dares – 2006
Avec ce récit, Rick Veitch et Tommy Lee Edwards ne se contentent pas de modifier un simple point de la continuité. Ils transposent carrément Daredevil dans l’univers du Japon Féodal ! Pour la peine, DD et Matt Murdock sont ici deux personnages distincts. Masahiro, le Diable intrépide, est un samurai entraîné par Maître Stick et au service du Grand Shogun (à la carrure de sumo, toute ressemblance avec un certain Fisk…), qui a causé la perte de son père (un samouraï surnommé le Vieux Diable) et de celui d’Elektra, orpheline reconvertie en Geisha. Au fil des 23 pages, on croise aussi Foggy Nelson, The Owl et Bullseye… et c’est assez jouissif pour le connaisseur de DD de voir les jeux de miroir et les variations choisies par les auteurs… Et puis ça nous change un peu du classique « Et si untel était mort/pas mort ? »…
De prime abord, on aurait pu craindre un récit « What The Fuck ! » mais l’exercice de style est remarquablement bien mené. L’intrigue, classique, réserve quand même un petit twist et surtout, les personnages ont tous une consistance étonnante pour un récit aussi court. Le dessin de Tommy Lee Edwards nous fait agréablement voyager dans un Japon fantasmé, avec une mise en couleurs donnant un air de songe vaporeux à ce What If hors-normes.
Pour conclure cet article, je vous partage quelques idées de What If de DD que j’aurais aimé voir développées…
Et si… Shadowland n’avait jamais existé ?
Et si… Charles Soule n’avait jamais repris le scénario de Daredevil ?
Et si… le Kingpin s’était mis au régime ?
Et si… la série Netflix n’avait pas dépeint DD comme un branque ?
Enfin, je ne résiste pas à la tentation de vous partager une œuvre commise il y a bien des années…
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La BO du jour :
Bon, avec des « Si », on a vu ce que ça donnait mais avec des « peut-être » ?
Carrément Pierre !
Quel dommage qu’il n’ y ait pas eu de suite !
Je dirais aussi Scott Pilgrim
l’animé de Spawn, c’est un bon souvenir, mais tu vois c’est un truc que j’ai vu il ya très longtemps et qui finalement ne reste pas dans la mémoire non plus…
Le générique était réalisé par le grand Yoshiyaki Kawajiri (Ninja Scroll) et ça portait bien sa patte!