Cerebus Vol. 2 : High Society par Dave Sim
SPECIAL GUEST: THIERRY GAGNON
VO : Aardvark-Vanaheim
VF : Vertige Graphics
Thierry Gagnon était romancier et producteur de jeux vidéos. Il est décédé brutalement le 1er mai dernier d’un infarctus. Nous conversions encore la veille de son décès autour des futurs articles de Cerebus, de ses romans qu’il voulait m’envoyer et de l’amour qu’il portait à ce site. Thierry était gentil, drôle, sympa, cultivé, passionné. Adorable. A tel point qu’après la publication de cet article, je voulais lui proposer de rejoindre l’équipe pour la rentrée.
C’est une sensation amère que celle-ci, ce deuil à distance d’une personne que l’on avait jamais rencontrée mais dont on se sentait proche, infiniment plus proche que ceux qui conjuguent si allègrement médiocrité avec vérité, ardeur et fadeur, science et arrogance.
Le plaisir d’échanger avec lui avait aboli le temps et les frontières, celles de son Quebec d’où ils nous lisait, commentait et écrivait. Cruelle illusion que cette vie virtuelle tuée par la mort , celle aussi grimaçante qu’une pochette de Motorhead qui a assassiné le cœur de notre ami et brisé le nôtre. Ceci est son dernier écrit et cette publication, notre hommage. Il sera bien gardé en ces lieux tant que BRUCE LIT existera.
Repose en paix Thierry, pensées pour ta famille, ta femme et tes deux enfants. Le geek en moi aimerait tellement que celle qui t’a arraché à ceux qui t’aimaient est aussi douce, belle et gentille que la Didi de Gaiman. Si c’est l’inverse, fous lui une beigne façon Cerebus. Personne ne t’en voudra et depuis le temps, elle doit avoir l’habitude…
Bruce le 07/05/2020
Chef d’œuvre humoristique de la BD nord-américaine, HIGH SOCIETY reste une des meilleures portes d’entrée pour les lecteurs intéressés à découvrir CEREBUS. Ceci est le troisième d’une suite d’articles sur la série CEREBUS:
- Rétrospective douce-amère d’un chef-d’œuvre déchu : Cerebus
- Un barbare pas comme les autres: Cerebus the Aardvark
Cerebus est un être à part, un Aardvark (Oryctérope) vivant parmi les humains, dans un monde fantastique entre le moyen-âge et l’époque victorienne . HIGH SOCIETY relate sa fulgurante ascension sociale, de simple mercenaire à diplomate récalcitrant, suivi de son élection comme premier ministre et des guerres désastreuses qu’il mettra en branle par la suite.
Initialement paru dans les numéros 26 à 50 de la série mensuelle CEREBUS entre mai 1981 et mai 1983, HIGH SOCIETY a été publié sous la forme d’un recueil imposant de 512 pages. Une version française, actuellement épuisée, fut publiée en 2010 par Vertige Graphic. À l’aide de collaborateurs bénévoles, Dave Sim a aussi publié en 2013 une version « remastered » de la VO à partir de numérisations haute qualité des planches originales. Cette version servira ensuite de base pour la version numérique du livre.
Un barbare chez les aristos
Couvert de boue et épuisé, Cerebus traîne ce qu’il lui reste de butin dans le hall d’entrée du Regency, l’hôtel le plus chic de la cité-État d’Iest. Sous le regard hautain du maître d’hôtel, à bout de nerfs par sa longue marche, Cerebus se prépare à se battre afin d’assurer qu’il puisse avoir une chambre pour la nuit.
Inexplicablement, l’attitude du maître d’hôtel change entièrement lorsque Cerebus prononce son nom. Notre héros crasseux, irascible et incrédule est immédiatement mené, sans frais, à l’appartement le plus luxueux de l’hôtel où un bain chaud l’attend ainsi qu’un mets fumant de son choix.
