Vampirella Master Series tome 1 L’éveil du mal par Millar, Morrison et Conner
Première publication le 09 juin 2014. Mise à jour le 20 février 2018
VO : Dynamite
VF : Panini
AUTEUR : CYRILLE M
Ce tome regroupe les premiers épisodes du reload de Vampirella à l’occasion de la célébration de son vingt-cinquième anniversaire. Ils sont scénarisés par Grant Morrison et Mark Millar, alors tous deux en pleine ascension, ces épisodes datant de 1996 à 1998. En tout, ils écriront trois arcs complets, chacun découpés en trois parties.
« L’éveil du mal » (« Ascending Evil »), est le premier arc mené à bien par le duo de scénaristes, et ouvre ce recueil. Il est dessiné par Amanda Conner et encré par Jimmy Palmiotti.
Vampirella s’attaque ici à une pègre très organisée de vampires dirigés par un certain Don Pesaro, ayant comme but de prendre le contrôle des plus grandes villes américaines.
Ils sont pour cela aidé de Von Kreist, un immortel au visage bandé habillé d’un imper et d’un chapeau, et à la cruauté inextinguible. Lors de cet affrontement, Vampirella sauve la fille d’un mafieux pris comme cible par les vampires, Don Fattoni. Cette dernière, Dixie, deviendra sa fidèle assistante.
« La guerre sainte » (« Holy War »), le second arc du duo, est dessiné par Louis Small Jr et encré par Rob Stull et Gary Martin.
Von Kreist rejoint Rome pour amener ses prisonnières à ses employeurs, mais le voyage s’est mal passé : Vampirella et Dixie ont été sauvées par des nonnes guerrières, dont la mère supérieure dit étrangement être Dixie Fattoni, âgée. Celle-ci prédit l’apocalypse à Vampirella.
« La reine de coeur sanglante » (« Blood Red Queen of Hearts ») est un épisode scénarisé par Grant Morrison, dessiné par Michael Bair et encré par Kevin Nowlan. Il est le premier épisode écrit par Morrison pour le vingt-cinquième anniversaire du personnage.
Il s’agit d’une histoire complète et ne comporte qu’une dizaine de planches : une carte de tarot maléfique s’approprie des humaines afin de voler des coeurs. Vampirella en sera la victime.
Enfin « Un enfer glacial » (« A Cold Day In Hell! ») clôt ce premier tome. Il s’agit d’une histoire complète en un épisode de Mark Millar, dessinée par Louis Small Jr et encrée par Caesar. Les recherches de Vampirella l’amènent à visiter le pôle nord. Quelques couvertures alternatives et deux interviews (une de Amanda Conner et une groupée de Morrison et Millar) complètent l’album.
Vampirella est un personnage de pulp qui n’a aucune prétention à être pris au sérieux. Un peu comme Blade, c’est un vampire qui combat les vampires, en ayant leurs pouvoirs mais en n’étant pas affublé de leurs faiblesses. Ajoutés à une plastique parfaite et une pudeur très volatile (son maillot de bain échancré à la Baywatch ne changeant quasiment jamais), elle ne pouvait que perdurer à travers les années et les auteurs.
Je n’ai lu aucun autre Vampirella, mais j’ai vu nombre de dessins et d’hommages au personnage (j’ai notamment en mémoire une photo de Pauline Laffont endossant le costume). L’essentiel est donc ici de prendre un plaisir simple et rétrograde de retour à l’adolescence.
Comme Morrison le dit dans l’interview, Vampirella était le moyen d’avoir une libido et de lire un comics sans être pris de honte ou de cible par les adultes. Mais sous la plume des Ecossais, c’est également un formidable exercice de style et un film d’action pop-corn. La première planche de « L’éveil du mal » se découpe en quatre cases.
Le décor est un cimetière, de nuit, sous une pluie battante. Un couple de jeunes y est sur le point d’avoir un rapport sexuel, chaque case formant un zoom : plan large sur la première case pour finir sur un gros plan en dernière case. Alors qu’ils s’enlacent, le jeune homme demande à sa compagne si elle ne trouve pas que ça fait mauvais film d’horreur. On entre de plain-pied (sic !) avec une référence directe au genre et Morrison impose immédiatement une distance avec le livre que nous sommes en train de lire. Vampirella va évidemment clôturer la scène avec une arrivée fracassante. A partir de ce moment, rien ne sera réel, le plaisir direct est le seul mot d’ordre.
Les dessins d’Amanda Conner peuvent sembler quelconques, mais ils sont ceux qui correspondent le mieux à ces histoires. J’y ai vu un peu de Andréas parfois (qui doit être inconnu de cette auteure), mais surtout, il n’y a aucun effet de genre, tout est direct et dynamique. Les planches n’ont que très peu de cases et tout y est condensé pour que le mouvement soit permanent, et, si possible, présentant de girondes guerrières. Conner réussit à donner vie à des personnages improbables, composant un nouveau dynamique duo calqué sur Batman et Robin, mais cette fois totalement féminin.
