Vietnamerica – A family’s journey par G.B Tran
AUTEUR : JP NGUYEN
Première parution le 11.07.2014. Mise à jour le 03.01.2015
One-shot de 280 pages paru en 2011, Vietnamerica est un récit autobiographique de GB Tran, né aux Etats Unis de parents vietnamiens ayant fui le pays à la chute de Saigon.
A 30 ans, Gia Bao Tran est un être déraciné. Absorbé par sa carrière de graphiste à New-York, il fait peu cas de ses origines vietnamiennes.
Les décès rapprochés de son grand-père paternel et de sa grand-mère maternelle vont l’amener à retourner au Vietnam et à s’intéresser davantage à ses origines et au parcours de sa famille.
A travers des conversations avec ses parents et d’autres membres de sa famille, il va retracer, dans un certain désordre chronologique, son histoire familiale.
Occupation coloniale, exils, familles recomposées, guerre, déportation, Gia Bao Tran nous raconte tout cela dans un récit fragmenté, parfois tronqué mais pourtant riche de détails (et en personnages) qui en font la saveur et l’authenticité, mêlant la grande et la petite histoire, alternant les moments graves et d’autres plus légers.
On fait ainsi la connaissance de Le Nhi et Thi Mot, les deux grands-mères de Tran. La première a été abandonnée par son mari, parti lutter avec les révolutionnaires Vietminh, la deuxième perd son mari par la faute d’une balle perdue tirée par l’armée française. La guerre va mener les deux femmes à migrer du Nord au Sud pour donner une vie meilleure à leur famille.
On suit ensuite Tri, le père de GB, qui fut professeur de français et dont la carrière d’artiste peintre commençait tout juste à décoller quand il dut fuir le Vietnam. De fil en aiguille, on découvre comment il a rencontré sa première épouse, une française, dont il aura deux enfants puis sa seconde épouse, lycéenne vietnamienne à qui il enseignait, et la succession événements qui lui fera quitter le Vietnam pour… donner une vie meilleure à sa famille.
Les scènes du passé Vietnamien alternent avec des scènes contemporaines où GB Tran reconstitue l’itinéraire de sa famille et aussi avec des scènes d’une période intermédiaire, celle où la famille s’adapte à la nouvelle vie en Amérique. Les transitions ne sont pas toujours évidentes et demandent une lecture assez attentive mais jamais ennuyeuse car l’auteur parsème son récit de moult détails, issus de tranches de vie qui donnent au récit une grande authenticité.
Ainsi, en tant que New Yorkais, GB Tran prend un peu de haut les conseils de sa mère pour affronter Saigon lors de son premier retour au Vietnam. Arrivé sur place, on voit GB à la peine pour s’adapter au milieu.
Bien que se basant sur les témoignages recueillis auprès de sa famille, GB Tran parvient plutôt bien à embrasser l’ensemble de la réalité historique. L’occupant français puis américain, les camps nordiste et sudiste, les civils, tous sont traités sans parti pris excessif. Graphiquement, GB Tran exploite assez habilement les possibilités du medium de la BD.
Par exemple, pour dépendre les journées répétitives du père de Tran, enfermé dans un cachot par l’armée sudiste, ou celles de Do, dans son camp de travail ; il utilise une dernière case répétant le découpage général de la planche, produisant ainsi l’effet de répétition à l’infini.
Lorsque GB est noyé dans la masse de sa grande famille élargie, il ne saisit que des bribes de conversation et le lettrage le reflète en montrant des bulles tronquées. Lorsque le père et son vieil ami évoquent le passé en fumant une cigarette, la fumée sert de gouttières pour les cases. Enfin, il termine chaque chapitre par une illustration pleine page sur un mode souvent plus conceptuel que figuratif.
J’ai hésité à noter cette BD quatre ou cinq étoiles. Etant moi-même né au Vietnam et ayant émigré en France à l’âge de deux ans, ce récit entre en résonance avec mon histoire personnelle et ne touchera peut-être pas de la même façon un lecteur lambda. De plus, la narration disjointe, les nombreux personnages de la famille de GB Tran aux noms assez particuliers et pas toujours facile à différencier pourraient en rebuter certains.
Mais dans l’approche narrative, j’ai senti à la fois le désir de rapporter une histoire familiale sans exagérations, tout en apportant un éclairage nuancé sur l’histoire moderne du Vietnam. Et surtout, je pense que les questions abordées dans ce bouquin ont un caractère universel. La sincérité du récit et sa mise en images parfois très inventive m’ont décidé à noter cinq étoiles.
J’imagine qu’il n’existe pas de traduction française. Le Scan » Filiation » est magnifique d’inventivité.
Merci pour cet article sensible et enrichissant sur la composition du Prénom.
Si, si! Il y a une trad en français, parue en 2011 aux éditions Steinkis.
Encore un comic book que je ne connaissais pas du tout ! L’inventivité des planches est très attirante.
Comme Tornado et Bruce, j’ai beaucoup apprécié le concept de l’image « Filiation », évident après coup, et pourtant original. J’aime bien comment tu as réussi à mettre en lumière les compositions conceptuelles de l’auteur. La double page sur la commande du Pho est également très réussie en terme de composition.
Par contre ton commentaire ne permet pas de savoir s’il vaut mieux être déjà familier de l’histoire du Vietnam pour saisir l’histoire des membres de la famille, ou si le récit se suffit à lui-même.
Présence : difficile de te répondre à coup sûr mais je crois qu’il n’est pas nécessaire de connaître l’histoire du Vietnam dans tous ses détails pour suivre ce récit. En racontant l’histoire de sa famille, Tran privilégie plutôt la petite histoire pour éclairer/faire écho à la grande. A mon avis, la plus grande difficulté est de suivre les différents sauts d’un membre de la famille à l’autre. Pour cela l’arbre généalogique en page de garde est une aide utile…