À son insu, son temps passé comme chef de la police secrète du mystérieux Lord Julius (voir le volume précédent) aurait conféré à Cerebus la réputation d’avoir l’oreille de ce grand dirigeant. Payant richement pour quelques minutes de son temps, les hommes d’affaires de la cité d’Iest font le pied de grue et tentent de convaincre Cerebus d’intercéder en leur faveur auprès du chef d’État insaisissable et capricieux de la puissante cité de Palnu.
Cette célébrité attire aussi l’attention de criminels. Une tentative foireuse de kidnapping par un duo de rednecks convainc Cerebus d’utiliser cette opportunité pour extraire encore plus d’argent du gouvernement d’Iest en les menaçant de sa propre mort.Trahi par ses supposés kidnappeurs, Cerebus se retrouve à devoir rembourser sa propre rançon, alors qu’il n’en avait pas touché un sou. Il réussit à s’infiltrer dans la prison où sont tenus ses kidnappeurs afin de pouvoir les interroger. Il apprend que la rançon qui avait été livrée ne contenait qu’une statue de « canard ».
Avec l’aide d’une sympathique elfe magique qui hante sa résidence, Cerebus tentera de faire chanter des plus importants financiers de la ville. Ses efforts seront réduits à néant lorsque sa cible sera assassinée par les gigantesques croissants de pierre d’un certain Moon Roach. « Unorthodox economic revenge! Hisses the merely magnificent Moon Roach! » (Vengeance économique peu orthodoxe ! siffle le simplement stupéfiant Moon Roach !)
Grâce à l’elfe, Cerebus apprendra aussi que plusieurs hauts placés cherchent désespérément la statue d’un albatros. Serait-ce la fameuse statue de canard de la rançon ? Cerebus tente de retrouver le receleur à qui elle aurait été vendue, mais en vain. Lors d’une transe accidentelle, Cerebus devient de nouveau en contact télépathique avec l’illusionniste Suentus Po. Celui-ci lui apprend que celui qui trouverait l’albatros aura le pouvoir de réunir les deux églises Tarimites, celle de l’Ouest et celle de l’Est. Malheureusement, la statue que cherchait Cerebus était une fausse, un leurre pour dénicher ceux qui chercheraient à déstabiliser l’ordre établi.
Menacé par l’inquisition, le gouvernement n’étant en fait que le volet administratif de l’église, Cerebus accepte de se ranger sous l’influence de la mystérieuse Astoria, une femme d’une grande intelligence et d’une étonnante connaissance des leviers du pouvoir. Sous l’égide d’Astoria, Cerebus verra son influence grandir rapidement, allant même à se présenter comme candidat à la présidence d’Iest. Le fait qu’Astoria est le cerveau derrière les assassinats perpétrés par Moon Roach, et qu’elle est l’ex-femme de Lord Julius, complique aussi leur collaboration tumultueuse.
L’église, ayant reçu des signes de la fin des temps s’est repliée sur elle-même et à fermé ses portes au monde laïque. Le gouvernement, temporairement libéré du joug clérical devient soudainement l’objet de tous les espoirs.
Votez Cerebus !
S’ensuit une des campagnes électorales des plus détaillées et loufoques de l’histoire de la BD. À travers une centaine de pages (!), Cerebus devra à la fois attirer l’intérêt volage des délégués électoraux (dans des scènes rappelant des séances de dédicaces), courtiser les électeurs illettrés de la basse ville et systématiquement convaincre les riches représentants de chacun des districts de voter pour lui. Cependant, l’emprise de Lord Julius sur l’économie de la cité est si implacable que son candidat, une simple chèvre, mènera une course serrée contre Cerebus jusqu’à la fin.
Cerebus remporte finalement les élections grâce à un vote décisif à la dernière heure. Dès son entrée au pouvoir, Cerebus entreprend de conquérir les pays avoisinants, ignorant ses promesses électorales et les avertissements de ses conseillers. S’ensuivent alors les six grandes crises de sa présidence, presque toutes causées par les conséquences de ses propres décisions désastreuses, jusqu’à la chute catastrophique de la ville, forçant Cerebus à l’exil.