Louis Small Jr a beaucoup plus de mal à nous passionner, ses perspectives étant approximatives et ses anatomies dérangeantes. Seules comptent ici les formes pulpeuses, au détriment de l’action. Le combat sans pitié de nonnes chasseuses de vampires dans un souterrain gigantesque méritait d’être mieux mis en scène. Par exemple, plutôt que de se contenter d’une case pour planter le décor comme Conner, Louis Small Jr en perd trois pour nous montrer Vampirella prendre une douche ou tomber dans une mare de sang. Au lieu de concentrer le récit sur une scène de combat, on a droit à des corps féminins qui posent pour Playboy censés combattre ou tomber sous les balles de leurs agresseurs.
Une scène de torture, chez Conner, se résume en quelques cases, en prenant soin de donner plusieurs perspectives. Dans Holy War, la même scène dure des pages, se perd en considération inutiles et fait la part belle aux formes de Vampirella, parfois sur une double page qui aimerait être un centerfold plus qu’un dessin recherché. La narration s’en ressent, et toute la sympathie que nous avions pour ces personnages improbables fait place à l’agacement et à l’ennui. La complaisance dans des flots d’hémoglobine côtoyant des créatures de rêve devient racoleur. Tout ce qu’évite Conner avec son découpage dynamique, sa concision et son sens du détail qui lui font dire énormément en peu de place.
L’histoire courte de Millar est très anecdotique et semble n’être écrite que pour afficher un harem de vampires femelles, celui d’un grand ancien inspiré de Hugh Hefner, et ne présente pas un grand intérêt, y compris pour le dessin, où le décor est souvent un fond gris et le trait trop anguleux. Par contre, celle de Morrison est intéressante. Encore une fois, le découpage de la première planche (six cases identiques présentant une porte ouverte sur une salle vide) intrigue, surtout que le texte ne pose qu’une question : « Tu m’aimes ? ».
Quant au dessin, il est très précis et rappelle le trait de Frank Frazetta, qui était le co-créateur de Vampirella. La réponse à ce « Tu m’aimes ? » est un peu ce que tout le monde recherche, et en tant que grande soeur indestructible, Vampirella est le personnage de tous les fantasmes mais aussi la guide du passage à l’âge adulte, comme la créature de rêve de Weird Science : une présence rassurante.
Morrrison, Millar, des femmes à moitié à poil (ou moitié habillées) voilà à peu près tout ce que je déteste empaqueté façon tout en un !
Millar : Kickass 3 me dira si je jette définitivement ce scénariste très irrégulier qui confirme par ton commentaire une attitude vaguement sexiste et méprisante envers les femmes…
Morrison : lui, je veux bien le reconnaître comme un grand. Mais son oeuvre, son style et sa narration délirante ne me parlent pas. J’aime bien We3
Vampirella : ce genre de truc semi érotique racoleur ne m’a jamais intéressé. Peut être parce que pendant l’adolescence je cohabitais avec mon petit frère dans la même chambre…
En tout cas ton commentaire est très instructif et touche au but car il me permet de me faire une idée précise des raisons pour lesquelles je n’acheterai jamais ce truc.
J’apprécie bcp Amanda Conner dont j’avais adoré le travail sur The Pro. Voici un truc vulgaire, sex, mais Ennis est un maître du dialogue, et a souvent une vraie histoire à raconter derrière les oripeaux de la provoc’.
Et il a toujours eu un versant féministe qui me parle ( ça, c’est un grand débat avec Présence ). D’ailleurs attention à ton titre, il pourrait te demander des droits d’auteur !
Superbe commentaire, j’aurais fait moins bien car je n’apprécie pas les collaborations Millar & Morrison. Du coup je prends le titre comme un hommage plutôt immérité.
En particulier je serais resté au premier niveau de lecture et je me serais ennuyé de bout en bout. Du coup, je suis admiratif de ton analyse ci-dessous.
On entre de plain-pied avec une référence directe au genre et impose immédiatement une distance avec le livre que nous sommes en train de lire.
Merci beaucoup ! Ce commentaire est une forme d’hommage à la précision désormais légendaire des chroniques de Présence, et collait bien avec mon appréciation du personnage de Vampirella, qui est un lien entre les comics des pré-adolescents et ados avec le monde adulte, l’angoisse de notre rapport au sexe et des premières expériences en ce domaine.
Ne connaissant pas du tout Vampirella, et devenant un fan de Morrison, j’y ai vu l’occasion de voir un peu de ce personnage, qui a été tellement repris. Et la bonne surprise est d’avoir découvert une très bonne dessinatrice, Amanda Conner.
Pour le féminisme de Ennis, je n’en ai aucune idée, par contre c’est sans doute une part importante de Morrison, qui adore donner le beau rôle aux rejetés (les handicapés de Doom Patrol, les animaux de We3, les losers de The Filth, un travesti dans The Invisibles…). Et puis j’adore les personnages féminins forts, comme Buffy, Dark Angel, Lara Croft (le premier jeu vidéo de longue haleine que j’ai fini).
Vampirella ne m’à personnellement jamais inspiré…bah en vue de ce que je lit ici cela va encore perduré pendant longtemps.
Merci pour la chronique instructive.
Merci pour les liens ! Ca peut être intéressant, cette réédition… Mais de toute façon, par votre faute, je suis en plein Garth Ennis : Preacher tome 2, Hellblazer tome 2. Et là je suis en pleine lecture du Sandman 6…