Un bond créatif hors du commun
HIGH SOCIETY marque l’émancipation radicale de Sim face aux codes habituels de la BD américaine. D’une simple parodie de Conan, la série se transforme en satire sophistiqué et hilarant de la politique et de la haute société. D’une série de comics épisodiques, Sim se lance dans une histoire soutenue à l’échelle d’un roman, plus près de ce que l’on retrouve dans les mangas japonais. Avec cette histoire d’une ambition jusqu’alors jamais vue dans le monde des comics, Dave Sim signe une œuvre emblématique qui restera un des hauts points de sa carrière aux yeux des lecteurs. C’est aussi à cette époque que Sim dévoile son ambition inédite de produire 300 numéros de CEREBUS. (Il réussira à atteindre ce but, après 30 ans de travail, mais pas sans passer par des moments difficiles, et pour un résultat mitigé…)
Côté dessin, l’influence grandissante de Will Eisner (THE SPIRIT) se fait sentir de plus en plus avec les mises en pages élaborées de Sim et un trait de plus en plus feutré. Une autre œuvre clef de Eisner, UN PACTE AVEC DIEU (1978), n’est pas étrangère aux ambitions littéraires de Sim. Publié cinq ans plus tôt et pesant 196 pages, ce livre est considéré par plusieurs comme le premier véritable graphic novel américain. HIGH SOCIETY représente un autre jalon majeur dans l’évolution de ce genre.
On voit aussi se concrétiser la préférence de Sim à se concentrer sur le dessin des personnages aux dépens des décors afin d’assurer la cadence de publication mensuelle. Les décors deviennent minimalistes, laissant les personnages évoluer devant de simples masses noires, ou des pièces à peine suggérées par quelques traits. Notamment, l’appartement où réside Cerebus durant la majeure partie du livre (et où Lord Julius viendra prendre un bain durant la campagne électorale) a les murs noirs et reste en permanence dans la semi-obscurité. Cette approche très efficace donne un charme particulier à ce volume.
Les références culturelles continuent aussi de s’accumuler. En plus des personnages récurrents, comme Lord Julius (Groucho Marx) et Elrod (Elric de Melniboné), s’ajoutent des personnages secondaires truculents inspirés par Rodney Dangerfield, Eric Idle (Monty Python) et Chico Marx (Marx Brothers).
Le personnage du Roach (« le Cafard ») continue aussi de nous délecter par ses incarnations super débiles. Tout d’abord, il y a Moon Roach (manifestement inspiré par Moon Knight), la terreur des vils financiers oppresseurs d’orphelins. Celui-ci est aussi habité par deux autres personnalités : Artémis, un simple chauffeur de carriole, et Kevitch, un< fanboy imaginaire qui accompagne chacun des mouvements de son héros d’une narration mélodramatique. Plus tard, alors qu’il assure de la façon la plus dysfonctionnelle possible la sécurité du président Cerebus, Moon Roach deviendra Sergeant Preston, un policier de la Gendarmerie royale canadienne inspiré d’une émission radiophonique des années cinquante.
À la relecture de cet opus, il est frappant de constater les parallèles entre le comportement manipulateur, fraudeur, narcissique et perturbateur de Cerebus avec certains autres politiciens modernes. Les parallèles entre Cerebus et ces personnages contemporains incluent : leur toupet proéminent, leur rhétorique populiste, leur utilisation des leviers du pouvoir pour leur propre enrichissement, leur attitude sexiste, le cabinet de ministres hostile envers le rôle de leurs propres ministères, leurs politiques étrangères rapine et désastreuse, les rumeurs d’élections manipulées par un pouvoir étranger, et j’en passe. On pourrait croire que Sim possède un grand pouvoir prophétique si ce genre d’escrocs politiques n’était pas si commun dans l’histoire de l’humanité.
L’impact des actions de Cerebus sur la société d’Iest et ses environs est profond et radical. Voici comment Dave Sim lui-même l’avait résumé : « Le plus grand changement imaginable de forces politiques dans la plus petite période possible, avec le plus grand impact sur le plus grand nombre d’individus… » On verra aussi ce principe en action dans les volumes suivants, dans des proportions encore plus désastreuses.
Une publication révolutionnaire
Dans HIGH SOCIETY, Sim continue d’expérimenter avec différents modes narratifs. Notamment, les numéros concernant le kidnapping de Cerebus et sa campagne électorale sont presque entièrement composés de gags d’une à deux pages, à l’européenne. Ensuite, après l’élection de Cerebus, durant les « Six crises de Cerebus », la mise en page pivote à l’horizontale pour plusieurs numéros.
Encore plus significatif, HIGH SOCIETY fut le premier volume de CEREBUS recueilli sous la forme « d’annuaire téléphonique ». Ces larges recueils en noir et blanc avaient gagné ce sobriquet à cause de leur épaisseur invraisemblable et le papier journal sur lequel ils étaient imprimés. Avec l’abondance de « graphic novels », mangas et autres intégrales d’aujourd’hui, il est difficile de comprendre le choc que ce volume causa dans le marché de la BD américaine des années 80. C’était du jamais vu ! Les comics étaient alors considérés comme puérils et jetables. Ils n’étaient essentiellement jamais réédités au-delà de leur publication initiale (d’où le marché florissant des collectionneurs de « back issues »).
Lorsque j’avais aperçu la photo de ce pavé pour la première fois, je n’en croyais simplement pas mes yeux, pensant plutôt que c’était une blague de Dave Sim pour rire de l’absurde longueur de son histoire. En guise de contexte, l’année de parution du recueil de HIGH SOCIETY (1986) fut aussi l’année de la publication du recueil DARK KNIGHT RETURNS de Frank Miller, le volume de 224 pages qui popularisa ce format. Le recueil de WATCHMEN d’Alan Moore (416 pages), qui consolidera la pratique, n’allait arriver qu’en 1987. Dave Sim, auteur autopublié visionnaire, était un véritable pionnier !
Ce fut aussi l’occasion pour Sim d’explorer un mode de distribution alternatif qui bouleversa l’industrie. Entre 1985 et 1988, Sim avait entamé des négociations avec DC Comics pour la publication du recueil de HIGH SOCIETY. La « Distinguished Competition » lui offrit une avance de 100 000 dollars et 10 % des licences et produits dérivés (un pactole quasi impensable alors et aujourd’hui pour un artiste de BD alternative en noir et blanc). N’importe qui aurait sauté sur l’occasion, mais pas un fervent défenseur de l’indépendance des artistes comme Sim. Il relate dans un de ses éditoriaux comment lors d’une nuit d’insomnie il calcula qu’il pourrait atteindre lui-même l’offre de DC en vendant directement le recueil de HIGH SOCIETY à ses lecteurs.
Sim établit donc un numéro 1-800 dédié, opéré par son assistante administrative et lui même (parfois en imitant la voix de Barry Windsor Smith). Il annonça dans CEREBUS numéro 86 (mai 1986) qu’il publierait la première impression de « l’annuaire téléphonique » de HIGH SOCIETY par correspondance. Le tirage s’écoulera en moins d’un an, rapportant 150 000 dollars en profits. Fort de ce succès, Sim rassembla les premiers numéros de la série dans le volume CEREBUS THE AARDVARK. Le premier tirage sera aussi vendu directement aux lecteurs, court-circuitant le réseau des distributeurs de comics et les détaillants.
Cette pratique irrita considérablement les distributeurs, dont particulièrement Diamond Comics, le plus important distributeur en Amérique. Ils se considéraient floués malgré le support qu’ils avaient donné à la promotion de cette série. En guise de moyen de pression auprès de Sim, ils boudèrent la série PUMA BLUES (dessinée par le génial Michael Zulli) que Sim publiait sous sa bannière Aardvark-Vanaheim. Une fois que Puma Blues fut transférée chez Mirage Studio, la maison d’édition fondée par un des créateurs des Teenage Mutant Ninja Turtles, Sim jura dorénavant de ne publier que ses propres séries.
C’est aussi durant la publication que Dave Sim divorce avec sa femme, Deni Loubet. En 1984, elle fondit Renegade Press où elle recueillit tous les autres auteurs publiés par Aardvark-Vanaheim. Malheureusement, cette maison d’édition canadienne ferma ses portes cinq ans plus tard, en 1895.
BONUS : Un lien personnel
De 1989 à 1990, Dave Sim entreprit de réimprimer individuellement les cinquante premiers numéros de la série, c’est-à-dire ceux inclus dans les deux premiers volumes, CEREBUS THE AARDVARK et HIGH SOCIETY. En plus de rééditer l’intégrale de l’histoire, des éditoriaux et des lettres des lecteurs, Sim publiait aussi une rubrique « Single Pages », des histoires de 1 à 2 pages d’artistes divers, souvent des débutants.
C’est dans le numéro 23 des rééditions de HIGH SOCIETY, en 1989, que j’ai eu l’honneur d’y faire publier une page de BD, la première publication rémunérée de ma vie (un généreux cachet de 350 $ si je me rappelle bien). Merci Dave Sim !
LIENS
On peut lire les 30 premières pages de l’édition française de HIGH SOCIETY sur BD Guest ».
Résumé du travail collaboratif monumental derrière CEREBUS VOL 2 : HIGH SOCIETY – REMASTERED.
La page Wikipédia de CEREBUS est très complète et détaillée sur l’historique de la série. J’invite les curieux à la consulter.
J’hésite à le partager, mais il existe un site offrant gratuitementl’intégrale des numéros de la série CEREBUS en format numérique sous forme de numérisations de piètre qualité, et dans un désordre alphabétique peu convivial. Par contre, tout y est : les couvertures, les éditoriaux, les lettres, les publicités, les artistes invités, etc. (HIGH SOCIETY débute ici au numéro 27.)
Dave Sim a déjà exprimé qu’il ne s’oppose pas à ceux qui se procurent ses livres sous forme de piratage, surtout quand les personnes en question n’ont pas les moyens de s’acheter les volumes. Toutefois, ses lecteurs sont fortement encouragés à se procurer les livres en librairie ou en les téléchargeant à partir du site officiel, cerebusdownloads.com. C’est d’autant plus souhaitable en vue de la pauvreté actuelle de Dave Sim et son état de santé qui l’empêche de dessiner de façon soutenue. Note cocasse : L’article cité ci-haut mentionne que Sim s’était, à son tour, approprié les PDF piratés qu’il a vendus sur son site officiel en attendant de pouvoir les remplacer par les versions « remasterisées ». C’est un cas classique du pirate piraté !
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Notre ami Thierry Gagnon était impatient de partager avec vous ce troisième article sur Cerebus qui participa à la transformation des comics américains des années 80.Il est décédé le 1er mai.
Découvrez pour la dernière fois son érudition et son plaisir communicatif autour de la série légendaire de Dave Sim,
La BO du jour
Tu nous a fait un sale coup l’ami. Je t’offre ma chanson préférée du Grand Jacques pour un dernier Adieu…
La mort est injuste et cruelle, surtout à cet âge là.
Je souhaite beaucoup de courage à sa famille en cette période douloureuse.
Je ne connaissais pas Thierry mais ses articles et l’échange de commentaires me faisaient imaginer quelqu’un d’adorable et cultivé.
Sa planche de BD publiée dans une réédition de HIGH SOCIETY, démontre qu’il était aussi très drôle.
On partageait juste la même passion, c’est finalement très peu de choses. Pourtant je vais garder son souvenir à chaque fois que je croiserai la route de Cerebus , ce personnage qu’il m’a donné envie de découvrir.
La mort est triste. Je ne pense pas qu’elle soit injuste, ni cruelle, puisqu’il n’y a aucune méchanceté là derrière. ça fait partie de la vie. Et j’en ai vu mourir des proches.
C’est difficile pour ceux qui restent. Et bien sûr, plus tard la mort survient, mieux c’est. Mais puisqu’on parle de Sandman, Didi disait bien que « sans fin, ça n’aurait plus de saveur » (et accessoirement la planète serait condamnée si personne ne mourait…)
Bien sûr c’est facile à dire d’accepter ça de la part de quelqu’un comme moi qui ne connaissait pas Thierry. Il est évident qu’il est normal d’en souffrir, et 48 ans ça reste jeune pour partir.
Mais ne laissons pas la haine remplacer le chagrin. Je me plais à croire que Thierry ne souffre pas là où il est, et que nos pensées bienveillantes doivent surtout être pour ses proches afin qu’ils parviennent à surmonter l’épreuve. La mort n’est triste que pour les vivants.
@Matt,
Tu as raison, la mort fait partie de la vie et je n’aurai pas dû utiliser ce mot mais plutôt « la perte d’un être cher ».
Bien entendu c’est cruel et injuste pour ses proches, son épouse et ses enfants qui avaient encore besoin de lui.
Je ne connaissais pas Thierry mais j’avais trouvé son premier article sur Cerebus passionnant. J’ai alors échangé quelques messages avec lui. D’une grande gentillesse, il a répondu à toutes mes questions avec intelligence. En quelques mots, il m’a donné envie d’acquérir et de lire Cerebus. Le soir même, j’achetais les premiers volumes de la série sur ma seule foi en son opinion. Je n’aurai jamais la chance de connaître Thierry mais je sais que je penserai à lui longtemps en lisant les 200 pages de Cerebus qui m’attendent. Merci Thierry. Mes pensées à sa famille
Je suis profondément peiné par le décès d’une si belle plume, car même fugace collaborateur invité, ses articles sont déjà des références pour moi.
Son résumé de l’intrigue m’épate par sa concision et sa complétude sur une oeuvre très dense dont il est difficile d’appréhender toutes les facettes.
Le comportement manipulateur, fraudeur, narcissique et perturbateur de Cerebus – C’est à la fois révélateur des humains que sont les hommes politiques, la politique spectacle plus développée sur le continent nord américain, mais aussi une critique virulente du masculin dans ce qu’il a de plus primaire, de plus égocentrique, de moins constructif. Dès le début, Dave Sima critiqué le mâle, bien plus que la femme.
Une publication révolutionnaire – Il est difficile de se rendre compte d’à quel point Dave Sim avait une conscience aiguë que sa série était indissolublement liée aux pratiques de l’édition de comics américain. Thierry explique avec une grande clarté la problématique de la distribution. C’est aussi la raison pour laquelle Dave SIm a inclus des parodies de superhéros, genre ultra représenté dans les comics, et donc commentaire sur leurs limites au sein de sa propre série, avec un comique irrésistible né du décalage entre le pragmatisme cynique et égoïste de Cerebus et les agissements loufoques de ces simili-superhéros.
Arrivé à la fin de l’article, je mesure encore plus la perte occasionnée par le décès de Thierry. Je vais aller me relire ses 2 articles précédents.
Je ne suis pas prête à lire l’article, pas encore.
Lire l’article d’un copain du blog sans pouvoir échanger, trop compliqué encore.
J’ai lu tes mots, par contre, Bruce. Très bel hommage…
Thierry m’avait touchée d’abord par sa fidélité, lui qui de son Québec prenait plaisir à discuter avec nous malgré les heures de décalage.
Son enthousiasme était communicatif, et ses échanges toujours enrichissants.
Il prenait sa place au sein de l’équipe, et ça a été un choc d’apprendre sa disparition. Je sais bien que c’est le principe de la Mort, elle fauche presque toujours sans prévenir… Mais certaines disparitions sont plus incompréhensibles que d’autres. Et oui, injustes, vis-à-vis de tous les projets qu’il voulait accomplir.
Je pense bien sûr à sa famille qui subit de plein fouet sa perte.
Au revoir camarade, j’aurais aimé avoir plus de temps pour échanger encore…
« Je suis profondément peiné par le décès d’une si belle plume, car même fugace collaborateur invité, ses articles sont déjà des références pour moi. » Merci Présence, je n’aurai pas dit mieux. Je ressens exactement la même chose.
« C’est une sensation amère que celle-ci, ce deuil à distance d’une personne que l’on avait jamais rencontrée mais dont on se sentait proche, infiniment plus proche que ceux qui conjuguent si allègrement médiocrité avec vérité, ardeur et fadeur, science et arrogance. » Oui Bruce, j’ai déjà ressenti ça plus d’une fois. Je me suis fait des amis en virtuel qui sont devenus très réels, ici compris. Et je souhaite ardemment voir toute la team IRL.
Je dois toujours lire Church and State Vol. I, mais je pense que finalement je vais relire High Society d’abord. Qui est incroyablement bien résumé ici, tant le propos est dense lors de la lecture, et que les événements tardent et s’étalent : il est très malaisé d’avoir une vision d’ensemble. En cela, la narration de Dave Sim me rappelle souvent celle des frères Hernandez, même si elle diffèrent. Les deux requièrent quoi qu’il advienne une concentration non négligeable.
Il faut toujours que je me penche sur Will Eisner. Je n’ai qu’une seule oeuvre de ce précurseur.
Les explications éditoriales de l’époque sont encore une fois passionnantes. Remettre dans le contexte permet de mieux comprendre l’impact de cette publication qui est déjà hors du commun rien qu’à sa lecture.
Je suis impressionné par la publication de Thierry dans un volume de Cerebus ! C’est génial. Et effectivement sexiste ^^
La BO : magnifique.
Tout ça est bien triste.
Courage les loulous.
C’est avec un pincement au coeur et la boule au ventre que je viens commenter cet article.
Même si je ne connaissais Thierry que virtuellement, la sympathie qu’il m’a immédiatement communiqué, ainsi que nos nombreux points communs (prénom, âge, situation familiale, goûts, aspirations et aptitudes), font que sa disparition subite me file un coup. Voilà.
C’est un bel article-testament que voilà.
Le bonus est touchant avec cette surprise de voir sa BD publiée par son idole !
J’ai été particulièrement réceptif au passage sur les points communs entre la politique fictive et prophétique de Cérébus, et celle de Mr « Donald » (pas nommé dans l’article, mais aisément reconnaissable). Plus il m’arrive d’entendre et de regarder cet homme d’état caricatural, et plus j’en suis atterré. Voir cette parodie d’homme politique manier la MAUVAISE FOI comme s’il s’agissait d’un art, ne faire QUE ça, n’avoir QUE cette pratique en guise de travail quotidien en termes de communication, et voir tout un peuple le suivre dans cette démonstration, ça me fout une peur bleue quant à l’avenir de notre monde où, désormais, il est inutile de faire des études pour être élu à la tête de l’état. Il suffit juste d’être populaire et maître dans l’art de la mauvaise foi et de la rhétorique cynique. J’ai honte d’être un être humain.
La seule chose qui me réconforte un poil, c’est que je suis convaincu que les hommes de ce genre, comme le furent les dictateurs avant eux, seront défoncés par les livres d’histoire. Et que l’on sera vengés de leur carnage à travers ces livres.
Je m’épanche sans doute un peu trop. C’est le moral qui veut ça, sans doute.
Pour le reste, c’est un article forcément passionnant, qui décrypte tout un pan de l’histoire des comics et, plus précisément, de ma période classique préférée, celle du tournant dans le milieu des années 80, avec l’arrivée et l’émancipation de mes auteurs phares. J’avais jusqu’ici raté Dave Sim. Merci à Thierry de me corriger cette ignorance.
Sur son site, http://thierrygagnon.com/, Thierry se dévoilait un peu. Ses posts étaient à l’image de ses contributions et interventions ici. De l’érudition sans se prendre au sérieux, un style fluide et un enthousiasme communicatif.
Je l’aurai à peine connu, et virtuellement, de surcroît, mais j’ai été attristé d’apprendre sa mort. Condoléances à toute sa famille.
Si je peux me permettre, si Thierry adorait ce blog et ce qui l’anime, il faut continuer surtout.
La bise à tous.
Comment commenter aujourd’hui… je n’ai pas la réponse…
Juste dire que Thierry a réussi à remettre en lumière le chef d’oeuvre de Dave Sim parmi nous. Cette culture vit grâce à cette passion qui nous anime et qui l’animait manifestement…
Merci à lui de nous avoir faire partager de cela.
Encore un fois toutes nos pensées à a famille.
@JP : merci pour le partage du lien. J’ai lu la plupart de tous ses articles cette nuit, ce qui m’a inspiré ce qui va suivre.
@Michel : le blog va continuer son chemin du côté de la vie, de la passion et de l’imaginaire, ce chemin sur lequel Thierry était engagé avant d’être terrassé. Il n’a jamais été question d’arrêter, juste de marquer une pause histoire d’accuser le coup. Rien dans la création du blog ne m’a préparé à la mort d’un contributeur. Je n’ai pas de manuel de savoir-faire là-dessus.
Ces quelques jours de silence sont aussi bien une marque de chagrin que de décence. Nous l’apprécions tous et je me voyais mal enchaîner sur le rythme de publication habituel. Tout ceci me bouleverse depuis 3 jours et les messages de toute l’équipe vont dans mon sens : personne n’avait jamais rencontré Thierry. Il était passé en coup de vent à Paris en pleine grève des transports et nous nous étions promis de nous revoir plus tard.
Thierry n’était pas un ami au sens propre, je n’avais pas le même lien qu’avec les personnes de mon équipe avec lesquels nous avons appris à partager autre chose que des articles. Mais nous aurions pu le devenir, j’en suis tellement certain.
Comme les messages de Kaori et Thierry l’expliquent en filigranes, dans ce contexte omniprésent de mort et de maladie, il est enfin terrible de se rappeler que ça n’arrive pas qu’aux autres et l’identification avec un geek du même age et dans la même situation familiale que beaucoup d’entre nous, c’est effectivement un supplément de chagrin. C’est humain, normal, c’est la vie, j’avais ainsi procédé après les attentats de Charlie et du Bataclan.
Je te remercie de ton attention Michel ainsi que nos lecteurs qui ont fait exploser ma boite mail depuis ces quelques jours. Et encore une fois, nous ne sommes pas les plus à plaindre loin de là.
La pente, nous allons la remonter ensemble.
Je n’en attendais pas moins de toi.
Force et honneur.
Thierry était, depuis près de 32 ans, mon grand ami. Perdre pareil ami, c’est se faire arracher un grand pan de vie, des idées, des rêves qu’on ne pourra plus jamais partager. Je ne peux même pas imaginer ce que les siens ressentent. Vos témoignages me touchent beaucoup, comme ils toucheront certainement Chantal, leurs enfants et toute la famille de Thierry.
Nous achetions tous deux Sandman depuis le premier numéro; il était donc bien sûr fan de la Didi de Gaiman. Je me plais toutefois à l’imaginer plutôt en invité forcé d’un Hadès hémorroïdaire, à passer sa mort à échafauder des plans pour fuir l’Île des Bienheureux et retrouver ceux qu’il aime, comme Ulysse dans cette trilogie qu’il n’avait pas eu le temps de compléter (http://thierrygagnon.com/bibliographie/).
Thierry avait envoyé, pour révision, les ébauches de chacun des quatre articles prévus sur Cerebus à moi et un autre ami. Même s’il y manque la touche finale de notre ami, l’article sur Church & State pourrait donc être publié, histoire de clore cette série comme il se doit.
P.S.: Merci pour la chanson du grand Jacques, Bruce!
Bonjour Matthieu. Sois le bienvenue.
Merci pour ce témoignage très attachant. Si Chantal avec qui j’ai longuement échangé par Messenger aujourd’hui en est d’accord et que l’article correspond à ce que Thierry souhaitait, c’est avec plaisir que je publierai le dernier volume de notre copain. Tu peux me rejoindre sur FB en cherchant Bruce Tringale.
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